Il ne faudrait pas que l'analyse
économique nous fasse perdre de vue une autre composante du problème:
la connexion civil/militaire.
Cette partir de l'argumentaire est généralement masquée officiellement. Et pourtant, dès que le voile est soulevé, on s'aperçoit que pour des options aussi importantes que «retraitement/non-retraitement», «surgénérateur», etc., les facteurs économiques peuvent devenir secondaires. Le problème, aussi bien aux USA, certainement en URSS, qu'en France, est le besoin accru de plutonium pour satisfaire aux exigeances du programme de construction des nouvelles générations d'armes et maintenant, en plus, des bombes à neutrons. A ce sujet, il semble bien qu'un tir expérimental de bombe à neutrons ait eu lieu fin mai ou début juin à Moruroa. Un grand nombre de bombes existantes sont à l'uranium 235. La miniaturisation conduit à les remplacer par des armes au plutonium. Quant aux bombes à neutrons, outre qu'elles vont nécessiter du deutérium et du tritium, elles doivent avoir un détonateur au plutonium. |
Premier exemple: le retraitement
Depuis longtemps, nous dénonçons le risque de prolifération que fait courir le retraitement. Les premières déclarations rassurantes sur la qualité impropre aux usages militaires du Pu extrait des réacteurs à eau légère, avaient été contredites par une expérimentation (rendue publique, celle-là) faite par l'AEC américain, montrant que moyennant des précautions techniques on pouvait faire fonctionner une bombe au plutonium contenant en quantité notable des isotopes de masse plus élevée que 239, c'est-à-dire les plutonium 240 et 241. La situation s'est précisée, à l'automne dernier, lorsqu'a été «déclassifié» le témoignage de Charles Gilbert (Acting Deputy Assistant Secretary for Nuclear Materials) de la DOE (Department of Energy - USA) devant un sous-comité du «House Armed Services Comittee», effectué en mars 1981. Il est difficile aux autorités françaises de jouer les innocentes: le compte rendu de novembre 1981 de l'Attaché nucléaire à l'ambassade de France à Washington en faisait longuement état. p.27
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De quoi s'agit-il? Le titre d'un article de la revue Science (vol. 214, 16 oct. 1981 - 307) est très précis: A laser isotope separation process could make plutonium from spent fuel suitable for bomb production Une méthode de séparation isotopique pour laser pourrait rendre utilisable, pour la production de bombes, le plutonium provenant des combustibles irradiés». Voici de larges extraits de l'article de Colin Norman: (...) Quelque 70 tonnes de plutonium sont contenues dans les assemblages de combustibles provenant des réacteurs de puissance. Elles sont actuellement stockées dans les piscines des réacteurs, attendant soit d'être retraitées, soit d'être stockées définitivement... Parlant à la rencontre du Energy Research Advisory Board le 3 septembre (1981), Edwards a dit qu'il aimerait que le combustible soit retraité. (suite)
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suite: p.28
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Mais en France, me direz-vous? Les recherches sur la séparation isotopique par laser semblent, depuis quelques années, s'être évanouies dans un flou artistique. Il est vrai que nous avons une autre voie que nous allons analyser plus loin. Mais avant de quitter le sujet de la séparation isotopique, vous avez sûrement remarqué que le Laboratoire de Livermore avait d'abord mis au point le procédé de séparation de l'uranium 235. Il est vrai, qu'il est plus facile de séparer 235 de 238 (écart de 3 pour 235) que 235 de 240 (écart de 1 pour 239). Les Américains parlent en tonnes de Pu à retraiter, d'où le coût des installations.
(suite)
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suite:
Mais réfléchissons un peu. Une étape d'enrichissement permet, si les masses des isotopes sont peu séparées, d'obtenir des rapports de concentration allant de 3 à 15 suivant la sophistication de l'installation (ce qui est colossal par rapport à la diffusion gazeuse). En quatre à cinq passages vous pouvez obtenir de l'uranium 235 de qualité militaire. Quant aux quantités, avec un laser de 100 watts (petite installation), vous pourrez produire de l'ordre de 50 kg/an. Enfin la bombe pour tous dans un délai de quatre à cinq ans. Le pied !! A partir d'uranium naturel, la bombe à la portée de Monaco sans trop grever le bilan de la société des bains de mer! Deuxième exemple:
p.29
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Energies, 24.4.82
(suite)
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suite:
1. ABRAHAM C. et THOMAS L. Microéconomie, décisions
optimales dans l'entreprise et dans la nation. Dunod, 1966.
p.30
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