La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°48/49
LA FACE CACHEE DE L'INFORMATION
5. DE LA FALSIFICATION DE RESULTATS SCIENTIFIQUES


     En 1979 est paru dans le «Memento sur l'énergie» publié par le CEA, un tableau de risques comparés des différentes sources d'énergie, tableau provenant du rapport «Risk of energy production» AECB 1119 (1978).
Commissariat à l'Energie Atomique
Département des Programmes.










Mémento sur l'énergie.
 
 
 
 
 
 
 
 

1979

     Les résultats contenus dans ce tableau (fig. ci-contre) sont surprenants. Le nucléaire y est paré de toutes les vertus. En comparant les pertes d'hommes x jours (soit l'indisponibilité d'un homme pendant un jour) par MW x an d'énergie produite, on constate que toutes les énergies (à l'exception du gaz naturel pour la production d'électricité) sont plus dangereuses que le nucléaire. Il est plus que surprenant de constater que le chauffage solaire des locaux, sans appoint, conduit à environ une perte de 100 h x jours par MW/an alors que le nucléaire ne contribue à l'hécatombe que pour 1,9 à 10,1 h x jours!

suite:
Risques comparés de différentes sources d'énergie*
 
Travailleurs
Public
Total
hydroélectricité
22,8 - 34,5
16,6 - 12,4
30,4 - 46,9
charbon
18 - 73
20 - 2012
38 - 2085
pétrole
2 - 18
9 - 1920
11 - 1938
nucléaire
1,7 - 8,7
0,2 - 1,4
1,9 - 10,1
gaz naturel (pour la production d'électricité)
1,1 - 5,9
**
1,1 - 5,9
énergie thermique des mers
22 - 30
0,8 - 1,4
23,8 - 31,4
énergie éolienne (19% appoint charbon)
214 - 282
22 - 539
236 - 821
chauffage solaire des locaux
92 - 103
4,6 - 9,5
96,6 - 112,5
électricité thermo-solaire (19% appoint charbon)
63 - 103
9 - 510
72 - 616
électricité PV
(19% charbon)
142 - 188
10 - 511
152 - 699
méthanol
268 - 617
0,1 - 0,4
268 - 617
* Les risques sont évalués en perte d'hommes xjours (indisponiblité d'un homme pendant un jour) par MW x an d'énergie produite, en prenant en compte la totalité du contenu énergétique da la filière dans l'état actuel de la technologie.
En outre, pour les énergies nouvelles nécessitant une source d'appoint classique, les risques inférents à cet apprort, supposé assuré par le chabon, sont pris en compte
** Les données statistiques sont insuffisantes pour une évaluation correcte.
Source: Risk of energy production AECB 1119 (1978)
p.13

      Cette étude bien alléchante pour ceux qui veulent convaincre à tout prix, a fait l'objet de plusieurs publications de la part de son auteur Mr. Inhaber, travaillant pour le compte du «Atomic Energy Control Board» canadien. Si l'article publié dans le Bulletin de l'ACEA (vol. 21 n°1) n'avait guère eu d'échos, par contre celui publié dans Science (vol. 43, pA8, 23 févr. 1979) entraînait dans la même revue un démenti cinglant dès mai 1979 (vol. 204, p. 564).
      Querelle d'experts, pensez-vous. Mais non, car ce démenti provenait de scientifiques du Energy and Resources Group de l'Université de Californie à Berkeley, MM. Holdren, Smith et Morris qui s'indignaient de l'usage fait de leurs travaux. Car Inhaber après avoir prévenu que «pour éviter des biais dans l'estimation des risques de santé pour le public provenant du nucléaire, il avait utilisé pour une partie de ses données de base, des valeurs provenant des travaux d'un critique du nucléaire bien connu... » (Holdren en l'occurrence).
     Le rapport utilisé était «Evaluation of Conventional Power Systems» Report ERG 75-5 Berkeley July 1975.
     La lettre de protestation publiée dans le numéro 204 de Science montre toutes les manipulations et démontre les erreurs.
     Nous ne résistons pas au plaisir de vous en donner un passage où les auteurs se défendent. 
     A report we coauthored (2) is indeed the source of a number of AECB 1119's citations, but Inhaber has both misrepresented and misused our results.
     We are not the only ones thus abused. Comparison of AECB 1119 with its references reveals instance after instance where Inhaber misread his sources or propagated errors. As we shall show here, in fact, Inhaber's report is a morass of mistakes, including double counting, highly selective use (and misuse) of data, untenable assumptions, inconsistencies in the treatment of different technologies, and conceptual confusions. Several statements in the Science article about how the numbers in the underlying report were derived, moreover, are misleading or wrong. When the effect of the major errors and inconsistencies in AECB 1119 are removed, the Science article's conclusions change drastically: the difference between coal's health hazards and those of nuclear power shrinks, and the calculated hazards of the renewables fall to near or below those of nuclear.
     Pour ceux d'entre nous qui sont fâchés avec l'étranger dans le texte, en voici la traduction:
     «Un rapport que nous avons cosigné est en effet la source d'un certain nombre de citations du rapport AECB 1119, mais Inhaber a, à la fois, dénaturé et falsifié nos résultats.
     Nous ne sommes pas les seuls à avoir été abusés. La comparaison de AECB 1119 avec ses références montre, cas par cas, où Inhaber interprète mal ses sources et où il propage des erreurs.
     Ainsi qu'on va le voir ici, en fait, le rapport Inhaber est un monceau d'erreurs, incluant des doubles comptages, une utilisation hautement sélective (et erronée) des sources, des assertions insoutenables, des inconsistances dans le traitement des diverses technologies et des confusions de concepts.
     Plusieurs affirmations de l'article de Science, à propos de la façon dont les valeurs sont obtenues dans le rapport mentionné sont, de plus, trompeuses ou fausses. Quand les effets des erreurs principales et des inconsistances sont éliminés dans le rapport AECB 1119, les conclusions de l'article de Science changent brutalement: l'écart entre les dangers pour la santé provenant du charbon et ceux provenant de l'énergie nucléaire se réduit, et les risques calculés pour les énergies renouvelables retombent au même niveau ou inférieur à celui du nucléaire».
suite:
      Il est à remarquer que nos officiels français ont toujours utilisé les «résultats» manipulés par Inhaber afin d'argumenter. Nous n'avons jamais vu de leur part un rectificatif dans le Memento de l'énergie.
    L'AIEA, plus gênée a publié un article qui laisse encore planer des doutes (vol. 22 n°2/6):

RISQUES INHERENTS AUX DIFFERENTES SOURCES D'ENERGIE

     L'analyse de Inhaber, et cela n'est pas surprenant, a fait l'objet de critiques sévères en particulier de la part de Holdren (27,28), de ses collaborateurs et d'autres auteurs (29). En dehors de nombreuses erreurs mathématiques et d'imperfections conceptuelles (types et quantités de matières utilisées, méthodes de contrôle appliquées, polluants émis et caractère incomplet des cycles de combustible des énergies existantes par rapport aux cycles des nouvelles technologies, etc,), les valeurs supérieures de la fourchette caractérisant les risques de santé calculés pour les systèmes d'énergies renouvelables étaient imputables pour l'essentiel au choix du cycle du charbon comme système d'appoint. Il serait préférable de considérer, dans un premier temps, que les sources renouvelables d'énergie ne sont pas destinées à assurer la charge de base, mais plutôt à servir par intermittence de moyen d'économie propre à réduire une partie de la demande d'électricité satisfaite à présent par les combustibles fossiles, grâce au captage de l'énergie éolienne et solaire, chaque fois que cela est possible, dans des centrales de taille moyenne. Dans ce cas, il n'est plus nécessaire de prévoir d'énergie d'appoint ou de moyens de stockage. Le risque net de production d'énergie à partir de systèmes non classiques devient alors la différence entre le risque lié à la construction et à l'exploitation de systèmes d'énergie renouvelables et les risques plus élevés liés à l'approvisionnement et à la combustion des quantités de combustibles fossiles que l'on épargne effectivement en remplaçant ces combustibles par des sources d'énergie renouvelables.
     L'étude et le réexamen par Holdren des données définies par Inhaber réduisent dans une proportion de 6 à 50 environ les risques professionnels de toutes les nouvelles technologies et dans une proportion de 9 à 900 environ les risques de santé auxquels est exposé le public (28) (tableau 10). Les techniques classiques existantes produisent donc plus d'effets dangereux que les techniques nouvelles, ce qui constitue une conclusion inverse de celle à laquelle est parvenu Inhaber. Une difficulté subsiste néanmoins dans ce type de comparaison: le caractère incomplet des analyses des cycles de combustibles existants par rapport à ceux des technologies nouvelles. La division BEAD de Brookhaven a entrepris de telles comparaisons en mettant au point des méthodes d'évaluation des dommages pour la santé auxquels peuvent donner lieu les sources d'énergie renouvelables. 

AIEA BULLETIN. VOL. 22, n°5/6
     Voici les nombres de journées perdues pour les travailleurs et pour les populations par MW et par an, ceci pour les différentes sources d'énergies comparées. De plus, nous avons porté côte à côte les valeurs trouvées par Inhaber et celles provenant des calculs de Holdren sur la base des mêmes données.
     Il est symptomatique de constater que les sources non conventionnelles avaient été lourdement pénalisées mais que par contre le nucléaire sortait allégé de l'épreuve.
     Si le tableau des résultats des calculs «bricolés» de Inhaber a disparu depuis des mementos sur l'énergie du CEA, il n'y a jamais eu de démenti. De temps à autre, nous entendons encore les porte-paroles officiels faire une mention du rapport AECB 1119 ou à la méthode de calcul d'Inhaber. N'est-ce pas ce qu'ils appellent (et en cela les nouveaux valent les anciens, quand ce ne sont pas les mêmes) la désinformation?
p.14

JOURNEES PERDUES¨POUR LES TRAVAILLEURS / MW x an
 
JOURNEES PERDUES¨POUR LES POPULATIONS / MW x an
p.15

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