La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°50/51
ANNEXE: coût du kWh

(Nota: la version "papier" indique KW/h, ce qui est évidemment faux!...)


CALCUL DU COUT DU kWh

     Le calcul du coût du kWh est une opération complexe dont les principaux paramètres sont:
     - le coût d'investissement du kWh, en principe connu;
     - la durée de vie de l'équipement an général estimée;
     - la durée de fonctionnement année par année: c'est une durée prévisible, difficile à prévoir longtemps à l'avance et qui comporte une composante aléatoire non négligeable;
     - le coût des charges fixes annuelles;
     - les coûts proportionnels du combustible, essentiellement le combustible.
     Tous les papiers EDF traitant de ce problème sont incomplets: certaines données sont omises (volontairement?) et les façons de calculer ne sont pas explicitées. Pour notre part, nous nous référons aux «coûts de référence EDF» (document interne à diffusion extérieure interdite!) de 1979, ne disposant pas de ceux de 1980.

1. Coefficient d'actualisation
     Il est évident que 1 F (en monnaie constante) dépensé maintenant n'est pas égal à 1 F dépensé dans «n» années (frais financiers à ne pas payer). Pour tenir compte de ce fait, on estime que 1 F dépensé l'année «n» revient à:

1/(1 + a) n-1 F ou 1/(1 + a) n-0,5
dépensé l'année 1.
     a est le «coefficient d'actualisation».
     Dans les calculs, on utilise la notion de durée actualisée d'utilisation égale à la somme sur la durée de vie de hn/(1 + a) n-0,5
     hn étant la durée d'utilisation, année n.
     Pour l'instant a = 0,09 (ou 9%), fixé par le gouvernement (plan ?) et on note:
A = N/S
n = 1/1(1 + a) n-0,5
     N étant l'année de vie d'un équipement - voir discussion au § 7 (discussion)
     Voir Gazette 46/47 (numérisation plannifiée avant fin 2006) pour les explications du calcul de A.
suite:
2. Durée d'utilisation des équipements
- Centrale 1300 MW PWR:
· Hypothèse N1 (EDF) 8.200 h par an en moyenne (4.400h an 1, 5.300h an 2 et 6.200h, années 4 à 21).
N = 21 ans et A = 9,726
     On a alors:
· durée actualisée d'utilisation: 56.900h
· durée moyenne actualisée d'utilisation: 56.900 / 9,726 = 5.850h.

· Hypothèse N2: variante; il se trouve que l'hypothèse de 6.200 h est optimiste et qu'il fallait peut-être la réviser en baisse. En prenant par exemple 5.200 h par an, les chiffres deviennent 49.600 h et
5.100h.

- Centrale au charbon 600 MW
· Hypothèse Cl (EDF) utilisation maximale 6.700 h. Hypothèses réelles variant de 5.100 à 30.900 h années 1 à 7, puis 3.500 h jusqu'à l'année 30 !!
     On a alors:

N = 30ans et A = 10,78

     Dans ces conditions:
· durée actualisée d'utilisation: 44.200h
· durée moyenne d'utilisation: 4.100h.

· Hypothèse C2: variante supposant que la centrale est utilisée en base, soit 4.650 à 6.000 h années 1 à 3, 6.700 h années 4 à 19, 6.000 et 5.500 h années 20 et 21, et 5.000 h années 22 à 30.
     On a alors:
· durée actualisée d'utilisation: 65.852 h
· durée moyenne d'utilisation: 6.110 h.
 
 

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3. Coûts d'investimments
     - PWR 1300 MW: 3.770 F/kW (y compris 330 F/kW pour combustible)
     - charbon: 4 fois 600 MW: 2.950 F/kW.
     Le coût en c/kWh s'obtient en multipliant ces prix par 100 et en divisant par la durée actualisée d'utilisation.
     On obtient alors:
centrales PWR charbon
hypothèses N1 N2 C1 C2
prix c/kWh 6.63 7.60 6.67 4.48

4. Charges fixes annuelles
· Hypothèse N3 (EDF):
     - PWR 4x1300 MW: 120,5 F/kW
     - Charbon 4x 600MW: 122,4 F/kW

· Hypothèse N4 (variante)
     Les prix laissent à penser que la charge par kW est la même dans les deux types de centrales... Or l'on sait que les frais de personnel dans 4 x 1300 MW seront sans doute supérieurs à deux fois ceux d'une 4 x 600 MW, et que les frais d'entretien seront aussi plus élevés.
     Nous définissons cette hypothèse par des prix de 30% supérieurs à ceux annoncés par EDF pour le PWR, soit un prix de charges fixes PWR de 156,7 F/kW.
     On obtient le coût en C/kWh comme ci-dessus, soit:

centrales PWR charbon
hypothèses N1 N2 C1 C2
hypothèses N3 N4 N3 N4 - -
c/kWh 2.06 2.68 2.36 3.07 2.99 2.00

5. Charges proportionnelles:
     Elles sont données directement en c/kWh:

PWR charbon
hors combustible 0.09 0.10
inclu combustible 3.28 11.05
total 3.37 11.15

6. Synthèse
     En prenant les différents chiffres ci-dessus, on obtient le tableau de synthèse suivant:

centrales PWR charbon
hypothèses N1 N2 C1 C2
  N3 N4 N3 N4 - -
investissement 6.63 6.63 7.60 7.60 6.67 4.48
charges fixes 2.06 2.68 2.31 3.07 2.99 2.00
charges prop. 3.37 3.37 3.37 3.37 11.15 11.15
total c/kWh 12.06 12.68 13.33 14.04 20.81 17.63
suite:
     On constate sur ces exemples de calculs que les hypothèses retenues par EDF correspondent à un coût de kWh nucléeire qui est le plus faible et à un coût de kWh charbon qui est le plus élevé...

7. Discussion
     Ces calculs, appelés «calculs de coins de table» ne peuvent qu'appréhender les coûts: une façon d'être plus précis serait de faire fonctionner certains modèles d'EDF... et de rendre publics les résultats, les hypothèses et les méthodes.
     En effet, un certain nombre de phénomènes ne sont pas pris en compte dans ces calculs, comme le montrent les remarques suivantes:
     1) Un kW installé nucléaire et un kW installé charbon ne donnent pes la même qualité de service, ils ne sont pas comparables.
     Ainsi, le nucléaire doit être arrêté pour rechargement chaque année, la date de cet arrêt étant fonction du niveau du combustible restant dans le réacteur et dépend donc des pannes. Les hypothèses actuelles des EEG* donnent un arrêt moyen de 9% de PWR en hiver.
     De même, si le nucléaire n'est utilisé que x heures <6.700 (charbon), la qualité de service est différente et en moyenne, pendant les heures chargées d'hiver, on peut attendre une puissance garantie moindre pour le PWR que pour le charbon, de l'ordre de x/6.700.
     Une façon maximaliste de rétablir l'équilibre est de dire qu'il faut installer une puissance PWR multipliée par 6.700/x avec un minimum de 1,09 (entretien d'hiver), mais nous sommes conscients que la seule façon de régler ce problème proprement serait d'utiliser certains modèles (comme le MNI des EEG par exemple). A titre d'information nous donnons le tableau suivant avec les charges multipliées par 1,09 pour l'hypothèse N1 et par 1,29 pour l'hypothèse N2:

centrales PWR charbon
hypothèses N1 N2 C1 C2
  N3 N4 N3 N4 - -
investissement 7.2 7.2 9.8 9.8 6.7 4.5
charges fixes 2.35 2.9 3.0 3.9 3.0 2.0
charges prop. 3.4 3.4 3.4 3.4 11.1 11.1
total c/kWh 12.9 13.5 16.2 17.1 20.8 17.6

* EEG: ce sont les «Etudes Economiques Générales» d'EDF, c'est-à-dire le service où se prépare - pour ne pas dire «se décide» - la politique d'EGF.
     2) Il ne faut pas oublier que le taux d'actualisation de 9% n'est pas neutre pour les conclusions que l'on désire obtenir... Il s'agit d'un problème difficile car il a de nombreuses répercussions, dans des sens antagonistes, sur les différents aspects de la structure des coûts. Il n'est donc pas possible de trancher sur cette question mais on est en droit de s'interroger sur le bien-fondé du taux retenu - même s'il est imposé par le ministère des Finances et non par EDF - et, en tout état de cause, on aimerait bien que les résultats correspondant à diverses variantes soient présentés publiquement.

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     3) Le prix du démantèlement au bout de 25 à 30 ans, prévu en francs actuels à 1% de 3.440 F/kW, n'est pas inclus dans les prix!!! mais est ridiculement bas.
     En tablant sur un prix de démantèlement raisonnable de 30 à 35% du prix d'investissement (sauf erreur, des prix de démantèlement égaux aux prix d'investissement ont été avancés...), il faut majorer le prix du kWh de 3% encore... et si l'on considère 4% d'actualisation comme plus raisonnable c'est de l'ordre de 10%...

8. Conclusions

     Cette note ne prétend pas donner le «vrai coût» de l'énergie nucléaire; cela est impossible dans l'état actuel de nos informations, et nécessiterait un grand nombre de précisions supplémentaires: elle a pour seul but de montrer que le calcul du coût du kWh n'est pas aussi simple qu'on peut le penser et que, surtout, il dépend d'hypothèses généralement mal définies, non définies, ou tout simplement omises... Les conséquences des choix, les raisons de certaines hypothèses sont également passées sous silence.
     Si l'on regarde ainsi les papiers EDF, on ne retrouve jamais les prix «charbon» donnés ici, car EDF les calcule en supposant que la centrale charbon fonctionnera comme une centrale PWR: 6.200 h par an en moyenne sur 21 ans !... En ironisant, on pourrait dire qu'on tient compte sans doute ainsi d'arrêts pour rechargement (de quoi ?) en hiver...

     On peut citer, pour terminer, l'avis sur cette question que portent par exemple les pouvoirs publics belges: le 31/12/80 un «groupe d'experts de l'exécutif Wallon», dans le cadre du «Bureau du Plan», publiait une note intitulée: «Première analyse des éléments économiques et énergétiques du dossier français qui tendent à justifier la construction, à Chooz, de quatre centrales nucléaires PWR de 1300 MW chacune». 

suite:
     On y trouve notamment le paragraphe suivant, qui se passe de commentaires:
     «Coût des investissements en centrales nucléaires et coût du kWh produit par celles-ci (voir «notice» pp. 9 bis et 10).
     Le coût d'investissement mentionné pour une centrale nucléaire paraît étonnamment bas:
2.800 FF/kW au 1.1.1978.
     Si on compare avec les coûts en Belgique - tels qu'ils peuvent être connus - les différences sont considérables et paraissent difficilement explicables:
     - pour une centrale LWR de 1.300MW:
31.560 FB/kW en 1978,
     - pour une centrale LWR de 1000MW:
34.998 FB/kW en 1978,
     ce qui, au taux de change de 7 FB/FF, correspond respectivement à des investissements de 4.500 et 5.000 FF/kW.
     Il en résulte que le prix de revient du kWh à la sortie des centrales serait beaucoup plus faible en France: 10,21 cF/kWh, soit 71,5 cB/kWh, alors qu'en Belgique les prix de revient correspondants seraient de 1,13 FB/kWh pour une centrale de 1000 MW, en 1980. Le coût correspondant serait de 1,045 FB/kWh pour une centrale au charbon de 300 MW alors que le document français mentionne un coût de 14,39 cF/kWh (=1,01 FB) pour une centrale au charbon de 600MW.
     On peut donc s'interroger sur les raisons pour lesquelles le coût d'investissement en centrales nucléaires serait de 61 à 78% plus élevé en Belgique qu'en France et le prix de revient du kWh d'origine nucléaire de 57% plus élévé en Belgique. Les chiffres français, relatifs au nucléaire ne seraient-ils pas fortement sous-évalués, alors que les coûts pour les centrales au charbon sont du même ordre de grandeur dans les deux pays?»
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