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N°61
NUCLEAIRE, quand tu nous tiens...

Le barrage «Aube» et les inondations.
Une protection ou une utopie
 

(L.F. GSIEN Ile de France)

     Jamais la construction d'un barrage n'avait donné lieu à de telles discussions.
     «Le barrage nous protégera contre les inondations, disaient les uns. Nous en avons assez de vivre sous leur menace, il faut le construire. D'autres criaient: ce barrage ne sera jamais qu'une réserve d'eau nécessaire au fonctionnement des réacteurs nucléaires de Nogent s/Seine. Halte au nucléaire, il ne faut pas ajouter une pollution atomique aux dangers des inondations. Devant être plein à la fin de l'hiver, il ne pourra participer à l'écrêtement des crues de printemps
     Avant de départager les deux clans, il faut savoir que le barrage Aube fait partie d'un ensemble de travaux destinés à lutter contre les crues et à améliorer en quantité et qualité l'approvisionnement en eau de Paris et de sa région.
     L'intérêt de cet ouvrage ne peut être discuté hors de l'ensemble des barrages réservoirs du bassin de la Seine.

Historique

     Depuis fort longtemps les habitants de Paris et de sa région ont été préoccupés par les inondations du fleuve qui dévastent leurs maisons, emportant les ponts et faisant de nombreuses victimes.
     Bien que les inondations n'aient guère été répertoriées que depuis la crue de 1658, les annales ont gardé la mémoire d'une crue particulièrement désastreuse en 584 sous le règne de Childebert le Mérovingien.
     La protection contre ce fléau n'a fait l'objet d'aucune étude sérieuse avant le développement de Paris et sa région.

     Jusqu'au début du siècle, pour lutter contre les inondations, on fit appel à des travaux locaux de défense, cherchant à améliorer l'évacuation du flux: construction de digues, de parapets, approfondissement du lit des rivières, suppression d'obstacles en modifiant les ponts et en réduisant le nombre de piles.
     A la suite de la crue de 1910, les idées émises cinquante ans plus tôt par MM. Poirée et Belgrand devaient être prises en considération. Il s'agissait de retenir dans de vastes bassins ou cuvettes artificielles une grande part du flux de la crue et de relâcher ces eaux, une fois la crue passée.
     Mais la tension internationale et la guerre de 14-18 empêchèrent la réalisation et il ne fut effectué qu'un programme limité de défenses locales.
     Une nouvelle crue en 1924 éprouva cruellement la banlieue parisienne, alors que les travaux déjà achevés limitaient les dégâts dans Paris.
     C'est alors qu'une commission d'étude préconisa un plan comportant en priorité la réalisation de 4 barrages pour emmagasiner l'eau, écrêter les crues, produire de l'électricité et contribuer à l'alimentation en eau. Le Conseil Général de la Seine soutenait ce programme et l'approuvait en juillet 1925.

Premières réalisations

    Les quatre barrages prévus dans une première tranche étaient:

1. Le barrage de Crescent.
2. Le barrage du Bois de Chaumeçon.

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     Le premier sur la Cure et le second sur un affluent de la Cure. Tous deux devaient agir sur les crues de l'Yonne. Ces deux ouvrages étaient déjà programmés par la Compagnie hydroélectrique de la Cure pour produire de l'électricité, mais le département de la Seine, moyennant une participation financière, obtint, grâce à une augmentation de la capacité de ces barrages, le droit de disposer d'une réserve d'eau de 24 millions de m3 pour la régulation du débit.
     Le barrage de Crescent a une capacité de 14.650.000 m3 pour une hauteur de 32 m.
     Le barrage du «Bois de Chaumeçon» a une capacité de 19.250.000 m3.
     Ces barrages ont été mis en service respectivement en 1931 et 1934. Ils fournissent 65 millions de KWh par an.

3. Le barrage-réservoir de Champaubart aux Bois sur le Blaise, affluent de la Marne.
     Capacité: 23.500.000 m3, mise en service 1938.
     A la suite d'une extension du programme, ce barrage a été intégré au barrage «Marne» en 1974. Ce barrage, dont la retenue est assurée par des digues en terre d'une hauteur maximale de 14 m, est le prototype des grands barrages-réservoirs.

4. Le barrage-réservoir de Pannesière-Chaumard. Ce barrage, aménagé sur l'Yonne, commencé en 1938, n'a été achevé qu'en 1950.
     Capacité: 82.500.000 m3.
     Équipé d'une usine hydroélectrique, il produit 14 millions de KWh/an.
     Les barrages de cette première tranche n'ont qu'une capacité totale de 140 millions de m3 et ne contrôlent que 1.100 km2 de bassin versant. Ils ne peuvent donc avoir qu'une action assez faible tant sur les crues que sur l'approvisionnement en eau aux périodes sèches.

Second Programme
     La seconde partie du programme, plusieurs fois retouchée et modifiée pour tenir compte de l'évolution de la région parisienne, de ses besoins en eau et des enseignements de la crue de 1955, a débouché sur la nécessité de réaliser d'urgence deux barrages-réservoirs: celui de Seine et celui de Marne.
     Pour avoir des barrages-réservoirs efficaces, il faut qu'ils contrôlent de grands bassins versants et qu'ils soient situés sur des terrains imperméables. La zone humide de la Champagne au sous-sol argileux répond à ces impératifs.
     Le barrage Seine contrôle le bassin versant de la Seine en amont de Troyes, le barrage Marne contrôle le bassin versant de la Marne en amont de Saint-Dizier.

2. Barrage Seine
     Capacité : 205 millions de m3. Commencé en 1960, il a été mis en service en 1966. Situé près de Troyes dans le parc naturel de la forêt d'Oriart. Etabli en dérivation sur la Seine, il a nécessité 6 km de digues en terre - hauteur maximale 25 m -. Il est alimenté par un canal de 12 km. Il est capable d'un débit de 180 m3/sec.
     Le canal de restitution à la Seine est constitué de deux tronçons qui font 24 km en tout.
     Une usine hydroélectrique permet de tirer partie de l'énergie disponible.
     Il existe un plan d'eau de 2.300 ha équipé pour le sport nautique et le tourisme.

     Exploitation du barrage: ce réservoir a une double influence sur le régime de la Seine:
     a) en période d'étiage d'été: il peut fournir en moyenne 1,65 millions de m3 d'eau par jour pour améliorer les ressources en eau des riverains ainsi que sa qualité,

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     b) en période de crue: le réservoir permet de prélever en Seine les 2/3 du débit maximum connu à la prise d'eau, soit 180 m3/sec. et d'agir efficacement sur l'écrêtement des crues. Troyes est pratiquement à l'abri des inondations et à Paris, avec une crue identique à celle de 1955, la hauteur des eaux serait réduite de 0,50 mètres.

2. Barrage-réservoir Marne
     Situé en Champagne humide, à l'ouest de Saint-Dizier.
     Mise en service en 1974. Capacité: 350 millions de m3. Cet ouvrage englobe le réservoir de Champaubert aux Bois qui avait été mis en service en 1938.
     Il est établi en dérivation sur la Marne. Le canal d'amenée de 12 km est capable de dériver 375 m3/sec., soit les 2/3 de la crue de 1955 à St Dizier.
     Un second canal d'amenée existe à partir de la Blaise, il a une capacité de 33 m3/sec.
     Le bassin versant contrôlé s'étend sur 2.900 km2. Les digues de retenue sont en terre, d'une hauteur maximale de 20 m, longues de 19 km. La surface du plan d'eau est 4.800 ha.
     La restitution des eaux se fait par trois canaux:
     - restitution principale vers la Marne capable de débiter 50 m3/sec. en exploitation normale,
     - restitution secondaire vers la Droye, capacité 3 m3/sec.
     - ancienne restitution du barrage de Champaubert. Capacité: 15 m3/sec. sur la Blaise.
     Il n'y a aucun équipement hydroélectrique, mais un projet existe pour équiper la restitution principale.

     Sport et tourisme: pour éviter les inconvénients dus aux variations de niveau, il a été créé, au moyen de digues submersibles, deux bassins d'une surface totale de 435 ha, constamment disponibles pour le sport et le tourisme. En cas de nécessité, cette retenue d'eau peut être destockée.
     Exploitation du barrage-réservoir:
     - pendant les étiages d'été, le réservoir peut renvoyer au fleuve en moyenne 2,6 millions de m3 par jour pour assurer aux riverains une alimentation en eau de qualité convenable,
     - lors des crues d'hiver, le barrage-réservoir permet de prélever en Marne les 2/3 du débit maximum à Saint Dizier, soit environ 350 m3 /sec.

Résultats obtenus
     Les barrages-réservoirs actuellement en service sont :
     - le réservoir du Crescent,
     - le réservoir de Chaumeçon,
     - le réservoir de Pannesière-Chaumard.
     Situés dans le Morvan, ils agissent sur l'Yonne avec une capacité de 100 millions de m3.
     - le réservoir Seine, capacité 205 millions de m3,
     - le réservoir Marne, capacité 350 millions de m3.

     En période de crue, une grande part du débit des rivières est dérivée et entreposée dans les barrages-réservoirs. Pour une crue semblable à celle de 1955, ils permettent de réduire de 0,70 m la hauteur de la crue. Le résultat est extrêmement important si on tient compte qu'aucun écrêtement de crue n'est encore réalisé sur l'Aube.

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     Actuellement, le barrage Aube est en cours de réalisation, sa mise en eau est prévue pour 1988.

Barrage Aube
     L'utilité d'un barrage-réservoir sur l'Aube ressortait des études faites dès 1950, confortée par les inondations de 1955. En 1974, la décision de construire le barrage Aube était prise par l'institution des barrages-réservoirs du bassin de la Seine. En 1981, a eu lieu la construction d'une digue expérimentale, mais ce n'est qu'en 1983 que les travaux ont commencé. Pendant ce délai qui semble très long, il a été procédé aux études, aux enquêtes d'instruction, à l'examen par le comité technique des barrages, à l'enquête d'utilité publique, à l'enquête pour la défense contre les eaux, à l'étude d'impact...
     Sans compter la mise au point du plan de financement: le coût de cet ouvrage est partagé entre l'agence financière du bassin Seine-Normandie, établissement public régional, l'institution interdépartementale du barrage-réservoir et Electricité de France. La participation d'EDF est justifiée par l'absolue nécessité des besoins en eau des réacteurs nucléaires prévus à Nogent s/Seine...

1. Caractéristiques générales du barrage Aube
     Ce barrage, situé en Champagne humide, à l'est de Troyes, est constitué de deux bassins:
     - le bassin Amance à l'est,
     - le bassin Auzon-Temple à l'ouest (petit affluent de l'Aube).
     Ils ont une surface totale de 2.500 ha, une capacité de 175 millions de m3 avec un remplissage à la cote 138 (exceptionnellement on atteint 187 millions de m3 à la cote 138,50).
     Ces bassins sont fermés par des digues en terre de 22,50 m au maximum. Ils sont reliés par un canal de jonction de 1,5 km. L'alimentation est assurée par un barrage en rivière, une prise d'eau équipée de vannes, un canal d'amenée à écoulement gravitaire de 5.500 m. Le tout conçu pour un débit maximum de 135 m3 /sec., soit les 2/3 de la crue maximale connue. Les ouvrages de restitution installés sur le bassin (Auzon-Temple) comprennent: une borne de prise d'eau avec vannes, un canal de 3 250 m débouchant dans l'Aube.
     Cette restitution est capable d'un débit de 35 m3/sec. qui peut être porté à 150 m3/sec. en vidange sécurité.
     La restitution du bassin «Amance», prévue pour un débit de 10 m3/sec., sera équipée d'une usine hydroélectrique.

2. Mode d'exploitation du barrage
     En principe, début novembre, le barrage est presque vide. Le remplissage commencera alors. Ce remplissage est conduit graduellement afin de conserver tout au long de l'hiver et jusqu'au début du printemps une capacité disponible pour l'écrêtement d'une crue.
     Le règlement fixe pour chaque mois le niveau de remplissage. Ce niveau sera dépassé si une crue survient. Mais la crue passée, on reviendra au niveau prévu par une restitution à la rivière. Le plein du réservoir ne sera atteint que le 1er juillet. Au cas où l'hiver et le printemps auraient été particulièrement secs, le barrage ne serait que partiellement rempli. A partir du début juillet commencent les lachures de soutien d'étiage, qui se prolongeront jusqu'au début novembre. L'obligation de soutenir les étiages d'été et d'automne semble s'opposer à l'écrêtement des crues.

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Mais en fait, l'importance et la fréquence des crues vont en décroissant de l'hiver au printemps et dans la période la plus dangereuse on dispose de la plus grande capacité d'écrêtement.
     La période de printemps nécessite une attention particulière. La priorité est donnée au remplissage en vue du soutien d'étiage, mais l'étude des statistiques de crues montre que les crues de printemps sont moins fortes et mieux écrêtées que celles d'hiver. De plus, sur tous les barrages, on conserve une «tranche exceptionnelle», soit une capacité supplémentaire de remplissage pour pouvoir écrêter une eau tardive.
     Le règlement fixe également pour les différentes périodes de l'année les débits de référence, c'est-à-dire le débit du fleuve à duquel il faut procéder soit au remplissage du bassin en période de crue, soit au délestage pour soutenir l'étiage.

Conclusion

     La construction du barrage «Aube» n'aurait probablement pas été possible si l'EDF n'avait un impératif besoin d'eau pour ses centrales. Mais il faut reconnaître que l'ensemble des barrages-réservoirs du bassin de la Seine a déjà un résultat bénéfique et appréciable tant sur l'approvisionnement en eau que sur la limitation des crues.
     Lorsque le barrage Aube sera en service, ces effets seront nettement améliorés puisque, pour une crue semblable à celle de 1955, la hauteur des eaux à Paris sera réduite de 1,50 m.
     Il est dommage que ces avantages soient accompagnés de pollution causées par les centrales nucléaires, pollution thermique, chimique et radioactive. Bien que la pollution radioactive soit constituée de faibles doses, il n'est pas prouvé qu'il n'y ait aucun risque pour la population.
     Et l'on ne peut que regretter que notre société n'ait pas su se limiter à la création de l'ensemble des barrages du bassin de la Seine sans y ajouter un risque technologique majeur dû à l'implantation de réacteurs nucléaires à Nogent.

Les tranches nucléaires de Nogent
     Si l'on ne peut nier les avantages des barrages réservoirs, il est clair que l'implantation de tranches nucléaires à Nogent ne va pas sans risque.
     On ne peut cacher la réalité, de grandes agglomérations, de vastes zones sont sous la menace de contamination, d'évacuation. Or les populations concernées se comptent par dizaines ou centaines de milliers. Il y a des risques technologiques majeurs qui intéressent la région et son avenir. Si une catastrophe se produisait, il ne faudrait pas invoquer un miracle pour y parer.
     Il ne s'agit pas de créer la peur, ni de céder au chantage «Taisez-vous, vous allez déclencher la panique», mais il y a des situations où l'exigence de la connaissance est impérieuse. En effet, deux obstacles doivent être détruits:
     - la volonté d'ignorer d'une part,
     - le renoncement à agir d'autre part.
     Le renoncement apparaît dans notre société où la valeur suprême est l'économie. Entre une usine et l'avenir d'une région, on garde l'usine. La société fait montre d'une irresponsabilité stupéfiante dans ses choix de développement.
     L'implantation des tranches nucléaires à Nogent, en amont de Paris, est une installation à risque technologique majeur. Même en fonctionnement normal, les centrales nucléaires nécessitent de l'eau en grande quantité et rejettent des effluents gazeux et liquides créant une pollution.

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Besoins en eau. Rejets thermiques
     Le refroidissement de la centrale est assuré par un réfrigérant humide qui évacue la chaleur dans l'atmosphère sous forme de vapeur d'eau. Pour un ensemble de 2 tranches de 1.300 MWe, le refroidissement nécessite un prélèvement à la rivière de 4,5 m3/sec., dont 1,5 m3/sec. est rejeté sous forme de vapeur et 3 m3 /sec., rejetés après avoir été réchauffés à 18°, seront entreposés quelque temps dans un bassin pour subir un premier refroidissement avant d'être renvoyé à la Seine. A ce moment, le réchauffement de ces 3 m3 /sec. sera encore de 7°.

Rejets physico-chimiques. Traitement des eaux
     Une partie de l'eau du circuit de refroidissement des condenseurs est dissipée en vapeur. Il faut donc compenser cette perte par un apport d'eau et agir contre la concentration en sels minéraux pour éviter un entartrage des circuits.
     Le traitement des eaux se fait par addition d'acide sulfurique qui transforme les carbonates en sulfates solubles. De plus, pour éviter des salissures organiques dans les réfrigérants et condenseurs, on procède à un traitement des eaux par addition d'hypochlorite de sodium. Pour un ensemble de 2 tranches, ces traitements produisent:
     - 100 kg par jour de matières qui étaient en suspension dans l'eau,
     - 1 400 kg par jour de carbonate de calcium,
     - 100 kg par jour de chlorure ferrique.
     Ces déchets sont rejetés à la Seine. Toutefois, il est prévu que les boues provenant des stations de déminéralisation soient traitées sur le site et à l'avenir ne soient plus rejetées au fleuve.

Eléments radioactifs
     Les produits radioactifs proviennent des réactions de fission dans le combustible, de l'activation de l'eau du circuit primaire, de l'activation de l'air de refroidissement du puits de cuve. Des barrières existent pour retenir ces produits dans le milieu où ils se forment, ce sont le gainage du combustible, le circuit primaire, le bâtiment réacteur. Mais ces barrières ne sont pas parfaitement étanches: fissures de gaines, fuites dans les circuits primaires...
     Des systèmes de traitement sont prévus pour séparer les produits contaminants de la phase contaminée, pour les concentrer afin d'obtenir des déchets solides qui seront évacués hors du site. Il subsiste des effluents liquides et gazeux. Les effluents liquides sont stockés dans un réservoir pour y subir une décroissance avant d'être rejetés à la rivière.
     Pour un ensemble de 2 tranches, l'activité des effluents radioactifs pour lesquels il y a autorisation de rejeter est: 43 Ci/an pour les halogènes et autres produits solides, 3.700 Ci/an pour le tritium.
     Des arrêtés fixent les conditions à respecter pour le rejet de ces effluents dans la rivière:
     1. l'activité volumique de ces rejets ne doit pas dépasser 20 picocuries par litre,
     2. le rejet de ces effluents est interdit:
     a)  en période d'étiage lorsque le débit du fleuve est insuffisant,
     b) en période de crue lorsque le fleuve est sorti de son lit, ceci pour éviter que les terres de cultures ou les zones urbaines inondées ne soient contaminées.
     Pour respecter ces conditions, EDF doit disposer d'un très grand débit d'eau.

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Risques et dangers
     En fonctionnement normal, la centrale nucléaire crée une certaine pollution:
     - pollution thermique par le rejet d'eau chaude à la rivière,
     - pollution par le rejet de boue et effluents chimiques,
     - pollution par le rejet d'effluents radioactifs.
     Le troisième point est le plus inquiétant car il n'est pas prouvé que ces rejets, bien que de faible débit de dose, soient sans danger pour les populations.
     En fonctionnement accidentel, si des incidents se produisent: rupture de gaines, fuite dans le circuit primaire ou entre le circuit primaire et le circuit secondaire, la quantité de produits radioactifs peut être considérablement augmentée. Arrêterait-on une centrale ou procéderait-on à un rejet massif dans la Seine?
     Un accident peut aussi survenir aux bassins de stockage des effluents radioactifs (débordement, fissure, destruction par attentat). Ceci provoquerait un déversement massif à la rivière.
     Acccident majeur: pour préserver la nappe phréatique d'infiltration de produits radioactifs, un radier a été prévu sous l'ensemble de la centrale. Tout a été prévu pour qu'un accident majeur ne se produise pas, pour que la probabilité en soit la plus faible possible. Ceci n'en exclut pourtant pas la possibilité.
     Si un tel accident survenait - fusion du cœur - avec destruction du radier protecteur, il y aurait contamination de la nappe phréatique qui serait condamnée pour des millénaires.
     Il s'agit bien d'un risque technologique majeur, devant lequel notre société ferme les yeux et préfère céder au vertige de la production d'électricité, oubliant que l'on peut interdire toute une région.

Risques d'accidents
     Plusieurs types d'accidents et incidents peuvent être envisagés. Le plus grave, la fusion du cœur, nous intéresse dans la mesure où il y a perte de confinement. Là, deux hypothèses d'école:
     - rupture de l'enceinte de confinement et rejet atmosphérique se déposant en partie sur la rivière (contamination immédiate) et sur le bassin versant (contamination différée, liée au lessivage des terrains et retour à la rivière);
     - fusion du cœur, passant à travers le radier de la centrale et se piégeant à quelque profondeur dans le sol. Vraisemblablement cela conduirait à un relâchement gazeux d'une bulle de gaz sous pression et on est ramené au problème précédent avec des quantités relâchées (et déposées) beaucoup plus faibles. Par contre, il y aurait un passage lent dans la nappe phréatique par dissolution du cœur. Cette fois, il faut avoir à l'esprit que la vitesse d'écoulement de la nappe est très lente et que pour venir jusqu'à nous les temps de trajet se comptent en millénaires.
     Passons maintenant aux accidents ou incidents en allant du plus méchant au plus "anodin".
     Par exemple, un avion militaire, ou même de l'aviation générale, un de ceux contre la chute desquels le bâtiment réacteur est protégé, s'offre comme cible la piscine de désactivation, bâtiment non super-protégé et calculé pour ce genre de risque.
     Vous pouvez y avoir jusqu'à 2 cœurs (si ce n'est plus en densifiant la piscine pour pallier le retard de retraitement). Évidemment, le 1er tiers y est depuis 6 ans. Les produits à vie courte ont disparu, mais tous les gêneurs de période 20 à 30 ans sont encore là, sans parler des «longues vies».

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     Vous imaginez le ravage et ce qui va dégouliner à la Seine. Les autres incidents du genre vidange inopinée d'un bac de désactivation d'effluents liquides font penser, à côté, à un pipi de chat. Cette fois, nous avons une quantité notable à la rivière, qui va se propager comme un front de pollution avec une traînée s'étendant dans le temps.
     Le problème majeur que nous voyons apparaître est celui de l'alimentation en eau de la région parisienne.
     L'Agence financière du Bassin Seine Normandie a la lourde responsabilité de la gestion des ressources en eau destinées à alimenter les 10 millions d'habitants de la région parisienne. Il est légitime qu'elle fasse tout ce qui est en son pouvoir pour maintenir la qualité de l'eau d'une part, mais aussi, d'autre part, pour que les 10 millions d'habitants gardent confiance en cette qualité.
     Imaginez, ou essayez d'imaginer, ce qui se passerait si, à la suite d'un incident à la centrale de Nogent-sur-Seine, une rumeur se propageait donnant à penser que l'eau du robinet non seulement n'est plus potable, mais en plus est impropre à toute utilisation. Combien auriez-vous de morts??  Vous n'alimentez pas en eau en bouteille 10 millions d'habitants du jour au lendemain...
     Cela serait du même style que si dans une salle de cinéma comble vous criez au feu, pour voir seulement! Il est donc indispensable que ces services aient les moyens de contrôler eux-mêmes la potabilité de l'eau afin de pouvoir, le cas échéant, jouer sur les ressources en s'approvisionnant sur la Marne plutôt que sur la Seine. Ne vous dites pas que le SCPRI du professeur Pellerin est là. Grâce à l'incessante action de son directeur, pronucléaire acharné, doué d'une inépuisable réserve de mépris pour tout ce qui n'est pas SCPRI, le seul service officiel dépendant du ministère de la Santé, chargé de la protection contre les rayonnements ionisants, a perdu sa crédibilité auprès des populations.
     En cas d'accident, il faut viser à la plus grande efficacité. Il faut donc changer les méthodes qui consistent à en référer à l'échelon centralisé. La prise en charge de l'accident doit être régionale de façon à être insérée dans les structures locales et pour tenir compte non seulement des moyens, mais surtout des personnes disponibles sur place. Leur connaissance du terrain est indispensable à une bonne prise en compte des réalités.
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     Le SCPRI a sa compétence propre, il peut servir de conseiller, il n'a pas à chapeauter les intervenants sur le terrain. Le grave problème actuel, c'est qu'avec des intentions qui relèvent d'un souci de protection, on en arrive dans tous les cas à obérer la vérité par souci de ne pas nuire au nucléaire ou à toute industrie polluante. Il y a une méconnaissance dramatique des véritables réactions d'une population: rassurer à tout prix dans tous les cas conduit les populations à ne plus jamais croire ce qu'on leur dit et à réagir par la panique à une situation de crise. De plus, à force de cacher la vérité, on ne sait plus informer réellement. C'est donc un cercle vicieux et pour le casser il faut éviter de donner à un seul service le leadership. Il faut recueillir l'ensemble des compétences et former un nouvel état-major à chaque fois. Finalement, le bilan actuel de la main mise du SCPRI sur la problématique des accidents, c'est que la présence de Pellerin change un risque technologique majeur en un risque psychologique majeur.

INSTITUTION DEPARTEMENTALE
DES BARRAGES RESERVOIRS
DU BASSIN DE LA SEINE

                                  PLAN D'ENSEMBLE

PLAN D'ENSEMBLE 

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