C'est fait, nous sommes
sauvés les amis: le Journal Officiel a publié dans
sa série à suspense des Textes d'Intérêt
Général, l'arrêté et la circulaire du 10
août 1984 relatifs à la qualité de la conception, de
la construction et de l'exploitation des installations nucléaires
de base (I.N.B.).
Jusqu'à ces textes, tout ce qui a été construit comme réacteur en France était mal conçu, construit de façon approximative et exploité par des gens qui, sans texte réglementaire conduisaient les réacteurs comme des 2CV de 3e main. On s'en doutait bien un peu que ça clochait mais au point qu'il faille cet arrêté signé Edith Cresson pour y remédier, qui l'eut cru?? (Remarquez que ça ne fait que confirmer nos demandes de lois nucléaires fixant des règles.) Il existait pourtant des textes parlant d'assurance qualité, de procédures, de contrôles, de... que sais-je encore. Et puis à la suite de l'histoire des coudes moulés (leur histoire vous sera conté dans une prochaine Gazette) pour lesquels il a fallu 10 ans pour qu'un rigolo du Service Central de Sûreté Nucléaire aille - oh non sûrement pas lui - fasse lire le dossier constructeur contenant les mesures faites à la fabrication où on pouvait voir des cotes hors normes. Vous direz, il faut un certain courage pour extraire des dossiers situés en bas des piles où, pour chaque tranche, s'accumulent les paperasses du contrôle qualité. Il ne devait pas exister de règle pour l'extraction des dossiers, ou plus exactement pour les modalités d'extraction. Remarquez qu'ils ont de la veine d'appartenir à un corps d'état, ils peuvent garder leur job en faisant des travaux importants de ce genre, dans le privé pour d'obscures raisons de rentabilité cela ferait longtemps qu'on les aurait virés. Pour revenir à notre arrêté, qu'à la rigueur vous pouvez vous offrir car il ne coûte que 2F40 au J.O., 26 rue Desaix 75015 Paris (mais autant s'acheter des sucres d'orge car ce fascicule de 30 pages ne tient pas la comparaison qualité-prix avec Trefle-soyeux!), il est assez édifiant à lire et je peux vous assurer que la qualité n'a qu'à bien se tenir - Par exemple l'article 5 commence par cette belle envolée: «L'exploitant constitue et tient à jour un dossier résumant les mesures et moyens prévus pour appliquer le présent arrêté, en particulier il y décrit les principes de la surveillance des prestataires.» Quant à l'article 7: «En particulier, seules des personnes possédant la compétence requise peuvent être affectées à une activité concernée par la qualité.» (suite)
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Diable, c'est quasiment révolutionnaire, car si on l'appliquait aux ministères, on les viderait aux trois quarts. L'article 9 laisse perplexe car il dit que: «Les personnes et organismes chargés des tâches de vérification doivent... être indépendantes des personnes chargées de l'accomplissement de l'activité concernée par la qualité.» Faisons un rêve et appliquons cet article 9 au nœud de vipères que constituent CEA, EDF, SCSIN (Service Central de Sûreté des Installations Nucléaires), Framatome, IPSN (Institut de Protection et Sûreté Nucléaire du CEA) ou bien CEA, COGEMA, ANDRA (Agence Nationale pour la Gestion des Déchets Radioactifs), SCSIN, IPSN. Cela risque d'être fort amusant. Allons, assez ironisé, la France est le premier pays en matière de réglementation: qu'on se le dise... et le premier en matière de dérogations. Nous trouvons alors l'article 18: «Les dérogations aux dispositions du présent arrêté sont accordées par le ministre du redéploiement industriel et du commerce extérieur aux conditions qu'il fixe.»...! J'ai des craintes. Pourvu que personne, un jour, n'interprète «aux conditions qu'il fixe» au sens allemand, c'est-à-dire à celui de Eberhardt von Branchitsch, le fondé de pouvoir du groupe Flick!! Cet arrêté d'une limpide clarté est complété par une circulaire de longueur double qui explique article par article ce que son auteur a essayé de dire. Ce qui permet, si c'est possible, d'épaissir cette obscure clarté qui tombe du Ministère de l'Industrie. Et pendant que nos têtes de "copsars" gambergent, que se passe-t-il dans les centrales? Voici donc «C'est arrivé dans les centrales». Bulletin édifiant car comment les mêmes incidents peuvent-ils se produire plusieurs fois, leur analyse est-elle aussi sous la pile? Et les salles de contrôle, à quand les salles à alarme hiérarchisée, est-ce réservé aux avions? Et les problèmes non solubles car chers, chers en argent mais surtout chers en rem (qui avait dit et répété qu'il faut prendre en compte les retours d'expérience avant la mise en fonctionnement des réacteurs parce que APRES on ne peut plus le faire, vous avez deviné, c'est la Gazette qui a le triomphe modeste...). p.26
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I. C'EST ARRIVÉ
... DANS LES CENTRALES ... PUIS AU GSIEN ... MERCI Quelques extraits de ce petit bulletin interne à EDF: BUGEY 5: 14 avril 1984 (suite)
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De plus, durant les trois minutes passées avec une alimentation électrique très dégradée, les onduleurs qui produisent le 220V de la voie A n'ont pas résisté et leurs fusibles de protection ont fondu. Cette disparition du 220V entraîne de sérieuses perturbations dans les mesures et dans la position des organes de réglage. Ainsi, les vannes de charge du circuit primaire sont ouvertes en grand, la décharge est fermée et l'injection aux joints des pompes primaires est maximale. Contacts pour information:
J. FLUCHEE, (74) 61.04.66 J.M. COGOLUEGNES, (74) 61.04.66 G. COEPELLE, (1) 764.59.75 p.27 |
SAS, ENCORE ET TOUJOURS
CHINON 132 : 21 mai 1984 Une nouvelle inétanchéité d'un sas du bâtiment réacteur s'est produite, tranche en service. Comme plusieurs fois déjà, cet événement résulte du dégonflage malencontreux des joints d'étanchéité. Les modifications décidées après analyse du premir incident survenu à TRICASTIN n'étaient pas encore réalisées (voir «C'est arrivé... dans les centrales» n°1). La sensibilisation qui - a minima - devait résulter des incidents précédents paraît ne pas avoir atteint tout le monde. (suite)
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L'équipe initiatrice du message a terminé sa période de quart et donc elle ne réapparaît plus au cours de l'événement qui va ainsi aller jusqu'à son terme.Contacts pour information: - M, LASEURE (47) 93.21.34 - M. LALLIERE (1) 764.44.80 ERREUR DE TRANCHE A SAINT -LAURENT Dans la nuit du samedi au dimanche 1er juillet 1984, un opérateur a commis une regrettable confusion entre les deux tranches au cours de manœuvres de vannes exécutées localement depuis les tableaux électriques. Persuadé d'être en tranche 1 (à l'arrêt, cœur déchargé), l'opérateur a tenté d'ouvrir les deux vannes de liaison entre le circuit primaire et le circuit de réfrigération à l'arrêt (liaison RCP-RRA). Il était malheureusement en tranche 2, alors en situation d'arrêt à chaud avec une pression primaire normale. La vanne côté primaire s'est ouverte mais la seconde, soumise à une importante différence de pression, a fort heureusement refusé de s'ouvrir; ce qui a évité, in extremis, un incident très sérieux. p.28
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II. LETTRE OUVERTE AU PREMIER MINISTRE
Monsieur le Premier Ministre,
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Le développement du programme nucléaire a conduit à une forte augmentation du nombre des spécialistes à même d'apporter leur appui aux autorités déconcentrées de l'Etat pour le contrôle des rejets radioactifs. Les textes généraux relatifs aux rejets d'effluents laissent la possibilité aux Ministres de se substituer aux Commissaires de la République, quand ils le jugent opportun. Du reste, les lois de Décentralisation, les mesures corrélatives de déconcentration conduisent à envisager de confier au Commissaire de la République la responsabilité d'autoriser les rejets d'effluents radioactifs, quelle que soit leur origine, comme c'est déjà le cas pour les rejets ne provenant pas d'installations nucléaires de base. Il ne semble pas que les rejets provenant d'autres installations soient plus mal contrôlés, ou encore que le risque résultant d'un éventuel contrôle insuffisant soit moindre. Enfin, la loi relative à la réforme des enquêtes publiques de juillet 1983 conduit à très court terme à introduire une enquête publique dans les procédures d'autorisations de rejet, lorsqu'elle n'est pas encore aujourd'hui prévue. Ainsi, les motifs d'ordre technique qui justifiaient le régime dérogatoire ne nous semblent plus exister. Mais ce n'est bien évidemment pas cette seule constatation qui motive notre demande. Le régime juridique actuel d'autorisation des rejets des effluents radioactifs des installations nucléaires de base éloigne les décideurs et les détenteurs d'information de la population concernée. Il conduit à une insuffisante prise en compte des préoccupations locales et à une mauvaise information du public. Participant à de nombreuses commissions locales d'information, les membres de notre Association constatent régulièrement ces insuffisances, et sont prêts à vous fournir une large information sur ce point si vous le souhaitez. Ainsi, il est exceptionnel que les Commissions locales d'information aient connaissance des résultats du suivi de l'Environnement susceptible d'être contaminé par les rejets. Les arrêtés autorisant les rejets sont uniformes dans leur présentation et leur contenu, ne reflétant pas la diversité des situations locales et des préoccupations de la population. Ils n'indiquent jamais les conditions dans lesquelles et en particulier auprès de qui l'information sur les effets des rejets peut être fournie. L'incontestable souci marqué par le Gouvernement depuis trois ans de rapprocher l'Administration du public, et d'améliorer l'information des citoyens semble ne pouvoir être aisément prise en compte dans un domaine particulièrement sensible du fait de la subsistance de textes dépassés et dont les effets négatifs ressortent à l'évidence. Notre association n'est pas opposée par principe à l'énergie nucléaire. Elle a certes déploré les excès de ce développement dont l'actuel gouvernement doit assumer les conséquences. Elle n'a jamais accepté et du reste ne comprend pas que les exploitants des installations nucléaires, comme parfois l'administration, répugnent à fournir largement l'information sur les contrôles effectués et sur leurs résultats. Seule l'information atteste de la réalité du contrôle et étaie le point de vue selon lequel les effets du développement du nucléaire sur l'environnement pourraient être négligeables. Il est vrai qu'une information permanente exige la permanence d'un contrôle de bonne qualité et une constante limitation des effets sur l'environnement. Mais ceci ne peut qu'apporter des garanties à la population et au Gouvernement. Au demeurant, l'exemple des pays voisins montre que ces exigences peuvent être aisément satisfaites. Nous sommes confiants, Monsieur le Premier Ministre, dans la décision que vous allez prendre et vous en savons gré à l'avance. En son attente, nous vous prions d'agréer l'expression de notre considération. p.29
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Ce dossier a eu deux versions successives, la seconde (révision
janvier 84) a dû subir le passage de Pellerin.
Lisez et comparez:
Voilà comment on caviarde
des résultats et comment on peut éviter un bilan global du
Rhône.
C'est ce qu'on peut reprocher aux enquêtes. Elles sont si édulcorées que ce n'est plus un dossier. Vous avez d'ailleurs lu les critiques faites par la commission de la Hague (Gazette N°62/63). Commissions de tous les sites unissez-vous et faites pression pour obtenir les vrais dossiers car les études sont faites et bien faites. Alors pourquoi ces cachotteries inadmissibles: pour ne pas faire d'enquêtes épidémiologiques, pour promouvoir mieux le nucléaire? A notre avis c'est un leurre, la vérité finit toujours par éclater et alors après, on s'étonne que les gens ne fassent plus confiance. Citons pour finir un document du groupe permanent chargé des installations nucléaires autres que les réacteurs nucléaires, ainsi qu'un document présenté au cinquantenaire de la radioactivité artificielle. 1. Questions 1.3 (R 63, page 6)
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Niveaux de contamination de l'environnement
Quelles sont en fait les concentrations, les activités consécutives aux différents types de rejets? D'une façon générale, les radio-éléments présents dans les rejets liquides, notamment le plutonium, le cobalt, à un degré moindre le césium, etc., ont tendance à venir se fixer sur les matières solides, notamment sur les sédiments en suspension dans l'eau. Ceci peut évidemment diminuer les risques de contamination de la faune aquatique, si ce n'est pour les organismes benthiques qui vivent précisément sur ou dans ces sédiments. Ainsi, la présence constante de cobalt-60 (période = 5 ans) en concentrations croissantes vers l'aval dans les sédiments de la Loire fluviale reflète les rejets des centrales nucléaires (fig. 7). Cet élément, de même que le cobalt-58 de plus courte période (71 jours) se rencontre systématiquement dans les effluents des réacteurs PWR. Les rejets des centrales nucléaires contribuent donc à la radioactivité des sédiments fluviaux. La figure 8 montre le même type de contamination consécutive aux rejets de la centrale PWR de Doel située sur le cours de l'Escaut. L'intérêt de cette distribution est de montrer que des radionucléides peuvent être transportés à plus de 150 km du point de rejet par les courants de marée permettant ainsi de délimiter avec précision leur domaine d'influence et fournissant des renseignements précieux sur la dynamique sédimentaire estuarienne. J.M. MARTIN
Extrait de la Conférence du Cinquantenaire de la radioactivité artificielle p.31
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