La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°82/83
SUPERFUITIX


I. SUPERPHENIX


INTRODUCTION

     Voici donc une série de dossier sur Superphénix: tout d'abord l'excellent travail de personnes faisant partie de la commission d'information de Superphénix. Leurs questions sont dans leur ensemble fort pertinentes et judicieuses. Elles ont été posées au niveau des instances et en fait aucune réponse n'a été donnée. Entendons-nous, aucune réponse directe et réelle aux questions. Bien sûr, il a été affirmé péremptoirement que le réacteur pouvait fonctionner sans barillet, que s'il y avait un problème on avait des positions dans le coeur dite de «déverminage»*, etc...
     Cependant après diverses péripéties, le réacteur a été arrêté le 26 mai et pour le moment il le restera. Le dossier que le groupe permanent (groupe d'experts auprès du ministère de l'Industrie) a examiné le 5 novembre n'a pas convaincu, semble-t-il, les autorités de sûreté puisque finalement Superphénix reste à l'arrêt, au moins pour six mois.
     Cet «incident» a cependant révélé pas mal de choses:
     - Superphénix  fonctionnait  (fonctionne)  avec un système de détection de fuites de sodium défectueux.
     - Superphénix a démarré alors même que les installations destinées à l'évacuation, au lavage et au stockage du combustible, n'étaient pas terminées.
     - On a contre toute logique continué à faire fonctionner un prototype en s'acharnant à vouloir démontrer que tout ce qui se passait n'avait aucune incidence sur la sûreté.
     Répétons haut et fort la filière RNR n'est pas maîtrisée, on en est à la phase proto. Donc on ne prend aucun risque: on arrête.
     Soyons clair, il n'y a même pas dans ce cas de problème d'argent. Superphénix, de toute façon, est hors de prix (peut-être est-il moins cher quand il est arrêté!). Mais en faire un étendard du «génie» français comme Concorde ou d'autres gadgets du même type, conduit à des aberrations.
     Nous avons rassemblé plusieurs dossiers. Tout d'abord celui de la Coordination Energie Développement (C.E.D.) de l'Isère. Ils ont fait un travail de compilation des questions tout à fait remarquable. Ces questions ont été transmises à la NERSA, au SCSIN par l'intermédiaire de la Commission locale d'information. Mais jusqu'à ce jour aucun dossier de réponse n'a encore été fourni. Les seules réponses sont celles de MAGNUC (nous les publions car c'est à peu près le dossier remis aux membres du Conseil Supérieur de Sûreté Nucléaire).
     Par contre, depuis mai, et en dépit de fort nombreuses questions (vous avez un exemplaire des dernières posées), il n'y a pas eu de réponse écrite.
     Effectivement le problème n'a pas été traité en question principale, pour le moment, il s'est trouvé en question diverse. La seule information qui laisse à penser que cette fuite au barillet est certainement plus importante que ce qu'on peut sortir des brefs communiqués officiels, est le non redémarrage au réacteur. En effet, EDF et/ou la NERSA ont constitué un dossier pour prouver que le réacteur pouvait se passer de barillet. Ce dossier a été présenté au groupe permanent le 5 novembre. Manifestement, l'étude n'a pas été concluante. Car le réacteur devra attendre.


* Les opérations de déverminage consistent à permuter un assemblage dont les ruptures de gaine sont susceptibles d'évoluer avec un assemblage neuf de la même zone de débit, stocké dans le réacteur.
suite:
     A notre avis, cela signifie simplement que les autorités de Sûreté n'ont pas succombé au charme de la NERSA. Et que nos analyses n'étaient pas si fausses que cela. Après tout, il n'y a pas de honte à admettre qu'il faut refaire un barillet, même si c'est dû à une erreur de conception.
     Nous terminons par une partie du dossier de l'APAG (accès webmaistre), association suisse contre le surgénérateur. Ce sont des genevois et ils sont bien près (70 à 80 km).


A. DOSSIER DE LA C.E.D.

Questions de la C.E.D. posées pour la réunion «à caractère technique» de la Commission Locale d'Information auprès de la centrale de Creys-Malville du 25 novembre 1987

     Ces questions ne sont pas exclusives, d'autres en cours d'étude. Les premières parties des 4 premières questions suivantes ont déjà été posées en C.I. du 15 avril 1987, par lettre du 13 juin 1987, en C.I. du 19 juin, par lettre du 23 juin 1987, par lettre du 5 octobre 1987, en C.I. du 9 octobre 1987.

Question 1:
     La fuite de sodium de la cuve principale du barillet est liée à une défectuosité de cette cuve, soit de sa composition, de sa conception ou des contrôles de qualité. Une erreur et un accident du même type sont donc possibles sur la cuve principale du réacteur lui-même. Quelles sont les similitudes et les différences entre les différents éléments concernés des cuves du barillet et de celles du réacteur?
     Complément: le seul constat de la Direction de la centrale évoqué publiquement est qu'il s'agit de défauts «génériques», de conception et de résistance mécanique des liaisons soudées à la cuve principale du barillet des circuits d'évacuation de puissance résiduelle du barillet. Il nous a été interdit d'accéder aux dossiers concernant entre autres les cuves du réacteur (par exemple les liaisons du platelage, les circuits de refroidissement de la cuve principale du réacteur, les circuits d'évacuation de puissance résiduelle du réacteur...).
     En l'absence de connaissance complète des défauts (à l'heure actuelle plusieurs fissures - 6, 11, 98? - allant de 7 à 460 mm de longueur et des anomalies visualisées sur la structure de la cuve ont été repérées) et de leurs origines, peut-on vraiment assurer que des erreurs de conception, de calculs (résistance, flux, vibrations, températures, chimie...) de choix de matériaux, de réalisation et de contrôles, de tests périodiques et de procédures de détection, d'alarme et de sécurité qui peuvent être à l'origine de ces défauts, ne peuvent pas intervenir sur un autre composant de l'installation et en particulier le réacteur?

p.4

Question 2:
     Les bougies de détection du sodium qui ont donné l'alarme sont des appareils simples, fiables, nombreux et essentiels pour l'installation. La direction dit avoir émis pendant près d'un mois des doutes sur l'alerte qu'elles déclenchaient: soit ces doutes sont réels et il faut impérativement changer ces détecteurs, soit ces doutes portent sur la gestion informatique des alertes, ce qui est très grave, soit il y a rétention de l'information sur l'accident. De toute façon des contradictions importantes apparaissent dans les déclarations de la direction. Qu'en est-il précisément? Quelles dispositions sont prises pour remédier aux erreurs constatées?

Question 3:
     Les consignes du Rapport Provisoire de Sûreté qui ont valeur réglementaire et ont été entérinées par les autorités de sûreté et le gouvernement, imposent l'arrêt d'urgence du réacteur dans le cas précis d'une fuite de sodium de la cuve principale du barillet, fuite classée en «accident hypothétique», dont la probabilité a été estimée au pire à un événement tous les 10.000 ans de fonctionnement. Pourquoi ces impératifs de sûreté n'ont-ils pas été suivis?
     L'accident a débuté le 8 mars 1987. Il n'a été déclaré comme «incident significatif» aux autorités de sûreté que le 3 avril 1987. Les autorités de sûreté n'ont fait savoir que le 24 avril que toutes les opérations engagées à partir de cette date devraient faire l'objet d'une demande d'autorisation avec examen préalable d'un dossier justificatif. Le réacteur n'a été arrêté que le 26 mai 1987. La direction de la centrale, de la NERSA, d'EDF ont déclaré leur volonté de redémarrer la centrale et d'agir dans cette seule orientation.
     Ces retards dans l'information et ces décisions (par exemple le maintien du fonctionnement de la centrale après l'accident sur le barillet) ne sont-elles pas contraires aux règles de sûreté du Rapport Provisoire de Sûreté en vigueur et aux critères scientifiques qui dictent qu'on ne peut garantir un fonctionnement sûr tant qu'on ne connaît pas précisément les origines d'un accident en cours sur un composant important?

Question 4:
     L'arrêt du réacteur est de toute manière impératif car l'origine de cet accident à très faible probabilité n'est pas connue, et tant que l'on n'en connaît pas la nature rien n'indique qu'un accident du même type ne se produise pas également dans le réacteur. Quelles dispositions sont prises pour déterminer les origines de ces défauts et vérifier les éléments similaires du réacteur?

     A ces questions n 'ont été fournies que des réponses dilatoires qu'il n 'a pas été possible de faire préciser du fait de l'absence de documents écrits et plans, et du fait de la nouvelle procédure de fonctionnement annoncée lors de la réunion de la Commission Locale d'Information du 9 octobre 1987.

Question 5:
     Les défauts sur le barillet n'obligent-ils pas à revoir les conditions de sûreté?
     Le Rapport Provisoire de Sûreté déposé pour obtenir l'autorisation de chargement du réacteur comporte des références explicites au barillet de stockage dans de nombreuses procédures de sûreté. 

suite:
D'après les documents en notre possession, ces conditions et ces procédures sont notablement modifiées par la révélation des défauts sur le barillet et par l'absence du barillet. C'est en particulier le cas des 3 conditions essentielles de sûreté que sont:
     - l'arrêt et le maintien en état du coeur du réacteur,
     - le supportage du coeur,
     - le refroidissement du coeur après arrêt.
     Certaines de ces conditions peuvent être mises en doute aujourd'hui, dans quelques mois ou années.
     Les conséquences de l'accident et de l'absence du barillet n'obligent-ils pas entre autres la révision complète:
     - des options de base de la conception de la sûreté, par exemple rien ne permet de dire que les options probabilistes choisies pour ce prototype qui ont donc été démontrées comme fausses dans ce cas, ne soient pas fausses dans d'autres cas encore plus graves?
     - de la règle de base selon laquelle deux événements accidentels ne peuvent survenir simultanément?
     - des règles concernant les accidents de mode commun?
     - des conceptions des contrôles de sûreté à tous les niveaux?
     - des conceptions des détections de fuites, pannes, etc..., des alarmes et des procédures d'arrêt d'urgence (par exemple tant la conception des systèmes de détection et d'alarme, la qualité de leur réalisation, leur fiabilité, leur contrôle...)?
     - les chaînes, les câblages et équipements, les procédures de traitement de l'information?
     - les tests périodiques et les systèmes de vérification des équipements, des appareils de mesure et d'alerte?
     Il nous a été refusé d'accéder aux éléments détaillés des conditions et procédures initiales de sûreté et à celles actuellement envisagées. En règle générale, et afin d'éviter des malentendus, pouvez-vous répondre positivement à notre demande de connaître tous les éléments rectificatifs ou complémentaires au rapport de sûreté dans son édition publique de 1977?

Question 6 (déjà posée par lettre du 23 juin 1987):
     Nous souhaitons disposer:
     - des résultats des tests de détection de rupture de gaines;
     - des caractéristiques des matériaux des différentes cuves et éléments de base du réacteur et du barillet ainsi que du dôme, et des documents les classant en niveaux de sûreté, niveaux de qualité, en catégories de situation, en impératifs fonctionnels et en règles fonctionnelles. En effet le rapport de sûreté n'indique pas tous ces éléments ni les dossiers de déclassement éventuels déposés auprès des Autorités de sûreté. Il est en effet particulièrement regrettable qu'un responsable nous indique des niveaux de qualité ou des caractéristiques de matériaux qui ne figurent pas dans le rapport de sûreté;
     - du dossier de réarrangement du coeur étudié par l'exploitant.

p.5

Question 7:
     D'après les dossiers en notre possession, le fonctionnement de la centrale sans barillet entraîne les modifications notables de fonctionnement suivantes:
     - modification de la configuration du coeur,
     - modification de la durée des cycles du combustible,
     - modification des opérations de chargement-déchargement,
     - modification des tests de mesures et de leurs vérifications,
     - modification des procédures d'arrêt.
     Pouvez-vous nous décrire ces modifications dans leurs implications concernant la sûreté? Quelles sont les possi¬bilités de «déverminage» éventuel?

Question 8:
     Des modifications de fonctionnement ne contraignent-elles pas à des modifications de l'installation-même:
     - modification des équipements, de leurs usages et des procédures de manutention?
     - modification des équipements, de leurs usages et des procédures d'évacuation et de stockage des combustibles (l'utilisation de l'APEC a ainsi été engagée avant-même la fin des travaux)? (APEC: atelier pour l'évacuation du combustible).
     La conception même de la défense en profondeur avec 4 barrières de confinement pour le combustible ne nécessite-t-elle pas une modification de l'installation, en raison des travaux effectués ou à effectuer sur le barillet et des transferts lourds entre intérieur et extérieur du bâtiment-réacteur?

Question 9:
     Quels sont les situations incidentelles et accidentelles ainsi que les risques nouveaux à prendre en compte dans la situation actuelle et dans l'éventualité d'un redémarrage de la centrale? Cette situation ne modifie-t-elle pas les bilans de rejets?

     Questions complémentaires suscitées par les premières localisations des défauts:

Question 10 (complémentaire de la question 1):
     Les efforts mécaniques, contraintes et corrosions subits par la cuve du barillet, même si l'acier est différent de celui de la cuve du réacteur, même si l'épaisseur est plus faible, même si les soudures sont différentes, même si les contrôles sont différents (on nous parle de radiographies à 10% seulement sur le barillet), ont entraîné des fissures alors que les conditions ont été beaucoup moins contraignantes que celles du réacteur. Des soudures existent sur la cuve principale du réacteur dont nous n'avons pas la description (informations inexistantes d'ailleurs également pour le barillet). Elles concernent le platelage, et peut-être d'autres éléments?

Question 11:
     Les défauts survenus sur la cuve principale du barillet ne peuvent-ils pas se produire sur d'autres composants en sodium soumis à des contraintes fortes comme les pompes primaires, les échangeurs intermédiaires, les pompes secondaires, les générateurs de vapeur...?

suite:
Considérants, rappels et remarques:
     Des défauts du barillet de stockage de la centrale, faisant partie du bâtiment réacteur, ont été révélées par une fuite de sodium de la cuve principale du barillet intervenue à partir du 8 mars 1987 jusqu'à la vidange complète du sodium du barillet terminée le 9 septembre 1987.
     L'origine de ces défauts n'est pas connue et ne le sera pas avant janvier 1988, dans le meilleur des cas.
     Le barillet de stockage est inutilisable dans des conditions normales. Il peut, si certaines décisions sont prises fin octobre-début novembre 1987, devenir irrémédiablement inutilisable jusqu'à son changement, soit pour une durée, annoncée par la Direction de la centrale, de 3 à 4 ans.
     La Direction de la centrale est donc contrainte de redémontrer une autre conception de l'installation, de son fonctionnement, de sa sûreté, de ses risques.
     Ces modifications à l'état initial doivent faire l'objet d'une information suivie des élus et représentants d'association.
     Nous n'avons pu avoir accès, malgré nos demandes orales et écrites répétées, aux dossiers qui concernent donc la sécurité des travailleurs de la centrale et des populations.
     Nous souhaitons avoir connaissance des correspondances entre la direction de la Centrale et les autorités de sûreté afin d'être informés correctement de cet accident et des procédures proposées, retenues et suivies.
     Nous souhaitons disposer des dossiers d'information en particulier sur le point «redémarrage de la centrale» à l'ordre du jour initial de la réunion du 9 octobre 1987.
A Grenoble, le 25 octobre 1987
La Coordination Energie Développement de l'Isère, c/o UD-CFDT, Bourse du travail, 32 avenue Général de Gaulle, 38100 Grenoble.


Analyse à partir du Rapport de Sûreté actuellement en vigueur, appelé Rapport provisoire de sûreté

     Cette analyse date de juillet 1987. Nous n'avons pas le temps, ce n'est pas notre travail, d'en faire la synthèse. Elle pose de nombreuses questions sur lesquelles nous n'avons aucune réponse.

AVERTISSEMENT:
     Nous ne sommes pas des experts spécialistes des surgénérateurs.
     Nous ne faisons que poser des questions de bon sens dans le souci de la sécurité des travailleurs de la centrale et des populations.
     Nous ne disposons que de documents partiels et d'informations limitées.
     1. Dans le texte qui suit, les phrases en caractères normaux sont extraites du Rapport de Sûreté, les caractères normaux gras indiquent des phrases soulignées par le rédacteur, celles en italiques sont de notre rédaction.

p.6

     2. Toutes les critiques et compléments d'information et analyses sur les éléments provisoires avancés ici sont évidemment attendues.

Plan
1. Rapport de sûreté
2. Une conception générale et un fonctionnement basés sur l'existence d'un barillet
3. Conception de la sûreté
4. Conception des bâtiments et matériels, Résistance des matériaux
5. Qualité des réalisations
6. Analyse de sûreté, Catégories de situations
7. Manutentions et circuits associés
8. Fuite de la cuve principale du barillet
9. Fuite de la cuve principale du réacteur
10. Les détections de fuite de sodium
11. Coeur du réacteur
12. Variations possibles autour de la configuration nominale
13. Cas particulier du coeur de démarrage
14. Ruptures de gaines
15. Rejets
16. Chargements et déchargements des assemblages
17. Liens entre barillet et réacteur et travaux de réparation du barillet
18. Les essais
19. Les feux de sodium
20. Remarques rapides sur les séismes et autres
21. L'arrêt d'urgence trop lent
22. Zone d'étude des populations concernant les retombées radioactives en cas d'accident
23. Perte en plutonium, Retraitement, usage militaire

1. Rapport de sûreté
     Le rapport de sûreté présenté par la société NE RSA a été nécessaire pour obtenir l'autorisation du premier chargement du combustible nucléaire de la centrale (toujours le seul jusqu'au transfert des éléments du barillet dans le réacteur en juillet 87: ce second chargement et arrangement du coeur n'est donc pas prévu dans ce rapport).
     Il constitue à ce titre le rapport provisoire de sûreté. Ce rapport est appelé à constituer, après modifications et compléments, le rapport définitif de sûreté, dont l'approbation est nécessaire pour la mise en service de l'installation.
     Il a été rédigé en 1977 (?) et il n'existe toujours pas de rapport définitif de sûreté, donc c'est le seul rapport de sûreté existant et ayant valeur légale et réglementaire.
     Le rapport sur lequel nous avons travaillé, édition publique, regroupe l'ensemble des textes du rapport provisoire de sûreté. Cependant des descriptions ont été simplifiées et des précisions supprimées pour respecter le droit de propriété industrielle et éviter certains risques d'actes de malveillance. (p. 2 de l'avant-propos).
     Le chef de la centrale est le responsable de la sûreté de l'installation nucléaire en exploitation (p. 1-7-11).

2. Une conception générale et un fonctionnement basés sur l'existence d'un barillet
Rapport de sûreté, 1-3: Caractéristiques générales
- Principales options techniques.

suite:
     Les installations de manutention des assemblages font partie des installations proprement nucléaires qui sont abritées dans le bâtiment réacteur. (p. I-3-3).
...
     Les installations de manutention et de stockage des assemblages neufs et irradiés sont abritées dans le bâtiment réacteur. (p. II-2-5).
     Le barillet de stockage est situé dans le bâtiment réacteur (p. II-5, 2-13).
...
     Le stockage externe des assemblages appelé barillet de stockage, fait partie de la manutention des assemblages (§ 3.1.1.2.4.) fait partie de la chaudière nucléaire (§ 3.1.1.2.) (p. 1-3-4, 5, 6 et 7).
...
     Parmi les options choisies par continuité avec la centrale Phénix, les opérations de chargement-déchargement se font réacteur à l'arrêt avec pour principale différence l'absence de stockage interne dans le bloc pile sauf pour «déverminage» éventuel (p. I-3-11).
     Sans le barillet il ne sera donc pas possible de faire fonctionner le réacteur puisque le stockage interne dans le coeur n'est pas prévu ni possible, sauf positions de «déverminage» en nombre limité et à usage exceptionnel. Ce sera donc présupposer ce stockage possible lorsqu'il sera nécessaire ou utiliser des positions non prévues pour ce stockage.
     Le bloc pile n'est pas prévu pour servir également de barillet de stockage.

3. Conception de la sûreté
Rapport de sûreté, 1-4: Principes généraux de sûreté.
Le Rapport de Sûreté indique:
     La méthode et les principes relatifs à l'approche de la sûreté sont identiques à ceux des réacteurs à eau légère sous pression et les principaux problèmes à résoudre sont de même nature. Il faut toutefois, dans la pratique, tenir compte des particularités des réacteurs rapides refroidis au sodium par rapport aux réacteurs à eau légère sous pression, notamment du fait que:
     - le coeur n'est pas dans sa configuration la plus réactive,
     - le fluide caloporteur utilisé est du sodium qui présente des inconvénients propres (inflammabilité du sodium liquide au contact de l'air, réactions chimiques vives avec l'eau et le béton) mais aussi des avantages (sodium liquide à la pression atmosphérique, piégeage efficace de certains produits de fission, dont l'iode notamment) (p. I-4.-6).
...
     Les caractéristiques propres aux réacteurs rapides refroi¬dis au sodium de type intégré, particulièrement les gran¬des dimensions, les faibles pressions et épaisseurs et les hautes températures, posent toutefois des problèmes qui nécessitent une adaptation des codes et normes existants (par rapport aux réacteurs à eau légère) (p. III-1.1-2).
...
     Un des deux principes généraux de sûreté est de prévenir les accidents et d'en limiter les conséquences. (p. I-4-3).
...
     La prévention des accidents et la limitation de leurs con¬séquences sont assurées aux trois niveaux suivants:
     - sûreté de la conception
     - sûreté de la réalisation
     - sûreté de l'exploitation (p. 1-4-6).
...

p.7

     L'étude des accidents pouvant avoir des conséquences radiologiques pour la population (et la fuite de sodium du barillet est un accident de ce type) est faite sur des bases parmi lesquelles:
     - deux accidents qui ne résulteraient pas d'un événement unique ne peuvent survenir au même moment.
     Or, en l'absence du barillet (même si situation accidentelle durable) tous les autres accidents doivent donc ne pas pouvoir se produire, ce qui est évidemment impossible.
     - l'hypothèse de fuite de la cuve principale est retenue: celle de la cuve de sécurité qui entoure la cuve principale n'est pas retenue (Il s'agit là du réacteur).
     Or au départ cette cuve de sécurité devait être (même si sa géométrie et son épaisseur sont différentes) du même acier (15 D 3) que celui de la cuve principale du barillet qui fuit.
     L'hypothèse de la fuite de la cuve principale du réacteur doit donc être retenue avec une probabilité complètement différente de celle prévue dans ce rapport.
     L'hypothèse de fuite de la cuve de sécurité du réacteur rejetée dans ce rapport doit être retenue aujourd'hui.
     En outre le système de protection du réacteur suit les prescriptions du critère IEEE 279, en particulier en ce qui concerne l'application du critère de défaillance unique aux dispositifs communs aux systèmes de protection et de contrôle (de quoi?) (p. I-4-8).
     Or ces prescriptions n 'ont pas été appliquées concernant les contrôles de la cuve, et les contrôles effectués par les bougies de détection du sodium intercuve.
     La conception de la défense en profondeur la sûreté des installations est basée sur une défense en profondeur, c'est-à-dire sur les différents moyens intervenant successivement pour éviter la diffusion des substances radioactives, en trois niveaux... (p. I-4-7).
...
     Il y a 3 enceintes pour le barillet et non 4 comme pour le réacteur: la cuve de rétention n 'est pas une enceinte. Ceci constitue une erreur de conception.
     Du fait des travaux engagés sur le barillet, le maintien constant de 3 enceintes ne semble pas être possible.
...
     L'intégrité et l'efficacité des systèmes importants pour la sûreté sont vérifiées, outre la présence d'une instrumentation de surveillance permanente (défaillance dans le cas du barillet!), lors de visites et d'essais périodiques qui permettent de s'assurer:
     - de la continuité et de l'état des composants des circuits électriques
     - de l'intégrité des structures et de l'étanchéité des enceintes et des circuits (pas de visite pour le barillet?)
     - de la disponibilité et des performances en fonctionnement des composants actifs (p. I-4-8).
...
     Le troisième principe relatif à la protection contre les projectiles, les chutes d'objets et les ruptures d'éléments de circuits sous pression est le suivant: l'ordre de grandeur limite de la probabilité d'un dégagement inacceptable de substances radioactives à la limite du site pour chacune des fonctions de sûreté de la tranche définies ci-après est fixé à 10-6 par an et... un ordre de grandeur limite de la probabilité d'occurence de l'événement de 10-7 par an pour chacune des fonctions de sûreté:
     - arrêt du réacteur et évacuation de la puissance résiduelle,
     - stockage du combustible usé,
     - traitement et confinement des effluents radioactifs (p. I-4-9).
suite:
     Or la probabilité d'occurence d'une fuite de la cuve principale du barillet a été fixée entre 10-6 et 10-4 par an, ce qui caractérise l'accident improbable. Or l'accident s'est produit 3 mois après le démarrage on peut donc mettre en cause la méthode probabiliste retenue et tous les calculs de probabilité, et avoir des inquiétudes sur ces probabilités de rejets de substances radioactives.
...
     La protection contre les risques liés au sodium repose sur:
(…)
     - empêcher la sortie du sodium primaire de la cuve principale en situations normales ou accidentelles (absences de tubes plongeants) (p. I-4-11).

4. Conception des bâtiments et matériels, Résistance des matériaux
     La chaudière englobe (entre autres) le bloc réacteur et la chaîne de manutention du combustible... (p. II-1-3).
     Le bâtiment réacteur abrite (entre autres) le bloc pile surmonté de son dôme métallique, la manutention et le stockage des assemblages neufs et irradiés. (p. II-2-5).
     Or la description de son génie civil ne fait aucune distinction entre bloc pile et manutention stockage. Ce qui signifie que les mêmes spécifications ont été retenues pour tout le bâtiment. (p. II-2-5 et 6, 7, 8, 9).
...
     Le bloc réacteur contient le coeur et le circuit primaire de la chaudière. Il est implanté au milieu du bâtiment réacteur, dans le puits réacteur et au-dessus. (p. II-4.1-6).
     La cuve principale, supportée par la dalle, assure le supportage du coeur (assemblages) (p. II-4.1-3), normalement la rétention du sodium primaire et le confinement des produits actifs.
...
     La cuve principale assure également la fonction de supportage des structures internes (p. I-4-15).
...
     La cuve principale du coeur est conçue pour résister aux conséquences d'un accident hypothétique qui libèrerait brutalement une énergie mécanique de 800 MJ... Les aspects liés aux vibrations sont pris en compte pour la cuve principale... (p. I-4-14).
...
     Le stockage principal des assemblages irradiés est assuré dans le barillet de stockage, en dehors du bloc réacteur. Un tel stockage équipe Phénix (p. II-4.1-4).
     La cuve principale du réacteur supporte le coeur, le récupérateur et les structures internes (p. II-4.1-5). Elle assure le supportage et le positionnement du coeur et des structures internes et le confinement des fluides primaires (p. II-4.2-3). Il y a des joints soudés sur la cuve principale (p. II-4.1-7).
     La cuve principale du réacteur supporte donc des contraintes bien supérieures à celles de la cuve principale du barillet, ne serait-ce qu'en poids des structures supportées (sans parler ici des contraintes thermiques, de vibrations, de flux de sodium et de flux neutroniques). Quels sont les joints soudés cités?
     La cuve principale du barillet supporte le sommier, les assemblages et les structures internes.
     La face externe de la cuve principale du barillet a-t-elle été inspectée avant l'accident? (procédure difficile)
...
 

p.8

     Tous les matériaux pouvant être en contact avec le sodium sont en acier inoxydable austénitique (p. II-4.1-7)... apte à résister à une éventuelle corrosion intercristalline. Toutes les soudures de fabrication ont été contrôlées à 100% par ressuage et radiographie  des témoins de production exécutés à l'avancement ont permis de vérifier, par contrôles destructifs, le maintien dans le temps de la qualité des fabrications.
     Chaque sous-ensemble préfabriqué en usine a subi une épreuve hydraulique suivie d'une vérification d'étanchéité par test hélium.
     Après montage, la totalité des circuits a été soumise, après contrôle radiographique des soudures d'assemblages, a un test d'étanchéité global à l'hélium. (p. II-6.5-5).
     Pourquoi ces prescriptions appliquées au circuit d'évacuation de puissance du barillet n'auraient-elles pas été appliquées à la cuve principale du barillet qui participe à cette fonction passivement? Si elles ont été appliquées elles se révèlent donc défaillantes et tous ces contrôles sont à revoir.
     Le dôme est en acier noir, est-il du même type que la cuve principale du barillet? qui serait de l'acier inoxydable 15 D 3 d'après la direction de la centrale.
...
     L'option fondamentale de conception de la cuve principale est sa simplicité de forme... des soudures réalisées bout à bout, ce qui en facilite notamment le contrôle (contrôles de surface et volumique à 100%)... autorise la surveillance en exploitation des soudures par un engin automatisé ou télécommandé cheminant dans l'espace intercuves.
     Le maintien de la cuve à une température de l'ordre de 400°C (des dispositions particulières pour maintenir les températures de la cuve en fonctionnement normal bien en dessous des limites du matériau, conçu pour une température de fonctionnement nominal de 550°C.) élimine tout problème de fluage significatif et de vieillissement durant la vie de la centrale. (p. III-3.3-3).
     La cuve principale est en acier inoxydable austénitique à basse teneur en carbone... qui se comporte de manière très satisfaisante en présence du sodium. Les vitesses de corrosion restent très lentes, même pour des taux d'impuretés assez élevés (p. III-3.3-4).
     Toutes ces certitudes avancées se sont vérifiées fausses dans le cas du barillet donc suspectes pour les éléments du réacteur.

5. Qualité des réalisations
     Pour l'organisation de la qualité de fabrications en usine la chaudière et le barillet sont classés en catégorie I. (p. III-1.3-6).
     Pour la réalisation de la chaudière nucléaire le constructeur principal est NOVATOME-NIRA (mandataire NOVATOME) qui a mis en place un système qualité comprenant aussi bien les études que les fabrications, les montages et les essais, et répondant aux exigences de la NERSA (p. III-1.3-8).
     Tous ces documents sont archivés et conservés pendant 10 ans et les films sont remis au maître d'oeuvre.

suite:
     Le dimensionnement et la réalisation du matériel mécani¬que comporte une analyse de déformation progressive liées à des phénomènes non linéaires, entraînés par la présence de défauts. Dans le cas de Creys-Malville des études détaillées ont été effectuées et elles ont permis d'écarter clairement ces questions (p. III-1.2.8-6).
     Les cuves du réacteur et du barillet ne sont pas parmi les structures pour lesquelles l'admissibilité du dommage de fatigue/fluage a pu être démontrée (p. III-l.2.8.-6 et 7). Les phénomènes non linéaires, entraînés par la présence de défauts, ont fait l'objet de divers essais et études de recherche et développement dans le but de codifier des règles adéquates pour la filière. Dans le cas de Creys-Malville, des études détaillées ont été effectuées et elles ont permis d'écarter clairement ces questions. (concernant les matériels mécaniques de la chaudière) (p. 111-1.2.8-3).
     Il y a eu des essais de comportement en fatigue des joints soudés de la cuve principale (p. 111-1.2.8-7).
     Les matériels sont classés en 4 niveaux de qualité: 1, 2, 3 et QC. En règle générale, les niveaux de qualité sont homogènes pour la conception et pour la réalisation

Acier 304 L (p. III-1.2.8.-4).

     Le bâtiment réacteur-manutention est dimensionné en niveau de qualité QS (niveau le plus élevé) prenant en compte toutes les situations internes et les événements externes (p. III-1.2.6-6).
     Garantir le maintien des fonctions de sûreté.
     Le dimensionnement et la réalisation des matériels est fait en fonction des catégories de situations et des niveaux de qualité (p. 111-1.2.5-1).
     Toutes ces certitudes avancées se sont vérifiées fausses dans le cas du barillet donc suspectes pour les éléments du réacteur (bis).

6. Analyse de sûreté, Catégories de situations
     Compte tenu du caractère de prototype du réacteur on a utilisé la méthode probabiliste comme guide de pensée pour le classement des situations de dimensionnement. Les situations internes de fonctionnement sont rangées en différents types selon leur aspect fonctionnel; à chaque type est associée une plage de valeurs de fréquence moyenne d'apparition de la situation considérée. On définit 5 types de situations internes suivantes:
     - situations normales,
     - situations incidentelles (fréquence d'apparition > 10-2 événement par an).
     - situations accidentelles (10-4 événement par an < fréquence d'apparition < 10-2 événement par an)
     - situations hypothétiques (10-6 événement par an fréquence d'apparition < 10-4 événement par an).
     Ce sont les situations accidentelles hautement improbables, prises toutefois en compte dans le but d'assurer la sécurité des populations.
     - situations hautement hypothétiques (fréquence d'apparition < 10-6 événements par an) (p. III-1.2.4.-3, 4, 5, 6).

p.9

     La fuite de la cuve principale du barillet est classée en situation hypothétique au même titre que la fuite de la cuve principale du bloc réacteur, ou que la fusion de 7 assemblages, c'est-à-dire le nombre maximum d'assemblages fissiles que le récupérateur est supposé capable de recueillir.
     La vidange volontaire partielle du barillet jusqu'aux PNL [PNL = Protections neutroniques latérales] (qui a peut-être eu lieu à partir du 9 avril 1987) est classée en situation incidentelle.
     La baisse volontaire de niveau de sodium jusqu'aux têtes des assemblages (qui a peut-être eu lieu également pour détecter la fuite à partir du 9 avril 1987; d'après là direction de la centrale «le niveau de sodium a été baissé jusqu'à la cote 18.100 c'est-à-dire à environ 1,20 mètre au dessous du niveau nominal, mais les assemblages du barillet ne craignent pas le dénoyage») est classée en situation accidentelle.
     La vidange totale du barillet sans assemblage (qui aura vraisemblablement lieu cet été 1987) est classée en situation accidentelle. (p. III-1.2.4.1-9, 10 et 11).
     Dès le 8 mars 1987, le réacteur aurait dû être arrêté au vu de ce rapport de sûreté.
     Les situations accidentelles (3e catégorie de situation de dimensionnement) nécessitent comme impératifs fonctionnels l'arrêt du réacteur pour la remise en état afin de limiter les conséquences sur la sûreté et la disponibilité. La remise en exploitation de la tranche après vérifications adéquates et réparation des dommages subis.
     Les situations hypothétiques (4e catégorie de situation de dimensionnement) nécessitent comme impératifs fonctionnels: on doit assurer l'arrêt du réacteur et le maintien en état sûr de la tranche pendant et après l'accident. On admet que le redémarrage de la chaudière soit impossible à cause des dommages subis (p. III-1.2.4.1-6).
...
     Les classements effectués concernant qualité, sûreté et situations sont les suivants:
     1. Un classement de sûreté des matériels, systèmes et ouvrages qui résulte de l'identification de l'importance du rôle joué par le matériel du point de vue de la sûreté.
     2. le classement en niveaux de qualité, qui correspond en règle générale au classement de sûreté, peut être modulé en fonction (...) de l'identification de l'importance jouée par le matériel du point de vue de la disponibilité de la tranche et identification des conditions de chargement.
     3. un classement en catégories de situations, catégories de situations résultantes des situations internes de fonctionnement, des événements externes et des combinaisons de ceux-ci.
     4. un classement en impératifs fonctionnels dépendant du rôle dans les catégories de situations.
     5. des règles de conception, dimensionnement et réalisation en fonction du niveau de qualité, de la catégorie de situation, du rôle du matériel. (p. III-1.2.3-3).
 

1. Classes de sûreté
     Classe 1: des matériels qui exercent directement des fonctions dont la défaillance est inacceptable pour la sûreté du réacteur vis-à-vis de la protection des populations.
     Est donc classé en classe 1 le refroidissement de l'assemblage irradié dans le barillet.

suite:
2. Classes de niveaux de qualité:
     Il y a des Critères d'attribution du niveau de qualité (où sont-ils?)
     Pour le matériel de la chaudière de niveau de qualité correspond, en règle générale, à la classe de sûreté dans laquelle il est rangé.
     Rien n'est indiqué pour le barillet.
...
     L'analyse de sûreté par barrières est décrite (p. I- 6-3).

7. Manutentions et circuits associés
     La manutention comprend les constituants du coeur, des couvertures et de la protection neutronique latérale. Leur remplacement est prévu régulièrement ce qui détermine la fréquence des arrêts périodiques de la centrale. (p. 1-4-16).
...
     Les manutentions des mécanismes de barres de contrôle s'effectuent au moyen de hottes qui permettent de transporter les composants vers le puits de lavage oû le sodium et la contamination de surface sont éliminés. (p. I-4-17). Or cette installation ne sera disponible qu 'a la mi-88.
...
     Parmi les principes relatifs à l'exploitation... le réacteur sera arrêté pour le renouvellement du combustible. Ce renouvellement s'opère une fois tous les 14 mois pour un facteur de charge de 0,75 (une moitié des assemblages combustibles). Le combustible usé est provisoirement stocké en sodium dans le barillet de stockage puis dans l'APEC avant d'être transporté vers l'usine de retraitement. (p. I-4-21).

     Rapport de sûreté, volume II, chapitre 5.1:  manutentions et circuits associés.
     La manutention des assemblages se rapporte aux assemblages qui constituent le coeur du réacteur et dont le renouvellement est, pour certains, systématique. (p. 11-5.1-2).
     Il y a donc systématiquement besoin du barillet.

     La manutention des assemblages est relative aux assemblages neufs ou irradiés du coeur:
     - assemblages combustibles
     - assemblages fertiles
     - assemblages absorbants
     - assemblages de PNL et assemblages réflecteurs aciers
     - assemblages spéciaux des dispositifs d'irradiation et de mesure en pile (DIMEP)
     - assemblages guides de neutrons (GDN)
     Les installations de manutention des assemblages assurent les fonctions de transfert, chargement-déchargement, stockage, évacuation, préparation, manutention, ainsi que le changement d'orientation d'un assemblage, le traitement des assemblages DIMEP et le déverminage du coeur.
     Lors d'une campagne de manutention d'assemblages on remplace d'abord les assemblages absorbants prévus au programme de manutention puis les assemblages fertiles et enfin les assemblages combustibles.
     Il est prévu de décharger annuellement la moitié des assemblages fissiles du coeur. Les assemblages fertiles sont déchargés par couronne entière. (p. II-5.2-4)

p.10

     La chaîne d'évacuation des assemblages irradiés comprend les moyens de traitement des assemblages expérimentaux. (p. II-5.2-5)
     Il ne sera plus possible de remplir aucune de ces fonctions.
     Dans toute la chaîne de manutention les pièces pouvant être en contact avec le sodium sont en acier inoxydable austénitique. La partie hors sodium est en acier ferritique. (p. II-5.2-7)
     La conduite des machines est effectuée depuis le PM poste de manutention. (p. II-5.2-7). Ce poste commande aussi bien les manutentions des mécanismes «réacteur» que les manutentions des mécanismes «barillet». (p. II-12-23)
     Ce poste est situé, semble-t-i1, au-dessus du barillet (annexe 18 du document général de référence, édité en mars 1987): ne sera-t-il pas inopérant du fait des travaux sur le barillet?
     Le remplacement d'un assemblage irradié présentant une rupture de gaine, par un assemblage neuf situé dans le stockage de déverminage, s'effectue avec une seule machine de transfert.
     Le stockage des assemblages irradiés assure la conservation des assemblages, leur refroidissement...
     Ce refroidissement est-il possible dans tous les cas, dans le coeur?
     La barillet joue le rôle de plaque tournante de la manutention des assemblages... Il assure le stockage des assemblages irradiés jusqu'à ce que leur puissance résiduelle permette leur évacuation. (p. II-5.2-10)
     Les enceintes contenant du sodium sont conçues pour qu'une fuite éventuelle de sodium soit identifiée.
     Ce qui n'a pas été le cas du 8 mars 87 au 4 avril 87.
     Le déchargement normal des assemblages lors d'une campagne moyenne comprend : 1/2 coeur combustible, les assemblages absorbants, 1 couronne de fertiles.
(p. II-5.2-12)
     Le circuit sodium du barillet est relié par... une tuyauterie de vidange. (p. II-5.2-13)
     Cette tuyauterie était interrompue en mars 1987, elle a dû être rétablie par soudure?
     Le cheminement  des  assemblages  DIMEP  A (p. II-5.2-14) se fait par le barillet.
     Le puits de lavage du sodium restant sur les assemblages ou les équipements n'existe toujours pas. Or il intervient dans de nombreux cas et encore plus avec la réparation du barillet.

8. Fuite de la cuve principale du barillet
     La détection fiable du sodium repose sur:
     - la surveillance par l'opérateur en salle de commande des grandeurs caractéristiques de l'état des circuits ou capacités contenant du sodium,
     - la présence de systèmes spécifiques relatifs d'une part à la détection de fuites de sodium sur les capacités ou circuits concernés... (p. I-4-11)
...
     Les cuves sont instrumentées en mesures de niveau sodium (p. II-5.2-15)
     Des bougies de détection de fuite sodium sont répartis au fond de la cuve de rétention du barillet.
     La pression du circuit azote entre cuves est contrôlée par deux pressostats donnant des alarmes; elle peut être lue sur un manomètre à lecture directe.

suite:
     Ce circuit azote est également équipé d'un rotamètre permettant de contrôler le débit instantané. (p. 11-5.2-16) Des informations anormales en provenance du débitmètre et des pressostats peuvent permettre de détecter une perte d'étanchéité de l'espace entre cuves. (p. 11-5.2-17) Une prise de pression assure la surveillance en exploitation du ciel d'argon.
     Plusieurs sondes mesurent les niveaux de sodium. (p. 11-5.2-17)
...
     La surveillance des niveaux s'effectue au moyen de deux types de sondes remplaçables, des sondes à mesures continues et des sondes à mesures discontinues.
     Le contrôle de la pression du ciel du barillet s'effectue au moyen des informations suivantes:
     - mesure de pression... affichée en salle commande
     - alarme globale en salle commande regroupant tout défaut de pression ciel barillet.
     Le contrôle de la pression extérieure à la cuve se fait par l'intermédiaire du circuit azote entre cuves.
     Deux pressostats permettent de connaître les seuils haute et basse pression ; ils donnent des alarmes en local...
     Le fond de la cuve de rétention est équipé intérieurement de bougies de détection de fuites. En cas de fuite de la cuve principale, le sodium crée un contact déclenchant ainsi une alarme en salle commande.
     Le circuit d'azote entre cuves est équipé sur la ligne d'alimentation en azote d'un débitmètre à seuil donnant une alarme en local. (p. III-3.7-7 et 8)
     Tous ces instruments de mesure, de contrôle et d'alarme ont été défaillants en mars 87. Des dispositifs identiques sur le réacteur sont donc également suspects.
...
     L'activité du sodium du barillet de stockage est normalement due à l'apport de sodium primaire par le pot durant la manutention des assemblages. Elle passe par un maximum dû à l'activité du sodium 24, soit 1,2. 10-5 Ci/g. Après décroissance du sodium 24, le sodium 22 et les produits de corrosion (manganèse 54, cobalt 60, et cobalt 58) deviennent prépondérants. (p. III-5-5)

9. Fuite de la cuve principale du réacteur
     La détection fiable du sodium repose sur:
     - la surveillance par l'opérateur en salle de commande des grandeurs caractéristiques de l'état des circuits ou capacités contenant du sodium,
     - la présence de systèmes spécifiques relatifs d'une part à la détection de fuites de sodium sur les capacités ou circuits concernés... (p. I-4-11)
     La surveillance en service de la cuve principale est assurée par les moyens suivants:
     - une fuite de sodium primaire est détectée par trois bougies de détection implantées au voisinage immédiat du point le plus bas de la cuve principale,
     - l'activité en sortie du circuit azote régnant dans l'espace situé entre la cuve principale et la cuve de sécurité est mesurée par un dispositif de sensibilité adaptée à la détection de fuites de toute nature (sodium et argon) de la cuve principale,
     - l'espace entre la cuve principale et la cuve de sécurité est tel qu'il autorise la circulation d'un véhicule d'inspection entre les deux cuves (p. I-4-14)
     Il y a un signal d'activité de l'espace intercuve.

p.11

     Rapport de sûreté, I-5: stockage, contrôle et évacuation des effluents radioactifs et des déchets solides.
     L'étanchéité de la cuve principale du réacteur, prévue lors de l'élaboration du projet et de la construction, est contrôlée pendant l'exploitation (p. I-5-3)
...
     La distance entre cuve principale et de cuve de sécurité autorise la surveillance en exploitation de la cuve principale au moyen d'un appareil pouvant circuler entre les deux cuves. (p. II-4.1-5)
     Or cet appareil, le MIR, n'est pas opérationnel à ce jour? Des matériels d'observations et des mesures périodiques permettent l'inspection des joints soudés de la cuve principale, l'observation par endoscope des structures hautes de la cuve de sécurité. (p. II-4.1-7)
     Y avait-il le même matériel pour le barillet, sinon pourquoi? Si oui a-t-il été défectueux?
     Dans l'espace entre cuve principale et cuve de sécurité, des bougies de détection de fuite et des détecteurs d'activité permettent de détecter une perte d'étanchéité au niveau de la cuve principale.
     Ce matériel a été défaillant dans le cas de la fuite du barillet.
     Un matériel d'observation et un matériel de contrôle, portés par chariot, peuvent être introduits par les traversées de dalle correspondantes. Ils permettent:
     - un examen périodique par endoscope de la partie haute,
     - un examen par ultrasons de la cuve principale.
...
     La cuve de sécurité est en fonctionnement normal, à une température de l'ordre de 300°C. Ce n'est que dans des situations hypothétiques que des températures plus élevées sont atteintes; celles-ci ne sont maintenues que pendant de courtes durées. (p. II-4.1.1-7)
     Dans le cas d'une fuite de la cuve principale, comme pour le barillet, cette condition ne semble que difficilement remplie, le sodium étant alors à une température de 395°C en régime stationnaire et de 300 à 500°C en régime de changement d'état stationnaire (p. II-4.3-5)
     Une fuite de la cuve principale peut être détectée en permanence au moyen des dispositifs suivants:
     - détection de sodium primaire dans l'espace entre cuves au moyen de bougies de      détection; ces bougies sont remplaçables,
     - détection de fuite d'un fluide primaire (sodium ou argon) dans l'espace entre cuves par mesure d'un signal d'activité élevée en sortie du circuit azote,
     - mesures de niveau du sodium dans la cuve principale; ces mesures sont implantées dans le collecteur chaud, le collecteur froid et le collecteur de refroidissement de la cuve principale (p. II-4.2-5)
     L'ensemble de ces dispositions a fait la preuve de son inefficacité dans le cas de la fuite de la cuve principale du barillet.
     Outre les tests d'étanchéité réalisés à l'avancement sur les soudures, un test global a été effectué, selon une méthode déjà validée, sur les enceintes des réacteurs PWR et sur d'autres réacteurs. (p. II-4.2-6)
     Ce test d'étanchéité est insuffisant dans le cas de la cuve principale du barillet, pourquoi ne le serait-il pas pour celle du réacteur?
...
suite:
     La température de la cuve principale du réacteur n'excède pas 485°Cpour les situations incidentelles. Elle doit être en fonctionnement normal de 400 à 450°C? (p. II-6.2-5 et 6) De toute façon sa température a été durablement plus élevée que celle de la cuve principale du barillet qui a fui. Elle a donc subi des contraintes de températures, mais aussi de flux neutroniques et de frottement fluides bien supérieurs.
...
     La fuite de la cuve principale du réacteur est analysée comme accident de situation hypothétique de 4e catégorie.
     Cet accident est enveloppe pour le même sur le barillet?
     La localisation retenue est la plus défavorable. Une taille de fuite enveloppe a été déterminée de manière conservatrice après une étude mécanique. (p. III-4-6)
     Il serait intéressant de connaître ces données!
     Description de l'accident:
     Cette fuite est détectée aussitôt par l'une des bougies de détection implantées au fond de la cuve de sécurité: les signaux issus de ces bougies donnent lieu à une alarme en salle de commande.
     L'opérateur déclenche l'arrêt rapide du réacteur et réduit ensuite la vitesse des pompes primaires.
     De plus, l'activité due au sodium est détectée par le système de détection d'activité de l'espace entre cuve qui déclenche l'isolement du circuit azote de cet espace.
...
     Pour éviter tout risque d'endommagement du combustible... l'opérateur dispose d'environ dix heures pour effectuer la dépressurisation d'une ou plusieurs cloches d'argon des échangeurs intermédiaires. (p. III-4-6 et 7)

10. Les détections de fuite de sodium
     Outre ce qui a été noté précédemment:
     Au titre des moyens de surveillance, un ensemble de dispositifs de surveillance automatique est prévu, à l'aide de détecteurs spécifiques du sodium, capables de remplir les fonctions suivantes:
     - une détection précoce de fuite
     - une localisation du point de détection
     - le déclenchement d'une alarme en salle de commande et d'une signalisation locale.
     Ces moyens de surveillance sont conçus pour détecter des fuites de sodium de très faible ou de faible importance, ce qui permet une bonne localisation de la fuite à l'aide des moyens locaux de signalisation que comportent ces surveillances... Les moyens de surveillance ont une rapidité de détection (délai ne dépassant généralement pas quelques minutes) et présentent une localisation minimale relativement précise en salle de commande (par système élémentaire et par bâtiment)
     Le système de détection de fuites de sodium constitue une surveillance capable de localiser avec précision les éléments de circuits sodium concernés.

     Le principe de surveillance repose sur les propriétés électriques conductrices du sodium: le sodium suintant ou coulant provoque localement un court-circuit, ou plus précisément une baisse de résistance d'isolement entre un conducteur électrique actif et la masse métallique environnant ce conducteur.

 p.12

     Le système de détection proprement dit est constitué de détecteurs, de coffrets de regroupement permettant la localisation précise, de relais à seuil permettant la détection et la localisation principale et provoquant des alarmes. (p. II-9-35)
...
     Lorsque la fuite éventuelle se trouve être ponctuelle ou bien canalisée, les détecteurs sont des bougies.
     La bougie est un matériel de présentation classique analogue à la bougie d'un véhicule automobile, mais dont les électrodes ont une longueur adaptée à leur mission. La détection s'effectue lorsque la fuite de sodium provoque un court-circuit entre les deux électrodes.
     Une bougie constitue une unité de détection, dont le raccordement par un double conducteur confère au détecteur son caractère intrinsèque: la coupure de la liaison est détectable en permanence. (p. II-9-36)
     Les bougies sur le réacteur sont remplaçables, ont-elles été rapidement remplacées par des bougies vérifiées? (p. I-6-4)
     Il existe de nombreux endroits (cuves, échangeurs, tuyauteries, générateurs, réservoirs, robinets, vannes) où sont installés des détecteurs de fuite de sodium (bougies ou cordons) ayant une fonction de sécurité, de sûreté et d'alarme (arrêt rapide ou d'urgence, lutte contre l'incendie et l'explosion) qui se sont révélés non fiables en mars 87.

11. Coeur du réacteur
     Rapport de sûreté, II-3: Coeur du réacteur
     Le coeur et le réacteur sont conçus de telle sorte qu'un programme de surveillance par déchargements et examens échelonnés d'assemblages combustibles est prévu.
     Il s'agit donc aussi d'un programme de surveillance impossible sans barillet.
     Le coeur est compact naturellement lorsque le réacteur est en puissance. Ce principe reste valable pour un coeur en fin de cycle de combustion.
     On s'impose également que, en situation de manutention, les réserves d'antiréactivité soient suffisantes vis-à-vis d'une erreur consistant à placer un élément combustible à la place d'un absorbant.
     Cette condition sera difficilement remplie avec le nouveau coeur en autarcie.
     L'arrêt d'urgence est assuré par la chute gravitaire de 24 assemblages absorbants insérés dans le réseau du coeur. (p. I-4-12)
...
     Le coeur est composé:
     - d'une région centrale constituée d'assemblages combustibles contenant de l'oxyde mixte d'uranium et de plutonium, 193 en zone 1 interne à enrichissement x1 en plutonium, et 171 en zone 2 externe à enrichissement x2 en plutonium
     - d'une région de couverture, constituée par les assemblages fertiles, contenant de l'oxyde d'uranium appauvri; ces assemblages permettent de rendre le coeur surgénérateur par transformation de noyaux d'U 238 en Pu 239
     - d'une région d'assemblages réflecteurs acier ayant trois fonctions:
· amélioration du bilan neutronique du coeur par réflexion,
· protection des structures périphériques par atténuation du flux neutronique en provenance des zones combustibles,
· cerclage mécanique du coeur

suite:
     - d'une région périphérique, constituée par les assemblages de protection neutronique latérale, protégeant les composants tels que les pompes primaires... contre le flux en provenance des zones combustibles.
     A l'intérieur de ces différentes régions, on trouve d'autres assemblages:
     - les assemblages absorbants, qui sont situés dans la zone combustible; leur rôle est de contrôler le niveau de puissance du réacteur et, quand nécessaire, de le rendre sous-critique,
     - 3 assemblages «guides de neutrons» situés à la limite des zones combustibles externe et fertile; leur rôle est de canaliser le flux vers les chambres de contrôle neutronique situées sous les cuves,
     - un certain nombre d'assemblages spéciaux appelés DIMEP (Dispositifs d'Irradiation et de Mesure en Pile): on classe parmi ceux-ci les assemblages «diluants» qui sont présents dans le coeur de démarrage. (p. II-3-3)
...
     Les assemblages absorbants du système de commande principal (SCP) de commandes permettent de compenser les variations de réactivité dues:
     - aux effets de température et de puissance entraînés par les démarrages, arrêts ou variations de régime de la centrale
     - à l'usure du combustible tout au long du cycle.
     Ils servent également à effectuer le pilotage du réacteur. Ils constituent une réserve d'antiréactivite... en situation incidentelle ou accidentelle (fonction de sécurité).
     L'arrêt d'urgence ramenant la puissance neutronique à une valeur quasi-nulle en quelques secondes par chute gravitaire de tous les absorbants SCP et de tous absorbants du système d'arrêt complémentaire (SAC) (p. II-3-6)
     Leur conception est telle qu'il y ait efficacité neutronique maximale, destinée à limiter le nombre d'assemblages dans le coeur.
     Le faisceau absorbant étant dense, la puissance qui s'y dégage est élevée. Le refroidissement de ces éléments est assuré par une circulation forcée de sodium, qui nécessite de canaliser l'écoulement dans celui-ci dans une structure appelée corps de barre (p. II-3-7)
     Le pied de l'assemblage SCP comporte une double serrure d'interdiction qui interdit de charger un assemblage de commande dans une chandelle du sommier non prévue pour un assemblage absorbant et qui interdit également de charger tout autre assemblage du coeur dans une chandelle pour assemblage absorbant. (p. III-3-8)
     Où donc ont été mis les assemblages absorbants de réserve en juillet 1987? Quelle est la nouvelle configuration du coeur, non prévue, qui nécessite de nouveaux calculs, et qui va subir des modifications non prévues?
...
     Le choix de l'absorbant et la géométrie retenue pour les assemblages absorbants, leur nombre est compatible avec... la durée de vie visée pour l'assemblage. (p. II-3-9)
     Quelle est cette durée de vie et son comportement au-delà? Cette durée n'est certainement pas de 4 ans dans le coeur?
     Les positions de déverminage sont implantées au milieu de la dernière rangée des assemblages réflecteurs acier afin de rester sur le sommier du réacteur pour des questions de positionnement, de refroidissement et d'encombrement. (p. II-3-10)
p.13

     Les 3 assemblages «guides de neutrons». (p. II-3-11)
     Les dispositifs d'irradiation et de mesure en pile (DIMEP). (p. II-3-12,13,14)
     Les DIMEP type A sont des assemblages spécialement aménagés pour recevoir deux sortes de dispositifs expérimentaux: des capsules expérimentales diverses; des doigts de gants rétractables; des bouchons BOUPRY contenant des cannes de mesure.
     Les capsules pour DIMEP A sont introduites en air ou en sodium dans le barillet.
     Les DIMEP B sont introduits dans les canaux expérimentaux des bouchons tournants: DIMEP BOUPHY destinés à faire des mesures physiques à l'intérieur des canaux des assemblages DIMEP A; DIMEP BOUPRESS destinés à faire des mesures de pression et de vibrations dans le sommier.
     Le coeur de démarrage a une réactivité plus importante que le coeur à l'équilibre; il est nécessaire de compenser cette surréactivité par l'implantation d'un certain nombre de DIMEP diluants dans les zones combustibles interne et externe.
     DIMEP type B:
     Deux traversées ont été aménagées dans le bouchon couvercle coeur, l'une au centre, l'autre en périphérie, et permettant d'installer simultanément deux DIMEP de type B.
     Ces DIMEP nécessaires à la surveillance du coeur nécessitent d'être chargés-déchargés dans le barillet? Sans barillet, il sera impossible de placer des appareils de mesure dans le coeur? Ou alors que signifie les chargements «en air»?
     L'introduction des capsules dans les DIMEP A peut se faire en air ou en sodium dans le barillet.
     Les différents types de capsules sont destinées soit à effectuer des mesures neutroniques, soit à irradier des échantillons des matériaux de structures des assemblages du coeur soit à servir d'étalons de rupture de gaines pour qualifier les systèmes «sodium» de détection et de localisation de rupture de gaines.
      Les cannes pour BOUPHY permettent d'effectuer des mesures neutroniques à différents niveaux de puissance, les taux de fission dans le coeur ou au niveau du combustible, ou pour mesurer la température du sodium à l'entrée coeur. (p. II-3-13)...
     Des serrures... interdisent la mise en place d'un assemblage dans une chandelle où il serait sous-refroidi. (p. II-4.1-4)
     La disposition des assemblages dans le coeur est une opération complexe avec des interdits.
     Les assemblages du coeur sont surveillés par des thermocouples, le système de détection de rupture de gaine (n'y en a-t-il qu'un?) ainsi que par le système de localisation de rupture de gaine (n'y en a-t-il qu'un?). (p. II-4.1-4)
     Tous les assemblages absorbants, GDN ou DJMEP ont des positions déterminées qu'il semble difficile de changer.
...
     Les assemblages combustibles et fertiles, les assemblages absorbants et les guides de neutrons sont des éléments «consommables» qui sont déchargés à périodes régulières. (p. II-13-3)
suite:
12. Variations possibles autour de la configuration nominale
     Les variations possibles de la configuration du coeur pourraient porter sur:
     - le nombre d'assemblages,
     - le contour extérieur de la zone combustible externe,
     - la présence d'assemblages diluants.
     De toute manière, elles demeureraient de faible amplitude compte tenu:
     - du débit global imposé,
     - que le système de contrôle du coeur est figé (assemblage SCP),
     - des dispositifs de surveillance à caractère de sûreté installés,
     - des conditions limites de fonctionnement des assemblages combustibles. (p. II-13-4)
     Or le rajout de 9 assemblages combustibles et de 7 assemblages fertiles dans le coeur, ainsi que le rajout d'assemblages de commande, on ne sait toujours pas où ni combien, correspond à une modification d'amplitude certaine de la configuration du coeur, qui était déjà une configuration particulière, puisque de coeur au démarrage. (modification de 3%? du nombre des assemblages combustibles et fertiles, de 100%? des assemblages absorbants)
...
     Le puits neutronique dû aux assemblages absorbants entraîne un arcage centripède des assemblages adjacents.
     Or il y a plus d'assemblages absorbants que prévu dans le rapport de sûreté.
     Les déformations (gonflement irréversible de l'acier sous irradiation, dilatation thermique réversible,  fluage d'irradiation... (p. II-13-10) seront plus importants du fait de la durée de séjour des assemblages dans le coeur. Le coeur actuel est entre la situation début de cycle à l'équilibre combustible à jeu rattrapé (DCER) après 40 JEPN (jours équivalents à puissance nominale), le combustible qui était frais a rattrapé son jeu avec la gaine, et la situation fin de cycle à l'équilibre (FCE): après 240 JEPN, l'ensemble du combustible étant alors collé à la gaine.
     Durant cette période il y a augmentation continue de l'effet Doppler.
     La marge minimale vis-à-vis du critère d'antiréactivité des assemblages absorbants est atteinte en début de cycle, quand la réactivité du coeur est maximale.
     Les intervalles de temps entre arrêt pour manutention (appelés cycles) sont égaux entre eux et correspondent à une durée de fonctionnement de 320 jours équivalents à puissance nominale (JEPN). Le renouvellement des assemblages combustibles est effectué par moitié tous les 320 JEPN (fréquence 2)... chaque assemblage a un temps de séjour en pile de 640 JEPN (2 cycles).
     Le renouvellement des assemblages fertiles de la couverture radiale est effectué par couronne entière après 3 cycles, 4 cycles, et 5 cycles respectivement pour les couronnes 1, 2 et 3. (p. II-13-4)
...
     Un rebouclage depuis le début des études neutroniques peut être nécessaire en changeant de configuration. (p. II-13-5)
     Ces études ont-elles été refaites et vérifiées dans toutes les configurations pouvant être nécessaires pendant 4 ans?
p.14

13. Cas particulier du coeur de démarrage
     Le premier cycle d'irradiation appelé «coeur de démarrage» est rallongé et passe de 320 à 480 JEPN.
     Le coeur de démarrage présente par rapport au coeur à l'équilibre des modifications qui résultent d'un compromis entre trois astreintes:
     - la tenue de la durée du premier cycle (480 JEPN), qui impose une valeur minimale de la réactivité du coeur en début de cycle,
     - le respect des critères de sûreté relatifs aux absorbants qui impose une valeur maximale pour la réactivité du coeur en début de cycle,
     - la garantie sur la puissance totale du réacteur.
     Par rapport au coeur à l'équilibre, il a donc été nécessaire:
     - d'augmenter l'enrichissement volumique moyen du combustible pour satisfaire la première astreinte,
     - de remplacer en début de cycle 24 assemblages combustibles (répartis dans les zones interne et externe) par des assemblages diluants en acier, dans le but de tenir la seconde astreinte; ces diluants diminuent en effet la réactivité initiale du coeur et permettent ainsi un enfoncement moindre des absorbants (toutefois le respect de la durée du premier cycle oblige à un déchargement des 24 diluants en cours de cycle)
     - de procéder au remplacement de 12 assemblages fertiles de la première couronne par 12 assemblages combustibles externes... (p. II-13-15)
     La configuration du coeur de démarrage est indiquée dans la figure II-13.4-1 (illisible)
     Il y a donc pour le coeur de démarrage:
- 193 - 9 = 184 assemblages combustibles internes
- 171 + 12 - 15 = 168 assemblages combustibles externes
soit 352 assemblages combustibles au total
- 9 + 15 = 24 assemblages diluants
- 21 assemblages de commande principale
- 3 assemblages d'arrêt complémentaire
- 72 assemblages fertiles surveillés de 1ère et 2ème couronne et 150 assemblages fertiles non surveillés de 2ème et 3ème couronne, soit au total 222 assemblages fertiles. (p. III-3.2-8), en fait 234 - 12 = 221 (figure II-13.4-1)
- 188 assemblages réflecteurs aciers
- 6 assemblages réflecteurs aciers purgeurs
- 3 assemblages réflecteurs aciers de recalage
- 6 assemblages combustibles internes pour déverminage
- 6 assemblages combustibles externes pour déverminage
soit 834 assemblages portés par le sommier au total
- 1.076 assemblages de protection neutronique latérale
- 1 emplacement libre
- 2 canaux expérimentaux.
...
Serrures d'interdiction
     La conception des serrures permet de délimiter plusieurs zones de débit pour les assemblages combustibles et fertiles. En plus, une serrure spéciale a été prévue pour les assemblages absorbants. (p. III-3.2-12)
suite:
     C'est pour la situation début de cycle avec diluants que la puissance linéique est maximale...
     L'efficacité du système SAC est augmentée par rapport au coeur à l'équilibre, l'antiréactivité du système SCP étant légèrement diminuée. (p. II-13-15)
...
     A aucun moment dans l'analyse des situations de fonctionnement il n'est indiqué la possibilité d'exploiter la centrale avec l'indisponibilité du barillet (p. II- 14-11)

14. Ruptures de gaines
     On distingue deux types de ruptures des aiguilles des assemblages combustibles du coeur: les «ruptures gaz» et les «ruptures ouvertes». Ces ruptures de gaines conduisent à l'émission de bouffées d'activité au moment de la rupture (bouffées de ruptures de gaz rares) et au moment des transitoires (bouffées transitoires de gaz rares et de produits volatils)... Les gaz rares s'échappent des gaines rompues et passent très rapidement dans l'argon, 10% sont émis lors des transitoires (... il sort 30 à 50% de l'activité en iode et en césium) (p. I-5-7)
     On suppose de manière pessimiste un taux de rupture de gaine de:
     - 10-3 pour les ruptures gaz (soit environ 100 aiguilles ruptées),
     - 10-4 pour les ruptures ouvertes (soit environ 10 aiguilles ruptées). (p. I-5-8)
...
     Règle 1: (vis-à-vis du risque de fusion): pour les situations normales de fonctionnement (régime permanent et transitoires normaux), le bon comportement est garanti tant que la probabilité de fusion à coeur de la pastille la plus chargée ne dépasse pas celle de l'assemblage combustible Phénix en régime nominal, qui est de 4.10-4 par recharge de combustible.
     Règle 2: du point de vue du risque de déplacement de matière fissile, on limite le nombre moyen de pastilles, calculé pour l'ensemble du coeur, affectées par une fusion à coeur à celui correspondant à une colonne combustible.
     Règle 3: pour les situations incidentelles de fonctionnement... la défaillance de la gaine est écartée dès lors que le volume fondu dans chaque aiguille est inférieur à 20% du volume colonne combustible (p. III-3.2-5)
     Il y a des corrosions supérieures au démarrage (corrosion de jeunesse), des gonflements et des fluages d'irradiation qui sont spécifiques à Superphénix. (p. III-3.2-5)
     Or il y a dans le coeur à l'équilibre (p. III-3-3) de Superphénix 364 assemblages combustibles de 271 aiguilles chacun, soit 98.644 aiguilles; en 234 assemblages fertiles de 91 aiguilles chacun, soit 21.294 aiguilles. Au total un chargement comprend donc 119.938 aiguilles. L'hypothèse retenue porte donc sur 120 aiguilles ruptées gaz et 12 ruptées ou vertes, soit 140 aiguilles. Comment seraient-elles réparties? Rien n'indique qu'elles seraient situées dans moins de 12 assemblages et aucune hypothèse n'est émise sur la prévision ou la probabilité de répartition des ruptures de gaines dans les assemblages.
     Le transit dans le barillet est prévu pour 4 mois.
     Prévisions des ruptures de gaines (p. I-5-8) mais sur quelle durée?
     Cycles prévus du combustible (p. I-5-8)
     Les risques de ruptures de gaines sont fortement accrus par les manutentions sur les assemblages (p. I-6-6). Or il y a eu et il y aura de nombreuses manutentions pour réarranger le coeur.

p.15

     Les systèmes de détection (DRO) et de localisation de rupture de gaine (LRO) doivent permettre de localiser l'assemblage dans lequel s'est produite la rupture ouverte, pour en suivre l'évolution (que l'on peut craindre rapide) et éventuellement retirer cet assemblage du coeur du réacteur avant dépassement du seuil.
     Le seuil LRG ou DRG demande le retrait de l'assemblage défectueux. (p. II-12-41)
...
     Cette détection (LRG ou DRO) ne peut se faire que réacteur en fonctionnement, les produits de fission recherchés disparaissant rapidement à l'arrêt. (p. II-12-41)
...
     En fonction du niveau des signaux, l'exploitant peut décider de conserver l'assemblage en réacteur jusqu'au prochain arrêt programmé ou d'arrêter la centrale et de mettre cet assemblage en position de déverminage. (p. II-12-42)
     Il y a un risque de propagation de la rupture de gaine ouverte du fait de la formation d'un uranate de sodium de densité plus faible que le combustible (p. III-3.2-6). Les essais hors pile ont montré que la cinétique de cette réaction est négligeable, de telle sorte qu'aucune augmentation de la rupture de gaine en position de déverminage n'est à craindre (p. III-3.2-6).
     Il y a 12 positions de déverminage, mais avec des contraintes.
     Rappel Les opérations de déverminage consistent à permuter un assemblage dont les ruptures de gaine sont susceptibles d'évoluer avec un assemblage neuf de la même zone de débit, stocké dans le réacteur. (p. III-3.2-6).
     Il n'est pas prévu un fonctionnement du réacteur avec des ruptures de gaines ouvertes de seuil dépassé sur les assemblages dans le coeur. S'il y en a, la procédure prévue est de les transférer dans le barillet et de les laisser séjourner 4 mois jusqu'à décroissance de leur radioactivité. En cas de ruptures de gaine il y a mise en oeuvre d'un circuit spécial de décontamination de l'argon du ciel et du sodium.

15. Rejets
     Dans le même paragraphe, servant au bilan annuel prévisionnel des rejets il est considéré 40 transitoires annuels (3 arrêts de 2 jours à 180°C, 14 arrêts de 2 jours à 250°C, 3 arrêts de 2 jours à 300°C, 8 arrêts de 6 heures à 300°C, 12 transitoires-coeur annuels (balancement de barres, etc...). La durée de fonctionnement à pleine puissance retenue est de 180.000 h pour 30 ans, soit un facteur de charge de 68,5%. (p. I-5-8)
     Soit 250 JEPN par an.
     Le nombre de transitoires retenus sera dépassé du fait des réarrangements du coeur et de l'absence de solution de déchargement imposant des règles de sécurité plus grandes. Il faudrait connaître le nombre de transitoires déjà réalisé en 1987. (9? durant la montée en charge de 3 mois fin 1986 donc 40 par an?).
     Y a-t-il eu déjà des ruptures de gaines? Combien? Dans combien d'assemblages?
...
     En tous cas le calcul des rejets est à revoir et nécessite une autre procédure d'autorisation.
     Sans barillet le bilan prévisionnel des rejets liquides est à revoir.

suite:
16. Chargements et déchargements des assemblages
     Les assemblages de surveillance sont de type assemblages combustibles, fertiles, absorbants, guides de neutrons, réflecteurs ou DIMEP destinés à être examinés de façon à vérifier leur bon comportement en réacteur. (p. II-5.2-23)
     Un puits DIMEP dans le couloir de manutention permet d'extraire ou d'introduire les capsules des assemblages DIMEP.
     Ils transitent par le barillet. En l'absence de celui-ci il ne sera plus possible de vérifier le bon comportement du coeur alors que celui-ci n'a fonctionné que moins de 100 JEPN et qu'il y a toujours des assemblages de surveillance dans le coeur.
     Par ailleurs leur évacuation nécessite un puits de lavage et l'APEC, qui ne sont pas encore disponibles. (p. II-5.2-23, 24)
     Un assemblage ayant été lavé ne sera jamais remis en barillet.
     La réticence de la direction de la centrale à décharger les assemblages présents dans le barillet est liée au fait qu'une fois déchargés ils seront inutilisables, même sans lavage. Or certains d'entre eux sont des assemblages combustibles et fertiles. D'où le choix de les réintroduire dans le coeur, sans autres raisons apparentes qu'économique et d'impossibilité d'autre solution ?
...
     Le temps de séjour en réacteur des assemblages absorbants SCP* et SAC** (d'arrêt rapide et d'urgence) est limité par la tenue sous irradiation des éléments absorbants qui sont soumis à un flux neutronique élevé.
     Les différents facteurs qui peuvent en limiter la durée concernent soit les pastilles de B4C (gonflement, fracturation) soit la gaine (carburation interne, gonflement, fluage)
     La tenue sous irradiation est examinée pour un enfoncement «théorique moyen>) des barres SCP au cours du cycle et pour la position nominale des 3 assemblages SAC en position haute. (p. III-3.6-4)
     Les essais effectués ont montré la bonne tenue des gaines pour les temps de séjour envisagés. (p.III-3.6-5)
     L'ensemble de ces données sont des contraintes semble-t-il insurmontables sans déchargement de ces assemblages pendant 3 ans ou plus.

17. Liens entre barillet et réacteur et travaux de réparation du barillet
     Rappel La conduite des machines est effectuée depuis le PM poste de manutention. (p. II-5.2-7). Ce poste commande aussi bien les manutentions des mécanismes «réacteur» que les manutentions des mécanismes «barillet». (p. II-12-23)
     Ce poste est situé semble-t-il au-dessus du barillet (annexe 18 du document général de référence, édité en mars 1987), ne sera-t-il pas inopérant du fait des travaux sur le barillet?
...
     Avant mise en service de l'APEC, ce qui est le cas actuellement, le conditionnement d'air du couloir de manutention est assuré par les installations du bâtiment réacteur. (p.II-5.2-26)
     Il sera donc difficile de séparer les travaux de réparation, manutention sur le barillet en panne du reste du bâtiment réacteur, puisqu'il en fait partie.

p.16
* SCP = système de commande principale
** SAC = système d'arrêt complémentaire
     Le circuit sodium du barillet permet (??) la purification du stockage du bloc réacteur, le sodium primaire circulant au travers de la purification du circuit, mu par la pompe de purification au démarrage implantée dans le bloc réacteur...(p. II-5.2-33)
...
     Le treuil le plus puissant du pont tournant du bâtiment réacteur est limité à 360 tonnes. (p.II-5.3-4)
     Il ne sera donc pas possible d'extraire les principaux éléments du barillet sans les découper au chalumeau.
     Le bâtiment réacteur-manutention doit être maintenu en dépression (p. II-9-21) et il constitue la barrière du (enceinte de) confinement secondaire (p.II-10-12).
     Cela sera impossible lors des évacuations des éléments volumineux du barillet.
...
     Les installations de lavage et de décontamination prévues p. II-5.3-13, 14 et 15 n'existent toujours pas.
...
     Les circuits auxiliaires comprennent en particulier pour le barillet:
     - les deux circuits sodium indépendants capables d'assurer en connexion naturelle l'évacuation de la puissance résiduelle du barillet
     - le circuit de purification du sodium du barillet
     - le circuit argon de couverture du sodium du barillet.
(p.I-3-7)
...
     Les circuits annexes tels qu'ils sont décrits comportent:
     - le circuit d'azote pour le remplissage et la régulation de l'atmosphère intercuve
· de la cuve principale et de la cuve de rétention du stockage externe (barillet)
· de la cuve principale et de la cuve de sécurité du bloc réacteur
     - le circuit d'argon qui alimente en particulier le ciel de pile et le ciel du barillet (p. 1-3-7).
     En conséquence les circuits d'azote et d'argon semblent être les mêmes pour le bloc réacteur et le barillet, à l'exception évidemment des alimentations.
     Ce qui pose la question de la configuration de ces circuits sans barillet.
...
     Les opérations de purification du sodium du bloc réacteur sont faites en liaison avec les pièges froids du circuit auxiliaire sodium du barillet avec une pompe de purification au démarrage. (p. II-4.1.3-4)
     Que se passe-t-il lorsque ce circuit n'existe plus comme ce sera le cas sans barillet?
     La centrale de ventilation du bâtiment réacteur assure le soufflage et l'extraction de l'air par deux batteries froides, reliées au puits de cuve du barillet par des gaines implantées dans le génie civil. Cette centrale assure, par ailleurs, le refroidissement des traversées de dalle et des cheminées de cuve. (p.II-14-30)
     Que se passera-t-il lors des travaux sur le barillet?
...
     Il existe sur les plans un espace non bétonné, entre le puits du barillet et le puits du réacteur, situé en haut de ces puits et en dessous du sas à tourniquet. Il existe également des circuits de ventilation et des canalisations qui percent le mur de séparation entre ces deux puits, créant ainsi des jonctions, non complètes et protégées mais dangereuses en cas de travaux côté barillet.
18 Les essais
     La phase des essais s'étend de la fin du montage à la mise en service industrielle ou, pour certains matériels, à la réception provisoire ou définitive. (p. III-2.3-3)
     Nous sommes donc en période d'essais, ce qui constitue une période avec des contraintes supplémentaires décrites dans le rapport de sûreté.
suite:
     Il s'agit en particulier:
... de vérifier que certaines hypothèses adoptées pour les études d'accidents sont effectivement majorantes.
     C'est vérifié, elles ne sont pas majorantes.
... de contrôler les dispositifs de détection de fuite sodium
... de vérifier les chaînes de mesure, de traitement de l'information.
     Ce qui a été fait et mal fait.
     L'autorisation de chargement du réacteur a été obtenue au vu de ces essais mal faits.
     Chaque compte rendu d'essai faisant l'objet de descriptions écrites, il serait intéressant d'en disposer.

19. Les feux de sodium
     (p. III-2.4.-5) il est fait état d'une possible déflagration ou détonation avec onde de choc et feu pulvérisé associé dans le cas d'une réaction sodium-béton.
...
     Quelle masse de sodium est-on capable d'éteindre actuellement?

20. Remarques annexes et rapides sur les séismes et autres
     Le séisme de référence (celui de 1822) retenu est caractérisé par une intensité épicentrale VII-VIII MSK plus proche de VII que de VII-VIII et une intensité supposée ressentie sur le site de V à VII MSK.
     Le séisme majoré retenu est d'une intensité épicentraIe de VIII sous le site, de magnitude 5,6 et 6,34, ou d'une intensité épicentrale de VII-IX à 15 km du site, de magnitude 5,91 et 6,61.
     Les valeurs extrêmes retenues pour les températures sont de -27°C et + 40°C. (p. III-1.2.12-3 du Rapport de Sûreté). Or l'hiver 1986, certains jours très froids (plus de -30°C) ont entraîné des blocages dans des centrales nucléaires existantes.

21. L'arrêt d'urgence (trop lent d'après des calculs autres que ceux du C.E.A.)
     Arrêt d'urgence
     La puissance neutronique est ramenée à une valeur quasi nulle en quelques dixièmes de seconde.
     L'arrêt d'urgence est assuré par la chute gravitaire de 24 assemblages absorbants insérés dans le réseau du coeur. (p.I-4-12)

22. Remarque annexe sur la zone d'étude des populations concernant les retombées radioactives en cas d'accident
     Dans le rapport de sûreté (p. I-2-...) «Site et environnement», il est évident que le rayon d'étude choisi de 50 km autour de la centrale est largement insuffisant et que l'étude des flux d'air l'est également. Cela est particulièrement évident lorsqu'on analyse les accidents récents de Three Mile Island et de Tchernobyl.
     A 24 km du site de Superphénix: Bourgoin, à 34: Aix-les-Bains, à 40: Chambéry, St Priest, Bron, Voiron, à 50: Villeurbanne, Vénissieux, Seynod, à 53: Lyon, Annecy, Vienne, Bourg-en-Bresse, à 60: Oyonnax, Givors, St Egrève, Villefranche, à 66: Grenoble, à 70: Albertville, Genève, à 80: Macon, Annemasse, St Chamond, à 90: St Etienne, Cluses.
     Les cartes de populations dont celles sous les vents dominants s'arrêtent à 50 km et se limitent aux secteurs 320, 360 et 120 d° alors que les secteurs 160, 120, 340 d°  sont importants.
     Il y a 1 million et demi d'habitants dans un rayon de 50 kilomètres autour de la centrale et x millions (chiffre non indiqué) dans un rayon de 100 kilomètres.

23. Perte en plutonium, Retraitement, usage militaire
     Il n'y a aucune analyse du cycle du combustible dans le rapport de sûreté.

p.17

Rappel des informations diffusées par le Ministère de l'Industrie, service MAGNUC

     Rappel des informations diffusées par le Ministère de l'Industrie, service MAGNUC: «INFO HEBDOMADAIRES CREYS-MALVILLE
     «SEMAINE du 14 au 20 septembre 1987
     Fonctionnement:
     Maintien à l'arrêt de la tranche depuis le 26 mai. Poursuite des travaux d'arrêt de tranche et fin des opérations de vidange du barillet de stockage.
     Evénements marquants:
     L'incident du barillet de stockage.
     Un incident a affecté un réservoir de stockage en sodium appelé barillet.
     Ce barillet est une cuve contenant environ 700 tonnes de sodium, doublée d'une cuve de rétention maintenue en azote.
     Il est destiné à recevoir, d'une part, les assemblages combustibles neufs avant leur chargement en réacteur, d'autre part les assemblages irradiés pendant environ une année avant leur entreposage en piscine dans une installation voisine.
     Les investigations entreprises début mai avaient permis de déceler une fuite de sodium dans l'espace de récupération situé autour du barillet (une vingtaine de litres par heure) et amené l'exploitant à en suivre l'évolution et à procéder régulièrement à la vidange de cet espace.
     Ce sodium n'est pas radioactif et ne peut brûler en l'absence d'oxygène.
     Le réservoir de stockage concerné est physiquement séparé de la cuve du réacteur.
     Le réacteur est à l'arrêt depuis le 26 mai.
     Les différentes opérations de transfert d'assemblages ont été achevées le 25 juillet et, depuis cette date, le barillet de stockage est vide de tout assemblage.
     Commencée le 1er septembre, la vidange du barillet s'est achevée le 8 septembre.
     Durant cette vidange, l'exploitant a mené des investigations pour détecter la position de la fuite par injection d'hélium et de xénon 133 dans la partie supérieure du barillet et détection de ces gaz dans l'espace entre cuves. Ceci a permis, le 5 septembre, de déterminer le niveau de sodium en dessous duquel les gaz injectés ont pu transiter, et par là l'altitude de la fissure.
     Sa position angulaire avait été précédemment repérée par deux méthodes, l'une acoustique et l'autre thermographique.
     Le défaut se situe dans le bas du barillet, à 3 m environ au-dessus du fond, au niveau d'une liaison soudée entre la cuve et un support de tuyauterie du circuit d'évacuation de la puissance résiduelle.
     Selon l'exploitant, cette position «basse» devrait permettre d'engager assez facilement un examen visuel et d'obtenir ainsi les premières indications quant à la nature et à l'origine du défaut.
     Des investigations sont en cours à cet effet.
     Notamment, la cuve de rétention du barillet a été percée pour introduire des dispositifs d'inspection.
     Les opérations précitées ne préjugent pas des décisions à prendre concernant les mesures à appliquer pendant la période de réparation du barillet, et notamment du fonctionnement éventuel du réacteur.
     Ces mesures seront définies à la fin de l'année après un rééxamen de sûreté approfondi de l'installation.»

suite:

B. QUESTIONS POSÉES AU CONSEIL
SUPÉRIEUR DE SÛRETÉ ET
D'INFORMATION NUCLEAIRE
Paris, le 10 novembre 1987
Jean-Claude ZERBIB
Membre du CSSIN
représentant CFDT
Raymond SENE
Membre du CSSIN
représentant GSIEN
à Monsieur BLANC-LAPIERRE
Président du Conseil Supérieur
de la Sûreté et de l'Information
Nucléaires
CSSIN
99, rue de Grenelle
75700 PARIS CEDEX
Objet : Création d'un groupe de travail du CSSIN pour formuler un avis sur le
fonctionnement du SUPERPHENIX sans barillet.

     Monsieur le Président,
     Comme suite à la demande formulée lors de la réunion du Conseil Supérieur le 27 octobre 1987, nous vous faisons parvenir en annexe jointe les questions que le groupe de travail, constitué au sein du Conseil Supérieur, pourrait aborder avant de rédiger un projet d'avis qui serait examiné en réunion plénière.
     Ces questions s'articulent autour de quatre problèmes principaux:
     1. Identification des causes de fissurations de la cuve du barillet et leçons concernant les autres parties du réacteur.
     2. Etat de la prévention contre les fuites de sodium.
     3. Réévaluation des risques d'accidents graves.
     4. Conditions de fonctionnement durant les travaux sur le barillet.
     Nous pensons que, sur un problème important qui interpelle les médias et le public, le Conseil ne pourra pas seulement se contenter d'enregistrer l'avis des experts, si pertinent soit-il.
     Il devrait formuler un avis sur le redémarrage compte tenu de la situation nouvelle créée par l'absence d'un barillet pour lequel la probabilité de défaillance a été très sous-estimée.
     Dans l'attente de votre réponse, nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en nos sentiments respectueux.

p.18

Annexe
Questions à examiner en groupe de travail du CSSIN avant rédaction d'un projet d'avis sur le fonctionnement de Superphénix sans barillet

Identification des causes des fissures de la cuve du barillet
     1. Il y a plusieurs fissures dans la cuve principale du barillet, il s'agit d'un défaut de conception. On n'en connaîtra les causes exactes qu'en janvier. Ne peut-il s'agir de causes (erreur de calcul, procédé de soudage...) pouvant concerner également la cuve du réacteur?
     2. Comment se fait-il qu'EDF envisage d'obtenir l'autorisation de redémarrer le réacteur dès la mi-novembre?
     3. Quel bénéfice y a-t-il à faire redémarrer le réacteur avant janvier 1988?

Prévention contre les fuites de sodium
     4. A quelles conditions sait-on atteindre un état sûr en cas de fuite de sodium à travers la cuve principale du réacteur?
     5. La fuite à travers la cuve principale et la cuve de sécurité du réacteur était affectée d'une probabilité d'occurrence inférieure à 10-7 fois par an. Peut-on aujourd'hui maintenir ce chiffre après réexamen, et sous réserve de quelles précautions?
     6. N'est-il pas nécessaire, avant redémarrage du réacteur, de procéder à l'inspection complète de la cuve principale du réacteur, qui devrait être opérée en 1988? Si ce n'est pas le cas, quand aura-t-elle lieu?
     7. Des fuites de sodium sont possibles dans d'autres parties de la chaudière nucléaire? Est-on sûr qu'aucune ne concernerait la sûreté nucléaire, notamment au-delà des premières 24 heures?
     8. Tous les systèmes de détection de fuite sont-ils désormais suffisamment fiables?
     9. Les résultats complets du programme «Esmeralda» permettent-ils d'affirmer que l'on saura éteindre tous les feux de sodium envisageables?

Réévaluation des risques d'accidents graves
     D'autres accidents graves ont été jugés trop peu probables pour être pris en compte dans le dimensionnement du réacteur, notamment:
     · rupture du supportage du coeur ou arrêt brutal des pompes primaires en cas de séisme.
     · propagation de la fusion d'un assemblage et libération d'une puissance de 800 mégajoules à la suite d'une fusion du réacteur.
    · non tenue du confinement à un tel dégagement de puissance.
     10. L'avancée des études et essais, l'accident de Tchernobyl et la fuite du barillet ne justifient-ils pas une réévaluation de la probabilité de ces événements ainsi que des mesures prises pour leur prévention ou pour rendre leurs conséquences acceptables?
     11. Est-il possible d'avoir connaissance des caractéristiques et des résultats complets des essais sur maquette qui ont démontré la bonne tenue du confinement à un dégagement instantané d'une puissance de 800 mégajoules?

Fonctionnement du réacteur pendant les travaux sur le barillet
     12. Le stockage de combustibles irradiés en position de déverminage ne peut-il présenter des risques aggravants vis-à-vis de certaines situations accidentelles?
     13. Le délai plus long pour l'évacuation du combustible en l'absence de barillet ne risque-t-il pas d'aggraver certaines situations accidentelles?
     14. La procédure d'évacuation de combustibles sans barillet ne présenterait-elle pas des risques supérieurs vis-à-vis de la sûreté? vis-à-vis de la protection du personnel?
     15. Des incidents concernant les interventions liées au barillet ne risquent-ils pas d'interférer avec la sûreté du réacteur?
     16. Le fonctionnement du réacteur ne risque-t-il pas d'exposer les intervenants sur le barillet à des risques d'irradiation durant certaines phases des travaux? Quelles sont les garanties?

p.19

Dossier distribué aux membres du CSSIN
(Service Central de Sûreté des Installations Nucléaires
mai 1987)

Fuite de sodium dans le barillet de stockage de la centrale nucléaire de Creys-Malville

1. Description de l'incident et des premières mesures prises
1.1.  Description du barillet
1.2.  Historique de la détection
1.3. Mesures prises quant à la sûreté
1.4. Actions vis-à-vis de la fuite
2. Les actions du service central de sûreté des installations nucléaires
2.1. L'analyse de l'incident
2.2. L'information du public
3. Eventualité du fonctionnement ultérieur du réacteur

     Le 3 avril 1987, à la suite des alarmes apparues en salle de commande et des premières investigations menées, l'exploitant de la centrale nucléaire de Creys-Malville a établi l'existence d'une fuite de sodium sur le barillet de stockage des assemblages irradiés et informé les autorités concernées. Cet incident est sans conteste l'événement le plus préoccupant parmi ceux survenus jusqu'à présent dans cette centrale.
     Du point de vue de la sûreté, cet incident, s'il n'a pas posé de problèmes sérieux, nécessite cependant que l'exploitant (EDF pour le compte de la société Nersa) réponde à un certain nombre de questions et fournisse les éléments d'appréciation qui seront analysés par le service central de sûreté des installations nucléaires et ses appuis techniques. L'incident et ses suites (maintien du niveau de sûreté, vidange du sodium contenu dans le barillet, éventuel fonctionnement ultérieur du réacteur) conduisent en effet à des situations qui doivent être examinées en détail.

1. Description de l'incident et des premières mesures prises
     La phase de détection de l'incident a duré environ trois semaines, du fait d'erreurs dans les libellés des alarmes et surtout d'une accoutumance du personnel de la centrale nucléaire de Creys-Malville à l'apparition de certaines alarmes en provenance des systèmes de détection de fuite de sodium.
     Une fois la fuite de sodium confirmée, l'exploitant a mis en place des mesures visant à faire face à une fuite de la cuve de rétention, seul risque plausible lié à l'incident constaté. Par ailleurs, des études ont été entamées et des actions réalisées quant à la localisation de la fuite et sa réparation. Enfin, une réflexion a été amorcée sur l’éventuel fonctionnement du réacteur durant les travaux sur le barillet de stockage.
     Une brève description du barillet précède ci-dessus le détail de l'historique de l'incident et de l'inventaire des actions entreprises.

suite:
Schéma n°1
Cheminement d'un assemblage combustible neuf

1.1. Description du barillet
     Le barillet de stockage du combustible irradié est un réservoir rempli de sodium (de l'ordre de 700 tonnes à environ 200°C). Il a pour fonction, d'une part, de permettre la mise en sodium et la manutention des assemblages neufs (combustibles fissiles, fertiles, absorbants) en direction du réacteur et, d'autre part, d'assurer un premier stockage des assemblages combustibles irradiés pour décroissance de leur puissance résiduelle avant leur nettoyage et mise en piscine en eau (cf. schémas n°2 et n°4).
     Le barillet de stockage (cf. schéma n°3) se compose d'une cuve principale, doublée d'une cuve de rétention, suspendue à une dalle en béton. Dans cette dalle, se trouvent notamment les orifices nécessaires au passage des assemblages ainsi que le bouchon tournant permettant une partie des manutentions. Le stockage est assuré sur un manège composé d'un axe pendu à la dalle et d'un sommier à mi-hauteur. Ce sommier soutient les «chaussettes» dans lesquelles sont stockés les assemblages ainsi que des «chandelles» dans lesquelles se positionnent les pieds des assemblages, l'ensemble permettant un stockage sur deux niveaux. Le barillet de stockage communique avec le réacteur par l'intermédiaire d'un sas à tourniquet permettant le transfert des assemblages dans une zone nommée «bec de cafetière» dans laquelle transitent les pots de chargement-déchargement des assemblages.
     Un double circuit de refroidissement assure l'évacuation de la puissance résiduelle des combustibles et le maintien à température stable du sodium. Lorsque la puissance dégagée par les combustibles est insuffisante, des résistances chauffantes assurent cette dernière fonction.
     Pour ce qui concerne les fuites de sodium la cuve principale est doublée par une cuve de rétention. L'espace entre cuves est rempli d'azote et est tel qu'en cas de fuite le niveau du sodium dans la cuve principale reste suffisamment haut pour assurer le refroidissement des assemblages irradiés stockés en position «chandelle». S'agissant de la détection des fuites de sodium, le fond de l'espace entre enceintes est équipé de quatre «bougies» de détection (cf. schéma n°4): la présence de sodium établit le contact entre les deux électrodes de ces «bougies» et ce court-circuit induit une alarme en salle de commande. De même, le fondu puits en béton dans lequel est implanté le barillet est muni de «cordons» de détection de fuite de sodium, agissant selon le même principe.

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Schéma n°2
Cheminement d'un assemblage combustible irradié

1.2. Historique de la détection
     Le 8 mars 1987, à 10 heures, l'alarme «fuite de sodium dans le barillet» apparaît en salle de commande. Conformément au libellé de cette alarme, un opérateur se rend dans le bâtiment réacteur examiner le détail de l'alarme dans une armoire électrique par laquelle elle transite. Aucun défaut n'étant signalé dans cette armoire, le service conduite émet une demande de travaux qui est transmise le 9 mars au groupement matériel, ce qui est la procédure normale en cas d'apparition d'une fausse alarme.
     Le 9 mars à 1 heure, l'alarme «présence de sodium dans le puits du barillet» apparaît en salle de commande. L'opérateur se rend de même dans le bâtiment réacteur examiner le détail de l'alarme. Dans le coffret électrique arrivent neuf signaux dont un est positif. La présence de sodium dans le fond du puits du barillet n'apparaît pas crédible pour le chef de quart et l'ingénieur sûreté-radioprotection (puisque l'alarme «fuite du sodium dans le barillet» est réputée fausse et que deux cuves isolent le puits du barillet du sodium).

L'alarme en défaut est alors shuntée pour permettre le transit éventuel d'une nouvelle alarme de même provenance.

Schéma n°3
Barillet de stockage

     Il faut noter que l'exploitant est gêné par des alarmes intempestives en provenance du système de détection de fuite de sodium, en particulier des échangeurs intermédiaires et des échangeurs des circuits de refroidissement de secours, où l'absence de sodium est régulièrement vérifiée mais desquels proviennent des alarmes lors des variations de température. De ce fait, il existait une certaine accoutumance du personnel de la centrale vis-à-vis des alarmes en provenance des systèmes de détection de fuite de sodium, trop vite qualifiées d'intempestives dans le cas présent.
     Les vérifications effectuées à partir du 18 mars et jusqu'au 31 mars conduisent à découvrir des erreurs dans les libellés des alarmes apparues. Une mesure directe confirme alors que les bougies de détection de l'espace entre cuves sont en court-circuit.

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     L'exploitant entreprend alors plusieurs analyses de l'azote de l'espace entre cuves afin de rechercher la présence d'aérosols de sodium. Les mesures effectuées ne sont pas significatives. Un bilan massique du sodium contenu dans le barillet et dans ses circuits annexes, effectué avec pour référence une mesure de niveau faite deux mois auparavant dans des conditions similaires, fait apparaître, le 3 avril, un manque de sodium d'environ 15 à 20 m3.
     La fuite étant ainsi confirmée le 3 avril, l'exploitant avertit le service central de sûreté des installations nucléaires, lance les actions destinées à garantir la sûreté et entame une réflexion quant aux possibilités de détection de la fuite.
     Cette détection ne s'est donc pas déroulée dans des conditions satisfaisantes Tous les enseignements devront être tirés de ces anomalies.

1.3. Mesures prises quant à la sûreté
     Face à une telle fuite de sodium, aucune action immédiate n'est nécessaire. En effet, d'une part, le sodium s'écoule dans la cuve de rétention maintenue en azote où il ne peut brûler, et même si les niveaux du sodium dans la cuve du barillet et dans l'espace entre cuves s'équilibrent, les assemblages irradiés stockés dans le barillet restent refroidis. D'autre part, le barillet est dans une zone séparée du réacteur notamment par le puits en béton de ce dernier et par le dôme en acier.
     Ceci étant, une quantité non négligeable de sodium n'est plus séparée de l'atmosphère du bâtiment réacteur que par une simple enveloppe, la cuve de rétention du barillet. Un risque de feu de sodium existant en cas de fuite de cette dernière, l'exploitant met rapidement en place des mesures visant à y faire place. Le 9 avril deux consignes particulières sont opérationnelles pour faire face à une éventuelle fuite de la cuve de rétention. La première a pour objet de remplir le cas échéant le puits du barillet avec de l'argon, par l'intermédiaire des conduits de ventilation, afin d'arrêter un commencement de feu de sodium. La seconde consigne permet la vidange d'urgence du sodium contenu dans le barillet de stockage (le temps nécessaire à l'opération est d'une trentaine d'heures).
     Ces consignes ont été améliorées depuis lors. Parallèlement, la température du sodium a été abaissée à environ 160°C. Par ailleurs, l'exploitant a vidangé de manière quasiment complète l'espace entre cuves les 11 et 12 mai.

suite:
1.4. Actions vis-à-vis de la fuite
     L'exploitant a cherché à localiser et à quantifier la fuite, par l'intermédiaire de différentes mesures (niveau de sodium dans le barillet, pression de l'argon dans le barillet et de l'azote dans l'espace entre cuves...) et en effectuant quelques opérations (baisse du niveau de sodium dans le barillet, modification des pressions de l'argon et de l'azote...). Un examen par caméra et endoscope de l'espace entre cuves, uniquement dans la zone du «bec de cafetière», a permis de confirmer le niveau du sodium dans la cuve de rétention mais n'a pas fait apparaître de défaut ou de trace de fuite sur la cuve principale du barillet.
     Les mesures ont conduit à estimer que le débit de fuite était relativement constant, de l'ordre de 20 l/h. Depuis la mi-avril, la fuite n'est plus quantifiable et le niveau du sodium dans l'espace entre cuves est stabilisé à 12,6 m (cf. schéma n°3). Les tentatives faites pour localiser la fuite en altitude se sont avérées vaines.
     Cette absence de localisation de la fuite impose la vidange du sodium contenu dans le barillet pour effectuer les réparations nécessaires, quelles qu'elles soient. Une fois le barillet vidangé, les manutentions des assemblages qu'il contient ne seront plus possibles avec les moyens normaux et seront compliquées par les mesures nécessaires à la radioprotection. Aussi, compte tenu du fait que ces moyens sont opérationnels et que leur utilisation n'augmente pas le risque de fuite de la cuve de rétention, l'exploitant a entrepris, après avoir reçu l'autorisation du service central de sûreté des installations nucléaires, d'extraire des assemblages postiches en acier qui ont servi à simuler le coeur avant la divergence, et de les stocker dans les emballages d'origine, enveloppés dans du vinyle étanche et sous azote.
     Pour ce qui concerne les autres assemblages présents dans le barillet, un dossier justifiant la sûreté des opérations à effectuer pour leur évacuation doit être fourni par l'exploitant, qui a prévu les actions suivantes:
     - les 27 assemblages postiches en acier légèrement irradiés lors des premières divergences du réacteur devraient être extraits du barillet et stockés sur le site dans des conteneurs spéciaux étanches assurant une protection contre le rayonnement qu'ils émettent;
     - un assemblage combustible faiblement irradié devrait être extrait du barillet et placé dans un château de transport, actuellement en cours d'essais de réception, permettant son acheminement vers une cellule d'examen et de démantèlement du commissariat à l'énergie atomique; la puissance résiduelle de cet assemblage est inférieure à 100 watts;
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     - neufs assemblages combustibles fissiles et sept assemblages fertiles expérimentaux (c'est-à-dire munis de divers capteurs permettant d'effectuer des mesures en réacteur) pourraient soit être remis en réacteur si la sûreté de leur transit par le sas à tourniquet est démontrée, soit être extraits du barillet; dans ce second cas, leurs conditions de stockage dans le bâtiment réacteur puis de transport vers une cellule de démantèlement restent à définir.
     A l'issue de ces opérations, en juillet, le barillet de stockage serait vidangé de son sodium et rempli d'argon (sauf incident supplémentaire nécessitant d'ici là à une vidange d'urgence). Les opérations de recherche de la fuite pourront alors commencer. Ce n'est sans doute qu'après avoir examiné la fissure et analysé les causes de la fuite que pourront être définies les réparations à effectuer et les vérifications nécessaires. Il n'est pas exclu que le remplacement du barillet s'avère nécessaire..

2. Les actions du service central de sûreté des installations nucléaires

     Le service central de sûreté des installations nucléaires a été prévenu de la fuite du barillet de stockage le 3 avril 1987 au matin, par appel téléphonique, confirmé dans la journée par l'envoi d'un télex de déclaration d'incident significatif. Depuis lors, les actions engagées par le service central de sûreté des installations nucléaires s'articulent selon deux volets: l'analyse de l'incident et des mesures prises par l'exploitant d'une part et l'information du public d'autre part.

2.1. L'analyse de l'incident
     La première analyse a concerné le maintien en puissance du réacteur. Celui-ci n'apparaissant pas à court terme concerné par l'incident, le service central de sûreté des installations nucléaires n'a émis aucune objection quant à la poursuite de son fonctionnement dans l'immédiat mais a souhaité voir fixé un délai d'arrêt du réacteur compatible avec les hypothèses les plus pessimistes sur la tenue de la cuve de rétention. A la suite d'une analyse approfondie du département d'analyse de sûreté de l'institut de protection et de sûreté nucléaire, relative notamment au risque de fuite de la cuve de rétention sur la base de l'analyse des incidents survenus à KALKAR et BENSBERG (RFA), du dossier de fin de fabrication de cet élément et des calculs de tenue mécanique de la cuve de rétention, le service central de sûreté des installations nucléaires a demandé à la société Nersa de ne pas prolonger le fonctionnement du réacteur, barillet non vidangé, au-delà du 31 mai 1987.
     De plus, le service central de sûreté des installations nucléaires a demandé que le sodium présent dans l'espace entre cuves soit vidangé dès que possible, compte tenu des moyens particuliers à mettre en oeuvre et de leur vérification; ceci a été fait le 11 mai 1987.
     Le service central de sûreté des installations nucléaires a également fait procéder, le 8 avril 1987, à une visite de surveillance de la centrale nucléaire de Creys-Malville afin de recueillir des informations détaillées sur l'historique de la détection de la fuite et sur les mesures prises par la société Nersa. A la suite de cette visite et de l'analyse des procédures d'urgence rédigées par l'exploitant, le service central de sûreté des installations nucléaires a demandé d'une part l'amélioration des procédures proposées et d'autre part de vérifier rapidement la fiabilité des systèmes de détection de fuite de sodium notamment dans la cuve de sécurité du réacteur.

suite:
     Parallèlement, le service central de sûreté des installations nucléaires a autorisé diverses actions entreprises, telles que la baisse du niveau de sodium dans le barillet afin de tenter de localiser la fuite, la mise en place, à travers l'enceinte de confinement du réacteur, d'une tuyauterie permettant la vidange du sodium contenu dans le barillet vers les réservoirs situés à l'extérieur du bâtiment réacteur, ainsi que l'extraction du barillet des assemblages postiches en acier non irradiés.
     Enfin, il a été demandé aux inspecteurs des installations nucléaires de base du bureau de contrôle de la construction nucléaire d'effectuer une mission de surveillance relative d'une part à la tenue de la cuve de rétention et d'autre part au réexamen de la fabrication du barillet, à son expertise et à la définition et au suivi des réparations nécessaires.

2.2. L'information du public
     Signalons tout d'abord que M. Madelin, ministre de l'industrie, des P et T et du tourisme, a visité la centrale nucléaire de Creys-Malville le 15 avril 1987 en présence de nombreux journalistes et que la commission locale d'information s'est réunie le même 'jour sous la présidence de M. Carignon, ministre de l'environnement, président du conseil général de l'Isère.
     Outre les nombreuses actions d'informations menées par l'exploitant, le service central de sûreté des installations nucléaires en liaison avec la délégation à l'information et à la communication a diffusé une information par l'intermédiaire du magazine minitel du ministère de l'industrie, des P et T et du tourisme relatif à la sûreté nucléaire.
     Le premier commentaire a été diffusé dès le 3 avril. Les informations ont ensuite été réactualisées chaque semaine en fonction des actions effectuées par l'exploitant. A partir du 17 avril, un dossier spécial se présentant sous la forme d'une dizaine de questions-réponses a été rajouté au bulletin habituel. Les points évoqués dans ce dossier étaient les suivants:
     - pourquoi n'arrête-t-on pas les centrales sur chaque incident?
     - que se passe-t-il si l'enveloppe de récupération se perce?
     - à quoi sert le barillet?
     - pourquoi y a-t-il du sodium dans le barillet?
     - faut-il arrêter aujourd'hui le réacteur?
     - quel est le temps de réparation envisagé?
     - faudra-t-il arrêter le réacteur pour réparer?
     - combien coûterait aujourd'hui l'arrêt du réacteur?
     Un article plus complet a été par ailleurs rédigé pour être édité dans le bulletin S.N. n°56 relatif aux mois de mars et avril 1987.

3. Eventualité du fonctionnement ultérieur du réacteur

3.1. Le service central de sûreté des installations nucléaires n'a autorisé le fonctionnement du réacteur que jusqu'au 31 mai 1987 tant que le barillet de stockage ne sera pas vidangé de son sodium.
     L'exploitant envisage, une fois cette opération effectuée, de faire éventuellement fonctionner le réacteur durant la réparation du barillet de stockage, exception faite naturellement des périodes de travaux qui pourraient nécessiter l'arrêt du réacteur.

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Schéma n°5

     Le service central de sûreté des installations nucléaires a demandé à l'exploitant d'apporter la justification d'un tel fonctionnement du réacteur sans disponibilité du barillet de stockage. En effet si la disponibilité du barillet n'est pas requise pour le fonctionnement en puissance, il convient de s'assurer qu'il n'existe pas de situation incidentelle ou accidentelle plausible dans laquelle l'indisponibilité du barillet constituerait un facteur aggravant.

3.2. Par ailleurs, compte tenu de l'incertitude relative à la réparation et aux travaux de vidange du barillet, l'exploitant recherche les moyens de disposer dans le coeur du réacteur de la plus grande capacité possible de fonctionnement. Le coeur actuellement présent dans le réacteur peut fonctionner encore durant 150 jours à pleine puissance. Afin de disposer d'une capacité supplémentaire, l'exploitant envisage de charger dans le réacteur par l'intermédiaire du barillet et avant la vidange de celui-ci une soixantaine d'assemblages qui porteraient la capacité de fonctionnement à 380 jours.
     Cette éventualité n'a bien sûr de sens qu'en cas d'accord sur le point 3.1. ci-dessus. Au plan de la sûreté, elle devra être appréciée en regard du retard engendré pour la vidange du barillet et des risques éventuels engendrés par le barillet défectueux par une telle opération. Le service central de sûreté des installations nucléaires a demandé à l'exploitant de présenter les dossiers justificatifs correspondant à ces différentes questions.

suite:
C. EXTRAITS DU RAPPORT D'ACTIVITÉ
DU CEA 1986
«RECHERCHE APPLIQUÉE NUCLÉAIRE»
(pages 35 et 36)

Les réacteurs à neutrons rapides:
     Le programme de développement des réacteurs à neutrons rapides a été marqué en 1986 par:
· la montée en puissance du réacteur prototype Superphénix à Creys-Malville, et son raccordement au réseau, et la mise en place de collaborations en R & D avec les partenaires européens et en particulier les Anglais,
· la réflexion menée dans le cadre d'Ecra (Etudes pour la Conception des Réacteurs Avancés) sur la compétivité de la filière (réacteurs et cycle).
     Superphénix a atteint sa puissance nominale de 1.200 MWe le 9 décembre. Quelques incidents ont eu lieu lors de la montée en puissance, comme dans tout prototype. Après un démarrage intervenu avec quelques mois de retard, dus à une série de mises au point sur la régulation et la partie classique de la centrale, des essais ont permis de confirmer notamment la validité des solutions adoptées pour pallier les phénomènes de vibrations parasites apparus lors des essais préliminaires en sodium. Au cours de ce démarrage, comme cela avait été prévu, des informations nombreuses ont été collectées; les outils de calcul ont ainsi été qualifiés et les conditions de fonctionnement de la centrale améliorée. Un incident s'est produit au début de 1987 sur le barillet du réacteur Superphénix (fuite de sodium dans l'intercuve); ceci est gênant (et sans doute coûteux) mais il s'agit d'un élément annexe, utilisé uniquement pour le chargement ou le déchargement des assemblages combustibles et indépendant des circuits principaux et des barrières de sécurité. Le barillet est d'ailleurs un des éléments sur lesquels doit porter le progrès technique et le gain économique. Ce barillet n'existe plus dans l'actuelle conception du projet du futur réacteur 1.500 et une autre solution a été adoptée pour les mouvements de combustibles.

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    Bien qu'il n'y ait encore aucun engagement concernant un futur projet de réalisation européenne (lieu et date de construction), la collaboration entre les différentes équipes de R & D s'est intensifiée, notamment avec les Anglais. Cependant, la complexité du volet industriel n'a pas encore rendu possible la signature des accords correspondants.
     Novatome remettra à EDF à la mi-87 un avant-projet détaillé (APD) pour un réacteur de 1.500 MWe. Le GEA fournira à Novatome les résultats nécessaires à la dernière phase de mise en forme de cet APD. En 1986 les travaux de R & D se sont déroulés en cohérence avec ces objectifs. Ce projet marque déjà une progression importante de la compétitivité des RNR, due à des améliorations techniques et conceptuelles.
     Par ailleurs, une réflexion a été entreprise pour mettre en évidence des conditions et des voies nouvelles à étudier pour améliorer la compétitivité économique des réacteurs à neutrons rapides à la fin des années 1990. A ce stade, ces études sont conçues pour pouvoir s'intégrer dans tout projet européen de réacteur rapide. En particulier, s'il s'avérait que nos partenaires ne pouvaient pas s'engager dans les délais souhaitables dans le futur projet européen actuellement en cours de discussion, le Commissariat pourrait rechercher, en étroite liaison avec EDF, à développer un nouveau projet de réacteur intégrant les résultats des études précédentes et donc plus compétitif sur le plan économique.
     Rappelons pour conclure qu'en 1986, le réacteur Phénix a dépassé, en milieu d'année, le cap des 15 milliards de kWh d'électricité produite depuis son démarrage, il y a douze ans.
     Dans Cabri, les expériences ont permis d'étudier le comportement d'un élément combustible de réacteur à neutrons rapides soumis à des transitoires accidentels de puissance et de mettre au point le code de calcul, Physurac, utilisable pour l'analyse de sûreté de ce type de réacteurs. Les cinq derniers essais réalisés avec des aiguilles pré-iradiées du programme franco-allemand, se sont déroulés avec succès.
     Les prochains essais ont pour objectif, l'étude d'un spectre élargi d'incidents et d'accidents de réacteur selon un programme élaboré et discuté avec EDF et les partenaires européens.
     Au cours du programme Scarabée, effectué en collaboration avec EDF et différents partenaires étrangers (Japon, Grande-Bretagne, Communautés Européennes), un essai important dénommé BE+ 3 visant à étudier le comportement d'un assemblage en cas de bouchage instantané et complet, a montré que dans le cas étudié la perte du tube hexagonal ne peut être évitée.

Commentaire G.S.I.E.N.
     Nous sommes d'accord avec la phrase «Quelques incidents ont eu lieu, comme dans tout prototype». Mais nous ne comprenons pas l'affirmation concernant le barillet «Il s'agit d'un élément annexe, utilisé uniquement pour le chargement, indépendant des circuits principaux... Ce barillet n'existe plus pour le futur réacteur 1.500»...
     Et alors? En quoi cette absence apporte-t-elle une solution pour Superphénix? Certes on étudie sa disparition, mais on la remplace par un stockage prévu en cuve principale.
     Tout ce type d'argumentaire ne concerne en rien l'actuel surgénérateur. Par contre répondre aux questions que pose cette fuite concernant la nuance d'aciers, concernant les détecteurs de fuite, devrait être le travail du CEA. A quoi sert de vivre dans l'avenir si le prototype a une panne sur un organe censé n'en avoir jamais?

suite:
D. INTERVENTION DE L'A.P.A.G.
(Association pour l'Appel de Genève - accès webmaistre))
Abrégé de la Déclaration liminaire prononcee
par le Président de l'A.P.A.G. lors
de l'audience accordée par une délégation
du Conseil d'Etat de Genève à une délégation
de l'A.P.A.G. le mardi 9 juin 1987

     Messieurs les Conseillers d'Etat,

     1. Au nom du Bureau de l'A.P.A.G., je tiens à vous remercier de nous avoir accordé cette audience d'urgence. J'ai l'honneur de vous présenter les membres de notre délégation qui sont les professeurs Lucien Borel, Charles Enz, Hansjörg Huggel, le pasteur Alain Perrot et le professeur Jean Rossel. Je me propose de vous expliquer en 10 minutes les raisons de la démarche sans précédent qui nous a conduits à vous demander la présente audience, après quoi les membres de la délégation de l'A.P.A.G. se tiendront à votre disposition pour vous fournir des renseignements complémentaires.

     2. L'objet de la démarche de l'A.P.A.G. est double:
     D'une part, nous tenons à vous donner en primeur certaines informations sur le malfonctionnement du surgénérateur de Creys-Malville, qui confirment nos appréhensions antérieures quant à la mise en danger par le Superphénix de la sécurité nucléaire de Genève et, bien sûr, des territoires français et vaudois adjacents. D'autre part et en conséquence, nous venons vous prier de demander, en tant que Conseil d'Etat, audience au Conseil fédéral afin que ce dernier intervienne énergiquement auprès du Gouvernement français pour obtenir l'arrêt définitif du Superphénix, c'est-à-dire pour empêcher sa remise en marche à la fin du mois d'août 1987 ou, plus vraisemblablement, d'ici la fin de l'année 1987.
     I. Pour l'appréciation des informations qui suivent, il convient de rappeler que le surgénérateur Superphénix de Creys-Malville n'est pas un réacteur nucléaire ordinaire mais un prototype de taille industrielle d'une filière abandonnée par les Etats-Unis d'Amérique en raison des risques inhérents à l'utilisation massive de plutonium (l'un des éléments les plus toxiques qui soit puisqu'il est létal déjà à l'échelle du millionième de gramme) et à la métallurgie mal maîtrisée du sodium, métal qui s'enflamme spontanément à l'air libre et explose au contact de l'eau. Il convient de rappeler aussi que, contrairement aux réacteurs nucléaires dits conventionnels, un réacteur surgénérateur tel que le Superphénix peut être le siège d'une véritable explosion nucléaire, pudiquement baptisée excursion nucléaire et ravalée au rang de «risque résiduel» par les promoteurs.
     II. Les promoteurs du Superphénix ont fait accroire à l'opinion publique que ce réacteur était victime d'un incident somme toute mineur et périphérique, qui allait être réparé à la faveur d'un «arrêt de routine» de trois mois. La vérité est tout autre, même en s'en tenant au seul problème du barillet, unique moyen de charger et de décharger le réacteur. En effet, la fuite de sodium intervenue dans ce barillet fait apparaître à tout le moins trois types de problèmes mettant en cause la sécurité de l'installation:
     D'une part les installations annexes dites de lavage du sodium et l'atelier pour l'évacuation du combustible irradié ne sont toujours pas achevées, de sorte que l'on se trouve dans la situation d'une salle de spectacle ou d'une usine mise en service avant l'achèvement des sorties de secours.

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     D'autre part, cette fuite, dont la localisation n'a toujours pas pu être effectuée, met en lumière les problèmes d'étanchéité et de soudure dont le comportement au contact du sodium est loin d'être bien connu. Or, il convient de rappeler que si l'avarie du barillet provient vraisemblablement d'une défaillance dans les soudures, celles-ci sont au nombre de quelque 20.000 dans les échangeurs de chaleur séparant le circuit de sodium secondaire de la vapeur d'eau actionnant les turbines.
     Enfin, et surtout, l'avarie du barillet, loin de s'inscrire dans un quelconque contrôle de routine, va obliger la Nersa, c'est-à-dire le constructeur, à démolir au marteau piqueur l'enceinte de confinement jouxtant le barillet afin de pouvoir y accéder pour le réparer ou le remplacer, ce qui, en soi, démontre l'impéritie des concepteurs.

III. Il y a beaucoup plus grave que cet incident technique complètement imprévu, c'est le malfonctionnement du système d'alerte qu'atteste la chronologie suivante la fuite du sodium fut détectée le 3 mars 1987. Elle aurait dû être aussitôt signalée au SCSIN, le Service Central de Sûreté des Installations Nucléaires, dont le sigle imprononçable lui a valu, dans les milieux nucléaires français, le surnom de «zinzin». Or elle ne le fut que le 9 avril. Ce retard a provoqué une vive émotion, tant au sein du SCSIN qu'au sein du Conseil de sûreté nucléaire, à telle enseigne qu'une enquête administrative a été ouverte pour découvrir les causes et les responsables de ce coupable retard. Nous tenons ce renseignement d'un membre du Conseil de sûreté nucléaire qui a accepté d'être nommé: il s'agit de M. Raymond Sené, docteur en physique nucléaire, chargé de recherche au CNRS, qui travaille au laboratoire de physique corpusculaire du Collège de France. Il convient de rappeler que s'il a fallu plus d'un mois à l'exploitant pour informer de la fuite du sodium le SCSIN, l'arrêt de la centrale, lui, est intervenu six semaines plus tard, soit le 27 mai seulement.
IV. Malheureusement, il y a plus grave encore: le calcul des marges de sécurité du surgénérateur de Creys-Malville fait désormais problème pour deux raisons complémentaires, l'une très générale, l'autre particulière à ce type de réacteur et mise en lumière par une découverte récente d'un groupe de scientifique de Brême.
     Quiconque pratique tant soit peu l'histoire des techniques sait que les coefficients de sûreté des installations industrielles sont passées au cours des décennies écoulées de 10 à 3, puis à 2, à 1,5 enfin à 1,05 pour des raisons d'économie beaucoup plus que pour des raisons de faisabilité. C'est à cette lumière qu'il convient d'apprécier la capacité de résistance de l'enceinte de confinement aux 800 MJ d'énergie mécanique de l'accident de référence visé par le décret portant autorisation de construire.
     Or, la firme d'ingénieurs conseils Kollert, Donderer & Boikat de Brême a démontré récemment dans une série d'études dont nous vous avons communiqué les références et les conclusions principales, que les calculs de l'accident de référence, tant pour le réacteur de Kalkar que pour celui de Creys-Malville, sont entachés d'incertitudes considérables. Il en résulte notamment que si même l'enceinte de confinement du Superphénix résistait à un dégagement de 800 MJ, elle ne résisterait certainement pas à un dégagement d'énergie mécanique nettement supérieur dont la possibilité ne saurait désormais être écartée au vu des études du groupe de Brême.

suite:
V. Je n'ai fait qu'énumérer les principaux problèmes de sécurité que le surgénérateur Superphénix pose actuellement, d'après les informations qu'en a l'A.P.A.G. Il me faut toutefois préciser que nous avons connaissance d'autres problèmes, liés notamment à la sismicité, et que nous ne pouvons pas exclure notre ignorance de problèmes tout aussi importants que ceux que nous venons de vous présenter.

3. J'en arrive à notre conclusion. L'arrêt actuel du surgénérateur de Creys-Malville offre au Conseil d'Etat de Genève une chance historique unique d'intervenir auprès du Conseil fédéral pour que ce dernier presse le Gouvernement français de renoncer à la remise en marche de Superphénix. Il y va, à notre avis, de la sécurité nucléaire de notre canton et des territoires français et vaudois adjacents qui sont comme nous sous le vent de Creys-Malville. Que ce dernier ne devienne pas un Super-Tchernobyl, voilà en bref notre grande préoccupation.

Pour les membres du bureau de l'APAG
le Professeur Ivo RENS

Annexe I
Risques d'un accident majeur à Creys-Malville
par Lucien Borel, professeur à l'E.P.F.L.
(Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne)

     Les promoteurs du nucléaire tranquillisent les citoyens en disant que la probabilité d'occurrence d'un accident majeur au surgénérateur de Creys-Malville est extrêmement faible (de l'ordre de 1 fois en 100.000 ans), entretenant l'illusion que le risque correspondant peut être considéré comme négligeable. Afin de mieux tromper l'opinion, ils utilisent l'euphémisme «risque résiduel».
     Il est vrai que les efforts considérables de la recherche en matière de sécurité et les crédits énormes investis dans la technologie nucléaire ont diminué la probabilité d'occurrence d'un accident majeur dans une proportion remarquable. Malheureusement, le risque dépend d'un autre facteur essentiel, qui est l'ampleur de l'accident et de ses conséquences.
     Le fait d'invoquer seulement la faible valeur de la probabilité d'occurrence pour laisser croire que le risque est pratiquement nul est une imposture scientifique et éthique pour les deux raisons suivantes:
     D'une part, les calculs de probabilités s'appuient sur des modèles qui ne peuvent être que grossiers par rapport à la réalité, étant donné l'extrême complexité d'un surgénérateur. Ils sont donc forcément entachés d'incertitudes, d'omissions et d'erreurs qui rendent les résultats sujets à caution, pour ne pas dire totalement illusoires (les incidents intervenus dans les accidents graves connus, comme ceux de Three Mile Island et de Tchernobyl n'avaient pas été prévus dans les calculs de probabilités, tout comme les incidents récents ayant nécessité l'arrêt de Creys-Malville.

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     D'autre part, les calculs de probabilités sont fondés sur la loi des grands nombres. Dire qu'un événement ne se produira que 1 fois en 100.000 ans n'a de sens que si l'on considère une période de temps suffisamment longue pour pouvoir faire des moyennes, par exemple 100 millions d'années. D'ailleurs, selon les mêmes lois de probabilités, il est impossible de prévoir les dates auxquelles les événements sont susceptibles de se produire. En conséquence, malgré la très faible probabilité avancée, un accident majeur au surgénérateur de Creys-Malville peut se produire à tout moment, c'est-à-dire dès sa remise en marche, dans un an, dans dix ans...
     Dès lors que la probabilité d'occurrence d'un accident majeur n'est pas absolument nulle et ne peut pas l'être, le seul facteur qui est à considérer est l'ampleur de l'accident lorsqu'il se produit.
     Il est donc fallacieux de laisser croire aux citoyens que Creys-Malville n'est pas dangereux en arguant du fait que la probabilité d'occurrence d'un accident majeur serait très faible, si cet accident entraîne, lorsqu'il se produit, une catastrophe affectant la plus grande partie de l'Europe et causant des dizaines de milliers de morts d'une façon immédiate ou différée.
     Les promoteurs du nucléaire tranquillisent également les citoyens en relevant les efforts spectaculaires et les crédits importants consentis pour informer et protéger la population, entretenant l'illusion qu'il serait possible de maîtriser les conséquences d'un accident majeur.
     Il s'agit en fait d'une fausse sécurité. Certes, il est utile d'augmenter le nombre des postes de détection et la fréquence des contrôles de la radioactivité, d'améliorer la qualité des mesures, de développer la rapidité et la fidélité des informations, ainsi que les services de protection civile. Mais toutes ces mesures sont dérisoires par rapport à l'ampleur de la catastrophe qui serait entraînée par un accident majeur à Creys-Malville. Quelles que soient les mesures prises, le chaos et l'horreur l'emporteraient de loin sur les quelques atténuations locales et temporaires des effets de la radioactivité.
     Il est donc fallacieux de laisser croire aux citoyens qu'ils seront protégés en cas d'accident majeur à Creys-Malville, alors qu'en réalité des centaines de milliers de personnes (notamment des Suisses) seront contraints de quitter leur coin de terre pour le restant de leur vie, cela dans l'hypothèse optimiste où ils ne seraient pas morts ni trop fortement irradiés.
     Etant donné que le recours à la technique des surgénérateurs est l'oeuvre de l'homme, l'éventualité d'un accident majeur à Creys-Malville n'a aucunement le caractère de fatalité que l'on peut reconnaître à une catastrophe naturelle. Dès lors, les arguments tranquillisants ci-dessus, administrés aux citoyens par les promoteurs du nucléaire pour justifier le surgénérateur de Creys-Malville, doivent être dénoncés comme étant inacceptables.
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