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N°88/89

Les normes de l'évolution du facteur de risque cancérigène des rayonnements ionisants
(voir également SEBES 1998: Les normes internationales de radioprotection; accès webmaistre)
     Les normes officielles concernant la radioprotection du public et des travailleurs s'appuient essentiellement sur le facteur de risque cancérigène - nombre de morts par cancer produit par unité de dose de rayonnement reçu - évalué à partir du suivi des survivants japonais des bombes A (Hiroshima et Nagasaki). 
     L'évolution du facteur de risque peut se résumer de la façon suivante: 
     1) L'étude des survivants a commencé en 1950 par un recensement de la population et porte sur une cohorte de 80.000 personnes. 
     2) Pour établir le facteur de risque, il faut disposer de deux informations: 
     - l'excès des cancers observés dans la population étudiée par rapport à une population témoin n'ayant pas été irradiée. 
     - les doses reçues par cette population. 
     3) La dosimétrie pour Hiroshima et Nagasaki (évaluation des doses individuellement reçues par les membres de la cohorte) a été calculée en 1965. Les archives concernant les calculs ont été détruites. En 1980; les calculs ont été contestés et il a été établi officiellement qu'ils étaient faux. Les doses reçues avaient été surévaluées. 
     4) Le taux de mortalité des survivants des bombes A est effectué par une Fondation américano-japonaise basée à Hiroshima. Cette Fondation publie régulièrement l'état de la mortalité observée. Jusqu'en 1987, les données brutes de mortalité n'étaient pas publiques. Seuls les rapports de la Fondation étaient connus, faisant état des analyses des résultats et de quelques données partielles. Depuis 1987, des chercheurs indépendants ont obtenu la communication des données brutes et ils pourront effectuer des analyses indépendantes. 
     5) Le facteur de risque dû au rayonnement qui est actuellement admis internationalement a été fixé en 1977 par la CIPR dans sa publication n°26. Elle s'appuyait sur les observations de mortalité faites par la Fondation de Hiroshima jusque dans les années. 70 et sur la dosimétrie calculée en 1965. Le facteur de risque recommandé était: 125 cancers mortels pour une population de 1 million de personnes recevant une dose de 1 rem; 42 morts par effets génétiques dans les deux générations qui suivront cette génération irradiée. 
     En fait, les résultats à cette époque montraient des courbes de mortalité en fonction de la dose qui présentaient un seuil: pas d'effets sensibles en dessous d'une dose seuil. Les experts officiels recommandent en 1977 que «pour des besoins de radioprotection» on admettra une relation linéaire sans seuil entre les effets - morts par cancer et morts génétiques - et la dose mais ils insistent sur le fait que cela surestime le risque et que c'est par «prudence» qu'ils adoptent cette position afin de protéger les personnes. Néanmoins, le modèle à seuil s'est fortement ancré dans l'esprit des responsables de la santé. 
     6) Entre 1950 et 1970, seules les leucémies parmi l'ensemble des cancers étaient en excès.
suite:
La courbe des excès de leucémie en fonction des années se présentait sous la forme d'une courbe d'abord croissante, passant par un maximum, puis décroissante et tendant vers zéro. L'impression qu'on en retirait était qu'un bilan quasi définitif des bombardements pouvait être fait et que la majeure partie des effets biologiques du rayonnement s'était exprimée ce qui justifiait alors le bilan présenté comme définitif par la CIPR en 1977. 
     7) Les tumeurs solides en excès apparurent plus tard que les excès de leucémie. Les excès annuels de ces cancers croissent d'année en année et on n'observe pas encore actuellement un début de décroissance. Par conséquent, la mortalité par l'ensemble des cancers prise en compte pour établir le facteur de risque de la CIPR sous-estimait l'effet du rayonnement. Le facteur de risque étant le rapport effet/dose, si on minimise l'effet et qu'on maximise la dose, on aboutit à sous-évaluer le risque. 
     8) Le dernier bilan publié par la Fondation de Hiroshima conduit aux conclusions suivantes: 
     - La courbe des excès de cancer en fonction des niveaux de dose ne présente plus de seuil. 
     - Le facteur de risque est plus élevé que celui évalué mitialement. 
     - Le risque dépend très fortement de l'âge au moment de l'irradiation. Il est beaucoup plus élevé lorsque ce sont des enfants de moins de 10 ans qui sont irradiés. 
     Ainsi le modèle sans seuil n'est plus une hypothèse qui surévalue le risque aux faibles doses mais il représente assez bien la réalité. 
     9) En 1977 a été publiée une étude sur la mortalité par cancer des travailleurs de l'usine nucléaire de Hanford aux Etats-Unis. 
     Les résultats de cette étude étaient totalement incompatibles avec ceux de l'étude sur les survivants japonais. L'étude sur les travailleurs ne montrait aucun seuil pour les excès de mortalité par cancers, le facteur de risque (excès de mort par cancer par rem) était environ 10 fois plus élevé que celui déduit à l'époque par la CIPR à partir des survivants. 
     Cette étude a été violemment critiquée par les officiels en radioprotection. Les résultats publiés récemment par la Fondation de Hiroshima se rapprochent notablement de ceux trouvés par le suivi des travailleurs de Hanford. 
     10) La CIPR s'est réunie en septembre 1987 à Côme. Elle a refusé de tenir compte des derniers résultats pour modifier ses recommandations concernant la radioprotection des travailleurs et de la population. Elle désire attendre encore deux ans avant d'énoncer de nouvelles recommandations.
Mars 1988
Résumé du document présenté
par Roger Belbeoch (GSIEN)
au Colloque «Nucléaire - Santé - Sécurité»
Montauban, janvier 1988
p.11
Le Docteur Fauconnier et sa femme portent plainte contre l'état français suite à la contamination post Tchernobyl en Corse.

Docteur FAUCONNIER Denis
Couvent de Tuani
Costa 20226 Belgodère
 

à Monsieur CLINTON Davis Commissaire pour l'Environnement
Membre de la Commission
des Communautés Européennes


     Monsieur, 
     Suite à la conférence des 5, 6 et 7 octobre 1987, à Luxembourg, et comme vous aviez précisé que tout citoyen pouvait saisir la cour Européenne de justice, je désire porter plainte contre l'état français qui n'a pas respecté le traité Euratom (et a fortiori la CIPR). 
     Comme preuves vous trouverez ci-joints une lettre que j 'ai adressée à Monsieur COGNE ainsi que sa réponse, les documents du SCPRI (analyses effectuées sur la Corse en mai et juin 86); les déclarations des divers ministères, la lettre que j'ai adressée au préfet de Corse et qui est toujours sans réponse, l'analyse de la crise par le GSIEN (Groupement des Scientifiques pour l'Information sur l'Energie Nucléaire) et ma propre analyse. 
     Je joindrai aussi la première page d'un document du CEA qui aurait dû rester interne mais que nous avons en notre possession, document qui prouve que le CEA a effectué des analyses en Corse mais nous n'avons en notre possession que leur travail effectué dans le Sud-Est de la France (Var, arrière pays Niçois...). 
     Ma femme se joint à moi pour porter plainte; nous considérons tous les deux que nos enfants ont été exposés par la négligeance de notre gouvernement à des doses fortes de radioactivité, 

considérant que cela hypothèque leur avenir, nous voulons que les responsables soiènt sanctionnés et que le SCPRI soit exclu de toute commission internationale et ne soit plus reconnu comme organisme de référence puisqu'il a fait la preuve de son incompétence dans la gestion de cette crise (incompétence notoire cf. ses rapports stériles). 
     Je tiens à porter plainte aussi au nom de ma clientèle,. composée de personnes appartenant à un «groupe critique» de par leur mode de vie et d'alimentation, dont la pathologie thyroïdienne a augmenté ces derniers mois de façon tout à fait anormale. 
     Je vous prie de nous aider dans notre tâche en demandant avec nous au gouvernement français la mise en oeuvre officielle d'un suivi des populations qui s'impose. 
     Vous trouverez ci-jointe photocopie d'un supplément du «concours médical» où les médecins d'EDF (qui ne peuvent pas être suspectés d'etre antinucléaires) préconisent ce suivi que nous voudrions voir appliqué dans notre région. 
     En effet, en se basant sur l'alimentation type de notre région à cette époque de l'année (mai et juin), les doses évaluées d'iode 131 à la thyroïde ont été pour beaucoup de 1 Sv et plus. 
     Nous espérons votre aide pour éviter le pire et pour que soient punis les responsables qui ne nous ont pas protégés comme ils l'auraient dû (SCPRI, Ministère de la Santé, DDASS, Protection Civile) sachant que les mesures de prévention diminuent le risque d'un facteur 2 à 50 (cf. le Concours médical: Bertin, Martin, Gallin-Martel p. 2648). 
     Comptant sur votre compréhension et votre soutien, nous vous prions, Monsieur, de bien vouloir agréer nos salutations distinguées.
Fait à Costa le 23/10/87
FAUCONNIER Denis
FAUCONNIER Marie-Antoinette
C. LES MENTEURS
Le «NUAGE»

     Dans un article intitulé «Le Nuage» (Concours Médical du 5 sept. 1987), Monsieur Bertin, du Comité de Radioprotection de l'EDF, écrit «Lors du passage du nuage sur la France début mai, si quelqu'un avait absorbé un demi-litre de lait par jour contenant une activité de 400 Becquerels par litre (c'est le maximum relevé par le SCPRI) [NDLR: souligné par nous], il aurait ingéré 1.000 Becquerels, soit 1% de la limite annuelle». Signalons que la «limite» dont il s'agit concerne les adultes. En Angleterre, la «limite» pour les enfants est environ 7 fois plus faible.

Si Monsieur Bertin avait consulté comme nous les Bulletins mensuels du SCPRI, il aurait pu constater que des laits, d'après Monsieur Pellerin lui-même qu'on ne peut pas accuser d'exagérer la gravité de la situation, ont dépassé les 400 Becquerels par litre en Corse, dans le Sud-Est et l'Est au début du mois de mai 1986. 

     Voici quelques relevés extraits des Bulletins de mai et de juin 1986:

 p.12

     Les relevés quotidiens à Vioménil du 2 mai au 26 mai - sauf pendant le week-end des 3 et 4 mai pour lequel il n'y a pas d'indication (le SCPRI ne semble pas avoir fonctionné pendant les week-end, voir la Gazette Nucléaire N°78/79) - permettent de calculer la demi-vie effective de l'Iode 131. Elle est de 4,5 jours pour ce lait de vache. Cette valeur est en accord avec la fourchette donnée par l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire du CEA. Ainsi, un lait de vache à 250 Bq/l le 12 mai en Moselle était donc à plus de 1.000 Bq/l début mai, tout comme celui de Haute Savoie.

suite:
     Nous avons déjà mentionné la très forte contamination en Iode 131 du lait de brebis en début mai pour la Haute Corse (Gazette Nucléaire N°78/79) où des contaminations de 15.000 à plus de 30.000 Bq/l ont pu être atteintes. Celles de l'Hérault sont également très importantes et dépassent largement les 400 Bq/l mentionnés par Monsieur Bertin. 
     Les cartes du SCPRI relatives à la contamination en Iode 131 du lait de vache pour les 21 régions françaises donnent la valeur moyenne par région et la valeur maximum 5 régions (Alsace, Lorraine, ChampagneArdenne, Franche Comté, Rhône-Alpes) dépassent 400 Bq/l pour la première semaine de mai. Quant aux 2 régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse il est indiqué «résultats non parvenus»... 
     Des laits en poudre ont également dépassé les 400 Bq/kg comme le lait Nido (le 8/5/86), 750 Bq/kg en Iode 131 et 65 en Césium 137 (à Boué), à Challerange (le 12/5/86) 1.300 Bq/kg en Iode 131 et 440 en Césium 137. Grâce à M. Pellerin, ces laits en poudre n'ont pas été interdits à la consommation.
p.13

     Alors de qui se moque-t-on? Monsieur Bertin ignore-t-il ces faits? Nous ne pouvons pas croire que Monsieur Bertin ne lise pas d'une façon attentive les Bulletins du SCPRI. Que doit-on en conclure? Nous pensions que ses fonctions de Vice-Président du Comité de Radioprotection de l'EDF faisaient obligation à Monsieur Bertin de protéger les Français, ce qui passe obligatoirement par une information correcte de la population. Camoufler la réalité pour accréditer l'idée qu'après Tchernobyl il ne s'est rien passé en France, cela fait-il partie des obligations professionnelles de Monsieur Bertin?

Qui renseigne la CEE pour la France?
     Le Journal Officiel des Communautés Européennes du 9-3-1987 publie un tableau que nous reproduisons, donnant la contamination du lait destiné à la consommation pour les divers pays d'Europe:

     On voit que pour l'Allemagne les valeurs indiqûées sont conformes aux recommandations de la CEE (500 Bq/kg du 6 au 16 mai1986, 250 Bq/kg du 16 au 26 mai, 125 Bq/kg ultérieurement).
suite:
De plus, il est précisé que des valeurs supérieures (17.000 Bq/l le 8 mai) ont été mesurées mais que la République Fédérale d'Allemagne a imposé des restrictions qui ne permettaient pas de commercialiser le lait. 
     Pour la France, la valeur de 360 Bq/kg est donnée comme contamination maximum des laits de consommation. Nous avons vu plus haut, d'après le Professeur Pierre Pellerin lui-même, que la contamination du lait dans certaines régions françaises a très largement dépassé cette valeur et nous savons qu'aucune restriction n'a été faite pour la consommation de ces laits hauternent contaminés. 
     Qui en France a induit la CEE en erreur en communiquant à la Commission des valeurs grossièrement fausses? 
     Nous ne savons pas si le Professeur Pellerin a demandé l'ouverture d'une enquête pour trouver la personne qui a osé manipuler les mesures qu'il a publiées. Cela devrait lui être facile car il est membre au titre du traité Euratom du groupe des experts chargés d'étudier les conséquences de l'accident de Tchernobyl. Peut-être que Pellerin nous éclairera sur ce mystère?
p.14

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