Actuellement, la progression annuelle
est de 260.000 nouveaux chauffages électriques installés
par an. Certes, les beaux jours de l'accroissement du parc de logements
neufs semblent passés:
Nombre de logements neufs (en milliers) 1975: 543 - 1976: 502 - 1977: 491 - 1978: 475 - 1979: 460 - 1980: 440 - 1981: 422 - 1982: 393 - 1983: 382 - 1984: 351 - 1985: 245 (source: Consuel) et avec près de 70% de l'équipement de maisons neuves à son actif (26% des logements collectifs), le chauffage électrique approche de son maximum de pénétration sur ce marché. Mais il attend avec impatience la relève des chaudières à fuel installées dans les années 70 et dont on pronostique l'issue fatale vers 1995. Par ailleurs, la tendance à l'installation du chauffage électrique se retrouve dans le tertiaire, avec un certain retard par rapport au résidentiel. Au total, pour les prévisionnistes d'EDF et les pouvoirs publics, le chauffage électrique devrait continuer à constituer à l'horizon 2000 une part importante de la consommation finale d'électricité. En 1985*, cette part est estimée grossièrement à 50 TWh/an (+ 18 TWh/an pour l'eau chaude sanitaire) dans le secteur résidentiel et tertiaire, sur les 260 TWh/an consommés (et qui pourraient atteindre 400 TWh/an vers 2000). La consommation moyenne annuelle par le chauffage électrique masque des épisodes de boulimie soudaine, durant l 'hiver notamment; la consommation de janvier est ainsi supérieure de 70% à celle d'août (l'écart n'est que de 20% en Belgique, où le chauffage électrique est moins développé). |
La vague de froid, début 87, a culminé
le 15/l, jour de référence pour EDF: la consommation a atteint
un niveau record de 62.270 MW à 19 heures, le nucléaire
en assurant 38.570:
Hors chauffage électrique du résidentiel et du tertiaire, la pointe de production se situerait vers 43.000 MW: il est nécessaire de surdimensionner d'1/3 le parc de production pour assurer les pointes de consommation exceptionnelles (l'équivalent d'une bonne vingtaine de tranches nucléaires de 1.000 MW). Une diminution volontariste du parc nucléaire, si elle n'est pas compensée par une augmentation parallèle du parc charbon/gaz, impliquera une remise en cause radicale du chauffage électrique installé; et ceci quelle que soit l'ampleur des mesures qui seraient prises pour améliorer les performances de l'habitat et l'isolation. p.12a
|
Le chauffage électrique
des logements est très peu répandu à l'étranger.
En R.F.A., certains distributeurs d'électricité le proscrivent
même totalement. En France au contraire, 70% des logements neufs
construits chaque année et déjà le quart de l'ensemble
des logements existants sont munis d'un chauffage électrique. Comment
ce qui est vérité au-deçà du Rhin peut-il être
erreur au-delà?
Une première réponse vient à l'esprit: la France disposerait d'un parc de production électrique plus apte que les autres à assurer les consommations de chauffage. Il faut écarter cette hypothèse, puisque les moyens les plus économiques en la matière sont - sauf si l'on est doté de ressources hydroélectriques très abondantes - les centrales à charbon, et qu'il est clair que la France n'a pas d'avantage spécifique en ce domaine. Il est vrai que, dans la situation de surcapacité nucléaire que nous connaissons maintenant et pour plusieurs années, le parc nucléaire peut assurer dans les faits une partie des consommations de chauffage; mais il s'agit dans ce cas d'un nucléaire sous-utilisé, économiquement inadapté et l'on ne peut souhaiter que cette situation se perpétue. |
Si le chauffage électrique, quasi-inexistant
vers 1970, s'est ensuite développé en France, c'est d'abord
parce qu'EDF s'en est fait une priorité. L'objectif était
clair: conquérir de nouveaux marchés. Cette politique était
présentée à l'opinion comme une mission de salut public:
le jour étant proche, disait-on, où la dernière goutte
de pétrole serait épuisée, l'atome devait prendre
le relais. Un tel discours a trouvé dès l'origine un écho
favorable chez les maîtres d'ouvrage, qui ont vu dans le chauffage
électrique un moyen de diminuer les coûts de construction
des logements[1]; quant aux installateurs, moins spontanément
acquis à cette cause, EDF n'a pas ménagé ses efforts
- formation, actions diverses de promotion... - pour les convertir.
La stratégie une fois fixée, il restait à la mettre en œuvre. Là où chacun des quelque mille distributeurs allemands d'électricité aurait sans doute échoué, EDF a su tirer parti de sa position dominante pour obtenir un succès commercial incontestable. Première entreprise française par le chiffre d'affaires, elle est la première entreprise électrique du monde occidental, et elle est celle qui détient le monopole le plus étendu. Sa taille et ses moyens financiers en font l'un des groupes les plus importants du pays. p.12b
|
La concurrence des autres énergies
est bien moins un obstacle pour EDF qu'elle ne l'est pour les distributeurs
d'électricité étrangers. En particulier, EDF et GDF
ont un réseau de distribution commun, et les ambitions commerciales
de GDF ne sont guère favorisées par la présence de
son imposant frère siamois, A l'étranger, au contraire, où
distributeurs de gaz et d'électricité sont totalement indépendants,
c'est le gaz qui est l'énergie dominante sur le marché du
chauffage des logements.
Par ailleurs, promouvoir le chauffage électrique suppose de pouvoir investir de façon importante, aussi bien dans la production que dans la distribution; mais là encore, ce n'est pas pour EDF un obstacle sérieux. La qualité de sa signature sur les marchés financiers, liée à son statut et à l'importance d'une clientèle captive propre à assurer tout prêteur, lui confère en effet une capacité d'endettement dont on voit mal les limites et qui n'a pas d'égal à l'étranger. Pour atypique qu'elle soit, notre situation pourrait fort bien ne présenter aucun inconvénient: chacun a le droit de se chauffer à l'électricité s'il le souhaite, pour peu qu'il en supporte les coûts et contraintes spécifiques, Tel n'est malheureusement pas le cas, loin s'en faut. Le chauffage électrique présente, en France comme ailleurs, deux caractéristiques, d'ailleurs liées: il est saisonnier, et il est coûteux. Il est saisonnier: les deux tiers des consommations sont concentrées sur un tiers de l'année, En hiver, il engendre des pointes de consommations de courte durée, qui amènent d'année en année à battre de nouveaux records de puissance appelée, à mesure que le parc de logements concernés s'accroît. Tout cela est coûteux, puisque faire face à cette demande suppose que l'on ait mis en place des moyens de production qui resteront inutilisés le reste de l'année. Rien ne s'opposerait a priori à ce que ce coût soit facturé par EDF aux consommateurs concernés; mais c'est ici qu'intervient un paradoxe. Alors que les usagers industriels, dont la consommation est pourtant régulièrement répartie sur l'année, se voient facturer une électricité beaucoup plus chère en hiver qu'en été - du fait précisément de l'existence des consommations de chauffage -, les usagers du chauffage électrique paient leur kWh au même prix tout au long de l'année, Du moins, pensera-t-on, la facture annuelle de ces usagers est-elle calée de façon à couvrir la totalité des coûts; mais ce n'est pas davantage le cas. En effet, EDF facture au total chaque kWh de chauffage électrique à la moitié environ de son prix de revient comptable[3]; comme EDF équilibre ses comptes, ce sont les autres usagers qui paient la différence, qui dépasse au total 25 milliards de francs. Un tel constat ne manquerait pas d'alarmer un électricien allemand, qui facture ses clients sur la base des prix de revient; EDF, en revanche, fera valoir qu'elle n'a que faire des prix de revient comptables, puisqu'elle fonde ses tarifs sur les «coûts marginaux de développement»[4], Mais il se trouve que même par rapport à ses principes tarifaires, EDF fait bénéficier les usagers du chauffage électrique d'avantages non négligeables. Les autres usagers d'EDF ne sont pas lésés sur le seul plan des prix; ils doivent accepter d'importantes contraintes, s'ils veulent pour abaisser leur facture s'abstenir de consommer en hiver, EDF pousse d'ailleurs ces usagers à s'effacer, alors qu'ils ne sont en rien responsables des pointes de consommation. En outre, le réseau électrique, commun à tous les usagers, est de plus en plus vulnérable aux accidents climatiques. (suite)
|
suite:
Que faire, dans ces conditions? La croissance du parc de logements chauffés à l'électricité a été favorisée par des avantages tarifaires indus, qui doivent prendre fin. Vis-à-vis des clients actuels d'EDF, il importe de rééquilibrer progressivement les tarifs pour résorber le transfert dont bénéficient les usagers du chauffage électrique. Sur ce premier point, un pas a été fait en février 1987 puisque pour la première fois depuis 1973 les tarifs des usagers industriels ont davantage baissé que ceux des clients domestiques. Il faut en outre introduire un tarif saisonnalisé pour les usagers domestiques et professionnels nouveaux souscrivant une forte puissance. Ce tarif se substituerait progressivement au tarif actuel pour les abonnés anciens. Tout en ne s'appliquant qu'à un sixième des abonnés domestiques et professionnels, il assurerait une taritïcation plus juste des plus gros usagers du chauffage électrique. I. Le constat: le chauffage électrique s'est
très fortement développé en France ces dernières
années
II. Ce développement du chauffage électrique
est une particularité bien française; pourtant, rien dans
la structure du parc de production d'EDF ne le justifie
p.13
|
III. Le développement du chauffage
électrique en France résulte principalement de la volonté
d'expansion d'EDF; l'établissement a mis la puissance que lui confère
un monopole quasi-absolu et tout à fait spécifique à
la France au service d'une politique tarifaire et commerciale adaptée
à cette fin
Au début des années 1970, EDF considérait que le marché du chauffage des logements pouvait constituer, en raison de son importance, le principal champ d'expansion potentielle pour l'électricité. L'établissement, de par sa taille et l'étendue de son monopole, dispose de moyens de pression considérables (fiche n°4) pour atteindre ses objectifs. En outre, la distribution conjointe de l'électricité et du gaz par des services communs à EDF et GDF réduit singulièrement, en France, la concurrence du gaz, qui, à l'étranger, est en général l'énergie dominante sur le marché du chauffage des logements. EDF a mené à partir de 1970 une politique dynamique de promotion du produit «chauffage électrique», présentée comme une mission de salut public (cf. IV infra), et tournée à la fois vers les usagers domestiques et, surtout, vers les professionnels concernés du bâtiment (fiche n°5). Lc chauffage électrique bénéficie en France d'une tarification particulièrcmcnt attractive. Les choix faits par EDF dans le cadre de l'application de ses propres principes tarifaires se révèlent spécialement favorables au chauffage électrique (fiche n°6). En particulier EDF a renoncé paradoxalement pour les usagers concernés à l'affichage de tout signal saisonnier, alors même que leur consommation est fortement saisonnière. Le coût d'exploitation pour l'usager est déjà élevé; il est pourtant nettement inférieur à ce qu'il devrait être (cf. VI infra). Le chauffage électrique bénéficie en outre d'un avantage relatif en matière de coût d'équipement du logement qui a facilité sa pénétration; cet avantage pèse d'autant plus que le choix du mode de chauffage n'est, bien souvent, pas le fait de l'usager mais celui du promoteur. Les qualités spécifiques (propreté, confort...) de l'électricité ont naturellcmcnt contribué pour leur part au succès du chauffagc électriquc (fiche n°7). IV. Cette stratégie a été justifiée vis-à-vis de l'opinion par la nécessité, face aux risques de pénurie d'énergie, de développer le «tout-électrique-tout-nucléaire», alors que l'outil nucléaire est économiquement inadapté aux utilisations courtes (suite)
|
suite:
Les analyses énergétiqucs prévisionnelles élaborées au début des années 1970, fondées sur des perspectives de croissance très importante des consommations, ont fait craindre une pénurie de combustibles fossiles; l'atome était présenté comme le seul recours quantitativement adapté au problème posé (fiche n°8). Les dirigeants d'EDF ont, à maintes reprises, formulé très explicitement le projet de faire conquérir au nucléaire, via le vecteur électrique, de nouveaux marchés, au premier rang desquels figurait le chauffage des locaux; le slogan «tout-électrique - tout-nucléaire» résumait cette ambition (fiche n°9). Dans ce contexte, l'inadaptation économique de l'outil nucléaire aux utilisations courtes n'était pas prise en considération, d'autant que jusqu'en 1982 les comparaisons économiques entre les divers moyens de production étaient effectuées pour un fonctionnement en base uniquement, et quc les calculs comparatifs étaient davantage favorables au nucléaire qu'ils ne le sont aujourd'hui (fiche n°10). Rétrospectivement, les politiques menées en matière tarifaire et commerciale d'une part et d'investissement d'autre part apparaissent incohérentes. V. La saisonnalité des consommations et la croissance
des capacités de production sont du fait du chauffage électrique
plus importantes en France qu'à l'étranger
V. Le chauffage électrique n'est pas vendu à
son coût; les autres usagers s'en trouvent lourdement pénalisés
p.14
|
Une partie notable du coût
du chauffage électrique est en fait supportée par les autres
usagers d'EDF. L'ampleur du transfert opéré chaque année
au détriment des autres usagers varie, selon le mode d'évaluation,
entre 4 GF (approche par les coûts marginaux[5]) et 28 GF
(approche par les coûts comptables). EDF vend chaque kWh pour le
chauffage à environ la moitié de son coût comptable
(cf. fiches n°13 et 14).
L'importance de l'écart entre les deux approches illustre l'avantage implicite dont les principes tarifaires d'EDF font bénéficier les usagers du chauffage électrique. VII. Le chauffage électrique rend de plus en
plus vulnérable le réseau électrique; il impose aux
autres usagers des contraintes d'exploitation importantes
FICHE N°1 Marginale il y a quinze ans, la part de l'électricité sur le marché du logement neuf en France est devenue prépondérante. Le chauffage électrique s'est également développé dans le logement ancien Les deux tiers des logements neufs actuellement construits chaque année en France sont dotés d'un chauffage électrique; cette situation résulte d'une progression soutenue depuis 1970, et particulièrement accentuée depuis 1980:
En outre, un nombre important de logements existants précédemment chauffés par d'autres énergies font l'objet de conversions vers l'électricité; sur ces dernières années, les flux de conversion ont été les suivants (colonne suivante): (suite)
|
suite:
(en milliers de logements)
FICHE N°2
Le parc de résidences principales chauffées (hors chauffage d'appoint) à l'électricité est estimé en 1986 à 4.600.000:
FICHE N°3
La part de l'électricité sur le marché du logement neuf dans les autres pays est habituellement très inférieure à ce qu'elle est en France; une étude en cours sur ce thème a déjà apporté les données suivantes:
L'énergie dominante sur le marché
du logement neuf dans les autres pays est le gaz naturel: sa part est de
60% en Grande-Bretagne, 95% aux Pays-Bas, 53% en RFA.
p.15
|
L'étendue du monopole d'EDF n'a pas d'équivalent En France, la quasi-totalité des consommations d'électricité est assurée par EDF, qui contrôle l'essentiel des activités de production, transport et distribution d'électricité. A l'étranger, le système électrique est fréquemment morcelé entre de nombreuses entreprises (cf. annexe); EDF est ainsi à la fois la plus grosse compagnie d'électricité du monde occidental et celle qui dispose du monopole le plus étendu. Il est clair qu'une telle situation ne peut que faciliter la promotion des procédés électriques, comme, en l'espèce, le chauffage électrique intégré. De plus, l'existence de services de distribution communs à EDF et GDF - association également spécifique à la France - ne permet guère à la concurrence du gaz de s'exercer sérieusement. EDF: une entreprise atypique dans le monde EDF est la plus grande compagnie d'électricité
du monde à économie de marché, et c'est l'entreprise
électrique du monde occidental qui dispose du monopole le plus étendu.
(suite)
|
suite:
b) en Ecosse et en Ulster existent trois offices régionaux polyvalents, qui combinent production, transport, et distribution d'électricité. Le Gouvernement britannique étudie la privatisation du secteur électrique; dans ce cadre, le projet envisagé conduirait à créer plusieurs sociétés de production distinctes - et concurrentes - à la place du CEGB. · En RFA, environ 1.000 entreprises opèrent dans le domaine de la distribution d'électricité. A peu près 340 de ces entreprises possèdent leurs propres installations de production; les autres n'agissent que comme revendeurs. La plupart sont des entreprises d'économie mixte, au capital desquelles figurent l'Etat, les régions ou les communes. Le réseau de transport est la propriété des neuf principales, qui assurent 70% environ de la production totale. · En Italie, une loi de 1962 a fondé l'ENEL (l'Ente Nazionale per l'Energia Electrica), service public chargé de la production, du transport, et de la distribution de l'électricité. Toutefois, la nationalisation du secteur n'a pas été absolue, car la loi autorisait trois exceptions: - les entreprises municipales existant avant 1962, au nombre de 150 environ; - les autoproducteurs, consommant au moins 70% de leur propre production; - les petits producteurs (moins de 15 GWh/an). Une loi de 1982 ajoute deux exceptions supplémentaires: - production à partir de sources renouvelables; - production combinée électricité-chaleur. En pratique, ces dispositions règlementaires aboutissent à la répartition suivante de la production: ENEL: 82% Entreprises municipales et petits producteurs: 4% Autoproduction: 14% · Aux Pays-Bas, environ 80 entreprises opèrent dans le secteur de l'électricité. Les trois principales réalisent 40% des ventes et sont propriétaires du réseau de transport. · En Espagne, il existe environ 800 entreprises publiques d'électricité. 250 assurent à la fois production et distribution; les autres ne font que la distribution. Il existe par ailleurs de nombreuses sociétés privées, réunies au sein de l'UNESA. Le transport de l'électricité est, depuis la nationalisation du réseau haute-tension en 1984, confié à une société d'Etat. • En Norvège, la fourniture d'électricité est assurée par des producteurs privés (20% de la production), des municipalités (50% de la production) et la «Direction du réseau électrique» appartenant à l'Etat (30% de la production). Les municipalités assurent la majeure partie de la distribution, par l'entremise de quelque 270 entreprises de distribution. • Au Japon, 9 compagnies régionales privées assurent chacune pour sa zone les activités de production, transport et distribution. Elles ne produisent toutefois que 75% de la production totale; elles achètent le reste à la «Société de développement de l'énergie électrique», en majorité à capitaux publics, qui exploite des centrales hydroélectriques et au charbon, à la «Société japonaise de l'énergie atomique», à 33 entreprises appartenant à des pouvoirs publics locaux, et à 19 entreprises privées, créées par les compagnies régionales et par de gros consommateurs d'électricité. p.16
|
EDF a mené une politique dynamique de promotion du chauffage électrique, tournée aussi bien vers les usagers domestiques que vers les professionnels concernés du chauffage et du bâtiment S'adressant le 26.10.72 aux participants du colloque du Comité Français d'Electrothermie, M. Delouvrier déclarait: «Le chauffage électrique apparaît aujourd'hui comme un fait acquis, un fait admis, un progrès souhaité et demandé, et vos communications ne portent plus sur sa possibilité ou son bien-fondé mais sur ses perfectionnements possibles, la variété de ses formes, ses conditions de bon fonctionnement, ses conséquences dans divers domaines, aussi bien technique qu'architecturaux... A ce propos, vous permettrez qu'avec une autre "casquette", celle du Président du Comité Directeur du Plan Construction, je salue la présence de nombreux experts en matière de bâtiment et, naturellement et avant tout, des 65 architectes qui participent à vos travaux. Il est certain, en effet, que nous avons fait une percée. Les promoteurs qui ne nous croyaient pas avaient dit: "Faites vos preuves, et comme Saint-Thomas, on vous croira; que vos clients demandent le chauffage électrique". Ce dernier, à l'époque, n'était pas, en effet, un argument de vente et la publicité pour des immeubles conçus en chauffage électrique, comme "Marina-bella" par exemple, ne mettait pas en avant cet avantage. (suite)
|
suite:
Quel est le résultat obtenu à l'heure actuelle? p.17
|
Les choix tarifaires faits par EDF favorisent les fournitures domestiques et plus particulièrement le chauffage électrique L'analyse qui suit a été effectuée dans le strict cadre de la théorie tarifaire d'EDF et de l'application qu'en retient l'entreprise. Le chiffrage a été réalisé à partir des éléments fournis par EDF dans le cadre d'un groupe de travail mixte avec l'administration. 1 - Horizon de calcul 2000 plutôt que 1990.
2 - Financement des ouvrages de distribution par les tiers
3 - Disponibilité du nucléaire
4. Renforcement de la qualité de service et prise en compte
des responsabilités de demandes de pointe
(suite)
|
suite:
De même, le développement des usages de chauffage et la sensibilité croissante des usagers à la continuité de la fourniture devraient amener à calibrer les réseaux sur des besoins de pointe supérieurs à ceux résultant des calculs actuels (cf. les incidents de 87 sur les réseaux parisiens). Cela se traduirait concrètement par une augmentation de la «responsabilité de puissance» du chauffage électrique. Or, EDF retient toujours une valeur normative correspondant à des hivers à -7°C, alors que nous avons connu plusieurs années consécutives avec des pointes de froid à des températures sensiblement et durablement inférieures à -10°C. L'influence de ces différents paramètres est reprise dans le tableau suivant pour 3 fournitures-types: - usager domestique avec chauffage, - usager domestique sans chauffage, - fourniture industrielle (usage permanent en haute tension).
On voit donc que, par le simple jeu des quatre
paramètres évoqués précédemment, on
pourrait envisager:
p.18
|
Comparé aux autres modes de chauffage, le chauffage électrique se caractérise par un avantage en matière de coût d'équipement du logement et par un coût d'exploitation plus élevé Le chauffage électrique en France est caractérisé, visà-vis des modes de chauffage concurrents, par un avantage en matière de coût d'équipement et par un coût d'exploitation relativement élevé, surtout depuis la baisse de prix des hydrocarbures intervenue au début de 1986. En témoigne la comparaison avec le gaz, qui est sur le marché du logement neuf le principal concurrent de l'électricité:
FICHE N°8
Les prévisions à long terme établies en France au début des années 1970, fondées sur la prolongation des tendances observées à cette époque, faisaient apparaître des niveaux extrêmement élevés de consommations prévisionnelles. On peut citer le pronostic suivant, énoncé en 1974 pour l 'horizon 2000: «Pour prendre des années rondes, en 1970, la France a consommé sous des formes diverses 225 millions de tonnes d'équivalent charbon[6]. On peut faire le pronostic qu'en l'an 2000, elle en consommera 700[7] en ordre de grandeur (...). |
Dans l'hypothèse où la demande d'électricité continuerait à doubler en dix ans, peut-être un peu plus vite dans les années qui viennent et un peu moins vers la fin du siècle, on consommerait en France environ 1.000 milliard de kWh en l'an 2000[8], ce qui n'a rien d'extravagant» (déclaration de M. Boiteux devant le CES, 20.03.74).
«Il ne fait pas de doute en effet qu'à terme, c'est le développement de la production nucléaire qui devra non seulement assurer la couverture de la totalité des besoins d'électricité mais également celle de la quasi-totalité des besoins d'énergie. Car le nucléaire, grâce aux futurs surgénérateurs, apparaît désormais comme la seule source d'énergie qui soit à l'échelle des besoins futurs de la planète. p.19
|
Le chauffage électrique: le fer de lance du tout-électrique-tout-nucléaire Citons les dirigeants d'EDF: «Nous atteignons le moment où la concurrence apparaît. (suite)
|
suite:
Le chauffage électrique, bien qu'intégré, rencontre encore des détracteurs dont vous connaissez les arguments - je n 'y reviendrai donc pas - d'autant que vous avez reçu récemment un document sur le sujet. Le chauffage électrique ne constitue pas une valorisation rentable du nucléaire Le nucléaire est un mode de production
d'électricité coûteux en investissement. Le groupe
de travail sur les coûts de référence de la production
d'électricité d'origine thermique a évalué
en 1986 à 8.060 F /kW le coût d'investissement du nucléaire;
une centrale de 1.300 MW coûte donc environ 10 GF. Pour une centrale
à charbon, le coût d'investissement - désu1furation
incluse - est de 5.300 F enciron par kW; pour une turbine à gaz,
il est de l'ordre de 2.500 F par kW. Une centrale nucléaire doit
donc, pour que les gains en combustible qu'elle engendre l'emportent sur
son surcroît d'investissement, être utilisée pendant
une fraction importante de l'année.
L'avantage relatif du charbon par rapport au nucléaire pour les courtes utilisations apparaît sur ce tableau; les consommations de chauffage étant concentrées sur l'hiver, il peut sembler paradoxal de lier promotion du chauffage électrique et développement quasi-exclusif de l'outil nucléaire. C'est bien pourtant la stratégie affichée très explicitement par EDF: «Tout client nouveau qui opte pour le chauffage électrique nous amène à augmenter d'autant notre programme nucléaire» (M. Boiteux, interview au Point, 30.07.73). p.20
|
L'évolution du prix de
revient du kWh nucléaire en fonction de la durée d'utilisation
des centrales n'est pas mentionnée dans les déclarations
publiques des dirigeants d'EDF au cours des années 1970; le paramètre
pris en compte était le prix de revient de la centrale fonctionnant
en base:
«En ce qui concerne le bon marché, tout d'abord, une centrale nucléaire est équivalente à une centrale thermique qui serait alimentée avec du pétrole dont le prix serait de 0,80 centime la thermie, ce qui doit faire du 85 F la tonne. Actuellement on parle de prix de l'ordre de 130 à 300 F la tonne. Donc, sur le plan de la compétitivité, déjà, le nucléaire est absolument écrasant; il n 'y a pas de problème» (interview de M. Boiteux sur France-Culture, 05.01.74).«Enerpresse - Le nucléaire est très lourd en investissements, vous l'avez rappelé au début de cet entretien. Ne pensez-vous pas qu'il aurait fallu faire moins de nucléaire, de façon plus équilibrée et que si les choix avaient été différents, l'EDF n'en serait pas où elle est aujourd'hui ?» Réponse: «Le nucléaire est en effet très lourd en investissements, mais l'électricité qu'il produit est moins chère et l'on doit donc s'y retrouver à terme. Avec l'avantage supplémentaire que l'intérêt économique rejoint d'autres pôles d'intérêts, dont le plus important certainement est qu'il contribue à asseoir l'indépendance énergétique du pays, donc son indépendance tout court. (suite)
|
suite:
Plusieurs facteurs expliquent que de telles analyses aient été avancées: le coût du nucléaire a été régulièrement revu en hausse depuis 1970; les perspectives de prix du charbon, au contraire, se fondaient souvent sur des hypothèses de hausses importantes, que la réalité n'a pas confirmées. Le nucléaire pouvait donc apparaître bénéficier d'un net avantage relatif par rapport au charbon, y compris pour des utilisations courtes. Ainsi, les durées d'équilibre nucléaire/charbon ont évolué de la façon suivante depuis 1982[9]:
A quatre ans d'intervalle, les fourchettes sont donc totalement disjointes. «Que réserve à Electricité de France l'avenir?» Le développement de l'électricité dans le futur se fera essentiellement par les usages thermiques. Dans tous les pays voisins, le chauffage électrique est plus répandu qu'en France. C'est donc que ces pays ont compris que l'électricité, que l'on préfère pour toutes ses commodités, convient pour les usages thermiques parce qu'elle n'est plus trop chère. Electricité de France a enfin entrepris depuis quelques années un vaste effort commercial, et singulièrement depuis deux ans, en faveur du chauffage électrique. Cette campagne a connu un large succès auprès du public qui a pris conscience des améliorations du cadre de vie qu'apporte la maison «tout électrique». C'est ainsi que durant le premier semestre de 1972, 40.000 logements ont été commandés «en tout électrique», soit près de 9% du total des logements lancés cette année. Ce succès que rencontre l'électricité, en raison de ses qualités spécifiques et de sa propreté a incité l'Etablissement - en accord avec le Gouvernement - à intensifier son équipement nucléaire, à l'instar de ce qui se fait dans beaucoup d'autres pays. Il répond aussi aux préoccupations d'un environnement de qualité car les réacteurs nucléaires, hermétiquement clos, ne sont pas polluants. C'est ainsi que pendant la première moitié de cette décennie, le nucléaire représente en France la moitié de la puissance des centrales en commande avant de prendre, vers 1985, le relais complet du thermique classique. Cette double orientation, Electricité de France l'a résumée dans ce slogan: «le tout électrique par le tout nucléaire» (article de M. Delouvrier dans «Le journal d'Anvers», 10.10.72). «Je crois utile de dire avec force que notre détermination à augmenter les ventes d'électricité n'a rien à voir avec la considération égoiste des intérêts de l'établissement. Il ne s'agit pas de pousser la consommation pour céder à la mystique - critiquable - de la croissance pour la croissance, ni d'exploiter toutes les techniques du matraquage publicitaire à seule fin de gagner de l'argent. Nous sommes un service public, et c'est dans le cadre de notre mission de service public que nous avons décidé de prendre notre tournant commercial. p.21
|
La saisonnalité de la courbe de charge d'Electricité de France se renforce L'augmentation du parc de logements chauffés à l'électricité a eu pour conséquence un accroissement de la saisonnalité des consommations en basse tension: La courbe de charge de la production d'électricité
a en France un caractère saisonnier de plus en plus marqué;
elle diffère à ce titre de celles de la plupart des pays
comparables. Du fait de la croissance du parc de logements chauffés
à l'électricité, cette saisonnalité de la courbe
de charge se renforce plus vite en France qu'à l'étranger;
elle sera beaucoup plus accentuée en 2000.
Evolution des puissances installées (en GW)
(suite)
|
suite:
Le coût du chauffage électrique: l'approche par les coûts marginaux Dans le cadre de la théorie marginaliste d'EDF, le prix de revient s'analyse comme le coût marginal économique de la fourniture considérée. Or, de l'aveu même d'EDF, les tarifs domestiques actuels ne reflètent pas les coûts des usagers du chauffage électrique, comme l'indique le tableau ci-dessous:
On voit donc que l'ensemble des tarifs se trouve
au dessus des coûts marginaux de long terme redéfinis par
EDF en novembre 1986, à l'exception des tarifs appliqués
aux usagers du chauffage électrique. L'écart pour ces derniers
représente 3,9% de la facture annuelle, qui représente une
sous-facturation de l'ordre de 1,5 MdF par an.
p.22
|
Coûts comptables de l'énergie électrique par type de consommateur Les coûts comptables de l'énergie
électrique pour 1986 sont évalués suivant une approche
qui pourrait être qualifiée «d'horizontale».
|
Enfin, sont ajoutés aux coûts
de production les coûts de transport et de distribution, fonction
du niveau de tension.
Les parts des différents moyens de production dans les divers secteurs consommateurs figurent dans le tableau ci-dessous (en %):
Les résultats finaux figurent dans le tableau suivant, qui indique également les prix moyens de vente en 1986 (par kWh):
p.23
|
La vulnérabilité croissante du réseau Le développement du chauffage électrique
induit une croissance des besoins de puissance de pointe. EDF évalue
cette «responsabilité de puissance» à 4 kW pour
10.000 KWh de consommation de chauffage électrique, soit donc 16
GW pour les 40 TWh actuellement consommés pour le chauffage. Compte
tenu des taux d'indisponibilité (fortuite et programmée)
retenus pour les équipements de production, cela représente
des besoins en équipements installés de l'ordre de 20 GW
pour les seuls chauffages électriques intégrés reconnus
par EDF. S'y ajoutent les besoins induits par les appareils de chauffage
électrique divisé dont le développement des ventes
est une retombée de la vulgarisation du chauffage électrique
et des campagnes de notoriété diverses faites en faveur de
l'électricité par EDF.
(suite)
|
suite:
En effet, il conviendra - sauf défaillance acceptée - de disposer des moyens de production nécessaires pour faire face à des pointes de froid dont l'expérience des dernières années confirme qu'elles peuvent atteindre couramment un écart de 10 à 15°C par rapport à la normale saisonnière. En outre, le réseau de transport et de distribution devra être en mesure de faire face à ces pointes qui nécessitent un surdimensionnement important. Or, à l'exception de zones nouvelles où la conception des réseaux a pu prendre en compte ces surcharges potentielles, de nombreux réseaux d'alimentation, notamment en zone urbaine, n'ont pas été prévus pour cela comme en témoignent les incidents survenus ces dernières années à Paris. Il en va de même pour les installations intérieures ("colonnes montantes") de certains immeubles. On observe ainsi, à l'image des vieux centres urbains non conçus pour cela et congestionnés par la circulation automobile, des réseaux de distribution inadaptés à faire transiter pendant quelques heures de l'année des surintensités relativement considérables. Il faut alors: · soit renforcer les réseaux de distribution, ce qui passe par des investissements coûteux rangés par l'Etablissement dans la rubrique de l'amélioration de la qualité de service en général, · soit freiner la croissance des besoins de pointe, par la limitation de la pénétration du chauffage électrique et le développement de dispositifs de contrôle de la charge (écrêteurs de puissance, télécommande, etc.) auxquels globalement EDF se montre défavorable aujourd 'hui. Si l'on s'achemine, comme semble le souhaiter l'Etablissement, vers une réponse consistant à renforcer les réseaux sans agir sur la pénétration du chauffage électrique, il conviendra de veiller à répercuter convenablement les surcoûts liés au renforcement de la distribution à ceux des consommateurs qui le rendent nécessaire. p.24
|
Les contraintes d'exploitation imposées aux autres usagers par un signal tarifaire modulé et saisonnalisé Les tarifs proposés aux usagers domestiques
et notamment à ceux dotés d'un chauffage électrique,
sont parmi les plus frustes que l'Etablissement propose.
(suite)
|
suite:
Toutefois, il n'est pas certain que ce genre de calcul soit effectivement mené à son terme et il n'est pas démontré non plus que la totalité des surcoûts (gestion des horaires, contraintes d'utilisation des machines) puisse être convenablement valorisée. En tout cas, il ne peut manquer de paraître surprenant que le producteur d'électricité ne fasse porter que par une partie des usagers le poids de signaux tarifaires forts, largement induits par une autre catégorie de consommateurs. Les arguments les plus fréquemment avancés pour justifier ce paradoxe sont de deux natures: - les tarifs les plus complexes ne sont justifiés que chez les consommateurs importants car ils impliquent des coûts de comptage élevés qui seraient prohibitifs (rapportés aux coûts de l'énergie distribuée) pour les consommateurs domestiques. - en dernier ressort, la délivrance d'un signal tarifaire élaboré, n'a de sens que si les usagers ainsi informés sont susceptibles de réagir et donc d'adapter leur consommation à ce signal. Ces deux arguments ne sont pas convaincants. En premier lieu, la mise en œuvre du comptage électronique, récemment annoncée par EDF, réduit à néant les surcoûts liés à un mode de tarification plus élaboré. Deuxièmement, les propres services d'étude d'EDF mettent maintenant en doute la prétendue aptitude des consommateurs industriels à mieux réagir à un signal tarifaire. On débouche en effet sur le problème délicat de la mesure de l'élasticité des consommations aux prix. Rien, en tout état de cause, ne permet de conclure que les consommateurs domestiques sont incapables de réagir à un signal tarifaire modulé: c'est d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle l'Etablissement a développé les tarifs EJP. En résumé, la logique - un peu perverse - de la tarification au coût marginal est bien de faire supporter par l'ensemble des usagers les coûts marginaux induits par les seuls consommateurs en développement. Mais cette logique - convenablement appliquée - ne saurait justifier que l'on exclût de délivrer à ces seuls clients en développement le signal réel correspondant à la modulation saisonnière des coûts qu'ils induisent. p.25
|