La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°103/104

CHINON ET SON ÉPREUVE HYDRAULIQUE


Le Directeur
à Monsieur le Chef du Centre
de Production Nucléaire de Chinon
Objet: Réépreuve hydraulique du circuit primaire principal de Chinon B4 VC 1

     Monsieur le Chef du Centre de Production Nucléaire,
     L'épreuve hydraulique du circuit primaire de Chinon B4 s'est déroulée pendant trois jours, du 23 au 25 août 1989, dans des conditions qui paraissent tout à fait inacceptables.
     Les constatations effectuées par mes représentants pendant les trois journées consacrées à cette épreuve, révèlent une absence totale de préparation et un manque d'organisation particulièrement regrettable.
     Les aléas techniques liés aux matériels, inévitables dans ce genre d'opération, sont loin d'expliquer les retards successifs qui se sont accumulés.
     Par ailleurs, plusieurs manquements graves aux règles de base concernant la sûreté, l'Assurance Qualité et les conditions de sécurité ont été relevés.
     J'ai noté en particulier le non-respect de la consigne générale de conduite SA. DIVA 4 concernant la réépreuve du circuit primaire, l'indisponibilité partielle du système de protection incendie JPI, le classement sans suite des résultats non conformes d'un essai périodique sur un système IPS, l'intervention précipitée et non justifiée sur un matériel IPS (RIS 11) sans préparation ni document, tout ceci en l'absence remarquée de la Mission Sûreté Qualité.
     Vous trouverez ci-joint en annexe les principales observations pour lesquelles je souhaite avoir toutes précisions utiles de votre part.
     Vous voudrez bien me faire part en outre, des actions que vous comptez entreprendre, suite à l'ensemble de ces constatations, en précisant notamment votre point de vue sur le rôle de la Mission Sûreté Qualité.
     Je vous prie d'agréer, Monsieur le Chef du Centre de Production Nucléaire, l'assurance de mes sentiments distingués.

A. PRADINAUD
Ministère de l'Industrie

Objet: Centrale nucléaire de Chinon B4.
           Réépreuve hydraulique du circuit primaire.

Monsieur le Directeur,
     Je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint une copie de la lettre que vient d'adresser le directeur de l'industrie et de la recherche de la région Centre au chef du centre de production nucléaire de Chinon concernant le déroulement de la réépreuve hydraulique du circuit primaire principal de Chinon B4, réalisée du 23 au 25 août 1989.
     Les constatations faites pendant le suivi de cette opération me paraissent s'inscrire dans le cadre de celles relatives aux incidents de Dampierre 1 et de Gravelines 1 survenus respectivement les 1er et 16 août 1989. Elles mettent en effet à nouveau en évidence une organisation et des pratiques contraires aux règles visant à assurer la sûreté et la qualité.
     Tout particulièrement, j'attire votre attention sur les deux manquements suivants:
     - le non respect de procédures d'essais,
     - la réalisation d'intervention sur un matériel IPS (Important Pour la Sûreté) en l'absence de toute définition préalable des tâches.
     Je vous demande donc de bien vouloir me présenter, sous un mois, votre analyse des diverses constatations effectuées lors de l'épreuve hydraulique du circuit primaire de Chinon B4.
     Je vous prie de plus de bien vouloir me faire part dans le même délai des dispositions et des moyens que vous mettez en œuvre, dans l'exercice de vos responsabilités hiérarchiques, afin de prévenir le renouvellement de ce type d'anomalie sur l'ensemble des sites.
     J'adresse copie de ce courrier, à toutes fins utiles, à Monsieur l'inspecteur général pour la sûreté et la sécurité nucléaire.
     Je vous prie d'agréer, Monsieur le Directeur, l'assurance de ma considération distinguée.

Le Chef du Service Central de Sûreté des Installations Nucléaires
M. LAVERIE
p.18

ANNEXE
1. Protection vis-à-vis du point de transition des équipements du circuit primaire principal (N.D.T.T.)

     Les critères de protection vis-à-vis du point de transition du circuit primaire principal sont donnés par la consigne générale de conduite S4.DIV.4.
     La N.D.T.T. étant de 60°C, la limite inférieure de température à ne pas dépasser sur les équipements du C.P.P. si la pression est supérieure à 30 b.eff est de 60°C.
     Par ailleurs, il est demandé dans cette même consigne de maintenir la température de la bride du couvercle de cuve comprise entre 60°C et 6l,5°C à partir de 27 bar.
     Ces différents critères n'ont pas été respectés lors de la réépreuve, la température tombant en dessous de 60°C, et jusqu'à 56°C sur la bride du couvercle, pendant plus de huit heures entre 27 et 100 bar avec récidive le lendemain malgré les remarques des représentants de la Direction Régionale de l'Industrie et de la Recherche Centre.
     Auparavant, la limite de 61,5°C avait également été dépassée.
     Je vous demande de me transmettre par retour du courrier ainsi qu'au Bureau de Contrôle de la Construction Nucléaire, la fiche d'anomalie établie à cette occasion, une copie couleur de l'enregistrement des différentes températures relevées ainsi que l'historique des différentes pressions atteintes dans le C.P.P., puis vous me ferez part dès réception de l'avis du constructeur Framatome sur les dépassements des diverses limites.
     Indépendamment des conséquences techniques potentielles, je retiens que la consigne générale de conduite S4.DIV.4 n'a pas été respectée.

2. Essai périodique JPI 100
     L'essai périodique EP JPI 100 requis par la consigne S4. DIV. 4. a été réalisé le 4 août 1989 soit 18 jours avant le début de la réépreuve.
     - Contrairement au niveau requis (2,15 m), les bâches JPI 01 BA - JPI 02 BA et JPI 03 BA sont constatées vides.
     - Le contrôle des bouteilles 002 n'a pas été fait depuis le 2 juillet 1985.
     - Sur l'ensemble des clapets coupe-feu, trois sont déclarés «à voir»: le 4 DVH 009 VA, le 4 DVH 013 VA et le 8 DVH 263 VA.
     Aucune de ces remarques techniques ne figure sur la page de garde de la gamme dans la case réservée à cet effet. Le document porte les visas du service conduite et d'un ISR mais aucune demande de travaux n'a été émise.
     A la demande de la Direction Régionale de l'Industrie et de la Recherche, le jour de la réépreuve, le niveau des bâches JPI a été contrôlé sur le KIT et vu conforme.
     Renseignements pris, l'essai périodique aurait été réalisé pendant la visite interne APAVE des bâches.
     Les demandes de travaux concernant les clapets coupe-feu ont été émises suite aux remarques de la Direction Régionale de l'Industrie et de la Recherche.
     Je vous demande de bien vouloir m'indiquer les actions correctives envisagées et les dispositions retenues afin que les notes d'organisation concernant la réalisation, l'interprétation et l'exploitation des essais périodiques sur les matériels IPS soient respectées.

3. Fonctionnement de la pompe d'épreuve RIS 11 PO
     Aucun essai formalisé préalable n'a été réalisé sur la RIS (Réseau d'Information de Sécurité) 11 PO avant la réépreuve du circuit primaire principal.
     Compte tenu des nombreux déclenchements de cette pompe lors de redémarrage pour la réépreuve, suite à des purges insuffisantes, vous voudrez bien me préciser si ces difficultés de mise en service ne sont pas de nature à remettre en cause la fonction d'alimentation des joints des pompes primaires par la RIS 11 PO requise par la procédure H3 en cas de perte des sources électriques.
     Par ailleurs, le 24 août 1989 vers 20 h 30, devant l'impossibilité de dépasser les 198 bar dans le C.P.P., il a été décidé, sans prévenir l'astreinte préparation maintenance des difficultés rencontrées, sans étude préalable et sans établir aucun document, d'intervenir sur la pompe en détruisant à la scie, au marteau et au tournevis le contre-écrou qui maintenait bloqué le réglage du point de consigne afin de porter la limite de la pression de refoulement à son maximum.

suite:
     En réalité, l'analyse faite a posteriori a montré que la pompe ne parvenait pas à gonfler le circuit primaire principal à plus de 198 bar parce que l'un des organes d'isolement sur lesquels on s'appuyait était inétanche (RCV 3 VP, fuite de 4 T /h).
     Je vous demande de bien vouloir m'indiquer les actions correctives envisagées et les dispositions retenues afin que les notes d'organisation et les procédures concernant les interventions sur les matériels IPS soient respectées.

4. Etalonnage des mesures de pression
     - Etalonnage du manomètre
     Le procès verbal d'étalonnage Bourdon ne mentionnait pas si l'appareil était à utiliser en l'état ou s'il fallait faire des corrections.
     Ces précisions ont été obtenues auprès du constructeur à la demande de la Direction Régionale de l'Industrie et de la Recherche.
     - Vérification de la balance manométrique
     Je vous demande de bien vouloir me transmettre le certificat correspondant à la balance utilisée pendant cette réépreuve (Desgranges et Huot n°3435).
     - Corrélation entre les différentes mesures
     Le premier bilan de fuite a été fait à 163,5 bar au lieu de 165 bar car il n'avait pas été tenu compte de la colonne d'eau entre le piquage au sommet du pressuriseur et l'appareil enregistrant la pression.

5. Organisation des équipes de visite à 207 bar
     Seules étaient prévues des équipes «centrale» pour la visite de la robinetterie à 207 bar et des équipes du Groupe des Laboratoires pour la visite de toutes les soudures du circuit primaire principal et ses auxiliaires à 154 bar après le palier de 207 bar.
     L'absence d'équipes et de documents (ISO, repères des soudures) pour accompagner la Direction Régionale de l'Industrie et de la Recherche s'est soldée par un nouveau retard de 3/4 heure, limité uniquement grâce au Groupe des Laboratoires qui a su faire preuve d'initiative.
     Cette organisation improvisée (documents incomplets et connaissance insuffisante des lieux) a contraint les représentants de la Direction Régionale de l'Industrie et de la Recherche à trouver un compromis entre l'étendue de la visite, la dosimétrie et les délais.
     La Direction Régionale de l'Industrie et de la Recherche n'avait pas jugé utile de repréciser ses besoins pour la visite de Chinon B4 puisque plusieurs épreuves et réépreuves de C. P. P. avaient déjà été réalisées au Centre de Production Nucléaire de Chinon (et même à la centrale 3/4 en 1988) avec une organisation correcte des équipes.

6. Rôle de la mission sûreté qualité
     L'absence de la mission sûreté qualité pendant toute la durée de l'opération a quelque peu surpris les représentants de ma direction.
     Leur étonnement a été encore plus grand lorsque le 24 août, l'ISR appelé plusieurs fois entre 21 h 30 et 22 h 30 en salle de commande, n'a pas donné signe de vie.
     Vous voudrez bien me donner votre position sur ce que devrait être le rôle de la M.S.Q. lors des réépreuves hydrauliques du C.P.P.

7. Autres causes du retard de l'opération
     - Démarrage d'une pompe primaire
     Le 24 août, l'ordre est donné vers 13 h de démarrer une pompe primaire pour réchauffer le circuit primaire principal. Le démarrage effectif ne sera réalisé que vers 15 h.
     - Estimation du taux de fuite à 154 bar
     Le 23 août vers 17 h, la réépreuve est reportée au lendemain car on pense avoir une fuite de 250 l/h. La Direction Régionale de l'Industrie et de la Recherche Centre a appris le lendemain qu'il y avait eu erreur dans le calcul, par oubli du facteur «contraction de l'eau du C.P.P.».
     Ceci ne mérite pas de commentaires supplémentaires.

8. Comptabilisation des situations
     Je vous demande de me transmettre par retour du courrier les enregistrements «comptabilisation des situations» du 22 août 1989 au 25 août 1989.

p.19

Retour vers la G@zette N°103/104