Dans le cadre de sa mission d'information
du Parlement sur la sécurité et la sûreté des
installations nucléaires, M. Franck Sérusclat, rapporteur
de l'Office Parlementaire d'évaluation des Choix Scientifiques et
Technologiques, a vu son attention attirée sur les problèmes
des sites de stockage de déchets radioactifs de l'Essonne.
Le Centre du Bouchet à Itteville a été créé en 1946 afin de fournir l'oxyde d'uranium destiné à la préparation du combustible de Zoé, premier réacteur expérimental français. Il a fonctionné jusqu'en 1972. L'assainissement du site durera jusqu'en 1979. Si les travaux d'assainissement sont terminés à cette date, il subsiste un dépôt annexe constitué par un bassin de décantation et un parc à hydroxydes contenant environ 20 grammes de radium, soit 20 curies. Cette mesure de radioactivité est formellement contenue dans un dossier transmis par le directeur du centre à la préfecture de l'Essonne le 11 mai 1990, en vue de la réhabilitation du site: le CEA projette alors de recouvrir le site d'une couche d'argile, imperméable. Il s'agit ainsi de diminuer d'un facteur 100 les émanations de radon. Le radon provient de la désintégration du radium 226; il peut être dangereux à de très fortes concentrations. Les travaux devaient commencer fin août. C'est alors qu'à la demande des Amis de la Terre et des Verts, la CRII-Rad, commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité, va effectuer deux séries de mesures en mai et en juin 1990. Un résultat donne en périphérie du parc à hydroxyde 14.000 becquerels de radon 226. Cette mesure élevée, posait un double problème: un problème de méthodologie, les méthodes de CRII-Rad et du CEA étant différentes, un problème de transparence: le CEA avait-il complètement informé les élus et les populations? Le 5 juin, M. le Président de l'Assemblée Nationale invitait l'Office Parlementaire à mener une étude spécifique sur ce problème particulier dans le cadre du rapport sécurité et sûreté des installations nucléaires. J'avais d'ailleurs pour ma part immédiatement demandé par une lettre à M. le Premier Ministre, dont le texte est annexé à la présente étude, que les travaux de recouvrement ne soient engagés qu'après expertise et dépôt des conclusions des experts. Mais cet été, deux faits nouveaux devaient ralentir les travaux du rapporteur. Tout d'abord, la justice avait été saisie. Une plainte contre X avec constitution de partie civile a été déposée au Tribunal de Grande Instance d'Evry le 25 juillet. L'Office Parlementaire d'Evaluation, comme les commissions d'enquête auxquelles il peut être assimilé, devrait en effet cesser ses travaux "dès l'ouverture d'une information judiciaire relative aux faits qui l'ont motivé", selon l'article 6 de l'Ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. (suite)
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En conséquence du principe de séparation des pouvoirs, l'Office n'aurait donc pas pu avoir communication des mesures litigieuses qui auraient été au centre de l'instruction. Mais faute d'instruction pénale constatée, le juge n'a toujours pas instruit. Ensuite, le maire d'Itteville qui avait mis sur place une commission d'information réunissant tous les protagonistes, a chargé M. Sergolle, professeur à l'Institut de Physique Nucléaire du CNRS d'évaluer les mesures, et les contre-mesures qui ont été effectuées. Au cours des réunions des 2 et 19 octobre, la CRII-Rad et le CEA ont constaté que leurs mesures, partant d'approches sensiblement différentes, convergeaient. Mais, la CRII-Rad et Madame Sené, représentante du Groupement de scientifiques pour l'information sur l'énergie nucléaire, ont demandé encore une cartographie g, c'est-à-dire de nouvelles mesures. Les expertises des universitaires ont bien reconstitué, à partir des mesures effectuées tant par le CEA que par la CRII-Rad que ce site ne contenait que de 4 à 60 grammes de radium. En conclusion de son expertise, M. Sergolle a estimé qu'il fallait recouvrir le terrain et ensuite procéder à des mesures incontestables, faites sur le fondement d'un nouveau protocole. Un arrêté préfectoral devrait donc prescrire la poursuite des travaux et demander au CEA de proposer une méthode de mesure qui sera soumise à une commission indépendante composée de représentants du CEA, de la CRII-Rad et de l'Institut de physique nucléaire, avant d'effectuer de nouvelles mesures après travaux. La surveillance devra être étendue aux eaux. La découverte de plutonium, dans un autre dépôt du CEA à Saint-Aubin, a conduit la Commission de la Production et des Echanges de l'Assemblée Nationale à saisir l'Office le 24 octobre d'une étude portant sur l'ensemble des sites de stockage du CEA, compte tenu de l'émotion suscitée par cette nouvelle découverte. En effet, le plutonium, même à faibles doses, est très nocif. Ce plutonium proviendrait du cœur d'un réacteur nucléaire selon le laboratoire universitaire allemand qui a procédé à des analyses en aveugle. Le CEA avait certes indiqué, lors d'une réunion de presse le 20 septembre, que des produits de fission; des émetteurs a, se trouvaient sur ce site, mais sans mentionner explicitement le plutonium. En revanche, le communiqué du SCPRI du 21 septembre mentionnait l'absence d'émetteur a, alors que le plutonium en est un. Les quantités trouvées sont très faibles. Sont-elles dangereuses pour la santé publique? Ni le CEA. ni le SCPRI ne le pensent, contrairement à la CRII-Rad. Il n'en demeure pas moins que le CEA a reconnu qu'il y avait bien une forte radioactivité sur l'ensemble du site et non sur le radier en béton où ont été entreposés les fûts dont la fissuration par le gel avait été à l'origine d'une faible contamination au début des années soixante-dix. p.10
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En effet, la cartographie de la
radioactivité du site de Saint-Aubin réalisée par
les experts du CEA, montre bien que la pollution radioactive s'étend
sur près d'un hectare alors que le radier d'entreposage des fûts
ne mesure que 1.400 mètres carrés.
Cette cartographie va être complétée par une série de prélèvements et d'analyses spectographiques qui devraient permettre de connaître les éléments et éventuellement le plutonium qui sont à l'origine de cette contamination. Il est intéressant de noter qu'à la suite de ces événements, le Directeur du centre de Saclay vient d'être changé. Ces deux affaires nous conduisent à nous poser un certain nombre de questions. Tout d'abord, sur la capacité du CEA à gérer et à contrôler ses propres dépôts radioactifs, même si l'on admet comme vient de le faire M. Teillac, Haut-Commissaire à l'Energie atomique, "que dans les années 60 ou 70 on a probablement travaillé dans des conditions qu'on n'accepterait plus aujourd'hui". Il n'en demeure pas moins que les affirmations des responsables du CEA puis la révision de leurs explications ne donne pas aux populations concernées l'image de sérieux et de compétence que cet organisme devrait avoir dans tous les domaines et dans toutes les circonstances. Or, comme on le verra dans le document annexé à la présente étude, Le Bouchet et Saint-Aubin ne sont pas les seules décharges qui ont été utilisées par le CEA. Ensuite, sur le vide juridique dans lequel fonctionnent certaines de ces décharges, il existe bien une réglementation concernant les centres de stockage à long terme des déchets radioactifs mais le CEA estime qu'elle ne s'applique pas à ces déchets "de très faible activité". Certains déchets du CEA ont été répandus dans les fondations de l'autoroute A 7 ou dans une décharge régionale ordinaire. Un tel vide juridique devrait être rapidement comblé et des règles très précises devraient être établies pour la classification de tous les déchets susceptibles d'avoir été contaminés par des sources radioactives. Enfin, ces deux affaires ont également démontré qu'il serait urgent de mettre en place une procédure permettant à l'avenir de résoudre dans le calme et avec un minimum de rigueur scientifique ce genre de contestation entre un des organes du nucléaire et la population. Ces deux controverses se sont en effet déroulées dans la plus complète confusion. La multiplication des expertises n'est pas faite pour améliorer l'information du public qui voit se contredire et même s'affronter les experts: - du CEA - du SCPRI - de la CRII-Rad laboratoire indépendant de recherche sur la radioactivité - de la mairie auxquels vont s'ajouter ceux: - de la commission qui vient d'être mise en place par le Préfet de l'Essonne - et peut-être ceux de la Commission de contrôle des dépôts nucléaires dont le Ministre de l'Environnement a annoncé la création prochaine. Dans ces conditions, que peut faire l'Office? (suite)
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Nommer de nouveaux experts ne servirait à rien, ceux-ci sont déjà trop nombreux et on peut même se demander si tous les spécialistes français n'appartenant pas au CEA n'ont pas d'ores et déjà été désignés par les autorités qui se sont saisies du dossier. Dans ces conditions, l'Office ne peut qu'assister en observateur aux différentes campagnes de mesures qui vont être entreprises et en tirer les conclusions. Si des divergences importantes devaient apparaître entre les résultats obtenus par les différents experts, l'Office se réserverait néanmoins la possibilité de faire procéder à de nouveaux contrôles et au besoin par des experts étrangers qui seraient restés en dehors des controverses. L'Office pourrait aussi constituer un lieu neutre où l'ensemble des parties en cause pourraient venir confronter leurs positions. Des exemples récents ont montré que le Parlement, et peut-être lui seul, pouvait faire venir à une même table des personnalités qui se refusaient jusque-là à dialoguer. Outre ce rôle éventuel de "superexpert", l'Office pourrait contribuer à élucider certaines questions qui ne seraient certainement pas traitées par les autres autorités qui suivent le dossier. Tout d'abord, le recensement de toutes les décharges et de tous les dépôts de déchets du CEA. Le CEA a plus de cinquante implantations en France, il faudrait donc s'assurer que la liste fournie au Ministre de l'Industrie intitulée "Anciens sites ou installations contenant des substances radioactives" est bien complète. De toute manière cette liste devrait être complétée par celle des décharges des filiales du CEA (COGEMA, Eurodif. .. ) qui ont été volontairement omises de la liste précitée. Il restera malgré tout deux points sur lesquels les auteurs de la saisine devraient nous préciser leurs intentions: - les décharges de déchets nucléaires n'appartenant pas au CEA (Hôpitaux, laboratoires, centres de recherche ... ) - les éventuelles décharges de déchets provenant des activités militaires du CEA. Après le collationnement des résultats obtenus par les différents experts, deux séries de questions pourraient être étudiées par l'Office. Tout d'abord, les effets sur la santé que pourrait avoir éventuellement entraîné la présence de ces décharges nucléaires. Il s'agit d'une question difficile et controversée. L'effet des faibles doses de radioactivité est encore mal connu comme vient de le confirmer un rapport récent de l'Académie des sciences. Il pourrait être cependant intéressant de réunir un panel d'experts médicaux, français et étrangers, qui pourraient au vu des chiffres obtenus, dire si les doses de radioactivité présentent ou non un danger pour la santé des populations voisines des décharges. Cette table ronde pourrait se faire sous la forme des auditions libres ouvertes à la presse que nous avons expérimentée avec succès lors de deux précédents programmes d'étude. Le second point qui pourrait faire également l'objet d'auditions publiques serait celui de la réhabilitation des décharges. En effet, s'il s'avérait que certaines décharges contiennent un taux de radioactivité incompatible avec les règles de sûreté il faudrait, quel qu'en soit le coût, envisager la remise en état des sites et éventuellement le reconditionnement et l'enlèvement des matériaux contaminés. Après ces études, il resterait à l'Office d'examiner en guise de conclusion si la législation actuelle sur les déchets nucléaires est suffisamment claire et s'il ne faudrait pas y apporter des modifications. p.11
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Certaines contestations sur le
régime juridique applicable aux décharges du CEA montrent
bien qu'une clarification des textes serait nécessaire. Certains
sites contenant des déchets nucléaires peuvent en effet être
gérés comme des décharges industrielles ordinaires
sans être astreints à toutes les dispositions prévues
pour assurer la protection de la population contre les risques de la radioactivité.
Enfin, l'Office pourrait jouer un rôle très positif en proposant que soit définie une procédure préétablie qui permettrait, en cas de contestation, de régler les problèmes sérieusement et sereinement. Il serait en effet opportun, pour éviter la confusion et les incohérences auxquelles nous venons d'assister, que l'Office tente de déterminer les conditions dans lesquelles on pourrait faire appel à des experts et les modalités selon lesquelles ceux-ci auraient dans des cas similaires à remplir leur mission et à en rendre les résultats. Sur les deux derniers points de cette étude, le travail de l'Office serait de poser les grands principes des éventuelles réformes et de transmettre ses conclusions à la Commission de la Production et des Echanges, auteur de la saisine, qui pourrait alors en tirer les conséquences législatives qu'elle estimerait utiles. Compte tenu des réserves et des précisions que je viens de vous présenter, je vous demande à être autorisé, en application de l'article 20 du règlement de l'Office, à engager un programme d'étude conduisant à l'établissement d'un rapport. Jean-Yves LE DÉAUT, Rapporteur
Monsieur le Président,
Paris, le 24 octobre 1990 Monsieur Jean- Yves LE DÉAUT
J'ai l'honneur de porter à votre connaissance que la Commission que je préside, sensible notamment aux vives préoccupations exprimées par les parlementaires de l'Essonne, a décidé à mon initiative de saisir l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques d'une demande d'étude sur les décharges du Commissariat à l'Energie Atomique. La Commission unanime souhaite que l'Office: - fasse procéder à un recensement de toutes les décharges où le CEA entrepose ou aurait entreposé des déchets susceptibles de contenir des produits radioactifs, - fasse établir un protocole d'expertise pour que l'ensemble des mesures de radioactivité soient réalisées dans des conditions identiques et si possible acceptées par toutes les parties en présence, - détermine le ou les experts à qui seront confiées ces expertises, - réunisse un panel d'experts chargé, au vu des résultats des expertises, d'évaluer les éventuelles conséquences pour la santé publique de ces décharges, - détermine les mesures nécessaires pour assurer une éventuelle décontamination des sites et les conditions dans lesquelles serait effectué le stockage définitif des déchets, (suite)
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- fasse des propositions pour que soit mis en place à l'avenir un système de contrôle de la radioactivité dont les analyses ne seraient pas susceptibles de donner lieu à des contestations. Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments les meilleurs. Jean-Marie BOCKEL
Ancien Ministre - Député-Maire de Mulhouse Paris, le 27 août 1990 Monsieur Michel ROCARD
Jean-Yves LE DÉAUT
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On trouvera dans ce qui suit une liste
de sites, d'installations ou d'usines dans lesquelles se trouvent stockées
des substances radioactives.
Ces sites appartiennent à différentes catégories: - installations de stockage de déchets résultant d'activités industrielles ou de R&D; - anciennes installations industrielles ou de R & D; - installations industrielles ou de R & D en cours de déclassement - démantèlement; - autres installations. Dans la plupart des cas, ces substances radioactives sont confinées dans des installations anciennes qui ne mettent cependant pas en cause la santé publique; ce qui, en fait, mérite une attention particulière, c'est la compatibilité de ces installations de confinement avec les règles et normes en vigueur, lesquelles ont bien souvent été établies et/ou modifiées après la mise en service de ces installations(1). Cette liste, limitée aux activités civiles et qui ne prend en compte ni les sites miniers ni certains sites à l'étranger, est construite de la manière suivante: 1. Les déchets du CEA, hors des Centres du CEA; 2. Les déchets ou matières radioactives sur des Centres du CEA; 3. Installations en cours de déclassement-démantèlement; 4. Autres installations, sites, dépôts non CEA. Elle résulte d'une réflexion qui a été, en quelque sone, poussée aux limites. Dès lors, à certains noms évoqués, il n'est pas possible dans l'immédiat d'associer des dossiers solidement constitués. 1. Les déchets du CEA, hors des Centres du CEA
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1.2. ST-AUBIN Déposante du Centre de Saclay (Essonne) sur laquelle furent, il y a 20 ans, entreposés des blocs en béton contenant des déchets radioactifs issus des activités de R&D. Ces blocs ont été transférés entre 1972 et 1979 au Centre Manche (site ANDRA). Lors de cet entreposage, 243 blocs (sur 2.384) furent fissurés par les intempéries et une contamination de la dalle de béton sur laquelle ils reposaient s'ensuivit; il reste aujourd'hui une contamination résiduelle extrêmement faible. Remarques: Aucun danger pour la santé publique. Ce site fait déjà l'objet d'une exploitation médiatique. Un dossier descriptif est constitué. 1.3. ATTILA
2. Les déchets ou matières radioactives
à l'intérieur des Centres du CEA
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2.2. SACLAY
Citernes de solvants contaminés: il s'en trouve à Saclay mais aussi dans d'autres centres. La surveillance en est assurée régulièrement. De nouveaux moyens de traitement et de conditionnement sont à l'étude. Le stockage d'eau lourde tritiée: une exploitation médiatique locale a déjà eu lieu, en 1989. Déchets de "petits producteurs" extérieurs: à Saclay (mais aussi sur le site SOCATRI à Valrho). Suivi difficile. Améliorations possibles sur le plan de la gestion et du contrôle. Déchets de ORIS: même situation. Les "cathédrales": utilisation de certains blocs contenant des déchets très faiblement actifs pour bâtir des hangars. Sans danger, mais risque d'utilisation médiatique. 2.3. FONTENAY AUX ROSES
2.4. SITUATIONS COMMUNES A PLUSIEURS CENTRES
3. Installations en cours de déclassement-démantèllement
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4. Autres installations, sites, dépôts non CEA 4.1. Activités très anciennes, scientifiques ou industrielles · Le laboratoire de Pierre et Marie Curie à Arcueil: risque important de médiatisation autour d'un site mal contrôlé; · Le "chemin du Radium" à Gif sur Yvette: laboratoire de production de radium de la Société nouvelle du radium qui a cessé son activité en 1939. Des habitations sont construites sur l'ancien site. · Bandol: unité de production de radium exploitée par la Société d'études d'application du radium (même situation que pour le chemin du radium). Remarques pour ces trois sites: état peu satisfaisant car il subsiste une contamination résiduelle un peu élevée. Les deux premiers dossiers ont déjà fait l'objet d'exploitation médiatique dans le passé mais celle-ci ne demande qu'à repartir: Le Parisien a déjà fait écho à plusieurs reprises au chemin du radium. 4.2. Produits radioactifs utilisés dans le public
Commentaire:
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