La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°121/122

ENQUETES PUBLIQUES

     Nos correspondants nous ont fait parvenir le texte de nombreuses enquêtes publiques. Il y en a de tous les genres, de l'enquête pour une concession de mine d'uranium à l'enquête d'ouverture d'un site minier en passant par celle d'un entreposage de déchets radioacufs ou non (Installation Classée pour la Protection de l'Environnement - ICPE), pour finir par celle pour l'installation d'un réacteur. Certes la loi a changé, les obligations de réponse se sont faites plus précises. Mais le résultat sans surprise est que c'est toujours pareil!
     La Gazette en décortique une, en publie une autre pour vous faire toucher du doigt un certain nombre de points faibles. Il y en a sûrement d'autres, à vos plumes: cherchez le truc qui manque ou le truc un peu faux sur les bords. Mais surtout, surtout intervenez tous pour que ça change vraiment. C'est indispensable pour la santé des populations, des travailleurs et pour notre environnement.
     Nous avons aussi le récit d'un combat contre une concession dans l'Uzège où le pays a gagné. On vous offre tout cela en vrac mais ça confirme notre propos: Il faut intervenir, ne pas cesser de demander des explications et surtout faire bloc tous ensemble.
     Le nucléaire existe, il nous faut le gérer, le subir mais il nous faut dominer le processus. Dire non toujours et encore n'est pas forcément LA solution mais c'est LA solution tant qu'on se moquera des droits du citoyen et qu'on ne lui appliquera que la partie devoir.
     Le dossier comporte 3 points:
1 Les radifères de Rhône-Poulenc
     - Commentaire Gazette
     - Dossier de demande d'autorisation
2 la concession de St-Symphorien-de-Marmagne
     - commentaire Gazette seulement
     - avec en prime le préambule du dossier
3 Quelques éléments du dossier de l'Uzège contre la demande d'une concession à Serviers-Aigaliers-Momaren
     - Bulletin d'information n°1 + notice technique
     - Lettre de J. Bergougnoux directeur général d'EDF (et de la société SAE par extension)
     - Le chant de victoire (prudent) de l'association dans le journal du coin.
p.20a

A propos des bâtiments d'entreposage de résidu radifère
Commentaire Gazette Nucléaire
     L'exposé de l'"objet" est assez réussi:
     - "le procédé de séparation des Terres Rares coproduit un résidu contenant des éléments radioactifs descendant du thorium et de l'uranium, dont le radium 228 et le radium 226. Ce résidu pris en charge par l'ANDRA était admis au Centre de Stockage de la Manche (CSM)".
     Le seul point de détail (non mentionné, bien sûr) de cette belle introduction est que ce site ne DOIT PAS contenir de déchets contaminés par des émetteurs a ce qu'est précisément ce résidu. D'où le paragraphe suivant:
     "De 1984 à février 1991, ANDRA et Rhône-Poulenc ont préparé les conditions d'admission à...Soulaines dans l'Aube".
     Or ce site non plus ne peut accueillir de déchets a. Alors on a envisagé une solution encore plus intéressante:
     "...les stocker avec les résidus miniers d'une ancienne mine."
     et vous devinez laquelle? Vous avez gagné: "Le site de l'Ecarpière"!!
     L'IPSN a évidemment donné un avis favorable car "l'impact passé et actuel des résidus COGEMA-SIMO sur l'environnement est faible et bien inférieur aux limites réglementaires". Sauf que les sites de mines ne sont vraiment pas les meilleurs endroits de stockage et qu'il y a déjà assez de problèmes avec les stériles (bizarre ce mot qui suggère que tout est propre et nickel alors que cela veut seulement dire qu'il n'y a plus d'uranium ou plus exactement que ce qui reste n'est pas exploitable à un coût permettant les bénéfices!)
     Enfin Rhône-Poulenc (RP) déplore "le manque de solution pérenne au niveau national"
     et l'objet du dossier est donc "une demande d'autorisation d'exploiter une installation... d'entreposage de 8.000 tonnes de résidus."
     "...seule la prolongation de l'entreposage temporaire... peut permettre... de définir le stockage à long terme"
     Toutes ces contorsions pour mettre en conformité une installation qui existe déjà car il s'agit bien de cela "...outre le bâtiment 420 existant, la réalisation de bâtiments complémentaires." et RP "...s'est engagé à limiter l'apport supplémentaire sur le site de Cadarache à un volume de résidus correspondant à trois ans de productions." On parle donc de 32.000 fûts mais impossible d'avoir une idée sur le nombre réel.
     Dans le chapitre "Devenir des résidus"
     on a une revue du problème tel qu'il est vu par une firme. Il est vrai que les déchets ont été longtemps négligés parce qu'en toute non légalité (sans texte et sans directives que fait-on? un dépôt) on mettait les déchets là où on les acceptait sans consulter personne sauf le porte-monnaie de la firme.
     C'est comme cela que RP a stocké sur le site Manche. Or le CSM doit fermer et ne peut garder les radifères. Il faut donc reconditionner les fûts car leur contenu soit-disant neutre et non toxique se révèle corrosif.
     RP revient sur la solution de l'Ecarpière en rappelant, pour la deuxième fois que le dossier de stockage sur site de mines est en préfecture mais que l'enquête est au point mort. Il est inadmissible que dans une demande d'entreposage à Cadarache on essaie de faire pression pour obtenir une autre autorisation alors que sa faisabilité est plus que contestable. Et de toute façon comment est-ce envisageable que RP définisse SA solution de stockage?!
     Le seul point d'engagement est que les fûts devront être partis TOUS le 31-08-99. Bon, rendez-vous en l'an 2000.

     Chapitre: activité Terres rares
     Un couplet sur la date de démarrage de l'usine 1946 (alors c'est seulement en 1992 qu'on se souvient que des déchets ça se gère!!!)

p.20b

     Un couplet sur les emplois,
     Un couplet sur les applications qui "participent au progrès, au confort des individus et à la protection de l'Environnement".
     Sauf que leader mondial avec 45% du marché, RP exporte 95% de sa production. Alors le progrès c'est pour qui?
     et les déchets?
     A quand une prime sous forme d'un fût à tout acheteur étranger? Evidemment ce serait moins attractif!

     Chapitre: Origine du résidu

     Le contenu radioactif est 3.150 Bq/g soit plus que la limite réglementaire (500 Bq/g). Faiblement actif peut-être mais on ne peut pas le mettre dans sa cuisine!!
     Quant au risque chimique, il est possible qu'il soit nul comme écrit dans le dossier " Le risque chimique intrinsèque du résidu radifère est donc inexistant"...
     mais alors pourquoi tant de difficultés sur le site Manche pour récupérer ce type de fûts?

     Que le débit de dose diminue quand on s'éloigne n'a rien d'un miracle. C'est toujours vrai puisque c'est un des principes de défense de la radioprotection, s'éloigner pour diminuer l'irradiation.
     La décroissance est en 1 sur la distance au carré (1/r2) ,dépend de l'angle, d'où le facteur 40 entre le fût et l m. Entre l m et l0 m on passe bien de 40 à 4.000.
     Dommage qu'il s'agisse sûrement d'un fût modèle, sans trou, sans contamination externe...

     Chapitre: conditionnement

     Parlons-en. Des fûts ont été refusés car crevés. Les emballages sont toujours aussi peu fiables que du temps du CSM mais la différence est qu'on les surveille. RP a donc mis une nouvelle technique qui a moins d'un an!!
     Les anciens (2.224) à Cadarache vont être repris et ceux du CSM(?). Mais on teste encore la méthode et, si elle s'avère défectueuse RP reprendra ses cochonneries selon un calendrier qui reste à définir bien sûr!

p.21a

Dossier de demande d'autorisation de mise en service
d'une installation classée pour la protection de l'environnement
1.1. Objet
1.1.1. Les causes et l'objet
     Rhône-Poulenc, dans son usine de production de Terres Rares de La Rochelle, utilise un minerai d'origine naturelle, la monazite. C'est un phosphate de Terres Rares qui contient du thorium (6%) et de l'uranium (0,2%).
     Le procédé de séparation des Terres Rares coproduit un résidu contenant des éléments radioactifs descendant du thorium et de l'uranium, dont le radium 228 et le radium 226. Ce résidu pris en charge par l'Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA) était admis au Centre de Stockage de la Manche (CSM) qui a atteint son niveau de saturation en avril 1991.
     De 1984 à février 1990, ANDRA et Rhône-Poulenc ont préparé les conditions d'admission de ce résidu de La Rochelle sur un site de stockage en devenir à Soulaines dans l'Aube (SSA) en prévision de la fermeture du CSM. Ce centre qui devait s'ouvrir en 1991 devait permettre la poursuite des stockages de résidus de Rhône-Poulenc mais il s'est avéré que sa vocation n'était pas de stocker des déchets faiblement radioactifs, radifères.
     Différentes solutions ont été alors envisagées et celle qui est apparue comme la meilleure consiste à les stocker avec les résidus miniers d'une ancienne usine d'extraction d'uranium. Le site de l'Ecarpière, exploité par la SIMO (Société Industrielle des Mines de l'Ouest), filiale de la COGÉMA (Compagnie Générale des Matières Nucléaires), fut retenu.
     Ce projet a fait l'objet d'un dossier qui doit être soumis à enquête publique. L'examen de ce dossier par l'IPSN (Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire) conclut que: "l'impact passé et actuel des résidus COGÉMA-SIMO sur l'environnement est faible et bien inférieur aux limites réglementaires" et que cet impact "ne serait pratiquement pas modifié par l'adjonction des résidus de Rhône-Poulenc".
     La gestion des déchets très faiblement radioactifs a donc fait apparaître un manque de solution pérenne au niveau national et que leur mise en place nécessite du temps.
     L'objet du présent dossier est une demande d'autorisation d'exploiter une installation, classée pour la protection de l'environnement, de stockage sur le site du Centre de Cadarache et relative à l'entreposage de 8.000 tonnes de résidus issus de l'usine de Rhône-Poulenc de La Rochelle.
     En effet, seule la prolongation de l'entreposage temporaire actuellement encours sur le site de Cadarache peut permettre à RP en accord avec la réglementation de définir les modalités de ce qui devrait être le stockage long terme.
     Ce tonnage de 8.000 tonnes (soit environ 32.000 fûts) correspond à la production de résidu de l'usine au 1er septembre 1995.
     Leur entreposage requiert, outre le bâtiment 420 existant, la réalisation de bâtiments complémentaires.
     Cette installation relève de la loi n° 76.663 du 1er juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement et des rubriques 167a (Station de transit des déchets industriels) et 385 quinquiès II (Stockage des substances radioactives) de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'Environnement.
     L'installation est également visée par les dispositions générales de la circulaire ministérielle du 30 août 1985 relative aux centres de transit des déchets industriels.
1.1.2. Devenir des résidus entreposés à Cadarache
     Dans le cadre de cette demande d'entreposage, Rhône-Poulenc s'est engagé à limiter l'apport supplémentaire sur le site de Cadarache à un volume de résidus correspondant à trois ans de production. La durée d'entreposage sur le site de Cadarache devrait être sensiblement plus longue, pour transférer les résidus entreposés vers un lieu de stockage définitif.
     Deux solutions pour le stockage définitif:
     1. Les débats parlementaires ayant conduit à l'adoption de la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, puis le rapport fait par M. Jean-Yves Le Deaut au nom de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques, sur la gestion des déchets très faiblement radioectifs, ont récemment montré que la France est confrontée à un manque de moyens appropriés pour répondre au problème posé par les déchets très faiblement radioactifs.
p.21b

     Les difficultés rencontrées par Rhône-Poulenc en sont l'illustration immédiate, mais d'autres acteurs économiques devraient rencontrer des difficultés similaires. Le délai ainsi ouvert laisse le temps aux pouvoirs publics d'apporter une réponse plus générale dans le cadre de laquelle Rhône-Poulenc pourrait trouver une réponse à son problème spécifique.
     Pour les résidus radifères le rapport Le Deaut préconise un stockage de préférence dans une mine à ciel ouvert. C'est le type de solution recherchée par Rhône-Poulenc depuis 1990 dans le cadre d'un projet COGÉMA-SIMO en particulier sur le site de l'Ecarpière.
     Ce projet a fait l'objet d'un dossier de demande d'autorisation soumis à enquête publique. Ce dossier est déposé en Préfecture de Loire-Atlantique depuis juin 1991, en l'attente du rapport de l'expert commis par Monsieur le Ministre de l'Industrie et du Commerce Extérieur. A ce jour l'enquête publique n'a pas encore démarré.
     Dès qu'une solution de ce type sera opérationnelle, Rhône-Poulenc s'engage à reprendre les résidus entreposés à Cadarache à raison de 2.000 fûts par mois.
     2. Pour le cas où une solution de ce tppe ne serait pas disponible, Rhône-Poulenc s'engage à mettre en oeuvre toute autre solution permettant le stockage définitif des résidus et en particulier à:
     - rechercher les diverses possibilités de stockage adaptées au besoin spécifique
     - examiner leur faisabilité
     - entreprendre les démarches administratives nécessaires pour obtenir les autorisations nécessaires dans le cadre des dispositions réglementaires en vigueur à cette date
     - soumettre le projet aux autorités de contrôle
     - définir et réaliser les investissements éventuellement nécessaires dans un délai de 18 mois.
     A cet effet, dans le cadre d'un contrat d'étude, Rhône-Poulenc demandera la collaboration de l'ANDRA.
     En conséquence, Rhône-Poulenc cessera définitivement au 31.08.95 d'envoyer à Cadarache les fûts issus de la production des terres provenant de l'usine de La Rochelle.
     Ces résidus seront entreposés à Cadarache pendant 2 ans maximum, c'est-à-dire jusqu'au 31.08.97. Ce délai permettant à Rhône-Poulenc de mettre en oeuvre une solution définitive à son problème de stockage.
     Si cette solution était trouvée plus tôt, Rhône-Poulenc procèderait immédiatement au désentreposage.
     Ce désentreposage devra commencer au plus tard le 1er septembre 1997 et se dérouler sur une durée maximale de 2 ans. Il prendra donc fin le 31.08.99.

1.1.3. L'activité Terres Rares de Rhône-Poulenc
1.1.3.1. Importance de l'activité Terres Rares
     L'usine de La Rochelle est le pôle central de production de Terres Rares de Rhône-Poulenc. Par ordre d'importance, c'est le deuxième établissement de La Rochelle.
     De par son activité, elle emploie 500 personnes, auxquelles il faut ajouter environ une centaine de personnes d'entreprises intervenantes et un millier d'emplois induits.
     Implantée à La Rochelle depuis 1946, cette usine est aujourd'hui la seule au monde capable de produire à l'échelle industrielle l'ensemble des 15 Terres Rares. Elle exporte 95 % de Sa production, à parts à peu près égales, vers le 3apon, les EtatsUnis et l'Europe. Et contribue en cela pour environ 400 millions de francs par an, de façon positive, à la balance des paiements de la France.
     Avec près de 45 % du marché, Rhône-Poulenc est le leader mondial des Terres Rares séparées. Ses principaux concurrents sont japonais, américains et récemment chinois.
     Par leurs propriétés spécifiques comme le magnétisme, la luminescence ou la catalyse, les Terres Rares sont utilisées dans des applications qui requièrent des technologies de pointe. Ces applications participent au progrès, au confort des individus et à la protection de l'Environnement.

suite:
     La luminescence: écrans couleurs télévisions/ordinateurs,
lampes trichromatiques, écrans rayons X, radiographie médicale...
     L'électronique et le magnétisme: têtes de lecture, écouteurs, moteurs miniaturisés, aimants de très forte puissance, imagerie médicale, scanners...
     L'optique: lentilles photo/cinéma/lunetterie, verres spéciaux, laser, polissage du verre...
     Les céramiques: électriques/condensateurs, sondes à oxygène, mécanique/pièces d'usure, prothèses, bâtiment/émaillage, pigments colorés...
     La métallurgie: alliages spéciaux.
     La catalyse: dépollution en particulier pots catalytiques pour l'automobile, industrie pétrolière, industrie chimique...
1.1.3.2. Origine du résidu radifère
     La principale matière première utilisée actuellement par l'usine de La Rochelle pour l'obtention des Terres Rares est un minerai assez répandu sur la planète, la monazite, qui présente une faible radioactivité naturelle.
     En provenance essentiellement d'Australie, où elle est présente à l'état naturel sur les plages - sous la forme de sable - et également d'Asie du Sud-Est, d'Afrique, d'Inde et des EtatsUnis, la monazite est le seul minerai comportant l'ensemble des Terres Rares qui soit actuellement disponible en quantité suffisante pour alimenter le marché mondial.
     La monazite est un phosphate de Terres Rares et de thorium, sous-produit de la mine du Titane (ilménite), obtenu par séparation magnétique, il contient aussi de l'uranium.
     La monazite véhicule donc de la radioactivité naturelle de la famille du thorium et de l'uranium, dont le radium 228 (Ra 228) descendant du thorium 232 (Th 232) et le radium 226 (Ra 226) descendant de l'uranium 238(U 238).
     Après extraction des matières nobles que sont le thorium et l'uranium, les Terres Rares de la monazite sont séparées et préparées à l'usine de La Rochelle pour satisfaire les exigences de qualité des divers clients. Il reste un résidu qui contient la radioactivité préexistante du minerai.
     Les séparations réalisées dans le procédé permettent d'isoler les Terres Rares, le thorium et l'uranium et de rassembler d'un autre côté le radium 228 et le radium 226 dans un résidu radifère. Cette insolubilisation des radiums est faite par coprécipitation au sulfate de baryum.
     La capacité de production est de 1.200 t/an de résidu radifère insolubilisé (exprimée en sec, hors emballage), d'activité moyenne de 3.150 Bq/g sec Ra 228.
1.1.3.3. Principales caractéristiques du résidu radifère
     Ces caractéristiques sont reprises plus complètement dans l'annexe 1.
* Analyse chimique et radiologique
     On donne ci-dessous l'analyse moyenne du résidu radifère sec:
ANALYSES SUR SEC
Analyse radiologique
Radium 228 (Bq/g) 3.150
Radium 228 (Bq/g) 450
Radium 226 % 1,07
Uranium ppm 760
Analyse chimique
Phosphates de Terres Rares % 21
Silice % 10
Oxydes (Fer, Titane, Zirconium) % 23
Sulfate de baryum % 27
Sulfate de calcium % 2
Nitrate d'ammonium % 15,6
p.22

     Les valeurs indiquées ci-dessus sont des valeurs moyennes sur une longue période de production. Ce sont celles à prendre en compte dans les bilans.
Les résidus sont humides. Ils contiennent en moyenne 55% d'eau.
* Risques potentiels intrinsèques du résidu
a) Risque chimique
     Les phosphates, oxydes et sulfates contenus dans le résidu radifère sont insolubles et ne présentent aucune instabilité chimique particulière. Ils ne sont pas toxiques.
     L'eau d'imprégnation n'a pas de caractère acide prononcé, son pH est proche de la neutralité (entre 6,5 et 7,5). Cette eau confient un sel soluble, le nitrate d'ammonium, également stable chimiquement. Le relargage d'eau contenant ces nitrates ne peut avoir lieu compte tenu de la présence d'un absorbant ajouté au moment du conditionnement du résidu en fût.
     Le risque chimique intrinsèque du résidu radifère est donc inexistant.
b) Risque radiologique
     Il faut distinguer le risque de contamination et le risque d'irradiation.
     Les radioéléments contenus sont très insolubles.
     Le thorium et l'uranium se retrouvent sous forme hydroxy-phosphates. Le phosphate de thorium est un des produits minéraux les plus insolubles qui soit connu en chimie.
     Les résultats d'essais donnés en annexe 1 (trests de lixiviation) montrent que si de l'eau vient à percoler à travers le résidu, cette eau resterait, sur un plan radiologique, bien en deçà des normes sanitaires.
     En milieu confiné, le risque intrinsèque de contamination par le résidu radifère est donc inexistant.
     En revanche, ils ont un caractère irradiant certain. En effet, ils émettent des rayonnements g et cette émission génère un débit de dose de rayonnement exprimé en milligray par heure (mGy/h).
     La valeur du débit de dose associé au temps de présence des pnes soumises à ce débit permet d'évaluer le risque sanitaire lié à l'entreposage des résidus radifères.
     En fait, ce débit de dose décroît très vite au fur et à mesure que l'on s'éloigne du résidu. Ainsi, au contact d'un fût de résidu, ce débit est au maximum de 0,6 mGy/h. A 1 mètre il est divisé par un facteur 40, à 10 mètres il est divisé par 4.000, soit un débit de dose de 0,15 mGy/h.
     Cette valeur est à comparer avec le débit de dose naturel ambiant à Cadarache qui est de 0,1 mGy/h. Le lieu d'entreposage sera quant à lui situé à 500 mètres minimum de la limite accessible au public.
     Le risque potentiel d'irradiation ne concerne en fait que le personnel travaillant au contact proche des résidus.
1.1.4. Le conditionnement du résidu radifère
1.1.4.1. Principes de sûreté-emballages
     Les principales caractéristiques de ce produit sont:
     - d'ordre radioactif: il contient 1,07% de Thorium et 0,076% d'Uranium du radium à l'état de traces Ra 228 et Ra 226 à raison respectivement de 3.150 Bq/g et 450 Bq/g (analyses sur sec).
     - d'ordre chimique: c'est une pâte pelletable, contenant 55% d'humidité, thixotropique, donc susceptible de relarguer de l'eau libre après agitation.
     Le principe de sûreté poursuivi concerne la pérennité du colis; en clair, avoir un conditionnement garantissant l'intégrité de l'emballage pendant plusieurs années par:
suite:
     - le confinement de la matière afin d'éviter les contacts directs ou des inhalations de poussières. Pour assurer un bon confinement de la matière, deux saches polyéthylène sont utilisées, l'interne fermée à l'aide d'un collier Rilsan, la seconde, la plus externe, est thermosoudée.
     - la protection mécanique externe est assurée par un fût métallique de 223 litres répondant à toutes les règles et prescriptions requises: Règlements des Transports des Matières Dangereuses [arrêté du 8 avril 1985], Recommandations ONU, Spécifications des Emballages U.S.-DOT etc... [Annexe 7: Tenue mécanique des fûts 220 litres].
1.1.4.2. Mode opératoire de conditionnement du produit
     Ce thème est développé dans la procédure "Conditionnement RRA" du Manuel Qualité Rhône-Poulenc donnée en annexe.
     Ce mode opératoire s'applique à spécifier les précautions à prendre:
     - avant le remplissage en protégeant le fût de toutes éclaboussures
     - en fin de remplissage en assurant le confinement
     - puis à la constitution d'un lot journalier et à sa protection aux intempéries.
1.1.4.3. Expérience relative à l'emballage
     D'avril à octobre 1991, le conditionnement des résidus radioactifs expédiés pour entreposage à Cadarache a été effectué selon la procédure en vigueur durant les 15 ans d'envoi au stockage de l'ANDRA à La Hague et qui n'avait fait l'objet d'aucune observation particulière.
     En octobre 1991, des fuites ont été observées par le CEA sur deux fûts. Ceux-ci ont été expertisés conjointement par CEA et Rhône-Poulenc, à La Rochelle, le 8 novembre 1991, en même temps que d'autres fûts sains:
     - le premier fût présentait un trou avec enfoncement, en partie basse, résultant de toute évidence d'un choc sévère.
     - le second fût présentait un défaut d'étanchéité du couvercle.
     - d'autres fûts conditionnés selon les procédés appliqués aux fûts de 1ère génération ont également présentés des anomalies et ont été retournés à l'usine de La Rochelle pour être reconditionnés suivant la nouvelle procédure.
     Aussitôt ces résultats connus, une nouvelle procédure de conditionnement a été mise en oeuvre, en accord avec le CEA et la DRIRE de PACA prenant en compte l'ensemble des constatations faites au cours de l'expertise. Les modifications de conditionnement de cette deuxième génération de fûts ont portées sur:
     Les précautions dans la manipulation des fûts: les fûts font l'objet d'une surveillance attentive quant à l'aspect extérieur, que ce soit avant ou après remplissage. Aucun enfoncement n'est toléré.
     Le houssage des palettes: le houssage avant sortie de l'atelier assure la protection contre les intempéries. On évite ainsi le risque d'introduction d'eau de pluie dans les fûts par mauvaise étanchéité du couvercle ainsi que la corrosion externe des fûts.
     L'augmentation de la quantité d'absorbant: introduction de 16 litres d'absorbant au fond de chaque fût et 16 litres en surface au lieu de 8 litres précédemment afin d'assurer l'absorption de l'eau pouvant ête relarguée.
     Les saches polyéthylènes: deux saches par fût au lieu d'une seule. La première sache peut ainsi être retournée sur le bord du fût pendant le remplissage et assure une protection de la paroi contre toute souillure.
     La fermeture de la sache externe par thermosoudage: la soudure de la sache permet d'assurer l'étanchéité et évite le transfert d'eau libre éventuel entre le résidu et l'extérieur de la sache.
p.23

     Le contrôle de l'application de la procédure: un contrôle systématique d'un fût sur 16, au hasard, est réalisé par un agent du Service Environnement directement attaché à la Direction Usune [indépendant du Service Fabrication]. Le contrôle porte sur la qualité extérieure et intérieure de l'emballage. En cas d'anomalie, tous les fûts du lot sont inspectés: les fûts défectueux sont écartés et recyclés.
     L'expertise réalisée fin avril sur un fût retourné de Cadarache et qui avait été conditionné selon cette nouvelle procédure a confirmé l'efficacité de ces mesures par l'absence totale de liquide à l'intérieur du fût au contact de la paroi et l'absence de corrosion.
     Au 01.07.1992, plus de 4.000 fûts produits selon cette nouvelle procédure ont été adressés au CEN de Cadarache et n'ont fait l'objet d'aucune remarque de la part des exploitants.
     Le nombre de fûts, dit de première génération, à reprendre de Cadarache vers La Rochelle se montant à 2.224, l'objectif est de terminer ces reconditionnements avant fin août 1992.
1.1.4.4. Etude et suivi
     L'expérience de la tenue dans le temps des fûts de la seconde génération est inférieure à un an. Bien qu'aucun fait constaté à ce jour ne nous permette de douter de la tenue à plus long terme (>7 ans) des emballages, deux actions complémentaires à la surveillance systématique de l'état des fûts sont initiées:
     - des tests de laboratoire sur l'emballage actuel ayant pour objet de valider l'efficacité et la pérennité de ce dernier.
     - un suivi statistique sur la tenue dans le temps des fûts consistant en l'examen destructif et périodique d'échantillons. La périodicité est fonction des constatations visuelles des détériorations.
     Ces deux actions sont plus amplement développées en annexe7.
     Si à un moment quelconque la pérennité de l'emballage n'était, pour la durée de l'entreposage, plus démontrée, Rhône-Poulenc s'engage à reprendre les fûts et à les reconditionner selon un calendrier établi en accord avec le CEA.
p.24a


À PROPOS DE LA NOTICE D'IMPACT
déposée par la Société Auxiliaire d'Energie (SAE) et la Société Total Compagnie Minière-France
pour une concession de mines dite "Saint-Symphorien-de-Marmagne"


     La rédaction de la présente Notice d'Impact répond aux préoccupations d'environnement selon les décrets du 12 octobre 1977, du 11 mars 1980, l'arrêté du 11 mars 1980, art. 2-5° ainsi que les décrets du 13 juillet 1989 et du 9 mars 1990.
     Cette Notice d'Impact fait partie du dossier de demande de concession.
     L'ouverture d'une exploitation sera précédée d'une demande d'autorisation réglementaire à laquelle sera jointe une Etude d'Impact ciblée décrivant très précisément les travaux et leurs conséquences sur l'environnement ainsi que les mesures détaillées envisagées pour minimiser ces conséquences.
     L'enchaînement des procédures relatives aux titres miniers est illustré par le tableau ci-dessous.
p.24b

Reprenons point par par la notice d'impact sur l'environnement
     Qu'on ne se méprenne pas: il s'agit de la notice qui est associée à une demande de concession. Il n'y a donc un registre qu'en préfecture. Cette notice est nécessaire pour transformer un permis exclusif de recherches (validité 3 ans renouvelable 2 fois) en concession (validité 50 ans, renouvelable plusieurs fois 25 ans) . On prend une concession quand on ne veut pas faire la procédure permis d'exploitation (validité 5 ans, 2 renouvellements de 5 ans). La procédure concession est moins contraignante et surtout elle donne des droits à la firme pour des durées supérieures à une vie humaine normale. Il sera donc facile de profiter d'une concession quand il le faudra, évidemment les conditions de l'environnement risquent de changer mais cela n'importe guère et surtout:
     Dans quelle mesure une telle concession ne gèle-t-elle pas la région?

Reprenons le dossier point par point tel qu'il se présente:
Description de l'état initial du site
     Flore et faune
     Rien à signaler. Ce n'est pas une "ZNIEFF" soit un endroit où les bestioles sont rares mais un bête endroit où il n'y a que des "bêtes" bêtes.
     Milieu humain et activités économiques
     RAS. La population est "essentiellement rurale" mais "comporte un tissu artisanal à même de procurer de nombreux services"
     Une autre (et la seule semble-t-il) activité économique est l"'Etablissement des Carrières de Marmagne" sur 6 ha.
     Environnement naturel, architectural et indastriel
     - naturel:
     RAS. Il y a un GREMINAT (Groupe de Recherches sur les Milieux Naturels Régionaux) sur 1,6 ha ce qui est tout petit devant les 1.475 ha de la concession.
     - architectural:
     RAS
     - industriel:
     La carrière!
     Décidément le dossier est rempli de vide.
     Passons à la suite.

     Hydrographie, hydrogéologie, adduction d'eau
     On a un inventaire à la "Prévert". Il suffit, d'ailleurs d'une carte IGN de la région pour énumérer comme le fait le dossier les cours d'eau "la Brume, classé 1 A, le Vaux coulant d'Ouest en Est, classé 1 A qui alimentent le Mesvrin ,classé 1 B"
     Mais rien n'est indiqué sur les besoins en eau de la population ni même pour la mine. Il faudra attendre la page 9 pour y trouver "une installation de traitement des eaux est nécessaire afin de respecter les normes en vigueur applicables aux rejets dans. le milieu naturel. Elle sera située en aval de l'ensemble des installations."
     -ainsi que page 10 où on est heureux d'apprendre qu'il n'y aura pas "à envisager de déviation de cours d'eau sur aucun des sites."
     puis pour finir toujours sur la page 10:
     "Les eaux de surface devront être contrôlées à 3 niveaux:
     - au niveau des risques de pollution physique, il s'agit de l'entraînement de particules solides...
     - au niveau des résidus d'attaque(c-à-d les boues chimiques)"
     et il manque le troisième alinéa qui doit concerner le risque radioactif!!

suite:
     Il y a un couplet sur la radioactivité naturelle du terrain. Un secteur, celui des Ruaux a des niveaux assez élevés par plages et c'est normal puisque c'est pour ça qu'on veut ouvrir une mine d'uranium!
     Des travaux d'exploration ont été réalisés en 1903, 1910, 1946, 1958, 1978, 1991 et "n'ont eu qu'un impact insignifiant sur le plan de la radiométrie de l'environnement".
     Cette affirmation n'est évidemment étayée par rien du tout.

Travaux envisagés
     Voici le deuxième grand volet. Des précautions sont prises mais:
     - un forage percutant a une emprise au sol de 50 à 100 m2
     - un forage carottes nécessite un nivellement de plate-forme de 20 à 30 m2 pour une emprise de 100m2
     En l'état des prospections il apparaît que les exploitations seront "souterraines" et que le lieu choisi sera les Ruaux-Bois de Bourdeau.
     Quant à la méthode d'exploitation il faut attendre les travaux de reconnaissance pour la connaître car il manque des paramètres pour pouvoir conclure, explique la notice.
     Cependant l'effort de l'exploitant va porter sur:
     - "un maximum de récupération du minerai"
     Certes on s'en serait douté mais cela signifie quoi? La question est loin d'être académique car cela conditionne la teneur en radioéléments des stériles et aussi la méthode d'extraction.
     - "un minimum de salissage du chantier".
     Les installations souterraines sont décrites avec un luxe de précision pas très compatibles avec les inconnues. Quant aux installations de surface elles sont classiques de ce type d'exploitation soit:
     - traitement du minerai
     - carreau
     - stockage des stériles (300.000 m3 environ)
     L'attaque du minerai se fera sur site et il y aura une installation de traitement des eaux "pour respecter les normes en vigueur applicables aux rejets dans le milieu naturel" . Oui et alors c'est quoi les rejets et les normes? La question est loin d'être innocente car la polémique est grande sur le sujet:. On ne peut donc se taire sur ce qui est utilisé dans ce cas pour les calculs de nuisances. Dans 50 ans il y a gros à parier que les normes auront décru, c'est ce qu'elles font chaque fois que l'on engrange des résultats d'enquêtes sur les effets des radiations sur l'être humain.
     Les stériles que l'on devra stocker représentent environ 250.000 m3. L'unique problème reste: que contiennent-ils comme Ra et autres éléments?
     Le couplet sur les expositions interne et externe n'apporte rien car c'est juste un rappel des textes réglementaires (même pas les plus récents). Ce n'est pas un exposé sur ce qui va sortir de la mine et/ou sur la prévention justement à établir à partir des textes réglementaires.
     Sur la modifications du régime des eaux, c'est succinct. Cependant"... les zones d'assèchement ne concernent que des puits ou des sources jalonnant celles des fractures qui sont affectées par les travaux et les perturbations restent ponctuelles ou limitées"
     Les installations de surface tiendront sur 1 ha et seront "pratiquement invisibles" du hameau des Ruaux.
     Il n'y aura pas de bruit sauf le concassage ET les camions.

p.25

     Les eaux et les poussières
     RAS. Sauf que c'est un peu faible comme argumentaire :
     "L' expérience française montre que les eaux d'exhaure des mines sont peu chargées, la charge étant naturellement inférieure à la norme". Et si par hasard c'était au dessus des normes, et quelles normes au fait (30 mg par litre de particules de quelles tailles)?
     La verse à stériles
     Elle va occuper 1,4 ha et contiendra 325.000 m3 de résidus miniers et chimiques. On aimerait quelques détails. Car quelle surveillance fait-on de la verse?
et pourquoi a-t-on 250.000 m3 de stériles, 40.000 m3 de résidus chimiques? La différence vient-elle des boues de traitement des eaux?
     Sa réalisation est évidemment, bien sûr, expliqué 2 pages plus loin et il est dit "le fond de la verse sera équipée d'un drain"..."Ce drain sera relié à l'unité de traitement des eaux" ainsi que "une fois l'exploitation terminée, les matériaux stériles puis la terre végétale seront réutilisés pour réhabiliter la verse..."
     Petite question: que deviendra le système de drain à la fermeture et qui surveillera les rejets de la verse?
     Impact sur l'environnement
     A part les explosifs tout le reste sera précisé ultérieurement, quand on connaîtra l'hydrogéologie locale. Parfait, mais on pense quand même stocker des trucs sans savoir où vont partir les eaux de léchage et autres rejets.
     En ce qui concerne les installations de surface on va stocker la terre végétale pendant 9 ans?
     Elle ne sera plus végétale pour la réhabilitation du site! La verse sera composée d'une digue de 35 m de haut pour retenir les déversements. Un drain sera relié au traitement des eaux. On réhabilitera en partant.  
suite:
     Il manque deux points importants:
     - Où sont faits les prélèvements, qui contrôle?
     - On réhabilite comment?
     Il est précisé comme d'habitude que tout ce qui manque dans cette notice sera traité dans la déclaration d'ouverture.
     J'ai un exemple de ce type de déclarations: il n'y a rien de plus. Voici un bref résumé de cette autre notice:
     Radioactivité naturelle
     Bruits
     occupation des sols
     Bruits: Tout va bien . On est en dessous du seuil.
     Poussières: On arrose
     répercussions socio-économiques:
     quelques emplois, la taxe professionnelle et la redevance minière.
     Quant au reste du dossier il y a un luxe de détails sur "les raisons du choix du projet liées aux problèmes d'environnement"
     mais cela porte sur le remodelage du site après et pas beaucoup sur ce qui se passe pendant. Par contre on a une liste des méthodes pour limiter l'impact radiologique du site sauf que nulle part il n'est indiqué le contenu radioactifs des matériaux stériles.
     Mon avis:
     - Demandez un vrai dossier pas une caricature modèle réglementaire applicable partout. On ne change que les noms des villes, des ruisseaux, des préfectures. Pour le reste on sait tout et une mine ne peut être qu'un bienfait pour une région si peu peuplée!!
     - Comme il s'agit d'une concession, bagarrez-vous pour éviter un tel gel de région.
     - Créez une association et faites le travail tous ensemble!
p.26a

BULLETIN D'INFORMATION ET DE COORDINATION DE L'UZÈGE
CONTRE L'IMPLANTATION D'UNE MINE D'URANIUM
À SERVIERS - AIGALIERS - MONTAREN N°1
Information à la population

     Voici comment le Maire de Serviers Labaume résume à ce jour le projet d'une demande d'octroi d'une concession de mines d'uranium... de la part de la Société Auxiliaire d'Energie (S.A.E.).
     Le document que vous allez lire est le résumé objectif du dossier présenté par la S.A.E. et qui est à votre disposition à la Mairie, mais vu sa longueur et sa complexité, j'ai essayé de la présenter plus sommairement, sans en altérer le contenu, sans y apporter de commentaire afin que chacun de vous puisse être informé sur ce problème et former son propre jugement.
     Il s'agit donc, pour la S.A.E. d'obtenir, pour une durée de cinquante ans, l'attribution d'une concession de mines d'uranium, dite "concession de Serviers", dans une zone de 6,74 km2 délimitée approximativement par les points suivants Labaume - St Médiers - Mazet Monmarson - Château de Serviers - Four à Chamotte - Gattigues (l'ensemble étant donc situé, outre notre commune, sur celles de Montaren et Aigaliers).
     La demande en question n'est pas une demande d'exploitation. Le prix actuel de l'uranium ne permet pas de rentabiliser une telle entreprise. Mais l'octroi de cette concession permettrait au demandeur de disposer du site dans le cas où des conditions nouvelles justifieraient l'ouverture des travaux.

     En l'état actuel des choses, une enquête publique est ouverte du 21 novembre au 20 décembre 1988. L'acte final qui autoriserait la concession serait un décret du Premier Ministre, après avis du Conseil d'Etat.
     Le projet prévoit néanmoins ce que pourrait être la phase d'exploitation.
     La technique utilisée serait celle de la mine souterraine, selon un procédé appliqué dans les mines de fer de Lorraine.
     Les installations de surface, qui seraient implantées à Gattigues, comprendraient, sur une dizaine d'hectares:
     - une usine de traitement,
     - le carreau de mine, c'est-à-dire tous les bâtiments à usage industriel, administratif ou social,
     - la zone de stockage des matériaux stériles,
     - les bassins de stockage de la pulpe neutralisée provenant de l'usine de traitement.
     Le procécé retenu pour l'extraction de l'uranium serait, de façon synthétique, le suivant:
     1. broyage du minerai, en présence d'eau, pour obtenir une pulpe,
     2. attaque de cette pulpe par l'acide sulfurique (lixiviation) dans des cuves d'acier,
     3. traitement de la pulpe, dans des bacs, par des résines qui fixent la solution d'uranium,
p.26b

     4. traitement des résines par des solvants (élution),
     5. élaboration du produit concentré (par réaction avec l'ammoniaque). Le produit est alors mis en fût.
     Bien sûr, la S.A.E. a été amenée à étudier l'impact qu'engendrerait cette réalisation et les mesures à prendre pour en limiter les effets:
     1. Impact visuel: à ce propos, des aménagements paysagers pourraient être réalisés
     2. Impact sonore: l'atelier de broyage serait pourvu de parois revêtues de panneaux absorbants
     3. Impact des poussières: le système retenu élimine "pratiquement" les causes de dégagement de poussières
     4. Impact des effluents liquides: ceux-ci peuvent provoquer des nuisances de trois ordres:
     a) chimique: la neutralisation est obtenue par des traitements à la chaux. Tous les effluents sont collectés dans des bassins d'épandage enclos de digue. Après traitement, ces eaux sont rejetées en rivière (le Lisson, en l'occurence).
     b) radioactive: c'est le radium qui en est essentiellement responsable. Il est séparé de l'uranium en phase 3 du traitement, et, après fixation, envoyé sur une installation de stockage de déchets de faible activité.
     c) action sur les eaux souterraines: la Société n'exclut pas une incidence partielle ou totale sur les débits des forages existant dans le secteur.
     Signalons enfin que la S.A.E. estime à 190 personnes le total des employés à la mine et à l'usine. Le suivi médical de ce personnel se ferait, à titre préventif par la mesure mensuelle systématique de l'exposition au rayonnement, aux poussières et au gaz (radon).

Notice technique
     La mise en évidence du gisement fait suite à la découverte de fortes anomalies radiométriques dans une petite carrière d'argile.
     Un lever géologique et radiométrique de surface a été réalisé fin 1978 et début 1979. Pendant le second semestre 1979, s'est déroulée une campagne d'exploration par sondages carottés. Au cours d'une seconde campagne, de juin 1981 à janvier 1982, a été étudiée l'évaluation du gisement par carottage systématique en gros diamètre. La teneur du minerai en uranium serait de 234 g/tonne.
      Les réserves en place sont de 10,5 millions de tonnes de minerai contenant 2.500 tonnes d'uranium dont 70% pourraient être récupérés.
     Les volumes annuels d'extraction seraient de:
     - 500.000 tonnes de minerai,
     - 70 à 80.000 tonnes de stérile.
     Les investissements financiers devraient être de:
     -190 millions de francs pour la mine,
     - 240 millions de francs pour l'usine.
     La mise en exploitation ne pourrait intervenir que trois ans après la décision. La durée de vie de l'ensemble mine-usine serait d'une quinzaine d'années.

Les pollutions et les dangers
     Si déjà avec Tchernobyl il y a eu des problèmes avec les légumes - beaucoup d'agriculteurs ont été obligés de réduire leur production - en ce qui concerne les diverses pollutions qu'entraînera l'implantation de cette mine d'uranium, ce sera encore pire pour l'agriculture.
     En effet:
     - L'acide sulfurique qui se dégagera pour le traitement du minerai entraînera des pluies acides qui pollueront les cultures et détruiront également les forêts. Il y avait déjà les incendies, il y aura en plus les pollutions. La flore et la faune seront aussi atteintes.

suite:
     - Le radon, gaz radioactif, entraînera des maladies chez les gens, entre autre des cancers. De plus, par jour de mistral toutes les communes avoisinantes seront polluées.
     - Les déchets des minéraux d'uranium créeront un crassier dans le site détruisant le cadre de vie des habitants.
     - Les quantités d'acide utilisés pour le traitement des minerais entraîneront également la pollution des nappes phréatiques et les ruissellements pollueront en aval les rivières, entre autre le Lisson, la Seyne qui se jettent dans le Gardon.
     La S.A.E. (filiale 100% EDF) est un lobby nucléaire et l'argument avancé de la création d'emploi est fallacieux, celle-ci veut réembaucher les mineurs qu'elle débauche dans les mines qu'elle ferme ailleurs.
     L'Uzège avec l'Europe de 92 verra un essor de son activité touristique et cela créera plus d'emplois que l'ouverture de mines. Uzès veut devenir ville thermale: c'est peu compatible avec un complexe de traitement d'uranium, c'est même contradictoire.
     De plus, la France ne manque pas d'électricité puisqu'elle en vend à ses voisins, et il existe d'autres sources d'énergie: géothermie, éolienne, énergie solaire...
     D'une part, on peut regarder à la télévision des campagnes de collecte de fonds pour la lutte contre le cancer et d'autre part on développe des produits qui en génèrent.
     Pour toutes ces raisons nous appelons tous les habitants de l'Uzège à répondre massivement par un NON à l'enquête publique qui sera close bientôt, en écrivant en recommandé à Mme Maheux - Service de la qualité de la vie - Préfecture Avenue Feuchères à Nîmes 30.000.
     Pour s'opposer à ce projet, une association s'est créée "VIVRE". Siège social : Mairie d'Aigaliers - 30.700 - BP 2 Montaren.
     Vous pouvez vous informer ou adhérer en écrivant à cette adresse ou en vous rendant au stand de l'association, le samedi matin, sur le marché d'Uzès, fontaine de la Place aux Herhes.

Société Auxiliaire d'Energie

Paris, le 13 octobre 1989
Objet: Demande de Concession de Serviers

     Monsieur,
     Nous avons bien reçu votre lettre du 20 août 1989 qui a retenu toute notre attention.
     Comme le Directeur Général d'EDF l'a précisé à Monsieur Baumet, Sénateur du Gard, il n'est point dans les intentions de la S.A.E. d'exploiter ce gisement de Serviers, à très faible teneur en uranium et non rentable dans les conditions économiques actuelles. Ces conditions devraient perdurer pendant de nombreuses années encore. Ce gisement constitue en fait une "réserve stratégique en terre", à laquelle notre pays aurait recours uniquement en cas de crise internationale grave interrompant les approvisionnements extérieurs.
     L'existence de cette demande de concession permet simplement à la S.A.E., dans l'immédiat, de se protéger de la concurrence. A plus long terme, cela permet de compléter les dispositifs concourant à assurer en cas de crise la sûreté des approvisionnements des centrales électro-nucléaires françaises.
     De plus l'exploitation de ce gisement ne pourra se faire qu'après l'attribution éventuelle par l'Administration d'un permis d'exploitation suite à une nouvelle enquête publique et celle-ci se fera sous son contrôle.
     Votre région et son tissu économique ne seront pas affectés par cette activité. La mise en oeuvre des mesures visant à conserver l'intégrité et la qualité de l'environnement est bien connue des opérateurs miniers français et elle a déjà fait 'a preuve de son efficacité par ailleurs en France.

p.27

     Ainsi, la santé des habitants, l'intégrité des sites et des rivières et la qualité des produits agricoles de votre région seraient préservées dans le cas d'une éventuelle exploitation du gisement.
     A l'heure où l'on ferme des exploitations minières dans d'autres régions de France, et compte tenu des éléments qui précèdent, je vous confirme qu'il ne serait pas envisageable pour notre Entreprise de s'engager à court ou moyen terme dans l'exploitation de ce gisement. Seule une crise grave, nous privant de nos approvisionnements étrangers, nous amènerait à faire alors appel à une telle source d'uranium naturel.
     En souhaitant que ces éléments d'information vous permettront d'apporter un apaisement à vos administrés et en vous confirmant que les services compétents d'Electricité de France sont prêts à vous apporter sur place toutes les explications que vous souhaiteriez, je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments distingués.
Jean BERGOUGNOUX

Demande de concession minière rejetée
Uzège: l'uranium ne fait plus peur

Le ministère de l'industrie a tranché.
Il n'autorisera pas l'exploitation du gisement de Serviers

     Après quatre ans de lutte ininterrompue, le champagne est de sortie pour tous ceux qui s'étaient mobilisés - nombreux - contre le projet de la Société Auxiliaire d'Energie. Ils viennent d'obtenir gain de cause.
     Par arrêté du 25 mars 92 publié au Journal Officiel le 3 avril, le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce extérieur a rejeté la demande déposée pour la "concession de Serviers".
     L'affaire remonte à la fin 88. Elle avait fait grand bruit dès que les habitants de la région avaient eu connaissance d'une enquête d'utilité publique d'un genre un peu particulier. La S.A.E. sollicitait l'autorisation d'exploiter un gisement d'uranium sur un périmètre de 6,7 km2.
     Cette société avait procédé à divers sondages du sous-sol local depuis 1978. Elle estimait que les réserves (10,5 millions de tonnes de minerai) pouvaient contenir quelque 2.500 tonnes d'uranium.
     D'où son projet d'envergure qui devait déboucher sur la création de 190 emplois. Ce fut du moins le chiffre avancé à l'époque. La S.A.E. prévoyait une exploitation en surface sur une dizaine d'hectares au village de Gattigues où devaient être regroupés une usine de traitement, des bureaux, un stockage de matériaux dits "stériles", etc.
      Le reste de l'exploitation était prévu en souterrain. L'ensemble du périmètre concerné s'étendait entre Labaume, Saint-Médiers, Serviers. Trois communes se trouvaient directement impliquées: Montaren, Serviers et Aigaliers.
Levée de boucliers
     Ouverte le 21 novembre 1988, l'enquête publique s'était déroulée jusqu'au 20 décembre de la même année, provoquant une grosse et soudaine levée de boucliers. Très vite, une pétition d'opposants avait recueilli 2.500 signatures. Les élus avaient été sensibilisés et ils avaient réagi avec quelque éclat. Sous la présidence de René Martin, l'association des maires du canton (15 communes) avait multiplié les communiqués de protestation. Une motion de refus catégorique avait été transmise au préfet, aux députés et sénateurs du Gard. Chaque conseil municipal par délibération ad hoc avait confirmé la position commune. C'était un "non" catégorique.

suite:
     Il faut dire que la "pression" des citoyens était vive, très vivace même. Créée pour rassembler les énergies et organiser la résistance, l'association "Vivre" avait réuni immédiatement plus de 800 adhérents.
     Pourquoi un tel front de refus? Les craintes de nuisances étaient nombreuses. On redoutait en particulier de vilaines cicatrices pour l'environnement, donc des effets déplorables sur le tourisme. Mais on s inquiétait surtout pour l'eau.

Longue marche
     Le périmètre d'exploitation envisagé s'inscrivait dans un secteur truffé de sources. Un bassin d'une qualité exceptionnelle comme le confirmait une savante étude de "vulnérabilité" réalisée en 1979 par Guilhem Fabre, Bernard Legrand et le professeur Jacques Avias, titulaire de la chaire de biologie à la faculté de Montpellier. Ils avaient mis en évidence l'interconnexion de nombreux cours d'eau souterrains dans un triangle de 12 km de côté et conclu à une extrême fragilité du site. Là où ils préconisaient un périmètre de sécurité, on envisageait une activité industrielle susceptible de générer de grosses pollutions
     Même si au début ce combat écologique pouvait apparaître comme une lutte du pot de terre contre le pot de fer, l'association "Vivre", présidée par Marc de Maynin, n'a jamais baissé les bras.
     S'appuyant sur les élus locaux, "Vivre" a multiplié les démarches tous azimuts durant plus de quatre ans. Au temps des grandes réunions publiques, manifs sur le site, avait succédé celui des visites aux ministères (Environnement, Industrie) et de l'occupation permanente du terrain. Tous les 15 jours, les opposants se retrouvaient sur le marché d'Uzès pour maintenir la pression. Belle constance.
     Cette longue marche a donc fini par payer avec la publication de l'arrêté ministériel. Un événement que "Vivre" compte célébrer avec la satisfaction que l'on devine. Mardi prochain avec le maire d'Aigaliers André Meynier, elle organise une conférence de presse sur le sujet (18 h 30 au foyer d'Aigaliers). Tous les maires du canton sont invités. Par ailleurs, une assemblée générale extraordinaire est prévue le 5 mai prochain. On y trinquera à la santé d'un uranium désormais sans danger.

J.-L.M.

 
 
 
Une Basse-Loire sans nucléaire

     Environ 170 jours nous séparent du cinquième anniversaire de la parution du décret d'utilité publique de la centrale du Carnet.
     Le 23 mars 1993 au plus tard, le premier ministre doit signer un arrêté renouvelant la validité de la D.U.P. pour une nouvelle période de cinq ans.
     Sans cette bénigne formalité, le décret est caduc, il faut refaire une nouvelle enquête. Le projet est remis aux Calendes.
     Vous aurez remarqué que cette échéance coïncide avec d'autres..., que les responsables politiques qui ont initié ce projet en 1981 vont avoir - chose pénible qui arrive parfois en démocratie - à rendre des comptes.
     Ainsi le projet d'une centrale nucléaire en Basse-Loire, le plus vieux et le plus vivace des projets français traverse-t-il la phase la plus délicate de son existence.
     A nous d'en profiter. Tombons la D.U.P.!

p.28

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