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N°127/128
Selon une étude du ministère de l'industrie
Le nucléaire demeure l'énergie la plus compétitive


     Si l'on devait décider aujourd'hui, en France, de la construction d'une centrale électrique qui soit opérationnelle en 2003 et qui fonctionne plus de six mille heures par an (c'est-à-dire environ 70 % du temps), une centrale nucléaire serait la plus rentable.

     L'édition 1993 de l'étude sur les Coûts de référence de la production d'électricité de France, publiée mardi 25 mai, par la direction générale de l'énergie et des matières premières du ministère de l'industrie (DGEMP), donne à nouveau l'énergie nucléaire gagnante pour une centrale utilisée de façon intensive. Les calculs ont eté effectués pour une installation qui entrerait en service dans dix ans. Selon cette enquête, realisée tous les trois ans depuis vingt ans, le coût de production d'un kWh nucléaire est de 25 centimes environ, contre 30 centimes pour le charbon et le gaz. Ces coûts intègrent les dépenses de recherche et développement, de retraitement des combustibles irradiés, de stockage des déchets ou de démantèlement, ainsi que le coût d'un accident du type Tchemobyl (?). (souligné par le webmaistre...)
     En revanche, pour des centrales ne fonctionnant qu'en période de pointe (moins de six mille heures par an), les centrales au charbon et au gaz sont les plus rentables. Si une écotaxe (projet de taxe communautaire pénalisant plus fortement les combustibles riches en carbone) devait grever les énergies, seules les centrales à gaz resteraient en lice.
     Pour les «extrêmes pointes», c'est-à-dire pour une utilisation ne dépassant pas plus de quelques centaines d'heures par an, les centrales au fuel seraient alors les plus compétitives.
     Dans des cas bien particuliers les installations de cogenération (c'est-à-dire qui produisent également de la vapeur) s'avèrent les moins coûteuses (17 centimes/kWh environ). Il devrait s'agir de centrales de forte puissance (40 MW), dont la production de vapeur serait valorisée. Ces contraintes restreignent leur usage à «quelques grands sites industriels, raffineurs ou grands chimistes», a précisé Claude Mandil, directeur de la DGEMP, lors de la présentation de cette étude à la presse.
     L'énergie éolienne a aussi été étudiée pour la première fois dans le cadre de cette enquête. Elle foumit une énergie relativement bon marché (28 centimes/kWh), mais son fonctionnement aléatoire (lié aux variations du vent) la rend difficilement comparable aux autres sources d'énergie.
     Pour M. Mandil, la compétitivité du nucléaire français (qui ne se confirme ni en Grande-Bretagne ni aux Etats-Unis) serait à attribuer «aux effets de série considérables dus à la construction de plus de cinquante centrales».

(Le Monde, 2juin 1993)
Commentaire sur l'article du Monde

     Procurez-vous "Les coûts de référence, Production électrique d'origine thermique"
     Ministère de l'Industrie, 101 rue de Grenelle, 75700 Paris

     Voici quelques extraits du rapport, ceci permettra de se faire une idée sur les résultats des calculs:

suite:
V - Résultats (page 24)
     Les différentes solutions ou filières techniques retenues ne sont pas directement comparables, tant par leur disponibilité (aléatoire pour les aérogénérateurs), leur taille ou leur potentiel de développement (contraintes de la cogénération). C'est la raison pour laquelle il a paru opportun de présenter séparément les résultats des moyens de production centralisée de ceux des filières décentralisées (principalement aérogenérateurs et cogénération).

V-1 Moyens de production centralisée
V-1-A Comparaison de la compétitivité des différents moyens pour la production d'électricité en base (coûts économiques, durée d'appel de 8760 heures)
     Les coûts qui figurent ci-dessous sont donnés pour une puissance et une énergie garanties.
     Compte tenu des différents scénarios, les résultats sont exprimés sous forme de fourchettes d'estimation, avec les hypothèses centrales sur le taux d'actualisation et le taux de change du dollar. Les variantes sont examinées plus loin.

Coût complet du kWh produit en base (en cF93/kWh)
Nucléaire                                          24,1 à 25,8
Charbon LFC (lit fluidisé circulant)    28,8 à 34,8 
Charbon pulvérisé avec désulfuration 30,7 à 36,7
Cycle combiné au gaz                        29,4 à 35,7

     Il faut noter par rapport à l'exercice "coûts de référence" réalisé en 1990:
     - une stabilité en francs constants du prix du kWh nucléaire; la baisse de disponibilité des centrales entraînant par là même un retour à la gestion tiers de coeur, comme la hausse du coût de l'entretien, sont compensées par un allongement de la durée de vie des équipements et par une baisse des coûts d'investissement constatée lors de la signature des demiers contrats;
     - une baisse en francs constants du prix du kWh charbon malgré la réévaluation des couts d'investissement;
     - une baisse significative en francs constants du prix du kWh gaz. La hausse du coût de stockage de gaz est très largement compensée par des perspectives de prix du gaz fortement revues à la baisse.

VI- Conclusion générale (pages 33-34)
     Cette étude, destinée à éclairer les choix d'investissements àeffectuer dans les dix ans à venir, confirme les orientations générales de la politique énergétique française en matière de production d'électricité. S'agissant des moyens de production
centralisée, l'outil nucléaire apparaît comme le moyen le plus économique pour la production d'électricité en base, les coûts retenus prenant en compte la totalité des coûts y compris ceux de recherche et développement, de retraitement, de stockage des déchets ou de démantèlement et après analyse du problème de l'assurance contre le risque nucléaire (annexe 1). 

p.3

Le maintien de cette compétitivité repose sur la maîtrise de ses coûts et de sa disponibilité, sans préjudice, bien entendu, du maintien d'une haute exigence en matière de sureté.
     Les centrales à cycle combiné fonctionnant au gaz naturel présentent un intérét économique confirmé pour des durées d'appel moyennes, en raison de leur coût d'investissement limité, de leur facilité de réalisation (délais courts de construction), de leurs avantages en termes de protection de l'environnement, sous réserve du bien-fondé des hypothèses d'évolution des prix du gaz. Cependant, la faiblesse relative des perspectives de développement des capacités de stockage de gaz limitera en pratique, à l'horizon 2003, le recours à cette technique de production. Il est donc opportun de poursuivre voire d'amplifier le programme de recherche et de réalisation de stockages de gaz.
     Si, compte tenu des hypothèses choisies la compétitivité de la filière charbon LFC apparaît aujourd'hui limitée, il existe néanmoins des plages de durée d'équilibre où les coûts du kWh charbon sont très proches des coûts du kWh gaz (cycle combiné); dans ces conditions, les centrales à charbon peuvent représenter un intéret comparable aux cycles combinés au gaz. Il importe donc de maintenir l'effort concrétisé par la construction des prototypes industriels de Carling (125 MW) et de Gardanne (250 MW) afin de chercher à maîtriser la technique des centrales à lit fluidisé circulant pour des puissances plus élevees (600MW). La maîtrise de la technique pour ces niveaux de puissance permettra de maintenir pour la semi-base la rentabilité des outils de production de l'électricité à partir de charbon par rapport aux cycles combinés au gaz. Le fait de disposer de deux techniques de production de l'électricité, comparables en terme de prix du kWh, permet en effet à long terme une diversification du parc, pour la semi-base, ce qui constitue un élément intéressant de sécurité d'approvisionnement.
     Vu auiourd'hui et compte tenu des perspectives modestes de croissance de la consommation d'électricité, les besoins de développement du parc de semi-base n'apparaissent qu'en 2006-2007. Toutefois, dans l'éventualité d'une reprise soudaine de la demande après une anticipation de croissance faible, ayant éventuellement conduit à un ralentissement trop important du rythme d'engagement des tranches nucléaires en base, la mise en service de quelques unités de semi-base pourrait être envisageable à l'horizon de l'étude.
     S'agissant des outils de production décentralisée, les installations de cogénération de forte puissance (40MW) présentent une excellente compétitivité par rapport aux outils de production nucléaire, au charbon ou au gaz. L'étude confirme l'intérêt économique de cette filière dont le gisement est cependant limité par le nombre des sites (industriels ou réseaux de chaleur) capables d'absorber durablement l'important volume de vapeur associé à la production d'électricité. Les installations de cogénération de plus faible puissance peuvent également, au cas par cas, présenter un intérêt économique dans la mesure où, outre l'économie de coûts de production qu'elles apportent au système électrique, elles peuvent également permettre une économie sur les coûts de transport et de distribution (moindre extension des réseaux de transport).
     Les aérogénérateurs qui s'approchent du seuil de rentabilité, figurent avec l'hydroélectricité parmi les plus prometteurs des modes de production de l'électricité à partir d'énergies renouvelables. La rentabilité économique d'aérogénérateurs situés sur des sites propices n'est pas à exclure à l'horizon de l'étude. Cela nécessite au préalable l'acquisition d'un savoir faire d'ingéniérie pour la maîtrise de cette technique.
     Les résultats de cette étude, confirmés par les analyses de sensibilité sur les différentes hypothèses retenues, permettent de conforter les choix énergétiques français. Sans remettre en cause les grandes options de la politique énergétique, l'étude met en évidence l'intérêt d'une relative diversification des moyens de production: cycles combinés au gaz et LFC au charbon pour la semi-base, développement de la cogénération dans les sites appropriés.
suite:
     Elle permet également d'éclairer les domaines où l'effort doit être accentué maîtrise des coûts de la filière LFC, poursuite et amplification de la recherche et de la réalisation de stockages souterrain de gaz, faisabilité des aérogénérateurs.
     Elle permet ainsi d'éclairer les enjeux et les décisions à prendre dans les années à venir en matière de politique énergétique.

ANNEXE I (pages 35-36-37)

l'assurance contre le risgue nucléaire

     La prise en compte d'une "assurance" contre le risque nucléaire constitue l'une des critiques économiques les plus traditionnelles des exercices de "coût de référence". Cette évaluation soulève de nombreuses difficultés méthodologiques.
     1) Dans une première étape, il convient de tenter d'évaluer le coût d'une catastrophe nucléaire ainsi que sa probabilité d'occurence. Cela suppose au préalable de définir ou de calibrer ce que l'on entend par risque nucléaire majeur, en tenant compte de la technologie du parc nucléaire français.
     Les experts considèrent que l'accident le plus grave qui puisse être imaginé (accident maximal de référence) - en supposant qu'aucun des dispositifs de sûreté ne fonctionne et que l'on observe en outre une grave défaillance de la part des exploitants de la centrale - serait un accident entrainant la fusion du coeur et le relâchement hors de l'enceinte de confinement de radioélements par mise en oeuvre du filtre à sable ou par perte d'intrégrité de l'enceinte. Les conséquences d'un tel accident conduisent à un rejet radioactif conventionnel (? du webmaistre) sur la base duquel sont élaborés les plans d'urgence (PUI/PPI)*.
     A titre de comparaison, cette émission représente entre 3 et 5% de la quantité de radioéléments libérée lors de la catastrophe de Tchernobyl. Il faut en particulier rappeler que les réacteurs français disposent d'une enceinte qui n'existe pas sur les réacteurs de type Tchemobyl. La probabilité d'occurrence d'un tel accident maximal de référence peut etre évaluée entre 10-5 et 10-6/an/tranche environ. Ceci conduirait pour l'ensemble du parc francais (50 réacteurs) à une probabilité de 5.10-5 à 5. l0-4/an.
     En ce qui concerne l'évaluation du coût de cet accident de référence, selon les hypothèses que l'on fait sur l'importance de la zone neutralisée (fonction des conditions météorologiques, de l'environnement du site) l'évaluation des dégats pourrait être évalué entre 2 et 10 MF, auxquels il faut rajouter le coût des dégâts sur la tranche nucléaire, évalué à 10 MF. Au total le coût d'un tel accident de référence est donc compris entre l2 et 20 MF.
     2) Ce coût et cette probabilité étant admis, il convient ensuite d'adopter une méthode pour valoriser l'assurance à prendre en compte.
     Une première voie serait de raisonner selon un schéma classique d'assurance: la prime d'assuranae est égale au produit de la probabilité de l'accident par sa gravité. Elle serait alors de 600.000 F à 10 millions de Francs annuels pour l'ensemble des centrales françaises, c'est-à-dire très faible. Cette méthode, quoique rigoureuse sur le plan économique, n'est cependant pas satisfaisante puisqu'il ne s'agit pas d'un schéma de risque traditionnel (gravité faible ou moyenne et occurrence forte).
     On peut, à ce stade, remarquer que cette question a été évoquée au niveau international et qu'EDF supporte dans ses comptes une prime d'assurance lui permettant de se couvrir par rapport à un accident de 600 MF correspondant au seuil prévu dans les conventions de Rome et de Paris. Le coût de cette assurance est sensiblement supérieur aux 10 MF/an évoqués précédemment.

p.4

     Une autre méthode pourrait consister à faire fi de la probabilité d'un tel accident et de demander à EDF de provisionner en tout état de cause le coût d'un tel accident. Il conviendrait alors de provisionner 20 MdF sur 30 ans (en prenant l'hypothèse la plus pessimiste), c'est-à-dire environ 600 MF par an ou 0,2 c/kWh.
Dans le même ordre d'idées, on pourrait également supposer que l'ensemble des centrales nucléaires du monde à économie de marché doivent faire face à un accident du type Tchemobyl et en provisionner le cout (estimé à environ 100 MdF par de nombreux experts internationaux). Cette formule est certainement très majorante puisqu'aucun scénario d'accident crédible ne permet de conclure à la possibilité d'un tel évènement, même en supposant le cumul d'hypothèses très défavorables. Le caractère totalement improbable de cette éventualité justifie bien que, si l'on envisage d'y faire face, c'est une mutualisation du risque au niveau de l'ensemble des centrales du monde à l'économie de marché qu'il convient de rechercher. La faiblesse de la probabilité de l'évènement ne peut justifier de provisionner cet accident sur 30 ans. Cependant, même dans cette hypothèse, l'impact sur le coût du kWh nucléaire serait de 0,1 c/kWh, c'està-dire du même ordre de grandeur que celui de l'évaluation précédente.
     3) On peut observer enfin que la démarche d'évaluation du risque majeur devrait être étendue aux autres moyens de production, ainsi qu'à toutes les activités humaines, alors que le débat n'est réellement engagé que pour le nucléaire.
4) En dépit des réserves et des incertitudes majeures qui subsistent sur la démarche, on peut observer que la conjonction des hypothèses et des méthodes les plus sévères à l'encontre du nucléaire conduit à une évaluation ne dépassant pas 1 % du coût du kWh, soit l'ordre de grandeur de l'incertitude "naturelle" dans ce genre de calculs. L'impact de la prise en compte du risque nucléaire sur le coût du kWh serait donc faible et ne modifierait pas la rentabilité relative du nucléaire par rapport aux autres moyens de production de l'électricité.

cošt du kWh nuclÈaire selon le Monde du mercredi 2 juin 1993
Coût du kWh nucléaire, Le Monde, 2 juin 1993

Conclusion du GSIEN

     Il est évident qu'une inquiétude se fait jour. Le monolithisme de notre production électrique comporte des risques. Même si les calculs avantagent encore le nucléaire, il y a un flottement Malheureusement, il est bien tardif et il ne contraint personne. Simplement essayons d'agir, sinon rien ne se fera et nous aurons choisi, par manque d'intervention, le nucléaire.
     L'évaluation du risque (pas très réaliste mais présente), l'évaluation du démantèlement, du stockage sont toujours trop optimistes en faveur du nucléaire. De plus, on suppute des durées de vie équivalentes ou même en faveur du nucléaire trop optimistes. Le rapport lui-même précise que la prolongation de vie coûtera, mais ce coût n'est pas pour le moment intégré dans les calculs.
     A la rentrée on vous fera une analyse plus détaillée. En attendant demandez-en un exemplaire on pourra confronter nos points de vue.

suite:

APPEL DU 7 JUIN 1993
A l'invitation de l'Association des Médecins français
pour la Préfention de la Guerre Nucléaire

     Les organisations signataires lancent l'Appel suivant:
     Les essais nucléaires constituent un moyen de développer de nouvelles armes nucléaires.
     Mais pourquoi aujourd'hui développer de nouvelles armes nucléaires?
     Si certains ont pu penser que devant l'affrontement des deux grandes puissances, les USA et l'URSS, il était nécessaire de disposer de moyens de dissuasion nucléaire pour préserver la Paix, il ne peut plus en être de même puisque l'affrontement des deux grandes puissances a disparu.
     Or, aujourd'hui, ce sont 11 puissances qui ont déjà l'arme nucléaire et 9 qui travaillent à l'obtenir.
     Aujourd'hui, tout développement de l'arme nucléaire constituerait une nouvelle source de dissémination de cette arme d'extermination massive.
     Une reprise des essais nucléaires à partir de la fin des moratoires actuels en juillet ouvrirait une nouvelle voie: A la logique de la dissuasion nucléaire succèderait la logique de la prolifération nucléaire.
     Ce serait alors un risque maximum de guerre nucléaire, d'accident nucléaire, d'accumulation de pollutions et de déchets nucléaires.
     Pour plus de Paix, de Justice, et de Santé, pour l'écologie, pour le développement, nous appelons la population de Paris et de sa région à se rassembler le lundi 7 juin de 17 h à 19 h, place de l'Opéra. Nous appelons également au maximum de rassemblement dans toute la France.
     Nous en appelons aux chefs d'Etat et aux gouvernements des 5 puissances nucléaires, en ce jour anniversaire du premier essai nucléaire de 1945, en ce jour de manifestation internationale dans le monde contre les essais nucléaires, pour qu'ils affirment leur volonté et agissent:

Pour une poursuite des moratoires nucléaires
Pour un arrêt définitif des essais nucléaires
Pour l'abolition de l'arme nucléaire partout dans le monde

     Nous en appelons à l'opinion publique pour qu'elle s'exprime fortement en faveur de ces objectifs.

     Cet appel est adressé au président de la République française, M. François Mitterrand, au gouvernement français, et également aux chefs des Etats nucléaires et à leurs gouvernements : Chine, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Russie.

Pour tout renseignement: Stop essais !, c/o Bonnecombe, 12120 Comps-Lagranville. Tél: 65.74.13.40.

p.5
* PUI : plan d'urgence interne
* PPI : plan particulier d'intervention

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