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N°131/132

Principes du retraitement des combustibles
Document CSSIN, préparé par la DSIN (1992)
 

1) Le combustible
     Après son extraction de la mine, l'uranium naturel, mélange d'uranium 238 (99%) et d'uranium 235 (0,7%), doit être enrichi en isotope 235 (le seul fissile) jusqu'à une teneur de 3,25%.
     Le procédé d'enrichissement par diffusion gazeuse de l'hexafluorure d'uranium (UF6) repose sur la plus faible masse des molécules d'uranium 235, qui vont pouvoir être séparées petit à petit de l'uranium 238 par passage à travers une paroi poreuse.
     L'UF6 enrichi est ensuite transformé en oxyde d'uranium (UO2) afin de résister à la chaleur et au rayonnement. Le combustible nécessaire au fonctionnement d'une centrale de 900 MW est constitué de 11.000.000 de "pastilles" d'UO2 de
7 g chacune, empilées dans 40.000 tubes de zirconium (les gaines) appelés, une fois remplis, les "crayons" combustibles, eux-mêmes réunis en 150 assemblages de 250 crayons environ.
     Les transformations subies par l'uranium, depuis l'extraction jusqu'à son chargement dans le bâtiment réacteur d'une centrale, se seront étalées sur près de 2 ans.

2) La fission
     C'est la rupture de certains noyaux atomiques lourds (par exemple l'uranium 235, seul isotope fissile de l'uranium naturel) par des neutrons; en se scindant en 2 noyaux plus petits, l'élément initial perd une partie de sa masse qui se transforme en énergie, laquelle se dégage en particulier sous forme de chaleur.
     Au cours de la fission du noyau, qu'un seul neutron suffit à provoquer, 2 ou 3 neutrons sont libérés. Ces neutrons provoquent à leur tour la fission d'autres noyaux qui libèrent de l'énergie et de nouveaux neutrons, et ainsi de suite c'est la réaction en chaîne.
     Dans son utilisation civile de production d'énergie, cette réaction en chaîne est contrôlée de manière continue.

3) Conséquences de la fission dans le coeur d'une centrale
     - La chaleur dégagée par les fissions (1.300°C) est emportée par de l'eau qui circule entre les assemblages de crayons combustibles.
     - Les noyaux d'uranium 235 font place à 2 noyaux plus petits, les produits de fission (PF) qui constituent les principaux déchets radioactifs.
     - Les noyaux d'uranium 238, en capturant un neutron, vont se transformer (après émission de 2 électrons) en plutonium 239 dont le noyau a la propriété de se fissionner tout comme l'uranium 235.
     Ainsi l'énergie libérée dans le réacteur provient, à la fois, des fissions de l'U 235 présent au départ et des fissions du Pu 239 qui a été obtenu par transformation de l'U 238.
     Après ses 3 années de séjour dans le réacteur, le combustible sera dit ''usé":

suite:

     Le plutonium 239 aura donc fourni 1/3 de l'énergie, soit l'équivalent d'une année de fonctionnement.
     - Afin d'assurer une puissance constante au réacteur, on renouvelle chaque année le tiers des assemblages, soit une cinquantaine. Ils sont entreposés en piscine dans un bâtiment contigu (le bâtiment combustible) pendant 6 mois, le temps de les refroidir et de laisser décroître (d'un facteur 30) la radioactivité des produits de fission.
     - Les assemblages sont alors placés (toujours sous eau) dans un "château" de transport plombé pour être conduits jusqu'à l'usine de retraitement de La Hague.

4) Le retraitement du combustible usé
     - Après déchargement (sous eau) du château, les assemblages vont séjourner en piscine pendant 1 an.
     - Le but du retraitement est de séparer l'uranium et le plutonium (réutilisables) des produits de fission (à conditionner et stocker comme déchets de haute activité).
     Pour 100kg de combustible, on obtient:
     · 95 kg d'uranium 238 et 1 kg d'uranium 235, soit 96 kg d'uranium encore légèrement enrichi (à 1% environ)
     · 1 kg de plutonium
     · 3 kg de produits de fission.
     Les opérations se déroulent schématiquement en 3 phases:
a) cisaillage et dissolution
     Les crayons combustibles sont découpés en tronçons de 5 cm de longueur, puis plongés dans l'acide nitrique concentré à ébullition qui va mettre en solution le mélange d'uranium, de plutonium et de produits de fission. Les morceaux de gaines, insolubles dans l'acide, sont, après rinçage et contrôles, évacués du dissolveur et transférés automatiquement dans un silo de stockage.
b) extraction des produits de fission (procédé Purex)
     Pour isoler les produits de fission, on utilise la propriété qu'ont certains solvants organiques (tributylphosphate) d'extraire sélectivement les nitrates d'éléments lourds tels que l'uranium et le plutonium.
     Plusieurs cycles d 'extraction-purification vont permettre d'obtenir des solutions concentrées de PF (contenant néanmoins des transuraniens) qui seront stockées dans des cuves en sous-sol. Là, elles seront brassées et refroidies pendant plusieurs années en attendant leur conditionnement sous forme de blocs de verre (vitrification).

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     Le combustible issu d'une centrale de 1.000 MW produit 700 kg de PF par an, lesquels occupent un volume de 10 à 15 m3 dans les cuves de refroidissement.
c) purification et conditionnement de l'uranium et du plutonium
     Après une ultime purification dans un nouveau cycle d'extraction, l'uranium est concentré sous forme de nitrate, puis expédié par conteneurs vers les usines de raffinage et de conversion où sa teneur en uranium 235 sera portée de 1% environ à 3,25% pour servir à la fabrication de combustible neuf.
     Quant au plutonium, il est purifié et mis sous forme oxyde avant d'être conditionné en boîtes étanches et transporté vers les usines de fabrication de combustibles au plutonium (Mox, combustible pour surgénérateur).

5) Effluents et déchets produits par le retraitement
A) Effluents gazeux et liquides:
     En l'état actuel des techniques de retraitement, une certaine quantité de radioéléments ne peut être conditionnée sous forme de déchets et se trouve relâchée dans l'atmosphère et dans la mer.
     - Les effluents gazeux se dégagent lors de l'ouverture des gaines (cisaillage du combustible oxyde) ou lors des opérations de dissolution.
     Le rejet dans l'atmosphère du krypton 85 et du tritium, non piégeables, est réglementé et contrôlé. Il en est de même pour les effluents qu'il est possible de traiter (lavages par solutions basiques) ou de piéger sur des filtres, avant leur évacuation par les cheminées de l'usine (les iodes 129 et 131 en particulier).
     - Les effluents liquides sont constitués des solutions de lavage, rinçage ou décontamination provenant des installations chimiques de la chaîne principale. D'activité faible ou moyenne, ils sont traités en fonction de leur nature chimique et de leur activité dans l'atelier de traitement des effluents liquides. Après filtration des boues qui ont piégé le maximum de radioactivité, ils sont rejetés en mer dans le Raz Blanchard au bout d'une conduite de rejet de 5 km. Les quantités et activités relâchées sont également contrôlées et réglementées.

B) Déchets solides:
     Engendrés au cours des opérations de retraitement, ils sont conditionnés et entreposés provisoirement sur le site de l'usine en attendant du pouvoir être expédiés dans les installations de stockage définitif.
a) Déchets d'activité faible ou moyenne et de période longue (déchets de type B ou dits "alpha"):
     - Les éléments de structure du combustible (gaines, coques et embouts) sont entreposés temporairement, en vrac, dans des silos étanches en béton (sous l'eau pour les combustibles PWR en raison du risque d'inflammation des alliages au zirconium). Il est prévu de les enrober dans un coulis de béton.
     - Les boues, résultant de l'épuration des effluents, subissent une désactivation et une décantation dans des silos étanches. Il est prévu de les enrober dans du bitume et de les stocker dans des fûts.
     - Quant aux déchets technologiques, résultant de diverses opérations en milieu contaminé (matériel usagé, tenues de protection), ils sont conditionnés selon leur nature et activité, soit en fûts étanches (déchets de type B), soit dans des blocs de béton préfabriqués pour ceux composés de radioéléments de courte période (déchets de type A).
b) Déchets de haute activité (type C):
     Les solutions de produits de fission sont refroidies et agitées pendant plusieurs années avant d'être coulées sous forme de blocs de verre dans des moules cylindriques en acier inoxydables; l'ensemble est conçu pour résister à la corrosion. Ces blocs sont entreposés sur place pendant 20 à 30 ans dans des puits bétonnés et ventilés en attendant d'être stockés en couche géologique profonde. Le volume occupé est alors de 2 à 3 m3 de verre contre 10 à 15 m3 de solution de PF pour 1.000MW. Ces déchets représentent 99% de l'activité de l'ensemble des déchets et 1% de leur volume.
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