La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°133/134 mars 1994

Dossier Energie


     En guise d'introduction à un débat promis pour l'automne 1994 nous avons resorti un dossier sur le chauffage électrique datant de 1989. Il est toujours d'actualité, une actualité brûlante. Ce type de dossier fut élaboré par EDF pour faire pression quand la Délégation Générale de l'Energie et des Matières Premières (DGEMP) a sorti un dossier trop critique à son goût.
      La note est prodigieuse dans sa simplicité:
     - Le chauffage électrique est rentable pour le client,
     - Le chauffage électrique n'a pas été imposé par EDF,
     - Le chauffage électrique est l'avenir 
     Et voilà pourquoi ce qui est bon pour EDF est bon pour la Nation. Leur argumentaire est à la limite du spécieux et est souvent faux.
     On impute au chauffage au floul, une série d'à côté que l'électricité n' engendre pas. C'est tout de même amusant, l'électricité se fait toute seule!!
     Quant à parier sur le prix du fioul ou sur celui de l'électricité personne n' a intérêt à le faire mais c'est malheureusement 
valable pour les 2, avec en plus le fait que l'un est un produit et l'autre le résultat d'un passage dans une énorme machine qui peut avoir des pannes.
     Pour le reste inéluctablement la présence du chauffage entraîne un besoin de surcapacité pour faire face aux pointes d'hiver. On peut le nier mais la dure réalité reprend ses droits quand on se penche sur le problème des rejets et des déchets.
     On peut d'ailleurs par une image simple comprendre l'ampleur du problème:
     Imaginez que les 57 millions de français représentant environ 14 millions de foyers soient tous équipés d'une plaque   chauffante à l'électricité pour cuire leur beefsteack.
     Cette plaque fait 1000 Watt et ils cuisent tous leur viande en même temps à midi et ça fait combien de réacteurs de 1000 Mwé? 14 pour cuire tous à la même heure!!
     Comme explique la note «tout raisonnement qui superpose les usages de l'électricité favorise indûment certains usages au
détriment des autres. Le vice du raisonnement est le suivant:
seules sont estimées responsables d'avoir fait déborder le vase les dernières gouttes d'eau, en ignorant que celles du dessous le sont tout autant que celles du dessus.», bien sûr la Gazette a choisi ses gouttes mais rassurez vous EDF aussi!
     Quant à refuser d'attribuer à un usage son coût en réacteurs
en le répartissant sur tous les autres c'est gommer les effets de
pointe. Ils se gomment en moyenne mais entraînent un sur-
équipement. Au plan «tarif» ça se défend encore que cela revient à répartir les charges de quelques uns sur tout le monde
mais au plan équipement c'est faux. On peut évidemment
vendre du courant au moment où on ne cuit pas sa viande mais comme on ne vend pas les déchets ni les rejets, il y a quelqu'un
qui a des ennuis pour finir et, bien sûr ce sont les habitants de
la France.
     Le dossier chauffage d' EDF est complété par une série de remarques sur ce même chauffage, remarques de bon sens
préparés pour le ministère. Il n'est pas inutile de constater que
ce dossier d' EDF est plutôt mal reçu par ses interlocuteurs officiels. Quant à nous consommateurs il faut savoir que toute
facilité se paie: rien n'est gratuit et surtout pas l'énergie.
      Bonne lecture et que tout cela vous inspire de nombreuses questions.
suite:
Le chauffage électrique,
un choix justifié pour un produit d'avenir
-1989-

     Récemment plusieurs documents ont porté directement ou indirectement un jugement sur le chauffage électrique: des dossiers émanant de la Direction Générale de l'Energie et des Matières Premières du Ministère de l'Industrie (DGEMP), de l'Association Chauffage Fioul, du Groupement des Industries Françaises des Appareils d'Equipement Ménager (GIFAM) ont été diffusés.
     Ces parutions ont été suivies d'articles de presse bien souvent contradictoires.
     A la lecture de certains documents, le chauffage électrique apparaît comme un système coûteux s'appuyant sur un tarif de vente de l'électricité volontairement sous-estimé. On y affirme aussi qu'EDF a profité de son «monopole quasi-absolu» pour développer cet usage de l'électricité et ce, malgré les Pouvoirs Publics. EDF aurait ainsi entraîné les professionnels du bâtiment, sans aucune considération pour l'intérêt de la collectivité.
     Des mises au point s'imposent, qui sont développées dans cette note.
     Tout d'abord, le Chauffage Electrique Intégré est rentable pour le Client.
     Une comparaison de systèmes de chauffage faite sur l'ensemble des coûts est favorable au chauffage électrique, sur la base des prix du kWh d'aujourd'hui.
     Ces prix représentent bien les coûts de long terme d'EDF car
ils sont calculés avec des méthodes qui n'avantagent pas un usage par rapport à un autre.
     Aujourd'hui, le nucléaire permet de garantir une stabilité des prix de l'électricité sur le long terme, y compris pour les clients qui ont un chauffage électrique.
     Le chauffage électrique n'a pas été imposé par EDF. A son apparition, les Pouvoirs Publics ont observé avec bienveillance le développement de ce moyen de chauffage économe en devises. Ils se sont même appuyés sur les acquis de la maison «tout électrique» pour promouvoir la réglementation thermique.

1. Le chauffage électrique est rentable pour le client
1.1. La comparaison de différents systèmes de chauffage doit se faire sur l'ensemble des coûts
     La comparaison entre systèmes de chauffage ne peut porter sur le seul coût de l'énergie. Pour le chauffage au fioul, elle doit prendre en compte la consommation des auxiliaires électriques, la maintenance de l'installation, le surcoût d'investissement (montant annuel du remboursement).
     Pour le chauffage électrique intégré, la comparaison doit prendre en compte le surcoût d'isolation.

1.2. Cette comparaison est favorable au chauffage électrique intégré
     Les différentes comparaisons présentées dans «Le libre blanc du chauffage» publié par le GIFAM reposent sur des mesures de consommation effectuées et publiées par le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment), Organisme officiel dépendant du Ministère de l'Equipernent et du Logement. Elles montrent clairement que les différences de coût total entre les systèmes de chauffage ne sont pas très importantes et sont plutôt favorables au chauffage électrique [1].
     En effet, en plus de l'économie sur le coût d'investissement et une absence de maintenance, le chauffage électrique intégré a une consommation inférieure aux systèmes de chauffage à eau chaude: il a un rendement proche de 100 % et permet facilement une régulation zone par zone, voire pièce par pièce, du logement. Cette régulation est source de réduction de consommation.

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     Un client qui investit dans un système de chauffage central à eau chaude aura certes un coût d'exploitation annuel moindre qu'avec du chauffage électrique. Mais, l'économie qu'il réalise est faible comparée à l'importance de son investissement. Le temps de retour d'un investissement chauffage central au fioul par rapport à une installation Chauffage Electrique Intégré est aujourd'hui supérieur à 10 ans aux conditions actuelles de prix du floul dont personne ne prendrait le risque de s'engager sur la pérennité.

1.3. Le chauffage électrique intégré possède des avantages spécifiques
     Le chauffage électrique présente également des qualités reconnues de fiabilité, souplesse, propreté et sécurité.
     Les matériels et les systèmes de programmation et de régulation ont connu des progrès constants et s' améliorent encore àl'avenir. De nouveaux produits ont déjà fait leur apparition: plafonds rayonnants, panneaux radiants, etc. Le convecteur d'aujourd'hui est plus robuste, plus esthétique et plus facile à réguler que ceux des générations précédentes.

2. Les prix de vente représentent bien les coûts d'EDF
2.1. La méthode qu'utilise EDF pour élaborer ses tarifs s'appuie sur un bilan des coûts de production et de distribution d'une fourniture supplémentaire marginale.
     Le raisonnement d'EDF est simple: Si j'ai à livrer un kWh de plus, quelles dépenses supplémentaires devrai-je consentir en investissements de production et de réseaux, et en coûts de fonctionnement? (cf. annexe 1).
     Les tarifs sont construits pour refléter les charges correspondantes. Ils tiennent compte des différentes périodes de l'année et couvrent des coûts de production qui sont variables en fonction des moyens de production à mettre en oeuvre.

Figure 1:
Schématisation des moyens de production utilisés [2]

2.2. L'application de cette méthode sert à déterminer les prix de l'électricité
     Le fonctionnement d'un chauffage électrique peut être schématisé de la façon suivante pour 1 kW de puissance appelée maximale:

Figure 2:
La part des différents moyens de production dans les consommations du chauffage électrique [3]
suite:
     La figure 2 montre qu'une puissance appelée maximale de 11W de chauffage électrique se décompose en:
     1) une puissance de 0,15 kW appelée pendant 6.000 heures, soit une fourniture de 900 kWh, que l'on produit avec du nucléaire.
     2) une puissance supplémentaire de 0,5 kW (0,65-0,15) appelée sur 3.000 heures, soit une fourniture de 1.500 kWh, qui est demandée au charbon.
     3) une puissance supplémentaire de 0,35 kW (1-0,65) appelée sur 400heures, soit une fourniture de 140 kWh, assurée par une centrale au fioul.
     En termes d'énergie annuelle, 1 kW de chauffage électrique utilise 2540 kWh par an qui se décomposent en:
     -35 % de kWh nucléaire (900 kWh) [4]
     - 59% de kWh charbon (1 500 kWh)
     - 6% de kWh floul (140 kWh)
     Le tarif qui lui et appliqué doit tenir compte de cette répartition dans laquelle le nucléaire et le charbon sont prédominants (voir aussi annexe 1).

2.3. Malgré l'absence de saisonnalité du tarif Basse Tension, le chauffage électrique est bien pris en compte à son vrai coût
     On peut facilement comprendre qu'EDF ait essayé de proposer des tarifs simples à ses clients domestiques. D'autant que le comptage d'un tarif horo-saisonnier serait très coûteux à mettre en oeuvre pour des clients ayant de faibles consommations.
     Or, il est possible de facturer au client la saisonnalité de sa consommation en s'appuyant sur la constatation suivante:
     - un client avec chauffage électrique a une consommation fortement saisonnière et une puissance souscrite élevée.
     - un client sans chauffage électrique a une consommation plus régulière sur l'année. Il a aussi une puissance souscrite plus faible.
     Cette règle, statistiquement vérifiée, a permis à EDF de répercuter la saisonnalité du chauffage électrique dans la prime fixe.
     Aujourd'hui des comptages électroniques sont disponibles. Cela permet d'envisager une option tarifaire comportant des prix de kWh variables selon des périodes aléatoires de l'année.
      Depuis septembre 1988, EDF expérimente un tarif de ce type sur les Centres de Distribution de Sainte-Etienne et de Clermont-Ferrand et sur les Subdivisions de Thiers, Mulhouse Urbain et Sélestat. Ce tarif, appelé Bleu, Blanc, Rouge, comporte six postes horo-saisonniers et quatre prix de kWh. Il est proposé en expérimentation aux clients de 18 kVA et plus.
 

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2.4. Une méthode irrecevable pour évaluer le coût du chauffage électrique : la méthode du dossier «Chauffage électrique en France»
     Dans son dossier sur le chauffage électrique en France, la DGEMP n'utilise pas de raisonnement marginaliste. Elle distingue des usages «de base» et «de pointe» et cherche à leur affecter des moyens de production. Pour cela elle construit un diagramme où elle superpose les différents usages dans un ordre qu'elle définit a priori.
Figure 3:
«Attribution» des moyens de production aux usages
vue dans le dossier «Le chauffage électrique en France»
     Cette méthode est fortement arbitraire. Avec ce type de raisonnement, on en vient à exclure toute contribution du nucléaire à la production de l'électricité pour le chauffage électrique.
     Or ceci ne correspond pas à la réalité du fonctionnement d'un chauffage électrique (voir 2.2.).
     De fait, tout raisonnement qui superpose les usages de l'électricité favorise indûment certains usages au détriment des autres (explication détaillée en annexe 2).
     Le vice du raisonnement est le suivant: seules sont estimées responsables d'avoir fait déborder le vase «les demières gouttes d'eau», en ignorant que celles du dessous le sont tout autant que celles du dessus.
     Ce type de méthode est erroné, car il suppose un empilement arbitraire des usages «de base» et des usages «de pointe».
     La force d'Electricité de France est au contraire d'avoir une démarche tarifaire qui reflète exactement ses coûts sans avoir à trier les kWh vendus par type d'usage.

3. Les prix de l'électricité seront stables sur le long terme
     La façon dont les tarifs sont calculés garantit à nos clients une stabilité des structures tarifaires sur le long terme.
     La part importante du nucléaire et de l'hydraulique, dans le parc de production, garantit en outre la stabilité des prix.
     En effet, le coût d'un kWh nucléaire est totalement, ou presque, à l'abri des aléas économiques mondiaux. Le coût du combustible représente une part faible du coût du kWh nucléaire : moins de 11 % (voir aussi annexe 3). En outre, un quart seulement des achats sont payés en devises.
     Compte tenu du fait que le chauffage électrique intégré ne fait appel qu'à 6 % de kWh fournis par les centrales à fioul, EDF peut assurer ses clients d'une stabilité des prix de l'électricité pour ceux qui s'équipent ou s'équiperont de chauffage électrique intégré.
     Entre 1983 et 1988, le prix de l'électricité Basse Tension pour les usages domestiques a baissé de 13 % en francs constants. Avec les perspectives actuelles, cette baisse va continuer dans les années à venir au rythme d'environ 1 % par an.

suite:
4. Le développement des usages de l'électricité: un enjeu national soutenu par les pouvoirs publics
     Au lendemain du premier choc pétrolier, les Pouvoirs Publics ont voulu augmenter l'indépendance énergétique de la France. Ceci conduisait tout naturellement à développer l'énergie électrique produite sur le territoire national à partir de nucléaire et de charbon: son coût en devises est bien moindre que celui de l'électricité produite par des centrales à fioul.
     Il s'agissait donc également de développer les usages de l'électricité: le chauffage des locaux représentait un marché important qu'EDF devait aborder.
     Les qualités spécifiques du produit, sa facilité de mise en oeuvre ont fait le reste et le chauffage a pris une grande part du marché de la construction neuve.
     La France n'est d'ailleurs pas seule à utiliser le chauffage électrique: les Suédois, les Belges, les Suisses, les Norvégiens et les Anglais agissent de même. Les stratégies nationales sur les moyens de chauffage dépendent en effet largement des énergies disponibles.
     Mais Electricité de France est restée très vigilante à ce que le chauffage électrique soit installé dans de bonnes conditions d'isolation: dès avant le premier choc pétrolier, EDF s'est mobilisée pour former rapidement la profession du bâtiment à l'isolation.
     Les compétences scientifiques et techniques qu'EDF avait accumulées ainsi que ses clients avec la profession du bâtiment permettent de dire qu'EDF a été le support des réglementations thermiques de 1974 et de 1982. Les Pouvoirs Publics se sont d'ailleurs appuyés sur EDF pour assurer le succès rapide de ces réglementations.

5. L'avenir du chauffage électrique: des évolutions en perspective
     L'objectif d'EDF est désormais centré sur l'amélioration de la qualité des installations de chauffage électrique.
     EDF a ainsi incité à la création d'un label par Promotelec le label «Confort Plus». Ce label sera le gage pour le client d'une installation de qualité.
     A cet effort sur la qualité s'ajoute une action pour expérimenter des produits innovants: le plafond rayonnant, les panneaux radiants, les planchers chauffants associés à une pompe à chaleur, le climatiseur réversible.
     Enfin, la domotique permettra d'augmenter encore la souplesse d'utilisation du chauffage électrique, tout en lui conférant une image résolument modeme.



[1] Ces comparaisons considèrent un amortissement économique calculé sur l5 ans au tauxde 10%.
[2] Les schématisations représentées dans ce document sont illustratives du raisonnement mais ne sont pas des calculs.
[3] Le parc de production hydraulique n'étant plus en développement de façon significative, on peut le passer sous silence sans altérer la validité du raisonnement.
[4] La part du nucléaire dans la consommation totale d'un logement chauffé à l'électricité est encore plus élevée, l'électricité assurant dans la majorité des cas le chauffage de l'eau et la cuisson.
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ANNEXE 1
Par quels moyens produire l'électricité?

     Pour résoudre cette question, il faut modéliser la production d'électricité en tenant compte de la demande agrégée des clients selon les différentes heures de l'année.
     On aboutit à ce qui est appelé «la monotone des puissances classées», c'est-à-dire à une courbe où les puissances appelées les 8.760 heures de l'année sont rangées par ordre décroissant.

Figure 4:
Monotone des puissances simplifiées

     Compte tenu de cette courbe, les moyens de production seront mis en oeuvre pour optimiser les coûts: l'énergie nucléaire, avec des investissements élevés et un coût de fonctionnement faible, servira plutôt sur longue période; le fioul, avec des coûts en capital faibles et une charge horaire d'exploitation élevée, fonctionnera plutôt en pointe.

Figure 5:
Les moyens de production utilisés

     Le raisonnement d'EDF est simple: si j'ai à livrer un kWh de plus, quelles dépenses supplémentaires devrais-je consentir en investissements de production et de réseaux et en coût de fonctionnement?
     Les moyens de production supplémentaires à mettre en oeuvre peuvent être schématisés de la façon suivante:

Figure 6:
Les moyens de production supplémentaires

     La puissance de chaque moyen de production (par exemple nucléaire) imputable à ces x kWh de chauffage électrique n'est autre que l'écart de puissance installée de ce moyen de production entre les deux schémas.
     La contribution d'un moyen de production (par exemple nucléaire) à ces x kWh du chauffage électrique se mesure par l'écart entre les deux schémas des productions de ce type de centrale.

suite:
     Or, le fonctionnement d'un chauffageélectrique pour 1 kWh de puissance peut être schématisé de la façon suivante:

Figure 7:
La part des différents moyens de production dans les consommations du chauffage électrique

     La répartition entre moyens de production de la puissance appelée en pointe par le chauffage électrique est donc la suivante:
     - nucléaire 15 %
     - charbon 50%
     - fioul 35 %
     La répartition entre moyens de production de la consommation du chauffage électrique ressort également sur la figure 4. La durée d'appel de fioul n'étant que de 400 heures, la répartition en terme de consommation fait apparaitre la quasi absence du fioul:
     - 35 % de kWh nucléaire
     -59%de kWh charbon
     - 6 % de kWh fioul

ANNEXE 2

Pourquoi la méthode du dossier «le chauffage électrique en France» est arbitraire

     L'évolution par EDF du coût du chauffage électrique repose sur une approche «marginaliste» classique.
     Quels sont les moyens de production supplémentaires à mettre en oeuvre pour toute foumiture supplémentaire, par exemple x kWh de chauffage électrique?
     Contrairement à cette méthode, le dossier «le chauffage électrique en France» cherche à positionner les usages sur la courbe des moyens de production et leur attribuer le coût comptable correspondant.
     Pour cela, ce dossier distingue quatre grands secteurs consommateurs:
     - haute tension,
     - moyenne tension,
     -basse tension sans chauffage électrique,
     - basse tension avec chauffage électrique.
     La consommation annuelle d'électricité de chacun de ces secteurs est répartie entre consommation de base et consommation hors base.
     Pour construire la monotone des puissances classées, le dossier «le chauffage électrique en France» «empile» les moyens de production.

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Figure 8:
Monotone des puissances simplifiées

     Ensuite, un empilement des usages est superposé à ce diagramme en commençant par les consommations dites de base puis les consommations hors base en plaçant celles du chauffage électrique en dernier (le hors base de la «basse tension avec chauffage électrique»).

Figure 9:
«Attribution» des moyens de production aux usages
vue dans le dossier «le chauffage électrique en France»

     Dans ce raisonnement, le chauffage électrique est seul responsable de la pointe. Toute la production d'électricité réalisée à partir du fioul lui est ainsi attribuée.
     En fait, au moment de la pointe, tout kWh, quel que soit l'usage, contribue à la formation de cette pointe.
     Plus généralement, au cours d'une heure H quelconque de l'année, il est impossible de dire que la puissance appelée par le chauffage électrique vient se rajouter à la puissance appelée par les autres usages, pas plus d'ailleurs que les «autres usages» ne viennent se superposer à la puissance du chauffage électrique.

Figure 10:
Quel schéma est le meilleur?

     Réponse: aucun. Toute représentation de ce type ne peut être qu'arbitraire!
     Pour cette raison, il est impossible de positionner le chauffage électrique en haut de la monotone, de préférence au «milieu» de celle-ci.
     La figure 9 est donc tout aussi arbitraire que la suivante:

Figure 11:
Autre «attribution» des moyens de production aux usages

suite:
     Et ce schéma conduirait à attribuer au chauffage électrique 100 % de nucléaire!
     Les conclusions auxquelles aboutit le dossier sur «le chauffage électrique en France» sont donc tributaires de l'ordre dans lequel les usages sont empilés. Or cet ordre ne peut être qu'arbitraire.
     Il n'est pas possible d'«attribuer» les moyens de production mis en oeuvre pendant une période donnée aux différents usages présents durant cette période.
     Si EDF utilisait ce type de méthode, des arbitrages constants seraient nécessaires pour déterminer l'ordre des usages «de base» et des usages «de pointe».
     La force d'Electricité de France est au contraire d'avoir une démarche tarifaire qui reflète exactement ses coûts sans avoir à trier les kWh vendus par type d'usage.
 
 

ANNEXE 3

La part de l'uranium dans le coût
d'un kWh nucléaire et faible

     Le coût d'un kWh nucléaire sur la base d'un fonctionnement pendant 8.760 heures est (en centimes):
     Investissement: 11,2
     Exploitation:       3,9
     Combustible:      5,9
     Total:                21,0

     A l'horizon 1995, ce coût du combustible se décompose lui-même en quatre postes de coûts:
     Achat d'uranium naturel et conversion               38 %
     Enrichissement                                                  27 %
     Fabrication                                                        10 %
     Retraitement, transport et stockage des déchets 25 % (coûts moyens à l'horizon 1995 pour une centrale nucléaire de 900MW)
     Enfin, une part importante de l'uranium provient de mines françaises et de mines situées en Zone Franc. Ainsi, les achats en devises ne représentent que 25 % des achats d'uranium naturel.
     Conclusion : la part en devises d'un kWh nucléaire n'est donc que de: 5,9 x 0,25 x 0,38 = 0,56 centimes
     Ceci permet de garantir le prix du kWh nucléaire contre les fluctuations des changes.

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En guise de réponses

«Le chauffage électrique,
une particularité française»

     Notons que ce dossier a été préparé pour le Ministère de l'Industrie - Direction Générale de l'Energie et des Matières Premières (Direction dont la charge et de veiller aux orientations énergétiques du pays pour les acteurs concernés: AFME, GDF, EDF...).

     Quelques remarques de bon sens
     - La France disposerait d'un parc de production électrique plus apte que les autres à assurer les consommations de chauffage? Il faut écarter cette hypothèse.
     - Il est vrai que nous connaissons maintenant et pour plusieurs années une situation de surcapacité nucléaire.
     - A l'étranger au contraire, où distributeurs de gaz et d'électricité sont totalement indépendants, c'est le gaz qui est l'énergie dominante sur le rnarché du çhauffage du logement.
     - Chacun a le droit de se chauffer à l'électricité s'il le souhaite, pour peu qu'il en supporte les coûts et contraintes spécifiques. Tel n'est malheureusement pas le cas, loin s'en faut. Le chauffage électrique est saisonnier et coûteux.
     - Rien ne s'opposerait a priori à ce que ce coût soit facturé par EDF aux consommateurs concernés.
     - En effet, EDF facture au total chaque kWh de chauffage électrique à la moitié environ de son prix de revient comptable. Ce sont les autres usagers qui paient la différence, qui dépasse au total 25 milliards de francs. Un tel constat ne manquerait pas d'alarmer un électricien étranger.
     - Les autres usagers d'EDF ne sont pas lésés sur le seul plan des prix, au moins c'est ce qui est prétendu.
     - Cette théorie revient en substance à facturer au consommateur d'aujourd'hui ce que seraient les coûts marginaux de l'électricité dans 10 à 15 ans... si les experts savaient prévoir aussi longtemps à l'avance les prix des combustibles, le cours du dollar...
     - La croissance du parc de logements chauffés à l'électricité a été favorisée par des avantages tarifaires indus, qui doivent prendre fin.
     - Il importe de rééquilibrer progressivement les tarifs pour résorber le transfert dont bénéficient les usagers du chauffage électrique. Un pas a été fait en février 87, mais on attend la vérité des prix.
     - Il faut en outre introduire un tarif saisonnalisé.
     - Il est vrai que, compte tenu de la surcapacité nucléaire d'EDF, le parc nucléaire peut assurer dans les faits une partie des consommateurs de chauffage: mais il s'agit dans ce cas d'un nucléaire sous-utilisé, économiquement inadapté et l'on ne peut souhaiter que cette situation se perpétue.
     - Cette stratégie a été justifiée vis-à-vis de l'opinion par la nécessité, face aux risques de pénurie d'énergie, de développer le «tout-électrique-tout-nucléaire», alors que l'outil nucléaire est économiquement inadapté aux utilisations courtes.
     - Les politiques menées en matière tarifaire et commerciale d'une part et d'investissement d'autre part apparaissent incohérentes.
     - Le chauffage électrique n'est pas vendu à son coût, les autres usagers en sont pénalisés.
     - EDF vend chaque kWh pour le chauffage à environ la moitié de son coût comptable.
     - Le chauffage électrique rend de plus en plus vulnérable le réseau électrique.

suite:
     - La part de l'électricité sur le marché du logement neuf dans les autres pays est habituellement très inférieure à ce qu'elle est en France 67 % (Grande-Bretagne 25 %, Pays-Bas 0%, RFA6%, Italie3%).
     - La part de gaz naturel est de 60 % en Grande-Bretagne, 95 % aux Pays-Bas, 53 % en RFA.
     - L'installation d'un chauffage électrique fait l'objet d'un contrat spécifique.
     - On notera que les pays cités, à l'exception de la France, disposent de ressources hydroélectriques importantes permettant de disposer de kWh à coût relativement bas.
     - De plus, l'existence de services de distribution communs a EDF et GDF - association également spécifique à la France - ne permet guère à la concurrence du gaz de s'exercer sérieusement.
     - EDF est la plus grande compagnie électrique du monde à économie de marché, et c'est l'entreprise électrique du monde occidental qui dispose du monopole le plus étendu.
     Les choix tarifaires faits par EDF favorisent les fournitures domestiques et plus particulièrement le chauffage électrique, et pénalise donc les fournitures industrielles.
     - Comparé aux autres modes de chauffage, le chauffage électrique se caractérise par un avantage en matière de coût d'équipement du logement et par un coût d'exploitation plus élevé.
     - Ce sont les usages thermiques, surtout le chauffage des maisons, des bureaux, des ateliers, chauffage et aussi climatisation de plus en plus indispensable dans les immeubles de grande hauteur ou construits avec verre, acier et aluminium.
     - Donc sur le plan de la compétitivité, déjà, le nucléaire est absolument écrasant; il n'y a pas de problème prétend EDF mais rien ne permet d'étayer sa conviction sauf des calculs tronqués.
     - Les réacteurs nucléaires, hermétiquement clos, ne sont pas polluants! (c'est la rengaine générale)
     - Cette double orientation, EDF l'a résumé dans ce slogan «Le tout électnque par le tout nucléaire».
     - L'augmentation du parc des logements chauffés à l'électricité a eu pour conséquence un accroissement de la saisonnalité des consommations en basse tension.
     - Du fait de la croissance du parc de logements chauffés à l'électricité, cette saisonnalité de la courbe de charge se renforce plus vite en France qu'à l'étranger; elle sera beaucoup plus accentuée en 2000.
     - Or, de l'aveu même d'EDF, les tarifs domestiques actuels ne reflètent pas les coûts des usagers du chauffage électrique.
     - On voit donc que l'ensemble des tarifs se trouve au-dessus des coûts marginaux de long terme redéfinis par EDF en novembre 86, à l'exception des tarifs appliqués aux usagers du chauffage électrique.
     - Le gradient thermique est passé de 400 mW par degré en 1980 à 1050 mWen 1987.
     - En outre, le réseau de transport et de distribution devra être en mesure de faire face à ces pointes qui nécessitent un surdimensionnernent important.
     - Or, à l'exception de zones nouvelles où la conception des réseaux a pu prendre en compte ces surcharges potentielles, de nombreux réseaux d'alimentation, notamment en zone urbaine n'ont pas été prévus pour cela comme en témoignent les incidents survenus ces dernières années à Paris.
     - Il faut freiner la croissance des besoins de pointe par la limitation de la pénétration du chauffage électrique et le développement de dispositifs de contrôle de la charge (écrêteurs de puissance, télécommande, etc.) auxquels globalement EDF se montre défavorable aujourd'hui.
     - Il conviendra de veiller à répercuter convenablement les surcoûts liés au renforcement de la distribution à ceux des consommateurs qui le rendent nécessaire.
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Perspectives long terme
de la fourniture et de la consommation d'électricité
P. Lehmann, SEDE SA, CH-1800- Vevey
Présentation au Konfliktslösungsgruppe, 20.8.1993


1. Introduction
     Les réflexions et exposés faits à ce jour au KGÜ par les représentants des compagnies d'électricité, de l'inspectorat du courant fort, etc., sont basés sur le présupposé tacite que la consommation de courant, comme l'entropie d'un système fermé, ne peut que croître indéfiniment. On laisse entendre, de plus, que cette croissance permanente est à considérer comme un bien, le bonheur des gens étant en quelque sorte lié de manière linéaire à leur consommation d'électricité. Cette manière de voir est probablement la conséquence directe de l'allégeance au mythe de la prospérité par l'expansion économique, mythe qui reste dominant dans la société de consommation actuelle. Ce mythe simpliste et dangereux est probablement responsable du fait que le courant électrique est considéré comme une marchandise dont on cherche à augmenter les ventes pour faire plus de bénéfices, alors même que ni vous ni moi n'avons besoin de plus d'électricité.
     Mais cette approche à la fourniture et de la consommation d'électricité est naïve. L'expansion permanente est un non-sens dans un monde fini. Il y a une limite évidente à la consommation de toutes choses, même de l'électricité. En Suisse aujourd'hui, il y a de fait une surconsommation d'électricité considérable, puisque l'alimentation de pertes (environ le 30 % de la consommation) n'est pas un besoin et n'apporte aucun avantage au consommateur. D'autre part, l'électricité est utilisée en bonne partie à des fins non spécifiques comme la production de chaleur à basse température, ce qui signifie mauvais rendement et gaspillage.
     La présente note discute les conséquences possibles d'une approche fondée sur une utilisation efficace de l'électricité et sur une meilleure diversification des moyens de production. Elle pose la question des répercussions possibles sur les besoins en lignes de transmission.

2. La responsabilité des compagnies d'électricité
     Le fait que la consommation d'électricité soit encore en augmentation aujourd'hui doit être considéré comme un cas patent de mauvaise gestion (en anglais: mismanagement). L'électricité est la forme d'énergie la plus performante dont nous disposions, sa production coûte très cher à la collectivité et son utilisation à mauvais escient n'est pas acceptable. Il est donc nécessaire de reprendre le problème en partant des services que l'on demande à l'électricité de fournir. Aucun décret divin n'impose aux compagnies d'électricité de n'être que des vendeurs de courant. Elles doivent se convertir en fournisseurs de services. Cela se fait d'ailleurs déjà aux Etats-Unis sous le nom de "Least Cost Planing" (LCP) ou "Demand Side Management" (DSM). Le problème que ces techniques cherchent à résoudre est de fournir les services souhaités au moindre coût énergétique. Le potentiel du LCP est considérable, car le kWh économisé est abondant et moins coûteux que le kWh nouveau produit. Sa mise en valeur est, en outre, génératrice de plus de places de travail que la construction de grosses unités de production.
     Je ne vais pas entrer dans le détail des méthodes LCP. D'excellentes présentations ont d'ailleurs déjà été faites, en particulier pour l'Allemagne.

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Il est cependant nécessaire de souligner que le LCP ne peut se traduire dans les faits que si les compagnies d'électricité le prennent en charge, car elles sont seules à même de mettre en oeuvre les mesures que le LCP implique. Pour l'instant, elles n'ont rien entrepris de sérieux dans ce sens, même si elles ont occasionnellement distribué des conseils pour mieux utiliser l'électricité. Mais des appels à économiser ne sont de loin pas du LCP.
     Le point important pour cette discussion est que l'application décidée du LCP doit permettre de réduire la consommation à services constants d'au moins 30 %, voire 50 %. Il en résultera nécessairement une diminution importante des besoins en lignes de transmission qui sont l'objet des discussions du groupe KGÜ.
     Un autre point important est que le LCP ne doit pas se limiter à la consommation, mais doit aussi intervenir dans le choix des méthodes de production. Le choix des compagnies d'électricité s'est porté sur un réseau de distribution à très haute tension alimenté, pour l'essentiel, par des très grosses umtés de production. Ce choix n'est pas le seul possible et, à mon avis, n'est de loin pas le meilleur. Il dôit être remis en question, car il n'est pas viable à long terme. L'alternative est une production aussi décentralisée que possible par de petites à moyennes unités et la récupéraflôn, par le réseau, de l'électricité produite dans des installations privées par des couplages chaleur-force, des turbinettes, ou encore des installations photovoltaïque / onduleur. Les possibilités sont multiples et il est clair que cette alternative a un meilleur potentiel d'utilisation des énergies renouvelables que le concept centralisé dont l'imposition a certainement été liée au développement de l'énergie nucléaire, laquelle n'est pas renouvelable. Il a, de plus, conduit à des projets aberrants comme Cleuson-Dixence, dont le but est un doublement de puissance sans production d'énergie supplémentaire.

3. Le long terme
     Le Tableau 1 présente les données du problème de l'énergie en Suisse dans la perspective du long terme. Il met en évidence que la consommation d'énergie du pays devra diminuer d'un facteur d'au moins 4. La possibilité d'échapper à cette échéance ne me parait guère réaliste, toutes les options mises en avant pour maintenir la consommation d'énergie à un niveau beaucoup plus élevé étant largement illusoires. Il s'agit essentiellement des Paris technologiques suivants:
     - La surgénération, censée multiplier par 60 les réserves d'énergie contenues dans l'uranium. Cette technique est en train de rendre l'âme à Creys-Malville (Superphénix) et a englouti beaucoup plus d'énergie qu'elle n'en a produit. Le pari semble perdu, d'autant plus que la mise en oeuvre de la surgénération à grande échelle (société du plutonium) serait extrêmement compliquée et comprendrait des risques impossibles à maîtriser.
     - La fusion nucléaire, censée fournir des quantités d'énergie quasi illimitées à partir du lithium contenu dans la croûte terrestre (fusion deuterium-tritium, le tritium étant obtenu par bombardement neutronique du lithium). Cette technique a absorbé et continue à absorber des crédits et de l'énergie en quantités énormes depuis les années 50 et n'a, à ce jour, pas fourni le moindre kWh. Il est probable qu'elle n'en produira jamais de manière commerciale, la complexité de sa mise en oeuvre assurant quasiment d'avance qu'elle ne pourra pas devenir fonctionnelle.

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     - Le tout-à-l'hydrogène supposé fournir des quantités quasi illimitées d'énergie par combinaison de l'hydrogène et de l'oxygène soit par combustion, soit par catalyse (fuel cell). L'hydrogène serait obtenu par hydrolyse de l'eau dans d'immenses centrales, nucléaires pour les uns et solaires pour les autres, puis distribué aux utilisateurs (en principe tout le monde) par un réseau de pipe-lines. Bien qu'il soit incontestable que l'hydrogène ait des avantages en tant que combustible, cette vision énégétique n'a guère plus de chances de se réaliser que les autres. La complexité du système le rend difficilement maitrisable, sans parler des risques inhérents à la distribution généralisée d'un gaz très inflammable et détonnant.

TABLEAU 1
Données du problème de l'énergie en Suisse
estimées pour l'énergie intermédiaire (finale) en PJ par an

(1) Consommation répartie au prorata des productions.
(2) Ces totaux sont inférieurs d'environ 10 PJ à ceux de la statistique fédérale (non-comptabilisation du chauffage à distance alimenté surtout par les déchets et le pétrole avec une petite contribution de nucléaire).
(3) La répartition sur les différents agents énergétiques pourra différer de celle suggérée ici, mais le total ne devrait pas être notablement plus éleve.

La réduction d'un facteur de l'ordre de 4 de la consommation d'énergie n'est pas incompatible avec le maintien d'une civilisation technique, mais cela suppose une meilleure efficacité et plus de modestie.
     Plutôt que de faire des paris technologiques qui n'ont aucune chance de réussir, tout en étant dangereux et totalement hors de prix (combien de kW renouvelables aurait-on pu installer, par exemple, avec l'argent investi à ce jour dans la fusion nucléaire?), il est suggéré d'accepter les implications du Tableau 1 et de mettre l'effort sur l'efficacité dans l'utilisation de l'énergie et dans un développement raisonnable, c'est-à-dire modéré, des énergies renouvelables. Concernant ce dernier point, il est clair qu'on peut, en principe, produire notablement plus d'énergie par des agents renouvelables que ne l'indique le tableau. Mais cela ne serait à mon avis pas souhaitable. Les centrales solaires n'ont rien à faire dans les Alpes, les cours d'eau ont d'autres fonctions que de produire de l'électricité, et un arbre n'est pas d'abord du bois de feu.
On remarquera qu'une consommation d'énergie réduite au quart de ce qu'elle est aujourd'hui suffit largement à maintenir une civilisation technique (Réf. 1). Une telle réduction contribuera aussi à rendre les conditions de vie plus agréables. Mais cela suppose modestie et efficacité.
     Je me permets de relever pour finir ce chapitre, que les échéances impliquées par le Tableau 1 sont peut-être plus proches qu'on ne le pense en général. La France produit 80 % de son électricité par l'énergie nucléaire et continue à stimuler le gaspillage (chauffage électrique) pour absorber le courant produit actuellement en quantités excédentaires. Cette fuite en avant peut être interrompue brutalement par un accident de type Tchemobyl ou par des problèmes imprévus forçant l'arrêt relativement rapide de l'ensemble du parc de centrales nucléaires.

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4. Electro-SMOG
     L'effet sur le vivant des champs électromagnétiques produits par la transmission d'électricité n'est peut-être pas négligeable. La controverse à ce sujet ne semble en tout cas pas près dc s'arrêter. Des mécanismes plausibles d'action des champs électromagnétiques faibles ont été proposés récemment, en particulier par Mae-Wan Ho (Réf.2). En Suède, on semble avoir admis qu'il peut y avoir une relation entre l'existence de champs électromagnétiques basse fréquence (< 300 Hz) et l'apparition de cancers, spécialement chez les enfants. Les milieux de l'électricité, par contre, répètent inlassablement que ces dangers n'existent pas. Manifestement, il n'est pas possible à ce stade de trancher et cela implique que la question doit rester ouverte. La prudence impose dans ce cas de ne pas augmenter un risque, même hypothétique, ce qui milite en faveur d'une réduction des transmissions d'électricité et des tensions sur les lignes.

5. Conséquences pour les lignes de transmission
Les besoins en lignes dc transmissions, ainsi que la tension sur ces lignes dépendent du système de production et de distribution retenu pour l'approvisionnement en électricité, ainsi que du niveau dc consommation. Les options extrêmes sont:
     a) La consommation croît au-delà du niveau actuel ('usqu'où et jusqu'à quand?), la demande est satisfaite par des grosses unités de production et des transmissions à grande distance sur des lignes à très haute tension.
     b) La consommation diminue fortement, la demande est satisfaite le plus possible par des productions locales. Les transports de courant à grande distance sont réduits au minimum, sinon supprimés.
     L'option a) a été imposée par les milieux de l'électricité qui semblent admettre tacitement qu'elle ne peut pas être remise en question. On veut même nous faire croire que des impératifs européens, supposés indiscutables et incontournables, nous imposent d'accepter ces lignes à très haute tension, même si celles-ci ne sont pas nécessaires pour les besoins du pays. Cette argumentation mène à un blocage injustifié. Si les compagnies d'électricité des pays européens doivent certainement continuer à collaborer, il n'en résulte pas qu'elles doivent imposer leur conception de la fourniture d'électricité à l'ensemble des citoyens du continent. Les inconvénients de ce gigantisme électrique sont multiples et les bienfaits plus que douteux. Les pays de l'Est, pour prendre cet exemple, seraient certainement mieux avisés de développer leur approvisionnement en s'inspirant de l'option b), que de copier le système occidental et de se rendre dépendants de technologies importées et de financements étrangers. Le fait que l'option a) soit pratiquement en place en Europe occidentale ne signifie pas qu'elle soit la seule à entrer en ligne de compte, ni qu'elle soit la meilleure. Elle crée, il est vrai, une contrainte de fait importante puisqu'il faut bien partir de la situation actuelle pour organiser notre avenir énergétique. Mais cette option étant intimement liée à l'utilisation massive de ressources non renouvelables mènera tôt ou tard à des problèmes insurmontables, et ceci bien avant l'épuisement des stocks.

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     Ma proposition est par conséquent de choisir l'option b) comme but long-terme. De toutes façons, même en restant dans le système centralisé actuel, la mise en oeuvre du LCP s'impose, ne serait-ce qu'au titre de la préservation des ressources. Et, comme on l'a vu, il en résultera une diminution importante de la consommation et, par suite, un moindre besoin de distribution.
     Parallèlement, pour chaque tronçon de ligne planifié, il faut poser la question de savoir s'il est possible de s'en passer moyennant mise en oeuvre de mesures de réduction de la consommation et de productions locales à partir de ressources renouvelables. Les oppositions qui se manifestent contre des tronçons de ligne sont dues non seulement aux destructions et à l'enlaidissement du paysage que ces tronçons occasionnent, mais aussi à la réalisation, de la part des opposants, que des alternatives existent et que l'on refuse d'en discuter. Le KGÜ ne doit pas simplement chercher à trouver le moyen d'aider les compagnies d'électricité à se débarrasser des oppositions pour accélérer la mise en place de lignes de transmission. Il doit au contraire se demander comment, dans la perspective du long terme, le réseau de distribution doit être transformé et réduit. Il est fort probable que cette manière d'aborder le problème menera à renoncer à des tronçons contestés et, par conséquent, à résoudre des conflits.

6. Démarche dans un cas pratique
     La démarche pour statuer sur la construction ou le renoncement à un tronçon projeté doit bien entendu être définie à l'intérieur du KGÜ. La liste de questions qui suit n'est à considérer que comme une proposition pour lancer le processus.
     1. Données concernant la ligne projetée: capacité, tension, hauteur, emprise au sol, etc.
     2. Données concernant les transferts d'énergie prévus:
      · Quelle région recevra combien de Gwh/an?
      · Quelle unité de production contribuera quelle part de cette énergie?
           3. Quelle économie de consommation peut-on espérer réaliser dans les régions concernées à 5 ans, 10 ans, 20 ans, 50 ans?
     4. Quel est le potentiel de production décentralisée dans les régions concernées?
      · Par couplages chaleur-force?
      · Par turbinettes?
      · Par photovoltaïque/onduleur?
      · Autres?
Mêmes échéances que pour 3.
5. Au vu des réponses aux questions 2,3 et 4:
      · Peut-on renoncer à construire le troncon?

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     ï Est-il nécessaire pour une période de transition, et si oui quelle est la durée de cette période?
     ï Est-il nécessaire de manière (à vue humaine) permanente?
     Il serait évidemment préférable à mon avis de repenser de fond en comble et dès maintenant l'approvisionnement en électricité de l'Europe en partant de l'option b). Il n'est cependant pas très probable que cette démarche se fasse avant que les contraintes de fait (en particulier l'effondrement du nucléaire) ne l'imposent. Il n'est par contre pas impensable que l'on puisse tendre vers l'option b) à une échelle régionale, surtout en Suisse où la distribution d'électricité est le fait d'une multitude de compagnies dont certaines disposent de moyens de production propres.

Conclusion
     Le "cheminement de pensée" que sous-tend le plan directeur de la Suisse pour les réseaux électriques THT (Réf. 3) est déterminé par la projection sur l'avenir des tendances passées.
     Ainsi explique-t-on qu'entre 1930 et 1985, la consommation d'électricité du pays a été multipliée par 12. On dit ensuite que le 7ème «Rapport des Dix" démontre qu'il y aura des déficits énergétiques qui nécessiteront des importations et la construction de nouvelles lignes de transport à très haute tension pour acheminer tout ce courant. Ceci étant posé comme la seule vérité possible, on planifie les moyens à mettre en oeuvre pour faire face à cette évolution présentée comme inéluctable. Mais ne correspond-elle pas simplement au souhait de ceux qui l'ont formulée?
     Je veux bien admettre que les propositions faites sur la base de ces prémisses soient en elles-mêmes cohérentes, carje n'ai pas de raison de douter des compétences professionnelles de ceux qui les ont établies. C'est le point de départ qui me paraît naïf. D'autre part, on ne parle que d'augmentation sans jamais aborder la question de la limite: jusqu'où et jusqu'à quand?
     Si, conformément au souhait des électriciens, la consommation d'électricité continue à augmenter de 3 %/an, cela signifie qu'un ménage consommant 5.000 kWh/an en 1990 en consommera 14.000/an en 2025, 30.000 en 2050 et 130.000 en 2100. Que fera-t-il avec tout ce courant?
La démarche proposée dans cette note devra tôt ou tard être entreprise. A mon avis, le plus tôt sera le mieux.

Références:
1. P. Lehmann. Plan d'urgence pour le sauvetage de la civilisation technique. 29.7.91.
2. Mae-Wan HO. The Physics of Organisms, manuscript, publication prévue automne 93.
3. Réseaux électriques THT. Plan directeur de la Suisse (octobre 1987) "Cheminements de pensée".

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