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N°137/138

La Fédération Syndicale Unitaire désapprouve
l'implantation du laboratoire souterrain


     La section départemental de la F.S.U. a été saisie, par des syndiqués et par diverses organisations, des questions posées par l'implantation en Haute-Marne d'un laboratoire souterrain pour l'étude de stockage des déchets nucléaires de longue durée. A la suite d'une réunion d'information et de débat organisée récemment à Joinville pour les syndiqués, le Comité départemental de la F.S.U. a pris position en s'appuyant sur les éléments suivants:
     La dénomination complète de la F.S.U.: Fédération syndicale Unitaire de l'Enseignement, de l'Education, de la Recherche et de la Culture, montre bien que ses syndiqués sont concemés à plus d'un titre par l'éventuelle implantation de ce laboratoire. D'une part, un syndicat de chercheurs du C.N.R.S. fait partie de la Fédération et il a apporté d'utiles information à la section départementale; d'autre part, en tant qu'éducateurs et enseignants, les adhérents des syndicats de la F.S.U. ne peuvent se désintéresser de l'avenir des jeunes qui leur sont confiés: les promoteurs de l'implantation du laboratoire sont d'ailleurs les premiers à intervenir dans ce domaine en organisant des réunions des directeurs d'école des secteurs concernés. A la suite du débat de Joinville, le Comité départemental de la F.S.U. a donc examiné les arguments développés par les uns et par les autres.
     En premier lieu, le Comité départemental n'a pas retenu les arguments d'ordre économique: l'apport financier et les perspectives d'emploi n'ont aucun intérêt à moyen terme si le stockage en profondeur se révèle inefficace et dangereux; mieux vaut utiliser l'argent de l'Etat pour rechercher d'autres possibilités de développement économique et social pour notre département. En revanche, les risques de pertes dues à l'image négative du nucléaire dans les domaines de l'industrie agroalimentaire, du tourisme ou de l'immobilier sont négligeables si la méthode de stockage se révèle fiable.
     En second lieu, le Comité départemental ne s'est pas prononcé sur le principe même de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire: tout en considérant qu'il était nécessaire d'amplifier les recherches pour développer d'autres sources d'énergie assurant l'indépendance du pays, le Comité départemental a estimé qu'il n'était pas réaliste d'exiger l'abandon immédiat de la production d'électricité d'origine nucléaire et qu'en tout état de cause, des déchets existent et que c'est là le fond du problème posé: les laboratoires souterrains implantés en vue d'un stockage des déchets nucléaires de longue durée permettent-ils d'envisager une solution fiable au cours des prochaines décennies? C'est à cette question que le Comité départemental de la F.S.U. a répondu par la négative après avoir fait les constats suivants:
suite:
     Alors que la loi de 1991 «relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs» prévoit «l'étude des possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes», les partisans du projet entretiennent un certain flou sur la notion de «réversibilité»: en disant que le stockage est une "solution réversible", affirment-ils que la méthode de stockage serait abandonnée si une autre solution se révélait meilleure, mais que les déchets déjà stockés ne pourraient être récupérés, même si cette méthode apparaissait comme dangereuse?
     La transparence nécessire à ce débat est souvent absente: des défenseursdu projet refusent de participer à des réunions contradictoires; des opposants refusent de se prononcer sur les autres solutions envisageables. Autre fait troublant: les arguments des promoteurs du projet varient selon les interlocuteurs; aux Haut-Marnais, on explique que leur département a été choisi parce qu'il n'y a «pas d'activité sismique» dans la région concernée, mais aux habitants du Gard, zone sismique, on affirme que «les effets d'un séisme sont très atténués en profondeur».
     Les arguments d'ordre géologique sont d'ailleurs peu pertinents: les connaissances actuelles ne permettent pas de prédire le futur, en particulier lorsqu'il s'agit d'enfouir des éléments qui resteront radioactifs pendant des centaines de milliers d'années, et, selon certains scientifiques, on ne peut extrapoler, à partir d'un sondage, à plus de cent mètres. Un laboratoire souterrain pourra donc, à la rigueur, permettre de vérifier la possibilité d'un stockage, mais ne pourra garantir ne la sécurité, ni la fiabilité de cette méthode à long terme.
     On assure que le laboratoire souterrain permettra d'établir des garanties. Or cet argument a déjà développé pour le stockage en surface; il apparaît que les incidents multiples qui sont révélés, malgré une information souvent réticente et tronquée dans ce domaine, inciteraient plutôt à la méfiance. Il reste que les accidents en surface peuvent être immédiatement perçus, localisés et traités, alors qu'une déficience à plusieurs centaines de mètres de profondeur risque d'être incontrôlable car décelée trop tard.
     En conclusion, le Comité Départemental de la F.S.U. désapprouve les projets d'implantation de ces laboratoires souterrains, considérant qu'ils sont inutiles et coûteux, s'ils se limitent à des laboratoires, et dangereux pour les générations futures, s'ils aboutissent à la transformation des laboratoires en centres de stockage. Le Comité départemental de la F.S.U. estime qu'il vaudrait mieux consacrer les crédits prévus à une amélioration de la sécurité pour les sites de surface qui existent et à un développement de la recherche pour rendre inactifs les déchets nucléaires par des méthodes chimiques (séparation poussée des éléments) ou physiques (transmutation des noyaux radioactifs).
Chaumont, le 30 juin 1994
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Le monde radieux d'Isotopchim
Société à responsabilité limitée
     Isotopchim est une SARL au capital de 330.000 F[1] inscrite au registre du commerce de Manosque. Elle exerce l'activité de copie à façon de molécules rendues radioactives par la substitution d'un ou plusieurs atomes de carbone ordinaire (C12) par du carbone radioactif (C14). Cette opération s'effectue par des réactions chimiques en chaîne permettant de reconstruire la molécule souhaitée à partir d'atomes de carbone 14 obtenu par la transformation de carbonate de baryum.
     Les clients pour lesquels Isotopchim réalise ces travaux sont «notamment des groupes pharmaceutiques»[2]; ce ne sont donc pas les seuls.
     Cette société, installée à Ganagobie depuis 1986, agrandie en 1989, vise une extension. Ainsi elle souhaite implanter ses laboratoires à Oraison, en prévoyant d'ores et déjà des agrandissements futurs. Toutefois elle annonce une expansion davantage axée sur le développement commercial que sur la recherche.
     Chose moins connue, elle a des soutiens officiels. A Oraison (comme à Ganagobie semble-t-il), c'est aux frais du contribuable que la commune construirait l'atelier-relais destiné à Isotopchim. A Peyruis, où elle envisage une installation en zone artisanale qui selon le maire, serait destinée au conditionnement et à l'expédition de ses fabrications[4], le Conseil Général a accordé une subvention de 875.000F pour ce bâtiment.
     On a pu remarquer par ailleurs une curieuse «publicité» d'Isotopchim dans «Agoralpes», publication sur papier glacé consacrée à l'environnement bas-alpin par la préfecture de Digne en 1992: publicité sans la moindre information et sans clientèle, donc commercialement inutile... Devant ce mécénat désintéressé, chacun aura compris combien Isotopchim doit être bénéfique pour notre environnement.
     Et pour qui douterait du souci de l'environnement qui guide les dirigeants de la société, il suffirait de se reporter à leur prose officielle: «Nous ne sommes pas en mesure d'apporter des réponses aux angoisses et aux affirmations gratuites qui reposent sur un amalgame mal digéré des conséquences des bombes atomiques, des essais nucléaires dans l'atmosphère ainsi que des conséquences tragiques de l'accident de Tchernobyl[5]

Les procédures
     La réglementation des installations classées distingue, selon l'importance des installations, deux cas de figure. Ainsi, en 1986, put-elle s'établir avec discrétion, dans le cadre d'une simple déclaration en préfecture. Tandis qu'en 1988 la procédure fut publique, car l'agrandissement souhaite exigeait une autorisation préfectorale, au terme d'une double enquête, publique et administrative.
     C'est ainsi qu'à l'automne 1988 une enquête publique se déroula en paine de Ganagobie. Elle ne suscita pas d'engouement... Quatre interventions seulement figurent sur le registre d'enquête, auxquelles le mémoire en réponse à l'industriel opposa un négligent dédain.
     Seul 1'«obscurantisme des anti-nucléaires français» (réponse à la CRII-RAD 04) pouvait conduire à s'interroger sur les risques d'incendie, d'étanchéité, de détoumements de matières radioactives, de transports, ou sur les inconvénients de voisinage et une «étude d'impact» qui ne prenait pas en compte l'accroissement de la radioactivité (elle était multipliée par
20). C'était encore «obscurantisme» et «antinucléaire» que de demander une commission d'information associant les élus et les associations.. [6]

suite:
     Dans la procédure administrative tous les avis furent favorables jusqu'à l'autorisation préfectorale en février 1989. Des remarques et des exigences de commissaire-enquêteur, qui n'était pas un spécialiste[7], il ne fut pas tenu compte. La mesure constante des rejets radioactifs qu'ils n'avait pas expressément demandée ne fut pas prescrite dans l'arrêté préfectoral.[8]
     En 1991 une nouvelle procédure publique pour l'implantation à Oraison suscita plus d'intérêt. L'importante participation de la population à l'enquête publique, malgré des avis quasi unanimement négatifs, ne dissuada pas le commissaire-enquêteur de donner un nouvel avis favorable à l'implantation projetée. Mais le préfet reporta par deux fois sa décision, en mai et août 92. Il faut savoir qu'en avril 92 Isotopchim modifia sa demande: renonçant à utiliser du tritium (qui avait soulevé le plus d'opposition), l'entreprise réduisait sa demande à un simple transfert de l'activité de Ganagobie, multipliée par cinq. Et en août 92 elle allait fournir, à la demande de l'IICPE (Inspecteur des Installations Classées pour la Protection de l'Environnement), un complément de dossier qui améliorait la gestion des déchets radioactifs.
     Nous n'avons pas obtenu communication de la demande modificative d'avril 92, et le retrait de l'activité lié au tritium reste obscur, alors même que dès janvier 1992, l'industriel parlait de cette activité au présent, comme si elle était déjà mise en oeuvre à Ganagobie. La loi sur les installations classées n'exclut pas des modifications de l'activité autorisée. Cela peut se passer dans l'intimité, entre l'industriel et le préfet, si l'un ou l'autre ne juge pas que la modification constitue un «changement notable.»[10]
     L'enquête administrative (services des eaux, des incendies, directions de l'industrie, de l'équipement, de l'agriculture, de la santé, de l'environnement, de la protection civile), qui ne nous a pas été communiquée, a suscité quelques réserves?[2] Néanmoins tous les avis étaient globalement favorables au projet, en dépit des insuffisances relevées par l'IICPE[11]. Le Conseil Départemental d'Hygiène d'étant exprimé favorablement[12], le préfet autorisa en novembre 92 l'installation projetée[13].

Les contrôles
     Le commissaire enquêteur de 1988 les imputait «à l'Etat et au département (services des Mines et DDASS)». La réalité est plus prosaïque. La DDASS (affaires sanitaires et sociales) nous a écrit qu'elle ne se soucie pas des installations classées, et nous a renvoyés vers la DRIRE (industrie). Aucun de ces services ne dispose de moyens de contrôle. C'est à des laboratoires «agréés» (agréés en fait pour autre chose) que des contrôles ont été confiés. Le service des installations classées ne peut donc qu'enregistrer des résultats de contrôles dont la conduite et la fiabilité lui échappent.
     Pire. Le laboratoire qui effectue les contrôles des rejets radioactifs (les rejets chimiques ne sont pas contrôlés du tout) est choisi par l'industriel, car c'est lui qui doit le payer. Ainsi, non seulement les contrôles périodiques, mais même les contrôles dits «inopinés» font l'objet d'un contrat initié par l'industriel contrôlé. Telle est la gestion du risque acquise pour Ganagobie, et il en irait de même pour Oraison. Pas de quoi s'interroger sur la volonté de clarté qu'une telle pratique implique. Et sur la sécurité pour l'environnement humain et naturel.

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     La CRII-RAD avait demandé depuis 1988 que les rejets radioactifs fussent observés par un dispositif de mesure en continu. A ce jour nous n'avons pas été entendus, bien que les deux commissaires-enquêteurs aient repris notre proposition. En 1988 le commissaire-enquêteur avait requis une surveillance continue, en 1992, le commissaire-enquêteur avait insisté sur l'installation d'un tel dispositif. Ce serait le moyen le plus efficace pour une connaissance véritable de la pollution radioactive. Nous avons réitéré nos propositions en ce sens auprès de l'IICPE, et le Tribunal Administratif a également été saisi à ce sujet.
     La philosophie de la DRIRE (IICPE), qui cherche à responsabiliser l'industriel (convaincre plutôt que réprimer), nous paraît dangereuse, tant au regard de l'incompétence des contrôleurs que de celle de l'industriel. Le propos n'est pas flatteur, mais il est réaliste. Pour la qualité des contrôles effectués à Ganagobie, c'est l'IICPE lui-même qui constatait leur insuffisance[l4]. Quant à Isotopchim, nous reviendrons sur sa méconnaissance des textes en vigueur.
     Sur le fond, il est clair qu'aucune mesure ponctuelle du flux polluant ne permet de connaître les rejets réels. Et il est clair que comparer une quantité ponctuelle de radioactivité à une limite annuelle d'incorporatipn n'a pas de sens. Enfm l'acceptation d'une pollution radioactive ne serait imaginable que si l'on tenait compte de la radioactivité déjà existante dans l'environnement.
     Matériellement, les contrôles dans le passé ont été faits sur la base de prélèvements aqueux et atmosphériques. Outre le caractère aléatoire de la méthode, on y a vu des prélèvements atmosphériques être effectués, non pas au point de rejet, contrairement à la réglementation, mais à 50 mètres de là...
     Nous ajouterons que l'arrêté préfectoral avait prévu une limite de rejets illégale (voir plus loin). Et que les limites de stockage de déchets radioactifs sur le site de Ganagobie, selon les chiffres mêmes d'Isotopchim, ont été dépassés sans que l'administration ait réagi.[15]

La radioactivité
     Les atomes utilisés par Isotopchim (carbone 14 ou tritium) n'impliquent pas un rayonnement très pénétrant. C'est un rayonnement bêta que de minces protection suffisent à arrêter. Le tritium toutefois peut traverser la peau, sous forme d'eau tritiée.
     Il ne faut donc pas confondre ces rayonnements avec par exemple la radioactivité gamma du césium déposé dans notre environnement par le nuage de Tchernobyl. Cette radioactivité là, qui demeure (diminution de moitié tous les 30 ans) est très pénétrante. Cependant des radioéléments comme le carbone 14 (diminution de moitié en 5.730 ans) ou le tritium sont eux aussi dangereux, non par voie d'irradiation, mais par ingestion ou par inhalation, que ce soit de façon directe par pénétration cutanée, ou bien par le biais de la chaîne alimentaire.
     Si les dangers n'étaient pas conséquents, la réglementation n'aurait pas imposé de limites. La CRII-RAD estime ces limites insuffisantes, nous y reviendrons, mais enfin il importe de voir comment elles sont appliquées dans le cas de l'Isotopchim.
     Les décrets organisant la radioprotection[l6] fixent pour chaque radioélément une limite de concentration dans l'air en becquerels (Bq) par mètre cube, et une limite annuelle d'incorporation (LAI), en becquerels par an. L'arrêté préfectoral de 1989 mélangeait les becquerels par an et les becquerels par mètre cube. Sachant qu'Isotopchim est autorisée à rejeter 2,5 mètres cubes par jour d'eau polluée, la nuance est de taille (art.
3.5.2). Par ailleurs une autre limite est fixée (art. 8.1) selon, laquelle une matière radioactive ne serait pas radioactive en-dessous d'un certain seuil (74.000 Bq/kg). Ces dispositions sont contradictoires, sans fondement légal, et permettraient la dispersion de déchets en décharges ordinaires.

suite:
     L'arrêté préfectoral de 1992 mélange toujours les Bq/an et les Bq/m3. Pour les rejets atmosphériques, ils respectent tout juste le maximum légal par m3, ce qui ne s'accorde pas avec l'obligation de tenir compte de la radioactivité déjà présente. Le seuil en-deçà duquel la radioactivité ne serait pas de la radioactivité est maintenu.
     Ce sont là divers motifs des recours en annulation des arrêtés préfectoraux pour illégalités présentées au Tribunal Administratif.
     Mais si l'administration n'est pas très regardante, la société Isotopchim est encore bien plus à l'aise. Elle invente ses propres chiffres d'absorption maximale admissible trimestrielle[l7],
     · Limites légales: ingestion 90 millions de Bq par an par travailleur; inhalation 40.000 Bq par m3 190 millions de Bq par an.
     · Limites Isotopchim par trimestre 6 milliards de Bq pour l'ingestion; 8 milliards de Bq pour l'inhalation
     On voit là que la compétence de l'industriel (sinon ses rejets) est limitée.

     Or que signifient les limites annuelles d'incorporation? Ce sont les quantités d'un radioélément isolé qui suffisent à entraîner un équivalent de dose engagée de 50 millisieverts. Ces 50 millisieverts à leur tour représenteraient une conséquence statistique de 6 à 7 cancers mortels supplémentaires et deux anomalies génétiques mortelles par 100.000 habitants, selon l'évaluation de 1980. Depuis 1990 la Commission Internationale de Protection Radiologique recommande de diviser les limites par cinq, car les études ont établi un risque supérieur d'autant. La Commission Européenne prépare d'ailleurs une Directive qui devrait adopter ces nouvelles limites.
     Donc, en résumé, atteindre la limite annuelle d'incorporation c'est accepter 3 à 4 cancers mortels et une anomalie génétique mortelle supplémentaires par 10.000 habitants, sans parler de toutes les atteintes non mortelles..[18]
     Ceci est le cadre officiel de la radioprotection. La radioprotection internationale considère ces conséquences comme acceptables, mais prescrit également de limiter toute exposition radioactive au niveau "le plus bas qu'il soit raisonnablement possible d'atteindre".
     Toutes floues que sont ces prescriptions et la qualification des risques «acceptables» ou des précautions «raisonnables», il n'en reste pas moins clair que lorsqu'on joue avec les limites légales comme le font Isotopchim et même l'administration, c'est au mépris de la santé publique pour l'immédiat et pour les générations futures.
     D'autre part il semble imprudent dans le cadre français de se servir des anciennes limites alors que l'on sait qu'elles vont être substantiellement abaissées, ce qui obligera à réviser toutes les autorisations[19].
     Enfin nous rappelerons que les doses dites «faibles», quand elles sont inférieures aux limites, restent proportionnellement plus dangereuses que les doses «fortes» de radioactivité, comme de nombreuses études l'ont établi[20].

Les installations classées pour l'environnement
     Elles font l'objet d'une réglementation impérative. Leur autorisation est subordonnée à la présentation d'une étude d'impact, d'une notice d'hygiène, et d'une étude des dangers, qui ont été très négligées lors de l'enquête publique. En particulier un point zéro radioécologique (état des lieux du point de vue de la radioactivité) aurait dû être réalisé avant de définir les rejets possibles pour respecter les limites légales.

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     On se réjouira que la municipalité d'Oraison, puis le préfet, en aient retenu le principe, il reste à souhaiter qu'il soit réalisé par des experts compétents et insoupçonnables. Il n'existe pas de laboratoire agréé pour la protection de l'environnement en matière de radioactivité, et pourtant c'est aux laboratoires (agréés pour autre chose) déjà utilisés dans le passé, que l'arrêté préfectoral a prévu de confier analyses et contrôles, en dépit de leurs défaillances[14].
     Au reste, nombreuses sont les lacunes de l'arrêté préfectoral. Ni moyens d'analyse et de secours, ni mesures d'urgence, contrairement à la loi, n'y sont prévus. Et même, on ne sait s'il faut rire de l'absence de références aux textes qui organisent la radioprotection...
     Des recours en annulation et sursis à exécution ont été introduits par les Verts-04, l'UDVN-04, et l'association Qualité de la Vie au Pays d'Oraison, on doit espérer que les tribunaux rectifieront ce dossier tissé d'irrégularités.
     Par ailleurs les décisions du conseil municipal d'Oraison (point zéro, commission mixte de concertation) doivent être honorées si les juges autorisent un fonctionnement qu'on souhaite remis en ordre.

En conclusion
     Des règles du jeu illégales ou inappliquées. Des administrations incompétentes et sans moyens de contrôle. Des procédures d'autorisation négligentes. Des contrôleurs choisis par le contrôlé. Le tout dans le cadre de normes dépassées, en retard sur l'évolution internationale. Un exemple banal de radio-protection à la française. On veille sur nous.

Avril 1993
1. Lettre au préfet 26/9/88.
2. rapport IICPE 3/9/92.
3. complément de dossier août 924.4.
4. conseil municipal d'Oraison 7/2/92.
5. mémoire en réponses aux questions du commissaire-enquêteur après l'enquête publique de 88, observation n°4, § propositions.
6. ibidem obs. n°4. Rappelons que la CRII-RAD n'est pas vouée à l'opposition nucléaire mais à l'information et à la recherche.
7. ainsi il mélangeait allégrement carbone 14 d'Isotopchim et césium
134-137 de Tchernobyl quand la CRII-RAD 04 l'a rencontré.
8. 89-341 du 24/2/89.
9. réunion publique du 31/1/92 à Oraison.
10. décret 77-1133 article 31.
11. rapport pour le Conseil Départemental d'Hygiène du 3/9/92 § 5.1.
Les avis administratifs datent d'avant les modifications du dossier.
12. Procès-verbal du Conseil Départemental d'Hygiène du 16/9/92.
13. arrêté 92-2296 du 16/11/92
14. rapport IICPE du 3/9/92 page 13 "ce qui est regrettable".
15. dossier d'enquête publique décembre 91 page 43
16. décrets 66-450 et 86-1103.
17. étude d'impact de l'enquête publîque d'Oraison page 20.
18. de nombreuses études pronostiquent des probabilités d
e conséquences encore plus dévastatrices.
19. projet de Directive annoncée le 8 juillet 92 - cf Europe Environment, I Environment Policy n° 331 july 14, 1992 page 4.
20. cf Santé et Rayonnement, disponible à la CRII-RAD.
p.24a

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