La G@zette Nucléaire sur le Net!
N°165/166
LE PROGRÈS DE LA SCIENCE
    L'évolution des sciences et des techniques est considérée comme synonyme de progrès. Mais si la science est factuelle, le progrès est subjectif. Il arrive même que la science ne résiste pas à l'idéologie, nous l'avons vu à l'époque de Lyssenko. E=mc2 est une découverte scientifique mais est-ce un progrès d'avoir su développer des engins qui, en un seul tir, peuvent anéantir des milliers, voire des millions d'êtres humains.

    Sciences et techniques peuvent nous donner l'illusion de la maîtrise de la matière. Elles ne sont que les moyens de parvenir à un progrès, mais elles ne donnent pas les clefs de son contrôle. Il n'est pas évident que les bonnes intentions dont on les dote restent bonnes ( pour qui d'ailleurs?) tout au long de leur utilisation. Le don de sang en est un exemple : on sauvait des hommes grâce à la générosité d'autres hommes. On avait simplement omis de préciser que seul le don était gratuit, tout le reste était source de profit!

    La science et la technique ont besoin d'un contrôle car leurs applications ne sont pas automatiquement sources de progrès si progrès signifie mieux vivre, voire souvent tout simplement vivre. On ne doit jamais oublier que tout développement peut apporter un bien et un mal.

    Chercheurs, ingénieurs et décideurs ne sont pas les seuls acteurs pour décider le bien fondé d'une décision. Le citoyen doit pouvoir intervenir. Questionnement et doute sont nécessaires pour éviter que le progrès ne soit un moyen d'asservir les hommes aux idées de quelques uns. La France est dotée d'un Parlement élu qui pourrait exercer ce contrôle. Les problèmes du nucléaire, du sang contaminé, de la vache folle ou encore de l'amiante ont montré l'incapacité des instances à prendre des décisions. Le poids des lobbies et le poids économique à court terme conduisent à des décisions hâtives (ou des non-décisions) lourdes de conséquences. Une expertise indépendante menée par des compétences non liées aux groupes industriels concernés, encore faut-il en trouver, devrait faire contrepoids pour aider la prise de décision. Les deux commissions qui ont travaillé sur Superphénix et sur le centre de stockage de déchets nucléaire de La Hague (CSM) ont montré les limites de l'exercice.

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    La notion de progrès est toute relative. Le nucléaire a été présenté comme LE progrès décisif en matière d'énergie propre et bon marché. Les déchets (et Tchernobyl) sont venus ternir le tableau et ce n'est pas la décision d'utiliser Superphénix pour soi-disant éviter de léguer aux générations futures des problèmes qui va le redorer. Le nucléaire a travaillé quarante ans en se croyant capable de tout résoudre, il en a pour au moins deux cents ans à faire le ménage. Il est donc urgent de repenser nos besoins d'énergie et de limiter notre recours au nucléaire.

    Le citoyen berné ne revient plus sur sa méfiance et refuse de continuer à cautionner la science qui conduit à des errements de ce genre.

    Le progrès en soi, érigé par certains comme le but de la science et des réalisations techniques a vécu:
     - D'une part il faut savoir stopper un développement dont on pourra pas maîtriser toutes les étapes.
     - D'autre part le progrès n'est pas source de bien pour tous mais peut n'être qu'une source de profits pour quelques uns.

     L'utopie "progrès = apport positif pour l'humanité" était une idée généreuse. Cette idée du progrès est morte. Un contrôle étroit des applications de nos prouesses technologiques s'impose pour ne pas les dévoyer de leur but qui devrait être l'amélioration du devenir des humains. Comment mettre en place ce contrôle? Comment le réussir? Comment être assuré que le but d'amélioration sera atteint plutôt que celui de gloire et de puissance pour le réalisateur?

    Avec le progrès en point de mire, on risque de se lancer dans une surenchère dans le traitement des déchets qui va nous mener dans une impasse complète. Traitons déjà avec nos moyens et en essayant de ne pas polluer. Essayons de ne rien faire d'irréversible et inaccessible car l'expérience montre qu'il y a toujours un facteur qui nous joue des tours et qui a été oublié.

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