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N°173/174
V- L'AVAL DU CYCLE NUCLEAIRE, TOME II

Les coûts de production de l'électricité
Rapport de M. Robert GALLEY et de M. Christian BATAILLE
conférence de presse 2 février 1999

RECOMMANDATIONS
    Orientation générale: Dynamiser la recherche et le développement sur les technologies de l'énergie autour d'une organisation rénovée et lancer sans délai la construction de démonstrateurs.
     1. Décloisonner les recherches sur les technologies de l'énergie et faire coopérer les organismes existants.
     2. Renforcer la recherche sur l'économie de l'énergie et notamment les équipes de l'IEI et de l'IEPE.
     3. Mettre en pratique la méthode des externalités dans les évaluations officielles du secrétariat d'État à l'industrie.
     4. Imprimer une nouvelle dynamique au CEA en élargissant avec les moyens budgétaires correspondant, sa mission à l'ensemble des énergies d'avenir.
     5. Tirer parti des atouts de la France dans les technologies du charbon propre en construisant en France, un démonstrateur de chaudière LFC supercritique.
     6. Donner l'ordre à EDF de passer commande d'un EPR à 1450 MWé, en faisant compenser par l'Ètat les coûts d'une mise en service anticipée de 5 ans par rapport à ses besoins.
     7. Construire une pile à combustible de puissance
     8. Accélérer la recherche sur les piles à combustibles embarquées en renforçant la coopération Etat-industrie.
     9. Lancer des études approfondies et coordonnées avec l'industrie sur une nouvelle filière hydrogène.

IDÉES CLÉS
     Une étude sur les coûts de production de l'électricité doit aujourd'hui nécessairement avoir non seulement une dimension économique mais aussi une dimension environnementale.
     En réalisant cette étude, conformément à la tradition de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, nous avons voulu atteindre une plus grande transparence dans un domaine où la complexité du raisonnement économique s'ajoute aux considérations techniques, en identifiant les incertitudes et en indiquant des pistes de recherche.

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     Peut-on considérer aujourd'hui que nous savons tout du coût du kWh? La réponse est qu'on ne peut se satisfaire des chiffres produits par les études officielles, non pas qu'il y ait une volonté de rétention de l'information de la part de l'administration mais plutôt parce que certaines avancées méthodologiques ne sont pas encore prises en compte, par souci de précaution, quelquefois excessifs des administrations.
1. - Nous assistons à une percée remarquable de formes d'énergie autres que nucléaires, qui sont plus complémentaires que concurrentes
     La baisse des cours du pétrole et du gaz est un fait majeur du paysage énergétique mondial. A ce facteur économique s'ajoutent des progrès techniques considérables sur les turbines qui font des centrales à cycle combiné à gaz des moyens de production d'électricité parmi les moins coûteux, lors de l'investissement et pendant l'exploitation. La cogénération au gaz, en permettant des rendements de l'ordre de 80%, possède un intérêt économique évident pour les applications associant électricité et vapeur.
     Les piles à combustibles offrent, quant à elles, des perspectives prometteuses pour la cogénération dans leur version stationnaire et pour la production d'électricité embarquée.
     Le charbon propre, avec les chaudières à lit fluidisé circulant, devrait trouver des applications importantes en Chine et en Inde.
     Les énergies renouvelables commencent à voir leurs coûts d'investissement chuter et s'ouvrir des débouchés intéressants.
     Quand au nucléaire, qui fournit 78,2% de notre électricité et représente 38% de notre énergie primaire, il constitue le socle de notre approvisionnement énergétique, dont il faut examiner l'avenir, dans la perspective de l'arrivée en fin de vie vers 2010 des premiers réacteurs du parc REP 900.

2.- Le kWh nucléaire à moins de 19 centimes en 1995, bien en dessous du coût du kWh produit par les autres centrales électriques en France
     En 1995, las de voir contester la compétitivité du nucléaire, EDF prend l'initiative de publier le coût complet du kWh produit par EDF. Avec un coût de 19 centimes au kWh, le nucléaire se situe à plus de 5 centimes en dessous du charbon. Depuis lors, le prix du kWh a baissé, grâce aux réacteurs du palier REP 1300. Le prix du kWh charbon aussi, mais l'écart reste le même.

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3.- Ce montant inclut-il toutes les dépenses? La réponse est oui
     Les charges d'exploitation représentent 7 centimes. Les charges de combustible représentent une part de 6 centimes, comprenant les provisions pour retraitement et stockage. Les charges en capital hors rémunération de l'actionnaire - l'État -représentent 6 centimes, ce qui intègre remboursement du capital, intérêts et amortissement.
     L'examen des provisions constituées par EDF montre que ses charges sont bien couvertes. Le récent rapport de la Cour des Comptes n'en contestait d'ailleurs pas le montant mais le mode de gestion.

4.- Le programme électronucléaire français: une bonne décision.
     Le programme électronucléaire a incontestablement permis des économies d'importations de combustibles fossiles que l'on peut chiffrer à 600 milliards. Simultanément, l'industrie nucléaire française et EDF ont pu exporter leur savoir-faire et leur production, dégageant des exportations de 25 milliards de francs par an. Le parc électronucléaire français a divisé par 4 le poids de la facture énergétique dans le PIB.

5.- Un parc entrant dans sa phase de plus grande rentabilité
     Le gain en termes de balance commerciale va bien évidemment se prolonger. D'autres avantages vont s'amplifier. Le parc électronucléaire est un atout dont il serait inconséquent de se priver.
     En effet, l'arrivée à maturité du parc va entraîner une augmentation considérable du «cash flow» d'EDF. A cet égard, on peut estimer que la prolongation de dix années de la durée de vie des centrales se traduira approximativement par un «cash flow» supplémentaire pour EDF de 100 à 150 milliards de francs utilisables pour baisser les tarifs dans une certaine mesure, se désendetter, préparer le parc électrique du futur et se développer.

6.- Maintenant, que faire lorsque ce parc devra être renouvelé? Quelles parts pour les différentes énergies?
     Chaque type de filière de production d'électricité a des caractéristiqucs intrinsèques particulières. Lc nucléaire est fait pour assurer la production d'électricité de base. Ceci veut dire qu'un réacteur nucléaire a vocation à fonctionner en continu, avec le moins possible de variations de puissance. Le nucléaire est incontournable, de par sa compétitivité en base à un risque moindre que le gaz, sa contribution à l'indépendance énergétique et son apport sans égal à la lutte contre l'effet de serre.
Le gaz a une plage d'utilisation optimale appelée la semi-base, c'est-à-dire 4.000 à 7.000 heures par an au lieu de 5.000 pour le nucléaire. Le charbon a à peu près les mêmes caractéristiques.
     Par ailleurs, à côté des sources de production d'électricité centralisées, apparaissent les moyens de production décentralisés, comme la cogénération et, bientôt les piles à combustibles, qui peuvent satisfaire des besoins locaux en résolvant par exemple des problèmes de réseau.

7.- Des évaluations crédibles de coût de production de l'électricité existent pour l'avenir, établies par les exploi-tants mais aussi par l'administration.
     Le Secrétariat d'État à l'industrie réalise tous les quatre ans, une étude intitulée «coûts de référence» de la production électrique. L'OCDE vient de publier une étude comparative sur la base d'informations transmises par des pays qui n'ont pas fait jouer au nucléaire un rôle aussi important que la France.

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     Ces études donnent des résultats similaires et mettent toutes en évidence une convergence des performances des différentes filières.

8.- Pour de nouvelles installations, ces évaluations montrent qu'il y a convergence des coûts pour les différentes filières.
     L'avantage naguère impressionnant du nucléaire s'est réduit, mais il subsiste en base. Les cycles combinés à gaz dominent pour la semi-base, voire la pointe.
     La structure des coûts du kWh diffère d'une filière à l'autre. Le coût du combustible ne représente que 20% environ du coût du kWh nucléaire. La part du combustible s'élève à 60% au minimum pour le gaz. Le coût du kWh nucléaire présente donc l'avantage d'une plus grande robustesse par rapport aux variations du prix des combustibles.

9.- Mais il y a des problèmes de méthode
     Le calcul des coûts du kWh fait appel à une méthode classique - l'actualisation - qui est en réalité difficile d'application. Le taux d'actualisation sur la durée de vie des installations doit refléter une réalité des marchés de capitaux difficile à anticiper. Les dépenses à très long terme sont elles aussi difficiles à estimer, le choix d'un taux d'actualisation intergénérationnel faisant l'objet de controverses. Par ailleurs, il est difficile de définir des périmètres de charges à imputer à la production d'électricité qui soient homogènes.

10.- Pour le nucléaire, un nouvel effort d'analyses semble utile.
     L'évaluation des charges du nucléaire à une dimension à la fois politique et technique difficile. Les charges sont-elles bien prises en compte?
     L'évaluation des effets sanitaires des rejets sur la santé doit être faite dans l'absolu mais aussi par référence à un niveau incompressible de radioactivité naturelle. L'évaluation de ces mêmes dommages potentiels fait appel à des modèles de dispersion des radionucléides dans l'environnement qui supposent une dispersion suffisante.

11.-En réalité, la question globale qui est posée est celle des externalités.
     La démarche de calcul du coût du kWh doit ainsi prendre en compte les externalités dès lors qu'elles sont mesurables. Il s'agit non seulement de calculer les coûts prives assumés par les exploitants mais aussi d'intégrer les coûts externes. A cet égard, il faut mesurer les effet sur la santé et l'environnement non seulement des radionucléides mais aussi des polluants classiques SO2, NOx, poussières et du CO2.

12.- L'émergence d'une méthodologie partagée en Europe et aux Etats-Unis : ExternE.
     Les méthodes d'évaluation des coûts externes ont longtemps été diverses et partielles. L'étude ExternE réalisée sous la direction de la Commission européenne par différentes équipes de recherche des pays membres, marque l'émergence d'une méthodologie complète, allant des émissions jusqu'à l'évaluation économique des dommages, et commune à tous les pays, y compris les États-Unis associés à l'élaboration de la méthodologie.
     Cette méthode fournit un cadre d'analyse cohérent et détaillé qu'il faut toutefois utiliser avec discernement, certaines évaluations étant encore empreintes d'incertitudes importantes.

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13.- L'augmentation de la concentration du CO2 dans l'atmosphère : une certitude qui oblige à réagir face à un risque immense.
L'influence de l'augmentation de la concentration du CO2 sur le climat n'est pas certaine. Mais elle induit un risque majeur de réchauffement et peut-être de perturbation du climat.

14.-Inclure le coût du CO2 dans les coûts de production de l'électricité.
     Les gouvernements se sont en conséquence engagés sur la base du protocole de Kyoto à maîtriser leurs émissions de CO2. La maîtrise des émissions aura un coût. Des estimations convergentes dessinent une valeur de la tonne de carbone comprise entre 100 et 200 dollars. Ce coût de réduction a une existence certaine. L'impact sur le coût du kWh pourrait dépasser les 5 centimes.
     Il serait irresponsable de ne pas le prendre en compte.

CONCLUSIONS
    Le programme nucléaire français, décidé en 1970 à la veille du premier choc pétrolier, s'est révélé être un choix gagnant en terme d'indépendance énergétique, de progrès technologiques, d'économies d'importations et de capacité exportatrice. Il a aussi été et demeure un atout décisif pour la compétitivité globale de l'économie française. L'analyse des statistiques économiques et les simulations macroéconomiques rétrospectives le montrent sans aucune ambiguïté.
   Toutes les données objectives confortent donc les choix du nucléaire civil faits en 1970 mais surtout en 1973 et confirmés, depuis lors, par les gouvernements successifs, les administra-tions et la collectivité nationale avec un sens de l'anticipation et de l'intérêt supérieur de notre pays auquel les Rapporteurs tiennent à rendre hommage.
     Grâce à un effort d'investissement cumulé de 450 milliards de flancs, la France dispose aujourd'hui d'un parc électronucléaire qui, en 1997, a généré 376 TWh, soit 78,2% de l'électricité produite en France.
     Le coût de production du kWh nucléaire était en 1995 de 19 centimes toutes charges comprises, y compris les charges de capital, les coûts de l'aval du cycle et les coûts du démantèlement.
     Depuis cette date, les coûts ont probablement diminué de 3 à 5%, ce qui, en plaçant le coût du kWh nucléaire du parc actuel à 18,5 centimes, donne sans conteste au nucléaire la première place dans la compétition de l'énergie.
    C'est grâce au parc électronucléaire que l'industrie française dispose d'ailleurs du courant le moins cher d'Europe.
     Depuis le début des années 1990, des progrès techniques considérables et plus rapides dans les autres filières que dans le nucléaire et surtout une évolution très favorable des cours mondiaux du charbon et du gaz ont provoqué toutefois une convergence des coûts de production prévisibles pour de nouvelles installations.
     Le coût du kWh produit avec un cycle combiné à gaz pourrait être, selon les demières évaluations disponibles, compris entre 16,5 et 20,5 centimes, le coût du kWh nucléaire se situant quant à lui dans un intervalle de 18 à 20 centimes. Les performances du gaz et du nucléaire semblent donc converger pour de futures installations. Mais la structure des coûts de production de l'électricité devra cependant être prise en considération pour les choix futurs.
     En effet, le coût du combustible représente de 60 à 70% du coût total pour le gaz contre 20% pour le nucléaire. Ces deux filières offrent ainsi des vulnérabilités très différentes à des chocs éventuels sur les prix ou les approvisionnemts.

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     Le nucléaire s'impose donc toujours en France pour la production d'électricité en base, c'est-à-dire, pour des durées de fonctionnement des installations de l'ordre de 8.000 heures par an.
     Le nucléaire s'impose d'autant plus pour les volumes de production importants qu'il constitue pour le moment la seule technique efficace dans la lutte contre l'effet de serre  décidée à  Kyoto.
     Ce phénomène de l'effet de serre provoqué par des concentrations croissantes en gaz carbonique est susceptible d'être relié directement aux élévations de température de l'atmosphère de notre planète, augmentations devenues indiscutables aux yeux des scientifiques de toutes nations. Les conséquences d'une élévation continue des températures seraient incalculables en termes de catastrophe planétaire. Il appartient donc à notre génération, compte tenu d'une progression prévisible de la consommation mondiale d'énergie, non seulement de stabiliser le phénomène mais sans doute de l'enrayer durablement.
     A l'évidence, l'électricité nucléaire est aujourd'hui la seule production de masse susceptible de faire face à ce danger.
     Les analyses nouvelles de la compétitivité des filières électriques cherchent à juste titre à intégrer les coûts externes de la production d'électricité, au premier rang desquels figure le coût du CO2.
     Les premiers résultats de la méthode des externalités développée par la Commission européenne confirment l'avantage du nucléaire en termes de coûts environnementaux, ce qui devrait accroître son rôle à l'avenir au regard des immenses besoins en électricité des grands pays en développement comme l'Inde et la Chine.
     Pour autant, le cycle combiné à gaz, le charbon propre et la cogénération voient leur compétitivité et leurs débouchés à l'étranger s'accroître d'une manière telle que le France ne peut se tenir à l'écart de ces nouvelles techniques de production de l'électricité.
     C'est pourquoi, sur un plan pratique, les Rapporteurs estiment que la France doit reprendre, avec une grande modération mais résolument, ses recherches et ses investissements dans l'énergie.
     Les Rapporteurs estiment qu'EDF doit dès cette année passer commande d'un premier réacteur EPR, avec l'aide éventuelle de l'État, après avoir obtenu des constructeurs qu'ils améliorent encore sa compétitivité en augmentant non pas sa puissance nominale mais son rendement.
     EDF possède la capacité d'autofinancement nécessaire pour procéder à cet investissement indispensable à la construction à partir de 2010 de la deuxième génération du parc électro-nucléaire français.
     Simultanément, la France doit créer les conditions favorables au développement du cycle combiné à gaz, de la cogénération, du charbon propre et des piles à combustible, par Électricité de France, certes mais aussi par les entreprises privéesdu secteur de l'énergie.
     A ce titre, le renouvellement du parc fonctionnant en semi-base ou en pointe devrait être engagé et ouvert à la concurrence.
     Ainsi la France devra développer encore plus avant son expérience dans le nucléaire dont elle a déjà une parfaite et complète maîtrise et tirer parti de toutes les évolutions, technologiques en cours.
     Parallèlement. elle donnera à ses entreprises industrielles les références nationales dont elles ont absolument besoin pour valoriser leurs atouts techniques et conquérir les parts qu'elles méritent sur un marché mondial de l'électricité qui va connaître une croissance rapide.
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