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N°173/174
IV- PILES À COMBUSTIBLES ET RÉSEAUX

Va-t-on ouvrir la boîte à Pandore?
André MARQIJET
(Chargé de mission au Service matériel électrique de la Direction des études et recherches d'EDF)
    Depuis une dizaine d'années environ, on assiste, partout dans le monde, à un regain d'intérêt en faveur des piles à combustible. Aux États-Unis et au Japon, certaines filières arrivent même au stade de la précommercialisation. EDF pour sa part, après une phase de veille technologique reprise en 1990, a décidé, en septembre 1994, d'engager une évaluation plus active de différente filières. Pourquoi ce regain d'intérêt? Et d'abord, comment fonctionnent les piles à combustible? Est-il imaginable qu'un nombre croissant de consommateurs soient alimentés en chaleur et en électricité de façon autonome, par une pile utilisant par exemple du gaz naturel? Les piles, parmi d'autres sources décentralisées, peuvent-elles coexister avec l'organisation actuelle des réseaux? C'est à ces questions que tente de répondre cet article, en expliquant dans un premier temps le fonctionnement d'une pile, et en discutant ensuite les conséquences que pourrait avoir l'introduction des piles sur l'organisation du système électrique.

    Pandore, c'était la Première Femme. Son beau-frère, Prométhée, celui qui réfléchit avant, s'était déjà fait remarquer tandis que l'Olympe se réservait l'usage du feu du ciel, électrique celui-là, il avait transmis aux hommes les secrets du feu ordinaire. Pandore, elle, s'est signalée en ouvrant par curiosité la jarre où Prométhée avait enferrné tous les maux de la Terre... A quoi jouent donc les ingénieurs d'EDF qui, après une parenthèse de vingt ans, reprennent l'étude des piles à combustible? En veulent-ils à la solidarité du réseau en aidant à développer des moyens qui pourraient signifier «à chacun son énergie», ou bien veulent-ils l'encombrer à l'étouffer de petites sources sans nombre et sans contrôle possible? Ne vont-ils pas, comme Pandore, ouvrir la jarre? La curiosité sera-t-elle donc toujours un vilain défaut et puis, de toutes façons, la croyance dans les mirobolantes promesses techniques des piles relève-t-elle pas du mythe?
    Le feu ordinaire produit de la chaleur car on laisse les électrons s'agiter en désordre au sein des atomes qui réagissent chimiquement. Dans une pile, on leur impose de se laisser conduire sagement à travers un circuit électrique, pendant qu'on transfère le reste de la matière sous forme ionisée à travers un électrolyte. On a là un moyen de produire de l'électricité sans machine thermodynamique et en évitant le sempiternel rendement de Camot. Faute d'effort et de continuité, l'objet restera-t-il l'apanage des dieux et voué seulement aux oeuvres de la curiosité scientifique.

Comment ça marche?
     On part de deux produits comme l'hydrogène et l'oxygène, ou l'oxyde de carbone et l'oxygène capables de réagir entre eux en libérant une énergie importante. On place entre deux électrodes conductrices électroniques un électrolyte, milieu ne conduisant pas les électrons, mais capable d'assurer sous forme de matière ionisée, c'est-à-dire chargée électriquement, le transfert d'un des produits de réaction. 

     Au lieu d'engendrer de la chaleur comme dans une réaction chimique directe plus ou moins irréversible, on procède en deux temps: chacun des produits est amené à l'interface entre l'électrolyte et une électrode; l'un est chargé positivement ou négativement, en échangeant des électrons avec une première électrode; ainsi chargé, il est transféré directement ou indirectement sous forme d'ions à travers l'électrolyte et il rencontre à l'autre interface le deuxième produit, intervient alors une réaction électrochimique d'oxydation du combustible accompagnée de l'échange d'électrons inverse de celui de la première électrode. Ainsi, l'énergie potentielle de la réaction globale se transforme, via un transfert d'électrons à travers un circuit extérieur, directement en tension et courant continus, qu'on peut ensuite convertir en courant alternatif dans une interface électronique. Processus bien sûr imparfait dans la mesure où la conception et l'optimisa-tion d'une pile impliquent:
     - que l'on favorise la vitesse des réactions aux interfaces grâce à un catalyseur plus ou moins précieux afin d'éviter qu'une polarisation électrique contraire ne bloque les réactions;
     - que l'on minimise les pertes par résistance interne qui se manifestent par un échauffement de l'électrolyte et des électrodes, et qui engendrent la chaleur récupérable;
     - que l'on traite parfois le combustible avant son introduction dans la pile (on dit le «reformer») pour le transformer en produits plus simples à utiliser (H2, CO) et qu'on le gère dans la pile pour réduire les imbrûlés.
    Les piles en développement utilisent toutes, côté électrode positive, l'oxygène de l'air. Il faut donc une électrode à air, en général constituée d'un matériau poreux, mais conducteur électronique, assurant le contact triple du gaz, des ions arrivant ou partant dans l'électrolyte et des électrons arrivant du circuit. Cette triple fonctionnalité est un des points les plus délicats du fonctionnement des piles. La technologie de réalisation des électrodes doit permettre à cette fonction de trouver le maximum possible de sites de réaction dans un minimum de volume et de surface d'accès. Et c'est bien sûr là que doit agir le catalyseur.
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    Les électrolytes donnent leur nom (anglais) aux filières. Dans les deux premières on conduit des ions H+ vers la positive, où se forme de l'eau:
  • membrane électrolyte en polymère fluoré (polymère électrolyte membrane fuel cell ou PEMFC, de 80 à 120 oC, catalyseur platine); fonctionne à l'hydrogène très pur; filière compacte, étudiée surtout pour la traction électrique;
  • acide phosphorique (phosphoric acid fuel cell ou PAFC, 200 oC, catalyseur platine); l'hydrogène utilisé peut être un peu moins pur; moins compacte, en général utilisée en cogénération.
    Dans les deux suivantes, on véhicule de deux manières l'oxygène vers la négative, pour y former de l'eau ou du gaz carbonique avec l'hydrogène ou le carbone provenant du combustible:
  • carbonates fondus (molten rarbonate fuel cell ou MCFC, 650 oC, plus de catalyseur précieux); ce sont les ions C03-  qui véhiculent l'oxygène; combustibles carbonés acceptés, notamment le CO; filière pas très compacte, mais le rendement électrique dépasse les 50%; en cogénération, une chaleur de bonne qualité (de 300 à 400 oC) est produite et permet d'envisager, selon la taille, des cycles combinés de rendement supérieur à 60%;
  • oxyde solide type zircone (solid oxyde fuel cell ou SOFC, de 800 à 1000 oC, véhiculant des ions O2- qui rencontrent à la négative hydrogène ou oxyde de carbone, reformage et catalyse étant alors plus aisés; compacité en net progrès, rendement électrique supérieur à 55%; rendement en cycle combiné jusqu'à 65% voire 70%.
    Côté combustible, on peut utiliser de l'hydrogène provenant éventuellement du reformage d'hydrocarbures (méthanol, naphta, fiouls légers, gaz naturel, dans l'ordre croissant de difficulté). Si le combustible contient de l'oxyde de carbone (gaz de reformage, gaz de décharge ou ex-biomasse, gaz de synthèse ex-charbon, etc...), et que la filière ne peut l'accepter directement (le CO est un «poison» pour les catalyseurs précieux), on a recours à la réaction de substitution CO + H20 =>  CO2 +H2

Que s'est-il passé dans le domaine
    Depuis le milieu des années 80, le développement des diverses filières a pris un nouvel élan dans le monde, au point qu'un nombre croissant d'acteurs économiques, fournisseurs d'énergie, fabricant de matériel de production, grands chimistes, organismes de recherche et développement se sont impliqués dans des stratégies de développement industriel ou d'utilisation; l'Europe, les Etats-Unis et le Japon dépensent chacun en recherche et développement de 300 à 500 millions de francs par an. Le Japon projette d'installer, d'ici l'an 2000 2GW de piles PAFC, qui sont au stade des séries précommerciales au niveau 200 kWé; une pile prototype de 5 MWé fonctionne à Amagasaki, une autre de 1 MWé à Milan; à Santa Clara en Californie, une pile MCFC de 2 MWé a commencé ses essais.
    La pile à combustible, inventée par W. Grove en 1889, a fait l'objet de recherches importantes dans les années 60, en particulier pour l'espace. Mais les durées de vie restaient bien en deçà de mille heures. On obtient aujourd'hui, selon les filières de 2000 à 15 000 heures, ce qui constitue un progrès très significatif; on n'atteint pourtant pas encore les seuils souhaités pour une production d'électricité sur période longue (de 25 000 à 50'000 heures pour le coeur de pile, qui doit pouvoir être remplacé indépendamment des auxiliaires, par exemple tous les cinq à dix ans) et des travaux importants sont encours. Dans le même temps les densités de courant sur les électrodes gagnaient un facteur 5 à 10 augurant d'une bien meilleure compacité et d'un coût accessible à terme.

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    La Direction des études et recherches (DER/EDF) a lancé en 1990 une action de veille technologique qui a alimenté la décision du comité technique d'EDF de septembre 1994; il est temps de reprendre à EDF une évaluation active et ouverte des piles, des facteurs limitants et des services auxquels elles pourront être associées; cela pourra passer par le codéveloppement dans le cas des filière «haute température» perçues comme les plus prometteuses.
    Cette action est amorcée par le Groupe «Moyens électrochimiques de stockage et de production d'énergie» au Laboratoire DER des Renardières et des partenariats ont été établis, notamment avec le projet Européen Joule mené par Siemens, avec la participation de GEC Alsthom.

Les qualités qu'on prête aux piles...
    L'originalité du processus de production par pile à partir de dif-férents combustibles peut se résumer en trois points:

  • cogénération de chaleur et d'électricité; celle-ci est très souvent envisagée (à des températures différentes selon les filières) avec une implantation près du lieu de consommation, facilitant la distribution de chaleur;
  • haut rendement global de production directe d'électricité - typiquement de 40 à 55% selon la filière - même pour des modules de petite taille et même à charge réduite;
  • très faibles rejets toxiques du type CO ou NO x, environ 20 à 50 fois inférieurs à ceux d'une TAC (turbine à combustion) actuelle équivalente, par exemple; d'où installation près des lieux de consommation d'autant que la pile, sans pièces mobiles est peu bruyante en soi.
et celles qu'il faudra vérifier
    On peut dire toutes, mais plus particulièrement:
  • l'évolution vers un coût d'investissement égal ou inférieur à 5 000 F/kWé, qui constitue un objectif souvent avancé; à cet égard le caractère bidimensionnel des interfaces et la difficulté de réaliser des empilements de cellules à tension élevée doivent conduire à priori à des économies au moins autant par effet de série sur des modules, que par effet de taille et donc à des réalisations modulaires:
  • la vitesse de variation de charge, la constance du rendement avec la charge (de 20 à 90% de la puissance nominale ?) et la possibilité de surpuissance temporaire;
  • le rendement total en cogénération (jusqu'à 85%), dans le cas des piles à haute température, quel cycle combiné est envisageable à quel niveau de puissance?
  • et surtout, la durée de vie du coeur, supérieure à 20 000 ou 30 000 heures; plus généralement un coût de maintenance raisonnable.
Scénarios d'introduction
    Il s'agit de produire a un prix assez compétitif de l'électricité BT ou HTA. voire en courant continu et de la chaleur, près du consommateur. Dans l'ordre décroissant de probabilité d'apparition, on peut citer les cas d'applications suivants:

1) en cogénération de la centaine de kWé à quelques MWé, des sites tertiaires alimentés en gaz (grands hôtels, hôpitaux, complexes commerciaux, ensembles de bureaux) les PAFC, d'un rendement électrique moyen mais déjà en cours de commercialisation pour la cogénération, viendront d'abord, suivies des MCFC au rendement supérieur, après l'an 2000. La chaleur produite hors saison de chauffe peut être commuée en froid par des machines à absorption (Japon);

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     2) en réseau isolé collectif petites îles, villages ou petites villes, par exemple dans les DOM, sites de montagne, villes enclavées... La valorisation de la chaleur, soit directe, soit pour la production de froid, est à examiner cas par cas. Le foisonnement des charges doit être suffisant pour assurer une utilisation assez continue de la pile. Les filières MCFC d'ici 10 ans, SOFC ensuite seraient les plus appropriées par leur capacité à accepter les combustibles disponibles sur le terrain gaz naturel, gaz de décharge ou biogaz, gaz de charbon, flouls légers divers. La modularité des piles et leur haut rendement dès les petites tailles permettraient une extension progressive de la puissance installée au fur et à mesure de l'accroissement de la demande et une incidence réduite des indisponibilités fortuites.
     3) en réseau interconnecté (postes-sources par exemple) des unités de puissance moyenne (quelques MWé à quelques dizaines de MWé) pourraient être implantées au sein même d'une zone de consommation; la chaleur produite pourrait desservir des besoins industriels ou un réseau local. Pour une implantation décentralisée, une «économie de développement réseau» (report d'investissements de desserte du poste-source, économies sur réseaux en amont, bilan de coûts de défaillance et pertes) est à prendre d'autant plus en considération que les conditions locales conduiraient à des renforcements par liaisons enterrées, de grande longueur ou de coût élevé et que le caractère N-modulaire des piles tend à assurer la disponibilité de N-1 modules. L'usage industriel direct de courant continu et de chaleur de process avec les piles MCFC et SOFC à haute température, est à considérer.
     4) en réseaux insulaires, souvent «hors gaz», à partir de méthanol ou de fiouls légers, aux mêmes échelles que dans le cas précédent; selon les lieux, le désir d'adaptation à des combustibles divers et de valorisation de l'électricité poussera vers les MCFC et SOFC à haute température en raison de leur haut rendement électrique et de leur tolérance aux combustibles carbonés; la prédominance du besoin de chaleur poussera vers les PAFC aux performances électriques plus modestes, si leur encombrement est acceptable dans le contexte d'utilisation et si l'on dispose d'un système de reformage/épuration de combustible suffisamment efficace.
Des scénarios où des piles réversibles interviendraient dans un recours à grande échelle au vecteur hydrogène n'ont de vraisemblance que dans un contexte de forte hausse des hydrocarbures.
    L'utilisation de piles de petite taille pour des charges domestiques (faibles durées d'appel) ne peut se concevoir qu'avec une revente très majoritaire au réseau de l'électricité produite, notamment lors des appels de pointe et à condition de satisfaire par la cogénération de chaleur les besoins locaux de chauffage.

Menaces ou opportunités?
    Ayant entrepris de vérifier la vraisemblance technique de tels scénarios, qui d'ailleurs s'interpénètrent, EDF peut leur opposer des objections classiques; il faudra bien recourir au réseau en cas de panne; les sources de petite taille ne rendent pas à ce dernier des services comparables à ceux d'unités de grande taille; à quoi bon réduire les impacts du développement du réseau électrique si c'est pour accroître ceux du réseau gaz ?.... Mais il faut aussi apprécier les chances de développement ou de promotion de telles sources, dès lors qu'elles pourraient être maîtrisées pratiquement par l'usager lui-même; et pour cela, évaluer les services qu'elles sont à même de rendre en complémentarité du réseau, au-delà de la cogénération:

  • compensation d'harmoniques et d'énergie réactive à travers la conversion électronique;
  • desserte à fréquence adaptée à un besoin particulier; ou même directement en courant continu pour des applications électroniques ou électrochimiques, par exemples..
  • souplesse et vitesse de réglage, grâce encore au convertisseur;
  • effet «qualité» sur la distribution locale de courant; soutien local de tension; capacité de black start éventuelle, ou de fonctionnement en réseau isolé.
    L'utilisation de piles en totale autarcie est envisageable, mais correspond à des cas spécifiques. L'image de la pile fournissant une autonomie complète à l'utilisateur domestique individuel n'a guère de fondement économique et la question de l'interface et de l'interaction avec le réseau se pose en général. En cas de succès des piles, c'est d'abord une plus grande valeur ajoutée qui est conférée à la cogénération par leur rendement électrique élevé; son développement connaît surtout une accélération à une échelle inhabituelle, puisque des unités de taille petite ou moyenne peuvent être installées au plus près de l'utilisateur et que la chaleur peut aisément être utilisée sur place.
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     La cogénération a alors davantage de chances de constituer un service électricité - chaleur intégré sans interposition de tiers entre le gestionnaire de la pile et le consommateur. Ce mouvement peut d'autant mieux prendre corps que le caractère modulaire de ces unités permet une mobilisation progressive et prudente des ressources de combustibles comme le gaz naturel, sensible à la fois du point de vue de l'équilibre de son réseau et de la volatilité de ses prix. Il y a là, à l'évidence, un terrain d'échanges privilégiés avec Gaz de France, qui sont d'ailleurs amorcés par un protocole de collaboration entre les directions de la recherche de Gaz de France (DR) et d'Électricité de France (DER).
    C'est aussi le problème de la coordination d'ensembles de sources décentralisées de taille petite ou moyenne qui se pose. Ici, le savoir-faire d'EDF peut s'avérer déterminant, s'il est mobilisé à temps pour assurer une bonne coexistence de ces sources à travers les réseaux BT ou RTA (foisonnements de charges, échanges d'énergie, secours mutuel); les échanges avec le réseau amont seraient régis, non pas au niveau de chaque source, mais par grappes de sources locales, auxquelles les centres de conduite transmettraient des besoins globaux, laissant au niveau local le soin de régler les échanges locaux; les progrès des systèmes de contrôle distribués et de communications doivent permettre aujourd'hui de faire face dans de bonnes conditions à un tel besoin. Encore faut-il l'anticiper suffisamment pour assurer en bonne place la prestation du service correspondant. Car il s'agit bien là d'un service nouveau qu'EDF pourrait assurer, celui d'opérateur de systèmes intégrés décentralisés de production/distribution; un opérateur garantissant la possibilité d'accès à des services énergétiques diversifiés où sa légitimité d'intervention n'est pas contestée.
    EDF peut s'imposer dans ce contexte si elle fait valoir une expertise d'ensemblier spécialisé, maîtrisant la coordination entre les sources, et, ensuite sa compétence d'électricien; mais, à service nouveau, métiers nouveaux (difficiles à cerner aujourd'hui) qu'il faudra développer, tâche pour laquelle l'établissement pourra souhaiter s'associer à des sociétés de services ou à des établissements publics locaux, par exemple, allant jusqu'à offrir un service d'exploitation spécialisé.
    Imaginons un quartier dont certains immeubles sont munis de piles à gaz pour leur chauffage et celui d'immeubles voisins; un réseau local à courant continu connecte directement les piles; un convertisseur électronique commun associe l'interface avec le réseau électrique général. Un poste de contrôle local est relié au plus proche bureau de conduite. Le lecteur pourra, à titre de réflexion prospective se poser les questions suivantes: à qui appartiennent les piles, le réseau local à courant continu, le convertisseur, les réseaux de chaleur? Qui les gère et comment? Qui vend la chaleur, le courant continu (pour applications électroniques par exemple)? Qui gère le contrôle local? Plusieurs réponses sont possibles mais EDF peut ambitionner de tenir sa place dans chaque cas et d'y apporter son expérience de service public.
    Dans ce sens, les piles pourraient devenir, au siècle prochain, un des moyens d'une politique de partenariat avec les collectivités locales. Dans la mesure où celles-ci affichent une volonté de faire de la construction d'une politique énergétique locale un instrument de développement territorial, certaines voudront à n'en pas douter inscrire leur action, non plus seulement dans le domaine de l'énergie à courte portée qu'est la chaleur, mais aussi dans celui de l'énergie à plus longue portée et plus forte valeur ajoutée qu'est l'électricité.

Conclusion provisoire en avenir incertain
    Il n'est pas certain que les piles à combustible tiennent entièrement leurs promesses - elles se heurteront en tout cas à la forte concurrence des moteurs et turbines divers qui progressent, eux aussi - et qu'elles ne comportent aucun risque pour le distributeur qu'est EDF, surtout si leur introduction avait lieu sans un minimum de cohérence. Mais les bienfaits d'une réflexion élargie sur le rôle que de telles sources pourraient jouer dans les réseaux de distribution ou en dehors, sur les services nouveaux associés et les attentes de la clientèle et des partenaires locaux ne fait guère de doute. Il s'agit de préparer l'avenir en devenant «accoucheurs» de systèmes électriques nouveaux et en travaillant à les rendre compatibles entre eux et avec les missions de service public.
    L'adéquation du service global fera de plus en plus partie du cahier des charges. Et le besoin d'électricité sera peut-être moins uniforme à l'avenir il faudra assurer des dessertes locales à fréquence variable, à qualité de tension adaptée.. .A condition d'anticiper, les piles peuvent devenir un outil fécond d'élargissement des métiers et services d'EDF autour de son produit principal.
    Au fond de la jarre de Pandore, Prométhée, le pré-voyant, avait placé une autre boîte; elle contenait l'espérance.

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