Nous publions un large extrait
d'un rapport intitulé Conséquences différées
de la catastrophe de Tchernobyl: bilan 11 ans après, de la généticienne
Rosa Goncharova, de l'institut de Génétique et de Cytologie,
Académie Nationale des Sciences de Bélarus (27, Akademicheskaya
St. 220072, Minsk, Belarus E-mail aby@biobel.bas-net.by). Ce rapport a
été présenté à Genève lors du
colloque des 13 et 14 novembre 1997 consacré à Santé
et information: des incertitudes aux interventions dans les régions
contaminées de Tchernobyl, organisé par le Centre universitaire
d'écologie humaine et des sciences de l'environnement. Il a aussi
été publié intégralement dans les actes du
colloque Ecologie humaine après Tchernobyl, Minsk (25-27 avril 1998).
Dans ce texte le Pr. R. Goncharova
rappelle d'abord qu'une fraction importante des rejets radioactifs dispersés
dans l'atmosphère après l'accident de Tchernobyl est retombée
sur le Bélarus dont 23% du territoire est contaminé en Cs
137 au-dessus de 1 Ci/km2 (37 kBq/km2)
avec une contamination de la quasi totalité du territoire par l'iode
131 (Rolevich et al, 1996). D'après les calculs, les doses moyennes
cumulées par la population depuis 1986 (Kenigsberg et al, 1995)
seraient très faibles, (13 mSv dans les districts ruraux les plus
contaminés de la région administrative de Gomel), mais R.Goncharova
souligne que ces valeurs sont notablement sous-estimées comme le
montrent d'autres estimations (Krivoruchko, 1997) (Dubina, 1997) pour qui
des habitants de cette région auraient reçu de 20 à
250 mGy rien que dans les 10 premiers jours après l'accident. Des
résultats récents concernant les doses d'irradiation externe
déterminées à partir de mesures directes par RPE (résonance
paramagnétique électronique) sur l'émail dentaire
provenant d'habitants de régions contaminées (Keirim-Markus
et al, 1995) confirment cette hypothèse de sous-estimation des doses.
R. Goncharova rapporte les
résultats de son groupe (Goncharova 1996, Goncharova et al, 1995,1996,1997)
concernant les anomalies génétiques observées après
la catastrophe de Tchernobyl dans deux classes animales, chez des petits
mammifères, (rongeurs) et chez les poissons (carpes) dont nous résumons
ci-après les aspects qui nous paraissent les plus importants. Elle
donne également une vue d'ensemble des effets sanitaires affectant
la population et c'est cette partie que nous donnons ensuite sous le titre
Effets à long terme sur la santé de la population en Bélarus.
Resumé succinct des études de R. Goncharova et de ses collaborateurs.
Les rongeurs
Les études portent sur des espèces sauvages et sur des souris de laboratoire. Les campagnols roussâtres gîtent dans des zones contaminées à divers niveaux de contamination surfacique et sont soumis à une exposition chronique tant interne, par la nourriture, qu'externe par les dépôts au sol. Les observations portent à la fois sur les mutations des cellules somatiques (effets cytogénétiques dans les cellules proliférantes de la moelle osseuse) et sur les mutations des cellules terminales. Elles ont montré une augmentation de la fréquence des mutations tant dans les cellules somatiques que germinales. R. Goncharova souligne l'importance de l'étude des tests génomiques (tels que la polyploïdie quand le noyau d'une cellule comporte un nombre de chromosomes supérieur à la normate) qui se révèlent plus sensibles que les aberrations chromosomiques vis-à-vis de l'augmentation de la radioactivité ambiante. Un des résultats importants de ces études sur les rongeurs est qu'il n'y aurait pas d'adaptation génétique à l'effet mutagène des rayonnements car la fréquence des mutations continue à croître dans les générations successives au-delà de la 10ème génération bien que la charge incorporée (en Bq/kg) ait diminué depuis 1991. Une autre conclusion de R. Gonebarova est qu'une exposition chronique à faible dose combinant irradiation externe et irradiation par contamination interne induirait plus de mutations que ce qui est prédit à partir de l'extrapolation des fortes doses vers les faibles doses. |
Les poissons
Les carpes vivent dans un étang à 200km de Tchernobyl dont le fond a été contaminé par les retombées. Il est exempt de tout autre polluant (mouillants tensio-actifs, DDT, pesticides, métaux lourds etc.). R. Goncharova et al étudient les capacités reproductrices de carpes qui sont marquées par un colorant et sont ainsi suivies depuis 1986 ainsi que leur descendance. Il est montré que le degré de fertilisation, et après éclosion, le nombre d'embryons et d'alevins, d'alevins survivants, la fréquence d'anomalies morphologiques et cytogénétiques aux stades précoces du développement, l'indice mitotique (quand les chromosomes se divisent en deux), tous ces paramètres caractéristiques de la reproduction dépendent de la concentration en radionucléides des substances sexuelles des carpes parents (oeufs et laitance). Ainsi le degré de fertilisation décroît en fonction de la charge incorporée des carpes alors qu'augmentent la fréquence des anomalies morphologiques chez les descendants, celle des aberrations chromosomiques chez les embryons (à un stade particulier de l'embryogenèse) et ces relations peuvent être décrites par des droites. Les coefficients de corrélation bien que faibles sont statistiquement significatifs. Il en est de même pour d'autres facteurs le nombre d'embryons et d'alevins survivants, etc. Les effets défavorables observés aux premiers stades du développeinent des descendants sont donc radioinduits bien qu'il s'agisse de doses internes faibles absorbées d'une façon chronique par les carpes parents. Ainsi il est montré qu'il n'y a pas de seuil pour ces effets aux faibles doses. p.21
|
D'après l'Institut de Biophysique
de l'Académie des Sciences de l'URSS (Directeur L.A. Iline) et le
Projet International de Tchernobyl (1991) réalisé sous l'égide
de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA), la seule conséquence
négative prévisible pour la santé suite aux retombées
radioactives de Tchernobyl serait une très faible augmentation des
cancers de la thyroïde, pratiquement impossible à distinguer
des cancers spontanes.
En réalité, on a observé dès 1990 une augmentation significative des cancers de la thyroïde de l'enfant en Bélarus et en 1996 on avait déjà diagnostiqué et opéré plus de 400 enfants de cette tumeur maligne. Une augmentation similaire, bien que relativement moins importante, a été constatée en Ukraine et en Russie. Il a pourtant été nécessaire d'attendre six ans pour que les organismes scientifiques internationaux admettent la réalité de l'énorme augmentation de ce cancer, et admettent l'existence d'une relation entre cette augmentation du nombre des tumeurs malignes et l'irradiation subie suite à la catastrophe de Tchernobyl. Ce désaccord capital entre le nombre de cancers apparus chez ceux qui étaient des enfants au moment de l'accident et le nombre de cancers et les temps de latence qui étaient prévus d'après les modèles courants de projection du risque et la dosimétrie standard de la thyroïde, a clairement mis à jour une crise profonde au sein des instances officielles de la radiobiologie. Leucémies et cancers Jusqu'en 1995, aucune augmentation des hémoblastoses par rapport à l'incidence naturelle, n'a été enregistrée suite à Tchernobyl dans trois pays concernés par les retombées (Bélarus, Ukraine et Russie) y compris pour les leucémies chez les enfants (Ivanov et al 1996,1997). Sur cette base il a été affirmé au cours de la Conférence Internationale de l'AIEA "One Décade after Chernobyl" (Vienne, 1996) qu'en résumé, il n'avait été décelé à ce jour aucune augmentation significative de l'incidence des leucémies, même parmi les liquidateurs, ni aucune augmentation d'incidence de n'importe quelle autre tumeur maligne, mis à part le cancer de la thyroïde. Pourtant, lors de cette même conférence A.E. Okeanov a présenté des résultats indiquant un doublement de l'incidence des leucémies et d'autres cancers chez les liquidateurs de Bélarus. Les cancers dont l'incidence était supérieure à celle attendue, étaient ceux de la vessie, de la thyroïde chez l'adulte, et les leucémies (Okeanov, Polyakov, 1996). Par ailleurs, dans la région administrative de Gomel, la région la plus contaminée de Bélarus, on note dans la population une augmentation de la morbidité pour diverses tumeurs malignes cancer du côlon, du rectum, cancer du poumon, cancer de la vessie, du rein, ainsi que les cancers de la thyroïde et du sein chez la femme (Okeanov, Yakimovich, 1996). (suite)
|
suite:
Une augmentation significative des leucémies dues aux radiations a été signalée chez les liquidateurs en Russie (Tsyb, 1997). Une étude greco-américaine indique qu'en Grèce, suite aux retombées radioactives de Tchemobyl ayant affecté ce pays, l'incidence de la leucémie infantile [NdT bébés de moins d'1 an) a augmenté d'un facteur 2,6 chez des enfants irradiés in utero par rapport à l'incidence observée chez des enfants non exposés in utero. Les auteurs ont considéré comme exposés in utero les enfants nés au cours du deuxième semestre de 1986, du premier semestre de 1987, et la plupart de ceux nés au 2ème semestre de 1987, et comme non-exposés les enfants nés entre 1980 et 1985, ou ceux nés entre 1988 et 1990 (Petridou et al, 1996) [1]. La leucémie infantile est reconnue comme étant une forme particulière de cette maladie, associée à une altération génétique, à savoir une anomalie spécifique de la bande chromosomique 11g 23. En Grèce, la contamination par le Csl37 était de 100-1000 Bq/kg (ou 30-300 kBq/km2), l'exposition moyenne aux rayonnements a été estimée à environ 2 mSv. Ainsi, pour les auteurs ces très faibles doses de rayonnements reçues au cours de la grossesse peuvent provoquer des leucémies chez les enfants. En fait, dès aujourd'hui les données dont nous disposons contredisent les affirmations exprimées à Vienne en 1996 sur les prévisions en ce qui concerne les tumeurs malignes. J'estime que la situation actuelle avec apparition de leucémie et de tumeurs solides dans les régions contaminées par les retombées radioactives est analogue à la situation de 1990 lorsque l'augmentation des cancers de la thyroïde enregistrée chez les enfants était contraire aux prévisions du Projet International Tchernobyl. Si l'on tient compte de ces données et du fait que les doses externes de rayonnement gamma, lorsqu'elles sont correctement mesurées, s'avèrent être plusieurs fois supérieures aux estimations calculées les plus élevées (Keirim-Markus et al, 1995), il faut admettre que les populations qui vivent dans les régions contaminées sont exposées à un risque sérieux dû aux radiations. Il faut néanmoins reconnaître que les prévisions concernant l'impact radiologique majeur des retombées radioactives de Tchernobyl (nombre de cas de cancers à long terme) sont imprécises, elles sont basées sur les études antérieures d'irradiation à fortes doses de rayonnement, les survivants japonais des bombes atomiques. On discute encore actuellement de questions relatives à la relation effet-dose, comme de savoir si elle est linéaire dans le domaine des faibles doses ou s'il existe un seuil [2]. D'après les données les plus récentes sur la mortalité par cancer chez les survivants japonais, la relation effet-dose est linéaire pour les cancers solides jusqu'à une dose de 3 Sv. Pour la leucémie elle n'est pas linéaire et ainsi le facteur de risque pour une dose d'irradiation de 0.1 Sv est le 1/20ème de celui correspondant à une dose de 1 Sv (Pierce et al. 1996). p.22
|
Les études épidémiologiques
ont montré l'augmentation significative de l'apparition de cancers
après une irradiation dans un domaine de dose de 100 mSv et plus.
Il faut noter qu'après l'accident de Three Mile Island aux Etats-Unis
(1979) Hatch et al (1990) ont trouvé une association positive
entre l'augmentation de l'incidence des cancers, y compris du poumon et
des leucémies, et les doses d'irradiation accidentelle (la dose
reçue par la population a été estimée à
environ 1 mSv) de même que Wing et al (1997) qui ont réévalué
l'incidence des cancers au voisinage de la centrale. Wing et al concluent
que leur étude confirme l'hypothèse d'une relation entre
l'augmentation de l'incidence des cancers et les doses de rayonnement dues
à l'accident [3]
Développement mental Cataractes Tableau 1
* Différences statistiquement significatives par rapport aux valeurs moyennes dans la population de la république de Bélarus. (Ecological, medicobiological and socio-economic consequences of the Chernobyl NPP Disaster in Belarus, Ed. E.F.Konoplya, I-V.Rolevich, Minsk, 1996) (suite)
|
suite:
Les informations plus récentes sur cette pathologie de l'oeil montrent que cette cataracte serait d'origine stochastique plutôt que déterministe (Worgul et al 1996). La dose capable d'induire une cataracte serait égale à 2 Gy pour une irradiation aiguë. Cependant, le suivi des personnes soumises à des examens tomographiques montre qu'une exposition aux rayons X entre 0,1 à 0,3 Gy peut provoquer des cataractes (Worgul et al 1996). A ce propos, il faut souligner que, chez la souris, une dépendance linéaire de la fréquence des opacités du cristallin a été constatée pour des doses très faibles de rayons X, soit 2 à 45 mGy (Streffer. Tanooka, 1996). Pratiquement toute la population du Bélarus a reçu au cours des dernières années une irradiation supplémentaire égale ou supérieure à ces valeurs. Ainsi Cardis et al ont rapporté à Vienne (1996) qu'entre 1986 et 1995, la dose moyenne efficace reçue par les populations vivant dans les zones à contrôle strict, contaminées par 555 kBq/km2 (15 Ci/km2), était de 50-60 mSv, et en zones moins contaminées, 6 à 20 mSv. En conclusion:
Effets génétiques au niveau des cellules germinales
p.23
|
Comme le montre le tableau
2, l'augmentation du nombre d'enfants présentant des malformations
congénitales ou héréditaires à déclaration
obligatoire (MCDO) est de 24% dans les régions soi-disant propres.
Dans les régions contaminées en césiuin 137 de 1 à
5 Ci/km2, cette augmentation par rapport à la période
avant Tehernobyl est de 30% et dans les régions où la contamination
surfacique est de 15 Ci/km2 ou davantage, l'augmentation atteint
83%.
Tableau 2
Si l'on tient compte des avortements thérapeutiques
réalisés après dépistage de malformations en
cours de grossesse (cela a représenté plus de 1.500 interruptions
de grossesse thérapeutiques de 1991 à 1994), la fréquence
des anomalies du développement embryonnaire n'est pas stabilisée.
Elle continue à augmenter, passant de 18,2 en 1992 à 22.4
pour 1.000 grossesses en 1994.
Tableau 3.
** fréquence globale des malformations congénitales pour 1.000 naissances, y compris les avortements thérapeutiques (suite)
|
suite:
Ces données proviennent de l'institut de Recherche pour les Malformations Congénitales et les Maladies Héréditaires du Ministère de la Santé Publique de la République de Bélarus. Elles montrent une augmentation considérable de la fréquence des malformations dans le pays: elles passent de 12,5 pour 1.000 en 1985 à 17.7 pour 1.000 en 1994 (Lazjukl, 1996). Dans le tableau 4, Lazjuk (1996) compare des doses moyennes, c'est à dire la valeur moyenne de la dose efficace engagée [correspondant à la dose d'irradiation externe et à la contamination interne] dans les villages des parents des enfants qui présentent le plus de malformations congénitales. Les auteurs ne trouvent pas de rapport direct entre la fréquence des malformations congénitales et la dose reçue par la mère ou les deux parents, avant la conception du foetus. Il faut cependant noter que l'étude de la variation de la dose individuelle dans des zones contaminées a montré que l'irradiation individuelle peut être jusqu'à 5 ou 6 fois plus élevée chez certains individus que chez d'autres (Keirim, Markus et al, 1995). Tableau 4
Étant donné l'absence de corrélation
significative entre la fréquence des malformations congénitales
et la dose de rayonnement reçue suite à Tchernobyl, Lazjuk
fait l'hypothèse que ses données, en particulier l'augmentation
importante des malformations d'origine multifactorielle dans des régions
"propres", indiquent que les anomalies du développement embryonnaire
dans la population de Belarus ne sont pas seulement causées par
le rayonnement. Il évoque. outre les rayonnements ionisants, la
possibilité d'autres facteurs additionnels tels qu'un régime
alimentaire déficient, l'augmentation des polluants chimiques, l'abus
d'alcool des populations en âge de procréer, et autres facteurs.
p.24
|
Etant donné que l'ensemble du territoire de Bélarus est contaminé, le groupe témoin a été choisi au Royaume-Uni et comporte 105 familles. Les mutations des bandes minisatellites sur les chromosomes étaient deux fois plus fréquentes chez les enfants des régions contaminées de Moguilev que chez ceux du Royaume-Uni. Par ailleurs le nombre total des mutations minisatellites s'est avéré 1.5 fois plus élevé pour les enfants des zones les plus contaminées par le Cs 137, par rapport à celui des zones moins contaminées. Ainsi il a été trouvé que la fréquence des mutations est corrélée au niveau de contamination du sol[5] Cette étude amontré un doublement statistiquement significatif de la fréquence des mutations dans les cellules germinales des parents exposés aux radiations. Il faut noter qti'il s'agit d'une augmentation tout à fait inattendue de la mutabilité causée par des radiations ionisantes, Neel (1990) estime que la dose qui induit un doublement des mutations au niveau des cellules germinales dans une population humaine, avec répercussions graves sur la santé des descendants, correspondrait à 1 Gy. Quelles doses ont reçu les habitants de la région de Moguilev entre 1986 et 1994? Les valeurs précises sont inconnues. Cependant, d'après les évaluations effectuées au Bélarus (Kenigsberg. Minenko 1996) l'équivalent de dose individuelle dû à l'irradiation interne et à l'irradiation externe n'est pas supérieur à 5 mSv par an (0,5 rem). La dose accumulée sur 9 ans équivaudrait donc à 45 mSv ou 4,5 rem. Ceci est une dose très faible comparée à la valeur de la dose de doublement pour les cellules germinales humaines estiméeà 1 Gy (l00rad). Les auteurs Dubrova et al suggèrent que, ou bien les doses reçues ont été sous-estimées [6], ou bien des doses faibles mais chroniques sont des inducteurs de mutations bien plus efficaces que des doses fortes reçues pendant un temps bref. Cependant, même si la dose effectivement reçue a été sous-estimée, une dose très faible serait capable d'induire un doublement des mutations. Depuis longtemps je développe l'hypothèse qu'une exposition chronique qui combine à la fois irradiation externe et irradiation interne par les radionucléides, induit beaucoup plus d'effet sur le génome qu'une simple irradiation aiguë ou chronique (Goncharova, Riabokon, 1995; Goncharova, 1996). L'augmentation significative de la fréquence des malformations congénitales et de la pathologie génétique rencontrée chez les enfants de la première génération née de parents irradiés (Lazjuk et al, 1996) de même que l'augmentation de la fréquence des mutations dans les cellules germinales (Dubrova et al, 1996), pour des équivalents de doses efficaces faibles qu'auraient reçus les parents (0,8 à 5,2 µSv selon Lazjuk et al, 1996), indique que les retombées radioactives de Tchemobyl induisent des mutations à très faibles doses. On est forcé d'admettre que les doses de doublement des mutations, calculées à partir des données d'irradiation aiguë, sont beaucoup plus élevées que celles calculées à partir des effets génétiques par des doses faibles et chroniques. En conséquence, quand on veut estimer le risque génétique induit par la catastrophe de Tchernobyl, il ne faut pas se baser sur les données japonaises. (suite)
|
suite:
Les observations à long terme effectuées par T. Nomura (1984,1988,1996) sur la souris montrent que: a) les radiations induisent des mutations entraînant des anomalies phénotypiques (anomalies héréditaires à transmission transplancentaire) dans les cellules germinales. b) l'apparition de ce type de mutations est de 4 à 40 fois plus fréquente que d'autres types de mutation. c) la sensibilité des cellules germinales des souris serait comparable à celle des humains en ce qui concerne les mutations phénotypiques. En tenant compte de ces observations et de la radiosensibilité accrue des générations successives de mammifères aux mutations induites par les radionucléides qu'ont mis en évidence nos propres travaux ainsi qu'au vu de quelques autres considérations. j'estime que suite à Tchernobyl, (du fait de l'irradiation constante de plusieurs générations), la fréquence accrue des défauts héréditaires chez les enfants va persister dans la génération irradiée actuelle et au-delà de 1996, mais va augmenter dans les générations futures jusqu'à ce qu'elle atteigne l'état d'équilibre (Goncharova 1996). Effets génétiques dans les cellules somatiques La dynamique des mutations dans les cellules
de la moelle osseuse a été étudiée chez les
campagnols roussâtres des régions de Bélarus contaminées
par des radionucléides, entre 1986 et 1991, une durée qui
correspond à 12 à 18 générations pour ces rongeurs.
Nous avons constaté, par rapport aux observations pré-Tchernobyl,
une augmentation des aberrations chromosomiques et des mutations génomiques
(polyploïdie) qui surviennent de novo à chaque génération
(Goncharova et al, 1996). Les fréquences des mutations génomiques
ont augmenté graduellement, puis rapidement jusqu'en 1991 dans toutes
les populations étudiées sur diverses stations. L'augmentation
atteint 14 à 15%, dans des stations où la contamination radioactive
était élevée (Goncharova, Riabokon, 1995). Nous avons
également constaté chez ces campagnols une augmentation de
la radiosensibilité des structures héréditaires des
cellules somatiques sous l'influence mutagène des retombées
de Tchernobyl, dans les générations suivantes (campagnols
de 1989 à 1991), par rapport aux premières générations
de campagnols (1986 à 1988), (Goncharova, Riabokon, 1995).
p.25
|
Les recherches épidémiologiques
entreprises suite à la catastrophe de Tchernobyl ont montré
une augmentation persistante de la morbidité générale
tant des enfants, des femmes enceintes et en âge de procréer
que de la population vivant sur des territoires contaminés en Bélarus.
D'après les données enregistrées dans le registre
national de la République de Bélarus les indices de morbidité
générale sont plus élevés dans les régions
contaminées qu'en moyenne pour tout le Bélarus. L'augmentation
est particulièrement prononcée pour les maladies touchant
la glande thyroïde, les systèmes circulatoire et cardiovasculaire
(y compris les insuffisances coronariennes), le foie et le pancréas.
On constate aussi une tendance à l'augmentation de la mortalité
infantile. Une augmentation de l'incidence du diabète a été
observée chez les liquidateurs, en particulier dans le groupe d'âge
30-39 ans (Ecological, medicobiological and socio-economic consequences
of the Chernobyl NPP Disaster in Belarus, 1996).
En conclusion, j'estime que l'augmentation de la morbidité des habitants vivant dans les régions contaminées par les radionucléaides est la conséquence de l'irradiation chronique par de faibles doses de radiations (Goncharova, 1996). Références Cristaldi M., Ieradi L.A., Mascanzoni D., Mattei T and Von Bothmer S. (1991). Environmental impact of the Chernobyl fallout: Mutagenesis in bank vole from Sweden. Int. J. Radiat. Biol., Vol. 59(1): 31-40. Dubina Yu.V., S.B. Kulich S.B. (1997). Analysis of external irradiation dose formation in Khoiniki and Bragin Regions in the first months following the Chernobyl accident. Proceeding of the International symposium Actual Problems of Dosimetry, Minsk, p. 177-181. Dubrova Yu.E., V.N. Nesterov, N.G. Krouchinsky, V.A. Ostapenko, R. Neumann, D.L Neil and A.J. Jeffreys (1996). Human minisatellite mutation rate after the Chernobyl accident. Nature, 380, p. 683-686. Ecological, medicobiological and socio-economic consequences of the Chernobyl NPP Disaster in Belarus. Ed. E.F.Konoplya. I.V.Rolevich (Minsk), 1996. Goncharova R.I. (1996). Attempt to predict the genetic consequences of the Chernobyl disaster. One Decade after Chernobyl Summing up the Consequences of the Accident. International Conference. Austria Centre Vienna, p. 138-141. Goncharova R.I., N.I. Ryabokon (1995). Dynamics of cytogenetie injuries in natural populations of bank vole in the Republic of Belarus. Radiation Protection Dosimetry, Vol. 62 (1/2): 37-40. Goncharova R.I., N.I. Ryabokon, A.M. Slukvin (1996). Dynamics of mutability in somatic and germ cells of animals inhabiting the regions of radioactive fallout. [Tsitologia i genetica] (Kiev), Vol. 30 (4): 35-41. Goncharova R.I., N.I. Ryabokon, A.M. Slukvin, B.Yu. Anoshenko. I.I. Smolich (1997). Study of biological effects of chronic low doses of irradiation. Proceeding of the International symposium Actual Problems of Dosimetry, Minsk. p. 100. Hatch M.C., J. Beyea. J.W. Nieves. M. Susser (1990). Cancer near the Three Mile Island Nuclear Plant: Radiation emissions. Am. J. Epidemiol., Vol. 132: 397-412. International Advisory Committee. The International Chernobyl Project: Assessment of Radiological Consequences and Evaluation of Protective Measures, Technical Report, IAEA, Vienna (1991). Ivanov E.P., G.V. Tolochko, I.P. Shuvaeva, S. Becker, E. Nekolla, A.M. Kellerer (1996). Childhood leukaemia in Belarus before and after the Chernobyl accident. Radiat. Environ. Biophys., Vol. 35: 75-80. Ivanov E.P., V.E. Ivanov, U. Shuvaeva, G. Toloko, S. Becker, A.M. Kellerer, E. Nekolla (1997). Blood disorders in children and adults in Belarus after the Chernobyl nuclear power plant accident. International Conference One decade after Cherobyl: Summing up the consequences of the accident. Poster presentations, Vol. l, Vienna, p. 111-125. (suite)
|
suite:
Keirim-Markus I.B., E.D. Kleshchenko, K.K. Kushnereva (1995). Individual-dose distribution for the population in different regions with radioactive contamination. Atomnaya energia, Vol. 78 (3), p. 204-207. (Atomic Energy, Vol. 78 (3), 1995, p. 203-207) Kenigsberg Y.I., VE. Minenko (1995). Collective exposure doses of population of Belarus after the Chernobyl accident and prognosis of stochastic effects. Nine years after Chernobyl: Medical consequences, Ministry of Health, Minsk, p. 61-69. Kreisel W., A. Tsyb, N. Krishenko, O. Bobyleva, N.P. Napalkov, T. Kjellstrom, R. Schmidt, G. Souchkevitch (1996). WHO updating report on the WHO conference on Health consequences of the Chernobyl and other radiological accidents, including results of the IPHECA Programme. One Decade After Chernobyl. Summing up the Consequences of the Accident. Proceedings of an International Conference, Vienna, p. 85-99. Krivoruchko K., A. Naumov (1997). Reconstruction of dose loads on population in the initial period of the Chernobyl accident and estimation of thyroid cancer risk in Belarus. Proceeding of the International symposium Actual Problems of Dosimetry, Minsk, p. 167-173 Lazjuk G. (1996). Dynamic of hereditary pathology in Belarus and Chernobyl disaster. Ecological, medicobiological and socio-economic consequences of the Chernobyl NPP Disaster in Belarus, Ed. E.F.Konoplya and I.V.Rolevich. Minsk, pp. 162-169 Lazjuk G., D. Nikolaev. I. Novikova (1996). Dynamics of Congenital and Hereditary Pathology in Belarus in view of the Chernobyl Catastrophe. Medicine, 3 (12): 7-8. Nomura T. (1982). Parental exposure to X rays and chemicals induces heritable tumours and anomalies in mice. Nature, Vol. 296 (5857): 575-577. Nomura T. (1984). High sensitivity of fertilised eggs to radiation and chemicals in mice: comparison with that of germ cells and embryos et organogenesis. Cong. Anom., Vol. 24: 329-337. Nomura T. (1988). X-ray and chemically induced germ-line mutation causing phenotypical anomalies in mice. Mutat. Res., Vol. 198: 309-320. Oftedal P. (1991). Biological low-dose radiation effects. Mut. Res.. Vol. 258(2): 191-205. Okeanov A.E., G.V.Yakimovich (1996). Epidemiological assessment of induced malignant neoplasms in Belarus following the Chernobyl accident. One decade after Chernobyl: Summing up the consequences of the accident. Poster presentations, Vol. I, Vienna, p. 126-129. Okeanov A.E., SM. Polyakov (1996). Risk of oncological disease among the liquidators. One decade after Chernobyl: Summing up theconsequences of the accident. Poster presentations, Vol. 1, Vienna. pp. l30-l33. One Decade After Chernobyl. Summing up t/he Consequences of the Accident. Proceedings of the International Conference, Vienna (1996). Petridou E., D. Trichopoulos. N. Dessypris, V. Flytzani, S. Haidas, M. Kalmanti, D. Koliouskas, H. Kosmidis, F. Piperopoulou, F. Tzortzatou (1996). Infant leukaemia after in utero exposure to radiation from Chernobyl. Nature, Vol. 382: 352-353. Pierce D.A., Y. Shimizu, D.L. Preston, M. Vaeth, K. Mabuchi (1996). Studies of the mortality of atomic bomb survivors. Report 12, part 1. Cancer: 1950- 1990. Radiation Research, Vol. 146 (1): 1-27. Rolevich I.V., I.A. Kenik, E.M. Babosov, G.M. Lych (1996). Social, economic, institutional and political impacts. Report after Belarus. One Decade After Chernobyl. Summing up the Consequences of the Accident. Proceedings of the International Conference, Vienna, p. 411-428. Shima A., A. Shimada (1988). Induction of mutations in males of the fish Oryzias latipes at a specific locus after irradiation. Mut. Res., Vol. 198, p. 93-98. Streffer C., R. Tanooka (1996). Biological effects after small radiation doses. Int. J. Radiat. Biol., Vol. 69 (2), p. 269-272. The International Advisory Committee. The International Chernobyl Project. Assessment of Radiological Consequences and Evaluation of Protective Measures, Technical Report, IAEA, Vienna, 1991. Tsyb A.F. (1997). Medical consequences of the Chernobyl accident. The Third Internat. Congress on Radiation Research. Abstracts, Vol. l. Moscow, pp. 15-16. United Nations. Sources, Effects and Risk of Ionizing Radiation. United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation, 1988, UNSCEAR Report of the General Assembly, with annexes. United Nations, New York, 1988 (1): 35-44. Wing S.. D. Richardson, D. Armstrong, D. Crawford-Brown (1997). A reevaluation of cancer incidence near the Three Mile IsIand Nuclear Plant: The Collision of Evidence and Assumptions. Environmental Health Perspectives, Vol. 105(1): 52-57. Worgul B.V., Y. Kundiev, I. Likhachev, N. Sergienko, A. Wegener, C.P. Medvedovsky. (1996). Use of subjective and nonsubjective methodologies to evaluate lens radiation damage in exposed populations - an overview. Radiation Environmental Biophysics, Vol. 35(3), 137-144. p.26
|