La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°199/200

DES ÉNERGIES DU DÉSESPOIR AUX ÉNERGIES DU FUTUR
ou
Les énergies renouvelables comme instruments de Paix
Yves Renaud
webmaistre de la Gazette Nucléaire
Président du SOLAR Club du CERN 
Avertissement
    Cet article avait été commencé avant les "événements du 11 septembre 2001; l'actualité m'a rattrapé et il m'était apparu impossible de ne pas faire de lien avec la problématique énergétique; cependant, dans le cadre du "Graviton" (*), mensuel de libre-expression du CERN, il ne sera fait état ni de la dimension religieuse, ni de politique des belligérants. De plus, la complexité, à la fois des problèmes à aborder et des domaines explorés, motive la longueur inhabituelle de cette chronique, mais impose une nécessaire simplification que j'espère à l'abri du simplisme.

La Violence

    Notre petitesse face à l'apparition de la violence est une des interrogations incontournables depuis le fameux… "Big-Bang". Elle est un sujet très complexe qui peut provenir de différents domaines: religion, économie, politique, éthique et tant d'autres. Force est malheureusement de constater notre participation active à une culture de violence contribuant ainsi à produire l'insécurité. Face à cela, est-il raisonnable de rester insensible ? Dans le contexte actuel, la violence provient essentiellement de la lutte pour «mettre la main» sur les sources d'énergie fossiles, notamment le pétrole.
    Vous me direz: «mais de là à parler d'énergies du désespoir» ! Il s'agit en l'occurence d'une paraphrase du monde des "énergies alternatives”: «sans énergies, pas d'énergie ! » (Fondation Energies pour le Monde http://www.fondem.org/s_accueil.asp). Résumons en quelques points les multiples violences survenant aussi bien lors de l'approvisionnement que de la production énergétique issue des ressources fossiles.
    Violence sur l'environnement: le creusement des mines provoque la pollution de l'atmosphère, de la terre et de l'eau, alors que l'énergie nucléaire peut entraîner des accidents comme celui de Tchernobyl (et d'autres non avoués ou minimisés).
    Violence sur les êtres humains: maladies et accidents de toutes sortes de plus en plus fréquents; déplacements de multitudes de personnes, etc. et même lors de la construction de barrages pour l'énergie hydraulique. Finalement, la violence frappe autant ceux dont le sol est "riche" en fossiles que ceux qui n'en possèdent pas. Les premiers parce qu'on les dépouille à vil prix et les seconds qu'on veut ignorer ou à qui l'on ne permet souvent même pas d'accéder aux énergies renouvelables. Nous ne mentionnerons les changements climatiques que pour rappeler une certitude : nous serons tous affectés, mais le Sud en premier.
    Il existe une autre menace dont on ne parle pas beaucoup, précurseur d'une violence pourtant évidente et peut-être délibérément évacué pour cette raison. Je me réfère au moment de l'épuisement des puits de pétrole. Que va-t-il se passer ? Au-delà de l'attitude d'évacuation : “la Science trouvera "bien" une solution“ (pour les pays riches, qui auront plus pu s'y préparer), que sera l'après pétrole des pays fournisseurs? Pouvons-nous imaginer n'en subir aucune conséquence par les multiples déséquilibres qui en résulteront?
    Rien de plus destructeur que l'énergie d'un instant, celle de la violence; mais quoi de plus renouvelable que les énergies de toujours, celles du soleil ? Lentement sortis de l'âge des cavernes, allons-nous sortir de la culture des matières fossiles, à défaut d'être sorti de l'âge des “casernes“ ? (paraphrase de Théodore Monod). C'est ce dont nous allons tâcher de parler maintenant, avec l'aide de la figure parlante ci-dessous :

Mort de la terre
(Le Monde, 27/09/01)
Toutes interprétations sont libres, nourrissant la réflexion lors de la lecture…

L'Energie

 
    En voyant les difficultés qu'a le “courant“ pour passer entre les différents acteurs, un "alternatif" (défenseur des énergies alternatives) ne pourra pas éviter d'aborder les relations entre énergie et politique(s). Pour preuve, j'emprunte au CUEPE (Centre Universitaire d'Etude des Problèmes de l'Energie de l'Université de Genève ; http://www.unige.ch/cuepe/), l'introduction à son dernier cycle de conférences:
    «Le débat sur l'énergie et ses effets environnementaux soulève de profondes controverses. Il suffit de mentionner les discussions sur les changements climatiques, l'énergie nucléaire ou le rôle que les énergies renouvelables sont appelées à jouer dans l'avenir, pour rappeler leur ampleur. Pour les citoyens, dans ces conditions, il est très difficile de se faire une opinion et d'exprimer un vote lors de référendums. Les décideurs doivent trancher entre un ensemble de propositions et jugements divergents, quand ils ne font pas partie, eux-mêmes, d'un camp déterminé. Même les experts, la plupart du temps, expriment des jugements controversés
    Il ne fait plus aucun doute que le pétrole est au centre des conflits qui font l'actualité, notamment à cause des "pipe-lines" traversant ou devant traverser l'Afghanistan. N'est-il pas évident que les pays riches, au-delà du droit légitime à l'énergie, continuent à faire main basse sur les matières premières? Les trois caractéristiques essentielles définies par le CME (Conseil Mondial de l'Energie) pour l'énergie du futur sont: disponibilité - accessibilité - acceptabilité. Quelles sont les énergies en mesure d'y répondre? Les énergies renouvelables ("ER") sont parfaitement capables de satisfaire les trois critères ci-dessus et les seules en mesure de répondre au vide de solidarité et de sociabilité découlant de l'absence de débats entre citoyens et experts" sur l'approvisionnement énergétique.
    Pour les autres formes d'énergies, il faut rappeler la fragilité de la sophistication, la vulnérabilité de la centralisation de l'énergie, alors que la globalisation de l'économie implique la généralisation de concentrations et la multiplication d'accidents.
Contre les inerties fossiles, les énergies nouvelles !
 
    En effet, le soleil met à notre disposition une gigantesque centrale thermonucléaire qui présente l'avantage de donner son énergie tout en gardant ses déchets et qui ne tombe jamais en pannes! Son plus gros handicap ne serait-il pas, au contraire des énergies non renouvelables, qu'étant disponible pour toujours et pour tous, il ne peut être centralisé et monopolisé? Les gouvernements n'aiment donc guère privilégier une telle énergie, capable de favoriser l'indépendance de régions (au sens géopolitique) qui n'ont, à leurs yeux, que trop tendance à rechercher leur autonomie.
    Ne serait-il donc pas temps de redécouvrir les énergies renouvelables en tant que ressources de chaque région et de chaque pays? 
 Pourquoi faut-il s'obstiner à vouloir résoudre depuis l'occident et de la même manière, la problématique énergétique de pays tellement différents? Dans des contextes différents, des problèmes globaux exigent une adaptabilité des solutions, adaptabilité à rajouter à la trilogie du CME citée plus haut.
    Pour faire la transition entre le précédent chapitre et le prochain, il est permis de douter des volontés disponibles tant que nous n'aurons pas compris qu'en fait la fameuse formule de Clausewitz - «War is merely a continuation of politics" by other means» se traduit hélas souvent à l'envers: «La politique est la continuation de la guerre avec d'autres moyens»!
Économie politique
 
    Personne ne peut plus nier la nécessité de modifier durablement nos comportements et pourtant quels sont les conseils que nos dirigeants nous donnent? Recommencez à consommer! Ceci revient à associer le gaspillage et ses multiples conséquences à un geste civique !
    La croissance durable est une utopie impossible à tenir et les politiques qui se fondent sur ce concept sont irréalistes, voire dangereuses, en parant au plus pressé avec des recettes d'autrefois. 
Courte démonstration: une augmentation de 2% par an, qui semble bien modeste et raisonnable, correspond à une véritable explosion quand on raisonne à long terme: le doublement étant obtenu en moins de 35 ans, avec multiplication par 8 au bout d'un siècle et par 64 après seulement deux siècles! Vouloir toujours plus, c'est donc suicidaire !
    Vous voulez de l'énergie à n'importe quel prix? Vous voulez du confort sans éthique? Vous en aurez! Mais comment fournir de l'énergie à ce prix sans violence? Est-ce cela qu'on appelle «l'inévitable prix à payer » ou «risque acceptable») pour le “progrès”? Le rêve de toute-puissance et le confort des nantis ne sont que ceux des inerties!
Conclusions
 
    Le défi n'est donc pas seulement technologique, il est éminemment politique. Actuellement, la moitié du potentiel scientifique et technique mondial (consacré pour moitié aux recherches spatiales, militaires et nucléaires…) est utilisée pour développer des techniques qui ne peuvent pas intéresser les habitants des pays pauvres, c'est-à-dire plus de la moitié du globe. En renonçant à répéter les erreurs du passé, en développant des techniques plus simples et accessibles, les énergies renouvelables pourraient participer à réaliser le développement durable et donc jouer le rôle de stabilisateur social en étant instruments de paix.
    J'espère avoir pu et su souligner la nécessité d'un "autre regard", alternatif aux habitudes actuelles techniques, économiques et surtout politiques. Après avoir tenté de cerner le fait que le pétrole est l'essence de la guerre, outre celui de nos moteurs et de l'économie, souhaitons que le "principe de précaution" nous apprenne à reconnaître… "l'essence" de notre destin humain qui, par manque d'humanité, ne nous laisse d'autre choix que l'humanitaire, sorte "d'après-vente" de la guerre.
    Même si la paraphrase est facile, comment ne pas penser que sans énergies renouvelables, le monde ne se renouvellera pas?
    Je fais appel à Albert Jacquard pour ma conclusion, tout en gardant à l'esprit que le fait scientifique est évolutif : «Le (…) scientifique (…) donne l'alerte lorsqu'il voit se répandre des contrevérités ou quand il assiste à des actes inacceptables. (…)[Et] ne pas accepter l'inacceptable, c'est [finalement] entrer en politique».
«Science sans conscience n'est que ruine de l'âme» (Rabelais)

@

(*) Les personnes intéressées pourront trouver ci-dessous quelques autres chroniques du même auteur, dans le domaine de l'énergie et/ou de l'écologie:
Graviton


Retour vers la G@zette N°199/200