La G@zette Nucléaire sur le Net! 
Gazette N°219/220

Examen critique du programme de recherche de l'ANDRA
pour déterminer l'aptitude du site de Bure
au confinement géologique des déchets à haute activité et à vie longue
Institut pour la recherche sur l'énergie et l'environnement (IEER)
pour le Comité Local d'Information et de Suivi
Sommaire et recommandations (11 janvier 2005)

préparé par
Arjun Makhijani, Ph.D. Directeur du Projet
Annie Makhijani, Coordinatrice du projet
Traduction, Annie Makhijani
Relecture et vérification de la traduction, Annike et Jean-Luc Thierry

Le webmaistre vous propose également la lecture de Energie et Sécurité (en français!) du même site de l'IEER


Conclusions Principales et Recommandations

     En France, 80% de l'électricité est d'origine nucléaire. Elle est produite dans un parc de 58 réacteurs. Le combustible usé sorti de ces réacteurs, est retraité pour partie à l'usine de COGEMA - La Hague. Ce retraitement partiel conduit à des déchets de haute activité, conditionnés dans une matrice de verre et à des déchets de moyenne activité, contenant en quantité significative des émetteurs à vie longue dit déchets B. La partie non retraitée comprend le reste des combustibles UOX et tous les combustibles MOX. 
     L'évacuation du combustible usé et des déchets hautement radioactifs dans un centre de stockage géologique profond est généralement considérée comme un aspect central de la gestion à long terme de ces matières. Cet aspect de la gestion à long terme est pris en compte dans l'Axe 2 de la loi française sur les déchets nucléaires. En application de cette loi, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), l'organisme responsable de la recherche d'un site pour le confinement géologique, a procédé à des investigations sur un site d'argilite dans la région de Meuse/Haute-Marne.
     Le principal critère que nous avons retenu dans l'évaluation du programme de recherches de l'ANDRA a consisté à déterminer si le programme global, comme ses divers éléments, permettra d'émettre des jugements scientifiques valides sur l'aptitude du site au confinement géologique de déchets radioactifs à longue durée de vie et de combustibles usés. La présente étude s'est servie des données détaillées précisées dans la Règle III.2.f comme principaux critères pour l'évaluation de la recherche, parce que ceux-ci définissent les objectifs de recherche qui doivent être obtenus pour la sûreté du stockage de longue durée, notamment les critères de radioprotection recommandant de limiter les doses à moins de 0,25 mSv par an.
  Nous avons formulé de nombreuses recommandations, qui font l'hypothèse que la recherche se poursuivra sur de nombreuses années. Ceci ne doit pas être interprété comme une approbation de la poursuite des travaux dans le cadre du bilan qui doit être entrepris en France en 2006. Notre mandat porte sur ce qui devrait se passer si la décision de continuer les travaux est prise. En réalité, l'une de nos principales conclusions est que la poursuite de la recherche ne doit pas préjuger de la faisabilité de la construction d'un centre de stockage géologique à Bure, parce qu'un tel jugement est très prématuré.

Principales conclusions générales

     Le programme de l'ANDRA utilise des techniques de pointe dans quelques domaines, il est satisfaisant dans d'autres. Et même, dans quelques cas, il est insuffisant voir absent. Certaines conclusions globales se sont dégagées de notre évaluation détaillée. Ici, nous présentons  ces conclusions et certaines des recommandations qui en découlent.
suite:
     1. Dans plusieurs domaines précis, comme la caractérisation du terme source, la mécanique des roches ou la recherche générale sur le changement climatique (le programme BIOCLIM), le programme de recherche de l'ANDRA, tel qu'il est effectué ou envisagé, fait appel à des techniques de pointe. 
     2. Il existe des structures institutionnelles qui assurent la supervision scientifique du travail de l'ANDRA. C'est une garantie importante. Le fait que le CLIS, organe constitué dans le cadre de la loi française sur les déchets nucléaires, dispose de la possibilité de commander un rapport d'évaluation indépendant, assure un niveau de surveillance complémentaire. De fait, comme cette évaluation a été mise en oeuvre en dehors du cadre d'un organisme constitué par l'ANDRA ou le gouvernement français, elle peut être considérée comme présentant un niveau de surveillance indépendante inhabituel dans le cas des programmes de sites d'enfouissement. 
     3. Le programme de recherche de l'ANDRA n'est pas suffisamment transparent pour permettre d'émettre des avis indépendants sur de nombreux aspects de ce programme dans les délais impartis. 
     4. Bien que les évaluations préliminaires de l'ANDRA figurant dans le Dossier 2001 Argile faites avec un faible coefficient de diffusion fassent apparaître un respect de la recommandation de limite de dose, ce n'est pas le cas pour le scénario "altéré". Plus précisément, le scénario faisant intervenir une défaillance des scellements indique une dépendance excessive par rapport à un seul élément du système de confinement. Ceci montre que l'ANDRA doit accorder plus d'attention à l'aspect terme source de son programme en tant qu'élément de son modèle conceptuel. Dans l'ensemble, l'évaluation de la performance, dès les premières étapes de l'estimation méthodologique, doit être suffisamment solide parce qu'elle dépend, certes de multiples barrières mais aussi de multiples raisonnements.
     5. L'ANDRA doit encore effectuer une quantité considérable de travaux de recherche essentiels sur la roche hôte du site dans un certain nombre de secteurs. Dans certains secteurs, l'ANDRA n'a pas même formulé de programme détaillé, par exemple en ce qui concerne certains aspects de la recherche in situ dans le laboratoire souterrain.
     6. Une évaluation de performance scientifiquement valide visant à déterminer la faisabilité de la construction d'un site de stockage avec confinement géologique sur le site de Bure n'est pas possible en l'état actuel des recherches. De nombreux éléments déterminants du programme de recherche sont incomplets sur des aspects essentiels, ou n'ont pas même été entrepris.
p.18

Par exemple, avant qu'un tel avis puisse être considéré comme scientifiquement valide, l'ANDRA aura à traiter des aspects comme:
     - Recherche sur les scellements à l'intérieur de la roche hôte après une caractérisation in situ de cette roche ;
     - Caractérisation des petits réseaux fracturés et des plans de stratification qui pourraient être importants pour la création d'une évaluation réaliste de l'EDZ ;
     - Production de gaz en relation avec les fractures.
     Par ailleurs, de nombreuses composantes de la recherche sur la mécanique des roches et la charge thermique sont insuffisantes ou absentes (voir conclusions et recommandations pour les chapitres 2 et 3). Il s'agit là d'un problème crucial du programme de recherche de l'ANDRA, étant donné le rôle central que l'EDZ ou la réparation de l'EDZ doit jouer dans l'évaluation de la performance. Pour réduire les incertitudes sur la performance, il faudrait beaucoup plus de recherches dans ces domaines et, à certains égards, les aspects détaillés de cette recherche devraient prendre des formes différentes de celles qui sont actuellement prévues par l'ANDRA (par exemple dans le domaine des scellements). Beaucoup de travail reste à faire sur le couplage de divers éléments détaillés, par exemple dans le couplage des fractures induites par l'EDZ avec les fractures naturelles, et dans celui du terme source avec la géochimie en champ proche.

Principales recommandations globales

     1. La supervision scientifique indépendante du programme de l'ANDRA doit être poursuivie dans le cas où le Parlement français déciderait de poursuivre les recherches au-delà de 2006. 
     2. L'ANDRA doit mettre sur son site Internet tous les documents relatifs au programme de recherche en cours (évaluation des performances, données brutes sur la carothèque, données sismiques utilisées pour caractériser le site, données de forage), aussitôt que ces données sont validées pour une utilisation en interne. Les modèles doivent être accessibles au public, accompagnés de l'ensemble des hypothèses sur les paramètres et les incertitudes, de façon à pouvoir effectuer plus facilement et plus efficacement un travail d'évaluation indépendante. Les résultats détaillés et actualisés sur les projets, le calendrier, la recherche, la modélisation et l'évaluation des performances doivent également être facilement accessibles au public.
     3. Étant donné les incertitudes relatives à l'évolution de l'EDZ et à ses performances, un modèle conceptuel qui suppose une réduction du terme source, par exemple, en reprenant la conception des emballages de déchets (et/ou par d'autres moyens) doit être élaboré, et un programme de recherche doit être créé sur cette base. Un programme de reprise de la conception des emballages pourrait comporter des investigations sur des emballages plus durables, des caractéristiques thermiques différentes pour le centre de stockage et une géochimie en champ proche différente. L'ANDRA ne dispose pas d'un tel programme pour le moment.
     4. L'ANDRA doit mettre en oeuvre un programme détaillé de recherche souterraine dans le laboratoire souterrain prévu au niveau de la roche hôte. Elle doit élaborer et présenter en détail un programme de recherche dans les domaines où aucun n'existe actuellement. Plusieurs aspects d'un tel programme de recherche souterrain, par exemple pour la poursuite d'essais avec des éléments chauffants et les tests in situ sur les interactions entre emballages de déchets et roche hôte prendront un temps considérable. 
     5. L'ANDRA devrait élaborer une stratégie pour traiter des incertitudes dans chaque domaine spécifique et dans l'ensemble de son programme de recherche et de son évaluation de la performance.

     Chapitre 1: Implications de la recherche sur les normes de la dose, l'évaluation de la performance des scénarios et les facteurs externes  (Arjun Makhijani)

     Conclusions principales
Le choix par l'ANDRA du groupe critique pour son évaluation de la performance du site qui maintiendrait la dose en dessous de 0,25 mSv/an n'est pas l'option nécessairement la plus conservative.
     Le choix par l'ANDRA de l'exutoire Marne-Rognon comme point d'évaluation de la performance n'est pas nécessairement conservateur.  Le choix d'un puits utilisé par une famille d'agriculteurs en autarcie, situé entre l'emprise du stockage et l'exutoire Marne-Rognon, pourrait s'avérer un choix plus prudent. 

suite:
Malgré l'affirmation par l'ANDRA dans le Dossier 2001 Argile que son évaluation de performance préliminaire s'appuie sur des hypothèses conservatrices, il apparaît des éléments non conservateurs dans l'évaluation de performance préliminaire de l'ANDRA.  Par exemple, la production de gaz n'est pas intégrée.  En outre, les calculs d'évaluation préliminaires de l'ANDRA effectués à des fins de démonstration de la méthodologie font apparaître l'éventualité d'une dépendance excessive de la performance par rapport à un élément unique, les scellements. S'il s'avère nécessaire d'ajouter des éléments au système de confinement, comme des conteneurs de déchets plus durables, ceci pourrait considérablement alourdir le programme de recherche.
     L'ANDRA a réalisé une recherche utile des ressources géothermiques dans la zone du site Meuse/Haute-Marne et l'a ajoutée aux bases de données existantes.  L'ANDRA n'a pas encore élaboré de programme de recherche destiné à réduire simultanément le risque d'une intrusion humaine accidentelle et celui de l'intrusion humaine délibérée.  Ce problème n'est bien sûr pas propre à l'ANDRA. Il représente un aspect particulièrement difficile du confinement géologique.  Il s'agit néanmoins d'une question qui doit être traitée. 
     L'ANDRA a participé à un programme de recherche, reflétant l'état des connaissances, sur le développement de méthodes d'évaluation de l'impact du changement climatique sur le confinement géologique (BIOCLIM).  Malgré l'intégration des dernières connaissances en ce domaine, les travaux sont loin d'être parvenu à un point où des estimations régionales fiables peuvent être faites pour être utilisées pour une évaluation de performance et donc pour les implications des changements climatiques sur le programme de recherche, le modèle conceptuel et l'étude conceptuelle du système de confinement géologique sur le site de Meuse/Haute-Marne.  Ce problème n'est bien sûr pas propre à l'ANDRA. Toutefois, l'emplacement du site renforce l'importance d'une étude des effets des changements brutaux de la circulation thermohaline sur l'évaluation de la performance, le modèle conceptuel et l'étude conceptuelle.  De nombreuses recherches sur le climat seront nécessaires avant qu'une approche fiable puisse être élaborée pour une application réelle à l'évaluation du site.

Recommandations principales
     1. Hypothèse concernant l'emplacement du prélèvement de l'eau L'ANDRA devrait orienter ses recherches de manière à être capable de procéder à une évaluation de performance à partir des eaux souterraines prélevées entre la limite de l'emprise du stockage et l'exutoire Marne-Rognon.
     2. Clarification du scénario du fermier vivant en autarcie ANDRA devrait adopter le scénario du fermier vivant en autarcie et clarifier son intention d'utiliser une famille d'agriculteurs vivant en autarcie, y compris femme et enfants, pour ses évaluations de performances relatives à la limite de dose de 0,25 mSv.  Si un autre scénario s'avérait plus conservateur du point de vue du respect des critères de dose, il peut être adopté, en prenant toutefois la précaution que des femmes et des enfants figurent dans le groupe critique.
     3. Redondance Il existe des éléments non conservateurs dans l'évaluation préliminaire de performance de l'ANDRA.  Les doses élevées estimées en cas de défaillance des scellements et de haut gradient hydraulique soulignent la nécessité pour l'ANDRA d'envisager des modèles conceptuels alternatifs et éventuellement d'inclure des conteneurs de déchets qui sont beaucoup plus durables que ceux actuellement prévus.   Plus précisément, il serait souhaitable qu'un programme de recherche analyse la façon dont la fiabilité des évaluations de dose serait affectée si les conteneurs choisis étaient comparables à ceux du programme suédois (un million d'années) et le type de programme de recherche sur les colis de déchets qui devrait être mis en oeuvre si l'option suédoise apparaissait souhaitable ou nécessaire. La recherche sur la façon dont les colis de déchets pourraient réduire l'impact des incertitudes d'importants changements climatiques sur la performance serait aussi souhaitable. 
     4. Recherches sur les ressources géothermiques L'ANDRA devrait effectuer des  recherches plus intenses pour définir les ressources géothermiques pour pouvoir arriver à des conclusions plus définitives sur le potentiel de son utilisation dans la région et ses implications en termes d'intrusion humaine.

p.19

     5. Marquages L'ANDRA devrait étudier la question des marquages et le conflit qu'ils pourraient éventuellement susciter entre intrusion humaine accidentelle et intrusion humaine délibérée. Cette étude devrait présenter une étude détaillée des alternatives aux marquages de surface.
     6. Taille de l'emprise du stockage L'ANDRA devrait traiter les questions relatives à la taille de l'emprise du stockage.  Elle devrait étudier l'adéquation du concept de stockage qu'elle prévoit à la fois dans le contexte du scénario de base et dans un contexte de risque d'intrusion humaine délibérée.  Étant donné que l'exploration de surface des minéraux est déjà bien avancée, l'ANDRA devrait procéder à des recherches pour comparer les avantages et les inconvénients respectifs d'une vaste emprise horizontale, qui permettrait d'atteindre des températures plus faibles et d'une emprise plus restreinte qui pourrait réduire le risque d'intrusion humaine (à la fois accidentelle et volontaire, mais pas obligatoirement pour l'intrusion volontaire si l'intensité des anomalies thermiques et géomagnétiques est augmentée).
     7. Recherches paléo-climatiques Nous recommandons que l'ANDRA complète sa recherche paléo-climatique au sein de BIOCLIM par un programme de recherche paléo-environnemental (portant sur la paléo-climatologie et la paléo-hydrologie) effectué à partir de spéléothèmes provenant de la région est du Bassin parisien, avec les méthodes les plus récentes. 
     8. Recherches sur le changement climatique spécifiques au site Dans la publication de la prochaine étape de son programme sur le changement climatique en 2005, l'ANDRA devrait intégrer un plan de recherches détaillé qui préciserait comment le travail effectué au sein de BIOCLIM sera développé pour fournir des estimations de paramètres climatiques spécifiques à la région et qui seront suffisamment fiables pour permettre une évaluation de performance avec des incertitudes évaluées sur une période allant jusqu'à 10.000 ans et avec des paramètres dont le caractère conservateur est démontré pour la période ultérieure.  Un besoin de recherche tout particulier est nécessaire pour l'élaboration de l'impact régional des changements de la CTH induits par des phénomènes naturels et anthropiques.

Chapitre 2. Mécanique des roches (Jaak Daemen)

     Conclusions principales
     Le programme de l'ANDRA sur la géomécanique aborde la plupart des principales questions géomécaniques dont la résolution est nécessaire. D'excellentes recherches en laboratoire et études de modélisation ont été achevées ou sont en cours, la poursuite de ces activités doit être vivement encouragée. Un travail de qualité sur le terrain (par exemple de diagraphie des forages) est en cours. Il ne peut cependant remplacer des investigations in situ à grande échelle.
     Un problème crucial tient au fait que l'essai simulé d'un scellement de saignée dans le laboratoire souterrain risque de ne présenter qu'un intérêt marginal. Il est envisagé de procéder à cet essai très peu de temps après le creusement et après une très courte période de temps comparativement à la durée des exigences de performance, et même par rapport à la période pendant laquelle l'EDZ va réellement se développer, avant la mise en place du scellement. Ceci n'est ni convaincant ni satisfaisant. Il est difficile de comprendre comment et pourquoi l'augmentation de la composante de contrainte parallèle aux parois de la galerie réduirait la perméabilité dans cette direction ou comment un vérin plat pourrait simuler un scellement en argile gonflante, sinon de manière très rudimentaire. 
     Ni les essais de laboratoire, ni la modélisation, ni les essais sur le terrain envisagés sur la mécanique des roches ne semblent directement traiter des questions relatives à l'influence éventuelle de discontinuités sur divers aspects de la performance du stockage, stabilité du creusement, EDZ, déformations à long terme, réversibilité, scellement, remblai et charge des déchets mis en place, exigences de soutènement/armature. Les études in situ nécessaires prendront, au minimum, plusieurs années.
     Il est important d'effectuer des recherches sur les effets des cycles de déshydratation/réhydratation dans des roches comme les argilites. Les essais de durabilité par immersion sont assez largement utilisés, particulièrement pour les siltites, et peuvent être pratiqués rapidement et à un coût modique.
suite:
Ils peuvent fournir un outil de recherche efficace pour l'étude de la variabilité spatiale ainsi que de l'hétérogénéité d'une éventuelle détérioration de l'argilite. Aucun ne semble être envisagé.
     L'ANDRA reconnaît que l'ancrage des scellements pourrait demander le retrait du soutènement/de l'armature, ainsi qu'un creusement supplémentaire, et que ces activités doivent être effectuées sans réactiver la zone perturbée/endommagée et, surtout, sans engendrer une propagation plus profonde de ce dommage ou de cette perturbation.  On ne sait toutefois pas très bien si une attention particulière a été accordée à cette question pour déterminer si et comment cela pourrait être réalisé, notamment, étant donné qu'au moment où cette opération pourrait avoir lieu, il paraît probable que le soutènement/l'armature sera peut-être en place depuis de nombreuses années, voire des décennies, et aura été soumis aux effets combinés de lourdes charges, de fortes contraintes, et peut-être de déformations importantes.
     Les variables fondamentales décrivant l'interaction roche-support laquelle détermine l'ampleur et la gravité des éventuels dommages aux ouvrages sont bien définies. Par contre il n'est pas précisé s'il est envisagé des études in situ pour déterminer numériquement les actions à prendre pour réduire les dommages à un niveau acceptable, ou même si cette approche est réellement prise en compte dans les recherches, la conception ou la programmation du stockage.
     Notre crainte que le choix, par l'ANDRA, de la résistance de la roche n'est pas conservatif est renforcée par des éléments indiquants que des dommages peuvent être initiés bien avant que la résistance maximale soit atteinte et que la résistance à de faibles taux de charges apparaît inférieure, d'une façon mesurable, à ce qu'elle est pour des taux de charge plus élevés.  Le choix de valeurs de dimensionnement éventuellement non conservatrices pour la résistance est particulièrement troublant au vu des exigences de stabilité à long terme pour cette structure et du besoin reconnu de réduire au maximum l'ampleur de l'EDZ, et l'intensité des dommages quelconques dont elle pourrait souffrir.  On suppose que les observations in situ approfondies envisagées dans le laboratoire souterrain permettront une meilleure estimation de ce que seraient les "meilleurs" paramètres réels, et seront utilisées pour de tels exercices d'étalonnage.

     Recommandations
     - Compréhension approfondie de l'EDZ : Il est important de mettre en oeuvre tous les moyens possibles pour arriver à une compréhension approfondie de l'EDZ, de son comportement et de ses caractéristiques, notamment de son évolution dans le temps.  Il serait très souhaitable que l'ANDRA s'engage sur un programme prolongé d'essais géomécaniques in situ. 
     - Compréhension in situ et essai de scellement : Il semblerait plus pertinent d'essayer d'abord de développer une connaissance in situ plus réaliste de l'EDZ, de ses propriétés et de ses caractéristiques, avant de concevoir un système de scellement.  Il est essentiel qu'un véritable essai de scellement soit effectué in situ, en utilisant les technologies et les matériaux qui sont réellement prévus pour la fermeture finale de l'installation de stockage. 
     - Recherche approfondie sur les scellements : Un programme approfondi et réaliste de recherche in situ sur les scellements devrait comporter des recherches sur la façon de procéder avec l'EDZ, de mettre en place les scellements et de les tester.  Il serait très souhaitable qu'un tel programme comporte un volet plus complet et détaillé sur l'influence des pratiques de construction sur le développement et les caractéristiques de l'EDZ.  Des investigations complémentaires pourraient comporter une recherche sur les conséquences du retrait du soutènement/de l'armature, sur une éventuelle réactivation de la propagation de l'EDZ, et sur les technologies qui pourraient être utilisées pour réduire au minimum ou prévenir une telle réactivation. Dans l'idéal, une telle recherche devrait être menée dans un emplacement où le soutènement et l'EDZ ont subi les mêmes effets conjugués de charges mécaniques, thermiques, hydrologiques et chimiques (par exemple. à l'endroit où un essai avec éléments chauffants à l'échelle d'une alvéole? a été effectué). Ces types d'essais nécessiteraient un engagement minimum de plusieurs années.

p.20

     - Échelle spatiale des essais: Étant donné la variabilité et l'hétérogénéité intrinsèques de la plupart des masses rocheuses, et certainement de celles qui sont stratifiées, les essais doivent être pratiqués à une échelle spatiale permettant de prendre en compte un volume de masse rocheuse raisonnablement représentatif et sur une durée suffisamment longue pour que le facteur temporel du comportement soit correctement intégré. Cet exercice devrait comprendre des essais et une modélisation plus explicite des propriétés et du comportement des discontinuités, par exemple des plans de stratification et des diaclases dans la roche hôte.
     - Mont Terri et Bure: Il serait extrêmement souhaitable que l'ANDRA démontre plus formellement une éventuelle analogie entre Mont Terri et Bure. 
     - Impact des pratiques de construction des ouvrages: L'ANDRA devrait prendre en compte plus explicitement l'impact des pratiques de construction sur la performance de la sûreté du stockage, et envisager des recherches sur les choix de méthodes de construction dans le laboratoire souterrain, probablement après 2005. Il serait préférable d'essayer de réduire au minimum des dommages de ce type par des contrôles de la construction. 
     - Confiance statistique dans les essais de laboratoires dans certains domaines: Pour certains types d'essais en laboratoire le nombre d'essais effectués pourrait être trop limité pour avoir une signification statistique.  Nous recommandons que des essais supplémentaires des types entrant dans cette catégorie soient effectués aussitôt que possible, c'est-à-dire aussitôt que des spécimens peuvent être obtenus à partir des puits et/ou de la niche. 
     - Perte de résistance à des températures élevées: Bien que les résultats soient très loin d'être clairs, il semble que si l'argilite est exposée à des températures situées entre 80 et 100 °C il s'ensuit une perte de résistance. Une telle possibilité est plus que suffisante pour justifier des recherches plus approfondies.  De ce point de vue des essais in situ avec des forages munis d'éléments chauffants sont vivement recommandés.

     Chapitre 3. Aspects thermiques dans la conception et la construction des ouvrages d'enfouissement  (George Danko)

     Conclusions principales 
     Le concept de stockage de l'ANDRA n'est pas étayé par un modèle numérique crédible, qui satisfait aux objectifs thermiques.  Tout particulièrement, n'a pas démontré dans ses travaux la corrélation entre (a) le conception de stockage, (b) la caractérisation du site, et (c) la modélisation.
     Aucune évidence ne se trouve d'une évolution des modèles allant de modèles simples, puis de modèles d'ensemble, ou de modèles conceptuels pour aboutir à des modèles de conception du stockage et d'une évaluation du site.  Les possibilités d'évaluer les modèles en les comparant aux résultats expérimentaux directs ont été omises.  Les modèles simples décrits dans les documents ne semblent pas satisfaire à l'évaluation/la vérification des propriétés thermophysiques du site.
     La raison pour laquelle les résultats de modèles unidimensionnels sont incorporés dans la modélisation inverse des expérimentations in situ n'est pas claire; l'écoulement de la chaleur est loin d'être un problème linéaire et unidimensionnel.  Même le modèle analytique bidimensionnel pour un dispositif chauffant d'une longueur infinie s'avère être un modèle très médiocre pour un dispositif utilisant un élément chauffant de seulement 2 m de long.  La grande différence entre les modèles bidimensionnels, analytiques, et les modèles tridimensionnels, numériques disqualifie les autres modèles.  Il est même contestable que les conditions d'un modèle pour un domaine tridimensionnel qui postule des propriétés matérielles/physiques homogènes et isotropes soit satisfaisant, puisque la stratigraphie du site de Bure révèle des séquences dont les propriétés différent selon les différentes directions.

suite:
     La conductivité thermique, une des caractéristiques la plus importante du site thermophysique, n'a pas été proprement définie. L'écart-type de ce paramètre est exceptionnellement élevé. Il laisse donc une grande marge d'incertitude dans la capacité du site à dissiper la chaleur. Le nombre d'échantillons utilisés pour établir les propriétés thermophysiques du site à partir d'échantillons de laboratoire semble être trop petit, tout particulièrement quand la possibilité de variabilité spatiale des ces propriétés dans la zone prévue de stockage est prise en compte.
     Bien que le régime des températures selon le concept de stockage de référence se situe en dessous du point d'ébullition, il n'est pas impossible d'avoir une situation  où la température dépasse le point d'ébullition. Dans certaines circonstances le développement d'un système binaire stable  – c'est-à-dire un système caractérisé par des températures soit au dessus, soit en dessous du point d'ébullition - dans la zone de stockage est tout à fait possible La création d'un cycle de vapeur est par conséquent possible dans certaines conditions de charge thermique, notamment si le matériau tampon de remblayage ne se sature pas et que la zone endommagée ne se re-sature pas en raison de la perte d'eau dans la phase de vapeur causée par les zones de condensation de la zone de stockage.
     Puisque, dans la conception du stockage retenue, on peut s'attendre à des températures supérieures au point d'ébullition dans les modules de déchets de type C et de combustible usé pendant de longues périodes, ces modules peuvent développer des cycles de vapeur continus dans la zone de stockage et cela pendant des siècles.  Cependant, aucun effort de réévaluation n'a pu être trouvé dans la documentation traitant de la détermination "d'une charge thermique critique" (CTC) pour chaque colis de déchets dans son aire de stockage.  La conception et l'exploitation d'une installation nucléaire de stockage dépassant la limite CTC au site de Bure semble être une contradiction en regard de la prévisibilité.
     Il n'existe dans les documents aucune discussion et aucune étude justificative de modèle sur l'effet de la ventilation sur la désaturation de la roche, la fissuration secondaire potentielle pendant la ventilation, et l'extension de l'EDZ qui s'ensuit.  L'exploitation souple de type entreposage est un voeu indiqué, mais les conséquences d'une telle souplesse en termes d'effets d'altération du site n'ont pas été établies.

     Recommandations
     1. Propriétés thermophysiques de Bure: Conduire une caractérisation plus détaillée du site de Bure concernant les propriétés thermophysiques, particulièrement celles des alvéoles dédiées au combustible usé
     2. Des essais thermiques in situ: Inclure les propriétés thermophysiques et la vérification du modèle thermique dans les essais de chauffage in situ à grande échelle sur le site de Bure
     3. Des techniques informatiques plus avancées: Employer des techniques numériques-informatiques de modélisation inverse plus sophistiquées pour l'évaluation des essais thermiques in situ sur le site de Bure.
     4. Modes pour les processus thermiques: Développer/adopter et vérifier des modèles numériques de base de conception pour les processus thermiques qui comprennent les domaines relatifs à l'échelle proche du colis de déchet, aussi bien qu'à l'échelle du massif. Coupler ces modèles aux effets thermo-hydrologiques et géomécaniques pertinents. 
     5. Limites de la CTC : Établir les limites de la CTC pour les alvéoles dédiées à recevoir le combustible usé en utilisant les propriétés du site et les modèles couplés thermo-hydrologiques-vapeur/air pertinents. 
     6. La migration de la vapeur à haute température : Étudier les effets éventuels (changements chimiques, minéralisation) de la migration à hautes températures de vapeur dans le matériau de remblayage comme dans les fractures de la zone endommagée dans l'argilite. 

p.21

     7. Effet de la ventilation pendant des durées prolongées: Évaluer d'une façon critique les effets de la ventilation sur la désaturation de la roche, la fissuration secondaire qui en résulte et l'extension de l'EDZ tout particulièrement dans le contexte d'une stratégie d'exploitation d'une installation d'entreposage pour laquelle les galeries pourraient être maintenues ouvertes et aérées pendant des durées prolongées.
     8. Modèle thermique-hydraulogique-de ventilation couplé . Utiliser un modèle de simulation thermique-hydraulique-de ventilation couplé pour l'analyse de la température et des champs de désaturation dans et autour des galeries de stockage dans l'EDZ , ceci pendant la période précédent la fermeture.

     Chapitre 4. Terme source et champ proche  (R.C.Ewing )

     Conclusions principales
     L'ANDRA a développé une stratégie d'ensemble pour modéliser le relâchement et le transport des radionucléides du terme source et leur transport dans le champ proche d'un stockage géologique dans l'argile. D'une façon générale ce programme a identifié les processus critiques, les radionucléides dont on attend l'impact le plus important sur les calculs de doses, et les données qui seront indispensable pour étayer les modèles qui seront utilisés pour l'évaluation de sûreté. Dans beaucoup de cas, c'est-à-dire pour le verre borosilicaté et le combustible usé, les données et les modèles se fondent sur l'état des connaissances de la recherche par les chercheurs français.
     En dépit du caractère complet et de l'organisation du programme de recherche de l'ANDRA tous les deux louables,  nombre d'analyses qui apparaissent dans les documents de l'ANDRA ne portent pas sur des mécanismes spécifiques ou sur les conditions environnementales qui seront rencontrées dans le site de stockage. Une grande partie du travail n'est qu'une compilation des données bibliographiques à laquelle il manque une synthèse qui situerait ces données dans la perspective d'un site de stockage spécifique, comme celui de Meuse/Haute-Marne.
     Bien que les divers volets du programme de recherche de l'ANDRA fassent souvent référence aux changements de la géométrie physique ou de la chimie de l'horizon du site de stockage en fonction du temps, il n'existe pas encore de représentation entièrement intégrée de l'évolution du site de stockage en fonction du temps. De nombreux processus importants dans le champ proche sont étroitement couplés, cependant il n'existe pas dans les documents de l'ANDRA d'analyse explicite qui indique que ces processus seront modélisés.
     Même si les incertitudes dans les données et les modèles sont reconnues par l'ANDRA dans toutes les discussions, il n'existe aucune analyse abordant la façon dont celles-ci seront caractérisées et quantifiées.
     Nous considérons que l'état actuel du programme scientifique n'a pas permis de recueillir suffisamment de données indispensables pour les modèles de l'ANDRA.  Des données supplémentaires seront nécessaires, principalement des données expérimentales à long terme et des essais in situ dans le laboratoire souterrain de Meuse/Haute-Marne. Du fait que beaucoup de données sont nécessairement spécifiques au site, il n'est pas possible de s'appuyer totalement sur des études effectuées sur d'autres sites (Mont Terri par exemple)
     Le fait que de grandes quantités d'informations soient dispersées dans différents documents a constitué une autre difficulté pour mener à bien cette revue. Les analyses résumées contiennent peu de détails et il n'existe toujours pas de synthèse de l'état des connaissances à l'appui du concept de stockage des combustibles usés et des déchets hautement radioactifs dans un site de stockage géologique situé dans le site Meuse/Haute-Marne. Idéalement une synthèse de cette nature devrait se trouver dans un document unique, référencé avec soin avec des données justificatives et spécifiques au site Meuse/Haute-Marne. Le rapport “ Safety Report for the project Opalinus Clay ” peut servir de modèle idéal pour l'analyse et la rédaction d'un document de ce type (NAGRA, 2002). Ce rapport expose de façon très claire la stratégie de stockage. Il analyse les données scientifiques justificatives, examine les "écarts possibles" par rapport au comportement prévu, décrit l'évolution du système de stockage en fonction du temps et finalement développe les éléments et principes essentiels du dossier d'options de sûreté.

suite:
Recommandations
     1.Conditions du site de stockage à divers intervalles de temps :
L'ANDRA devrait donner la priorité au développement d'une vision claire des conditions du site de stockage à divers intervalles de temps. Une connaissance claire de ces conditions est essentielle pour correctement modéliser le relâchement du terme source et du transport des radionucléides dans le champ proche.
     L'ANDRA devrait produire sans délai un document comparable a celui du rapport de sûreté de NAGRA 2002 comme référence pour le concept de programme de recherche qui sous-tendra le scénario de sûreté du site Meuse/Haute.
     Le programme scientifique de l'ANDRA est complet en ce sens qu'il aborde presque tous les aspects qui peuvent s'avérer pertinents pour la sélection d'un site et l'évaluation de sûreté de ce site. Cependant, la réflexion sur les types d'éléments qui seront nécessaires pour étayer les extrapolations sur le long terme du comportement modélisé du site n'a reçu qu'une attention très limitée. C'est un problème commun à tous les travaux visant à développer un stockage géologique pour les déchets nucléaires; malgré cela, l'ANDRA doit s'efforcer de développer une stratégie spécifique sur la manière dont elle apportera les justifications pour l'efficacité et la validité des modèles dont elle se sert dans le cadre de son évaluation de sûreté. La stratégie sera jusqu'à un certain point spécifique au site. Il est possible que les propriétés géologiques du site fourniront des données sur son comportement à long terme. Pour les modèles du terme source et du champ proche, les analogues naturels pourraient s'avérer très utiles. Pour d'autres paramètres (comme par exemple la surface d'un bloc de verre fracturé), des valeurs pénalisantes et limites pourraient être pertinentes. Quelle que soit l'approche, il est impératif que chaque composante de l'analyse traite clairement de la question de l'extrapolation des données sur le long terme ou leur interpolation sur le court terme. Un travail de cette nature n'apparaît pas clairement dans la série de documents actuels de l'ANDRA.
     Il existe deux raisons importantes pour le laboratoire souterrain de Meuse/Haute-Marne :1) Approfondir les connaissances sur le site; 2) Pouvoir mener dans la roche concernée des essais dont les dimensions puissent rendre compte de l'hétérogénéité et de la complexité du site actuel. L'ANDRA a décrit les types d'essais qu'elle espère mener dans le laboratoire souterrain de Meuse/Haute-Marne. Cependant, les détails techniques et les raisons de ces essais sont généralement absents des analyses présentes dans les documents que j'ai eu l'occasion de consulter. L'ANDRA devrait se donner pour objectif de produire un document unique présentant les essais in situ qu'elle mènera à bien dans le laboratoire souterrain de Meuse/Haute-Marne. Un tel document devrait être régulièrement remis à jour pour rendre compte des nouvelles connaissances et des changements dans des priorités de recherche.
     Dans toute analyse de sûreté des incertitudes demeureront, même pour un site géologique favorable soutenu par un excellent  programme scientifique. La nature et l'origine de ces incertitudes dépendent en partie du site en question. L'ANDRA n'a pas encore traité directement de la question des incertitudes dans son analyse de sûreté. Une des priorités de l'ANDRA devrait être la préparation d'une analyse sur les principales sources d'incertitudes dans son analyse de la performance du stockage sur le site de Bure. Une telle analyse peut jouer un rôle important pour orienter le programme de recherche vers les questions essentielles. La question des incertitudes sera au coeur de toute analyse scientifique pour justifier une demande d'autorisation et l'accord du public pour l'implantation d'un site. Une priorité absolue devrait être donnée au développement d'une méthode de caractérisation et de quantification des incertitudes des résultats expérimentaux et des modélisations justifiant l'analyse de sûreté.
p.22

     Chapitre 5 : Hydrogéologie  (Detlef Appel)
     Conclusions principales
     1. Dans son modèle conceptuel pour le site de Bure, l'ANDRA fait l'hypothèse d'un transport par diffusion et non pas par convection, à travers les roches argileuses du Callovo-Oxfordien. La faible perméabilité générale de roche hôte vient à l'appui de cette hypothèse.
     2. Une recherche minutieuse des fractures de faible taille à l'intérieur de la roche hôte et des fractures importantes avec un faible rejet vertical, qui sont difficiles à détecter, n'a pas encore été effectuée. La présence et l'importance hydraulique de ces fractures ne peut être exclue tant que des recherches plus précises n'ont pas été achevées. De telles fractures pourraient affecter directement la conductivité hydraulique et peuvent être reliées à l'EDZ. 
     3. Le Dossier 2001 Argile fournit des estimations préliminaires de dose pour trois emplacements: Meuse (Dogger), Marne-Rognon (Oxfordien), et Tithonien. Le programme de recherche visant à déterminer si les paramètres utilisés pour l'évaluation préliminaire de performance sont conservateurs, comme cela est affirmé, doit être achevé avant qu'un jugement scientifiquement fiable puisse être émis sur son caractère conservateur.
     4. Quand  les solutés atteignent l'interface entre le Callovo-Oxfordien et les formations sous et sus-jacentes, le transport des eaux souterraines par convection deviendra le mécanisme à considérer. Ce transport sera essentiellement parallèle à la stratification des formations calcaires et sera dirigé, depuis l'emplacement de l'arrivée par diffusion des solutés, vers des exutoires de la formation aquifère ou vers des lieux où les eaux souterraines peuvent être exploitées.
     5. A ce jour, l'ANDRA exclut une contribution convective significative au transport des solutés dans le Callovo-Oxfordien, qu'il soit parallèle ou perpendiculaire à la stratification. Un transport de cette nature aurait probablement comme conséquence une vitesse de transport plus élevée, donc un temps de transport plus court du site de stockage aux aquifères sus- et sous-jacents que si la diffusion seule est prise en compte. Par conséquent, ceci influencerait significativement le programme de recherche. Des recherches supplémentaires considérables sont nécessaires pour exclure le transport par convection.
     6. Selon les données disponibles, la méthodologie et la technique de l'ANDRA pour ses recherches hydrogéologiques présentent un niveau technique élevé et ces recherches sont effectuées en fonction des dernières connaissances dans le domaine.
     7. Le modèle conceptuel de l'ANDRA postulant le transport diffusif des solutés à travers le Callovo-Oxfordien et le transport par convection dans les sédiments sus- et sous-jacents est plausible. Cependant, la démonstration actuelle de la migration diffusive n'est pas définitive.  Les hétérogénéités ou les discontinuités de différents types et dimensions posent un problème majeur, parce qu'elles peuvent augmenter localement la conductivité hydraulique et réduire le développement spatial de la “zone homogène de faible perméabilité”. La corrélation entre la composition de la roche, les propriétés mécaniques et la perméabilité en laboratoire et in situ n'a pas été encore suffisamment démontrée.

     Principales recommandations
     1. L'ANDRA devrait démontrer la corrélation entre les paramètres pétrographiques/géomécaniques et la perméabilité sur la base des mesures in situ des paramètres hydrauliques et en lien avec leur signification spatiale. 
     2. L'ANDRA devrait identifier des indicateurs complémentaires pour la migration essentiellement diffusive des solutés dans le Callovo-Oxfordien. La résolution de surface des résultats doit permettre la détection ou l'exclusion au moins des principales zones d'écoulement vertical à travers le Callovo-Oxfordien. 
     3. L'utilisation de méthodes géochimiques ou hydrochimiques basées sur les gaz ou de méthodes isotopiques pour estimer le flux vertical des indicateurs gazeux et/ou pour identifier n'importe quel modèle significatif d'écoulement à travers le Callovo-Oxfordien devrait être démontrée en ce qui concerne leur applicabilité dans la zone de Meuse/Haute-Marne.

suite:
     4. Des données de perméabilité in-situ pour différentes zones géomécaniques du Callovo-Oxfordien présentant une teneur accrue en carbonates, ainsi que pour des interfaces entre des sections avec différentes teneurs en carbonates, qui peuvent présenter une perméablilité plus importante, doivent faire l'objet d'investigations in situ et en laboratoire.
     5. La distance "normale" entre les fractures verticales dans le Callovo-Oxfordien gêne leur identification dans les forages verticaux. Le petit nombre de fractures identifiées jusqu'ici, n'exclut pas l'existence de fractures hydrauliquement significatives. Elles sont ou seront recherchées hydrauliquement dans les forages déviés sur le site. Il serait souhaitable d'utiliser des forages horizontaux à partir du laboratoire souterrain pour les recherches in situ sur la perméabilité des différents types d'hétérogénéités au sein de la matrice rocheuse. 
     (Voir Chapitre 2.)
     6. En raison de la faible représentativité spatiale des données hydrauliques in situ, il ne sera probablement pas possible d'exclure complètement l'existence de fractures dans la zone équivalente de transposition. Du fait des incertitudes qui persistent, il faut faire l'hypothèse prudente que des fractures d'une échelle indétectable, importantes pour l'hydraulique, peuvent exister. Des hypothèses devraient être formulées au sujet de leurs propriétés hydrauliques, dimension et distances pour évaluer leur importance pour le mouvement vertical d'eaux souterraines au moyen de modèles conceptuels. 
     7. Il semble difficile de décrire exactement les directions de l'écoulement des eaux souterraines dans les parties nord-ouest de la zone équivalente de transposition. Il est recommandé de procéder à au moins un forage profond dans cette zone ou à l'extérieur de la zone équivalente de transposition. 
     8. La caractérisation hydrogéologique des zones situées entre le site de stockage et les éventuelles zones des exutoires des eaux souterraines pouvant être employées pour des calculs de dose, devrait être effectuée de façon suffisamment approfondie pour permettre l'identification des différentes voies éventuelles de transport des radionucléides, ainsi que la validation des modèles de transport et des estimations de dose faites dans le cadre de divers scénarios.
     9. L'influence potentielle du Karst dans les calcaires du Dogger et de l'Oxfordien sur la direction et la vitesse de l'écoulement des eaux souterraines et l'éventuel transport des radionucléides dans ces formations devrait être étudiée de façon approfondie. Ceci devrait comporter un examen explicite de l'éventuel développement de karst dans différents scénarios de changements climatiques et géomorphologiques (notamment des scénarios relatifs à un réchauffement climatique induit par les activités humaines).

     Chapitre 6. Aspects minéralogiques et géochimiques dans la formation hôte (Yuri Dublyansky )

     Conclusions principales
     Les questions scientifiques abordées dans ce chapitre se rapportent à une question centrale: la formation d'argilite du Callovo-Oxfordien laisse-t-elle apparaître qu'elle s'est comportée, par le passé, comme un système ouvert en terme de migration des fluides. La présence de calcite hydrogénique secondaire dans les formations de l'Oxfordien, du Callovo-Oxfordien et du Dogger pourrait indiquer l'existence, par le passé, d'un "cross-formational flow" (c'est-à-dire une circulation d'eau d'une formation perméable à une autre, à travers une formation imperméable). La présence de gaz d'hydrocarbures piégés dans les argilites du Callovo-Oxfordien laisse également supposer un éventuel comportement en système ouvert. Ces gaz possèdent des propriétés moléculaires et isotopiques suggérant fortement une origine thermogène (et donc une provenance des profondeurs)
     Les processus du passé qui auraient pu être à l'origine de ce comportement en système ouvert de la formation sont importants à prendre en compte du point de vue de la performance future du système du site de stockage.

p.23

     Conclusions
     Une analyse des documents mis à notre disposition nous permet de conclure que les approches et méthodes utilisées par l'ANDRA pour comprendre les processus qui ont conduit au dépôt des minéraux secondaires et l'incorporation des hydrocarbures gazeux dans la formation du Callovo-Oxfordien paraissent généralement bien fondées. Cependant les observations suivantes amènent à reléguer au second plan cette conclusion positive:
     1.La phénoménologie des processus qui ont engendré le comportement plausible d'un système ouvert n'est pas encore comprise. Il n'existe pas encore de modèle phénoménologique unique et défendable pour les processus en question.
     2.Les processus en question n'ont pas encore été correctement (quantitativement) caractérisés puisque leur importance spatiale et temporelle n'est pas connue avec un degré suffisant de précision.
3.Par conséquent il n'a pas encore été possible d'inclure ces processus dans le modèle géologique/hydrogéologique du modèle du système du site de stockage. On peut donc considérer que ce modèle serait incomplet si ces processus potentiellement perturbateurs n'étaient pas explicitement pris en compte.
     4.Dans les documents qui ont été mis à notre disposition, nous n'avons pas trouvé de stratégie cohérente visant à clarifier la phénoménologie de la migration des paléo-fluides, à obtenir une caractérisation minutieuse des processus dans la zone étudiée et finalement à évaluer les implications de ces processus pour la performance du site de stockage.

     Recommandations
     Nous recommandons que la recherche sur les minéraux secondaires et les hydrocarbures gazeux dans les argilites du Callovo-Oxfordien et les roches carbonatées avoisinantes soit plus énergique et ciblée. Le développement et l'exécution d'un programme de recherche spécifique pour résoudre ce problème pourraient être justifiés. Ce programme aurait comme objectifs une compréhension qualitative et une caractérisation quantitative complète des processus impliqués.
     Outre les méthodes d'études qui ont déjà été utilisées par l'ANDRA (les études sur les inclusions fluides, les isotopes stables des carbonates, les traces d'éléments, les isotopes du strontium, etc.) il faudrait utiliser un certain nombre de méthodes complémentaires. Ces études comprennent : les études sur les isotopes piégés dans les inclusions fluides, les études chimiques et isotopiques des gaz piégés, l'analyse du dD des hydrocarbures gazeux, etc. Certaines méthodes déjà utilisées par l'ANDRA demandent des modifications et ajustements (comme par exemple la mise en place d'un protocole rigoureux d'assurance qualité pour la préparation et la manipulation des échantillons pour l'analyse des inclusions fluides, l'utilisation de méthodes de haute résolution pour l'analyse des isotopes stables de la calcite, etc.). La datation fiable de la migration des fluides est très importante, et le traitement de cette question est essentiel.
     Pour pouvoir aider à l'interprétation des données, des échantillons de minéraux associés à des occurrences documentées du "cross-formational flow" dans le Bassin parisien devraient être étudiés avec les mêmes méthodes. Cette approche aurait l'avantage de fournir des données solides de référence pour l'interprétation. De la même façon, les données obtenues à partir des gaz d'hydrocarbures piégés dans le Callovo-Oxfordien devraient être comparées avec les données obtenues à partir d'autres parties du bassin houiller lorrain.
     Pour les besoins de la caractérisation, la série de méthodes mentionnées plus haut devrait être appliquée au plus grand nombre possible d'occurrences de minéraux secondaires et de gaz d'hydrocarbures dans la zone étudiée. Les études devraient être menées sur tous les carottages des forages ainsi que sur les matériaux obtenus lors du fonçage des puits et le creusement des galeries du laboratoire souterrain. L'objectif serait d'obtenir une représentation en 3 dimensions des propriétés géochimiques à partir de laquelle il serait possible de construire une caractérisation tridimensionnelle de la migration des paléo-fluides.
     La mise en oeuvre réussie du programme proposé pourrait aider à comprendre la signification que les processus qui ont engendré le comportement ouvert du système dans le passé pourraient avoir sur la sûreté et la performance d'une éventuelle installation de stockage des déchets nucléaires. 

Chapitre 7. Sismologie et déformation: considérations concernant la recherche sur le site (Gerhard Jentzsch et Horst Letz)

     Conclusions principales
     L'évaluation de l'aléa sismique par l'ANDRA est sérieusement déficiente, de plus elle comporte des éléments spéculatifs. En règle générale l'aléa sismique est caractérisé par le séisme maximal physiquement possible (et non pas le séisme maximal observé), par l'estimation d'une période de mouvements forts et d'un spectre de réponses incorporant les conditions du site, ainsi que par la quantification des majorations appliquées. Il n'apparaît pas que des travaux à cet effet aient été menés à bien.

suite:
     Il nous a paru que l'ANDRA s'appuie trop sur les mesures de laboratoire et que la caractérisation de la région autour de Bure manque de données suffisantes et d'interprétation. Beaucoup de travail a été accompli, par contre – comme nous l'avons démontré – un examen attentif conclut à l'absence d'interprétations solides. Il en va de même pour la représentation des épicentres des cartes. Sans tableaux, il est impossible d'évaluer le fichier des séismes et de le comparer avec les fichiers des pays avoisinants. Le zonage sismique n'est pas satisfaisant et d'importants séismes récents ne sont pas présents.
     Les lacunes présentes dans les travaux de l'ANDRA sur la sismologie et les déformations peuvent être résumées comme suit :
     - Trop d'informations présentées par l'ANDRA ne sont pas suffisamment structurées et évaluées. Il manque certaines références pour les informations données. Nous citerons comme exemple la carte gravimétrique de Bouguer qui est présentée, mais qui est sans rapport avec les travaux, bien qu'il y ait de nombreuses applications possibles. 
     - Pour l'estimation du confinement à long terme des déchets nucléaires, la déformation verticale est un sujet crucial, cependant la carte s'y rapportant fait défaut.
     - Le traitement des failles autour du site présente de graves lacunes. Au lieu de présenter les résultats des observations, seules des spéculations sur les activités (notamment sur le fossé de Gondrecourt) sont offertes. Dans ce cas les mesures auraient dues être faites sur de nombreuses années avant de pouvoir en tirer des conclusions.
     - La nature incomplète du fichier des séismes et l'absence de tableau des événements sismiques utilisés, ainsi que l'absence d'analyse des séismes historiques, constituent une lacune grave dans le rapport sismologique de l'ANDRA.
     - Les paramètres utilisés pour la caractérisation de l'aléa sismique ne sont pas donnés. Outre l'intensité du séisme maximum historiquement vraisemblable et de l'intensité du séisme majoré de sécurité il est également nécessaire d'indiquer la période de mouvement fort et la probabilité d'occurrence (au-delà d'un certain seuil), ainsi qu'une discussion et une quantification des paramètres majorants.
     - L'absence d'un spectre de réponse représente une lacune importante. Dans ce cas les propriétés du site entrent explicitement en compte et sont également importantes pour la détermination du séisme d'intensité maximum possible. .
     Toutes ces questions et le traitement de la faible sismicité donnent l'impression que l'aléa sismique est significativement sous estimé.

     Recommandations
     Un réseau de surveillance sismique adapté au site de Bure avec un seuil d'enregistrement d'une magnitude de 0,5 ou inférieure à 0,5. La période d'enregistrement devrait se faire sur un an minimum (plus de préférence).
     La surveillance des mouvements de l'écorce terrestre à l'aide de différents types de mesures (comme par exemple un nivellement précis, technique de déformation-contrainte et tiltomètre) 
     La dérivation d'un catalogue de séismes complet et une discussion des entrées récentes et historiques (tableau et graphe).
     Une comparaison avec les catalogues des pays voisins et leur homogénéisation.
     Un zonage réaliste des séismes et une discussion des résultats.
     La dérivation d'une carte de l'aléa sismique
     Une discussion des propriétés souterraines se rapportant au spectre de réponse.
     Une dérivation et une discussion des spectres de réponse (horizontal et vertical)
     Une dérivation de tous les paramètres mentionnés plus haut.
     Une évaluation détaillée des incertitudes.


Pour obtenir le rapport
     - le rapport va être mis en ligne sur le site du Clis: 
http://www.clis-bure.com
     - dans la foulée, et sur leur demande, il sera mis également en ligne sur le site IEER: http://www.ieer.org et de l'assoc des élus: http://www.stopbure.com
     - nul doute que le site de la Coordination des collectifs le mettra à disposition: http://www.burestop.org
     - la diffusion en est libre et gratuite
     - les auteurs des différents chapitres seront autorisés à en faire des articles, après lecture et aval du bureau Clis
     - on peut commander (gratuité) exemplaire, version papier ou CD, au secrétaire du Clis (Benoît JAQUET - 03 29 77 55 40)
     - une plaquette grand public (synthèse du rapport et contexte) sera diffusée par le Clis dans tous les foyers de Meuse et de Haute-Marne, avec bon de commande pour le rapport in extenso.
p.24

BURE: analyse et appel à soutien
 20 Dec 2004
Texte de Jean-Marc DALVAL, du collectif CEDRA 70-90

     Nous ne devons pas laisser tomber ceux de BURE !
     La pression du lobby nucléaire s'est accentuée singulièrement en 2004, multiforme : 
     - décision de construire l'EPR, 
     - volonté de voir à n'importe quel prix l'ITER à Cadarache,
     - promotion de l'énergie atomique à l'étranger, 
     - pression de l'Agence Internationale de l'Énergie Nucléaire (AIEA) sur la FAO et l'OMS pour une révision du Codex Alimentarius , 
     - repositionnement de la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) concernant le recyclage des matériaux faiblement radioactifs sont les exemples les plus frappants.
    Et puis, 2006 n'est plus si loin: si le monstre nucléaire veut être garant du développement durable si cher à tout bon politique d'aujourd'hui, il doit solutionner le problème apparemment insoluble de ses déchets. D'où une agitation et accélération soudaines du côté de BURE.
     L'entourloupe de BURE se révèle enfin au grand jour. Certains élus et citoyens de par là-bas l'avaient flairée depuis longtemps. Il faut dire que certains «investissements» de l'ANDRA posaient et posent encore question. Avant l'enquête publique de 1997 et l'autorisation des travaux du «labo » en août 1999, l'ANDRA a versé 5 MF pendant trois ans et 10 MF en 1997 aux quatre départements susceptibles d'accueillir un centre d'enfouissement (Gard, Vienne, Haute-Marne et Meuse).
     Depuis le décret d'août 1999 qui a retenu le site de BURE (pour raisons géologiques ou démographiques??), 9 M€ par an sont versés à la Haute-Marne et autant à la Meuse par le biais d'un groupement d'intérêt public (GIP). Ces sommes faramineuses sont versées «pour mener des actions d'accompagnement et de gérer des équipements de nature à favoriser et faciliter l'installation et l'exploitation de chaque laboratoire» (art. 12 de la loi de 91). Article dont les termes sont suffisamment vagues pour financer ce que l'on veut.
     D'autre part, la façon de procéder ne révèle pas un souci démocratique primordial. La concertation prévue par l'article 6 de cette loi n'a jamais eu lieu (M. Bataille, initiateur de ce beau projet, l'a encore évitée récemment à Bar le Duc). L'ANDRA, à coups de millions d'euros, déverse une information unique tout azimut (sur site, scolaire, entreprises, médias locaux et nationaux).
     Fin 2004, la fameuse couche d'argilites est atteinte. Pour compenser le retard pris sur le calendrier (accident mortel, nombreux incidents divers), la galerie d'expérimentation ne sera pas creusée au coeur de cette couche mais dans son niveau supérieur : nos parlementaires doivent être en possession d'un dossier pour se prononcer en 2006! Beau souci scientifique!
     L'ANDRA aurait pu s'éviter ce délai supplémentaire d'ailleurs puisque la Commission Nationale d'Évaluation (CNE), chargée du suivi des recherches imposées par la loi Bataille (axes transmutation, stockage sub-surface et enfouissement), dans son rapport annuel de juin 2004, annonce clairement la couleur : «En conclusion, le site de Bure est marqué par la présence de caractères favorables et l'absence, en l'état actuel des connaissances, de caractères défavorables rédhibitoires. [...]
suite:
On peut estimer qu'au terme de la loi, en 2006, il n'existera pas d'obstacle dirimant qui empêcherait le Législateur de prendre une décision de principe quant au stockage des déchets à vie longue dans le secteur étudié. »
     Tout est dit !
     Peut-on encore appeler cela du suivi ?
     A la lecture de ce rapport, je suis frappé par le nombre de questions qui restent encore sans réponses, par la quantité de conditionnels sous-entendant bien des points d'interrogation, par des expressions plutôt vagues surprenantes dans un rapport scientifique, par nombre d'extrapolations et de suppositions à partir d'autres sites prenant des caractères de certitudes. Et puis, une chose m'intéresse qui n'apparaît pas dans ce rapport: le montant des sommes englouties dans ce trou. Mais là, je conçois bien que la Science n'est en rien concernée.
     J'ai du mal à cerner la psychologie du scientifique : employé et donc payé par les sociétés directement impliquées dans ce vaste chantier, ou libre et souvent combattu officiellement alors (voir le nucléaire du côté de Tchernobyl ou pas si loin). Comment peut-il vivre cet état de fait? Quoiqu'il en soit, le scientifique ne m'impressionne pas toujours. Car il lui manque une dimension essentielle, enfermé dans sa tour d'ivoire ou bâillonné par ses baill(onn)eurs de fonds: le bon sens.
     Je ne suis pas scientifique. Mais je mesure la vanité et l'hypocrisie de tous ces acteurs prétendant pouvoir piéger des éléments chimiquement et radioactivement dangereux durant des millions d'années pour certains dans une couche d'argilites à 500 mètres sous terre.
     Le rapport Bataille (93) est plus cynique: «Il est impossible de prouver qu'un confinement restera efficace jusqu'à la décroissance totale de la radioactivité des déchets... Le but du stockage est de retarder au maximum son retour à la surface.» Ca a le mérite d'être clair... et d'être immoral au regard de ceux qui nous suivront. Ce cynisme avait été camouflé par la fameuse réversibilité qui a endormi tant d'élus. Mais là aussi, certains ont le mérite d'être clairs: «Le stockage sera réversible pendant la durée du remplissage du site.» (Régent et Courtois du CEA à Bar le Duc. Beaucoup n'avaient pas attendu cette déclaration pour en être persuadés !
     La pression des nucléocrates oeuvre sans relâche auprès des décideurs français et européens. Contre eux, nous devons aider celles et ceux qui se battent depuis plus de dix ans devant cette monstruosité scientifique qu'est l'idée de vouloir enterrer des déchets nucléaires à BURE ou ailleurs. C'était déjà preuve d'un beau je-m'en-foutisme que d'en produire tout en étant incapable de les gérer. Car tout beau stockage passé ou actuel (je ne parle pas de ceux qui ont pu envisager de les balancer dans la mer) n'est toujours qu'un lourd legs empoisonné à nos successeurs. Mais c'est encore pire de faire croire que l'on a trouvé la solution et de laisser faire, de jouer les autruches.
     Des associations d'élus et de citoyens opposés à l'enfouissement existent, il faut les rejoindre, les soutenir moralement, financièrement dans leur lutte.
p.25

Coordination nationale des collectifs opposés à l'enfouissement des déchets radioactifs 
& Collectifs Bure-Stop
1, sentier de Guédonval / 55000 BAR-LE-DUC / 
tel-rep-fax: 03 25 04 91 41 / http://www.burestop.org

Déchets nucléaires: un rapport qui remet le laboratoire de Bure en question 

     Alors que le projet d'enfouissement des déchets nucléaires à Bure (Meuse/Haute-Marne) est très controversé, la publication du rapport d'une équipe d'experts internationaux jette un sérieux trouble sur les thèses officielles
     Coup de tonnerre à Saint-Dizier (Haute-Marne) où le Comité local d'information et de suivi (Clis), présidé par le préfet de la Meuse, réceptionnait récemment les conclusions d'une étude chargée d'évaluer les travaux de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) dans son laboratoire de Bure.
     Confiée à l'Institute for Energy and Environmental Research (IEER / États-Unis), cette étude est l'aboutissement de deux années d'analyses réalisées par huit experts internationaux reconnus dans leur discipline (géomécanique, hydrogéologie, séismologie, etc), le tout pour un coût conséquent de 170000 €. L'épais rapport, plus de 300 pages, énumère et détaille les multiples manques flagrants du programme de l'Andra, et ses conclusions laissent pour le moins perplexe: "Dans l'état actuel de la recherche, un jugement sur la faisabilité de la construction d'un centre de stockage géologique à Bure est très prématuré (...) La recherche qui reste prendra un temps considérable (jusqu'à des décennies)".
     Sachant que le Parlement devra prendre dès 2006 décision sur le devenir de ces déchets radioactifs bien encombrants (comment faire accepter la relance du nucléaire par le réacteur EPR s'il n' y a pas de solution aux problèmes posés par ces déchets?), on comprend mieux aujourd'hui les "manoeuvres" scandaleuses exercées durant l'été 2003 par le préfet de la Meuse (bras de l'État), président du Clis, pour casser le contrat Clis/IEER, et donc faire capoter ou à tout le moins retarder cette étude dérangeante.

     Les thèses officielles discréditées
     Dérangeante ? 
     Comment justement ne pas mettre cette étude en parallèle avec une autre de même nature, commandé par le gouvernement français à l'Agence pour l'énergie nucléaire (AEN) et publiée en 2003? En voici les conclusions: "une base méthodologique pertinente / l'Andra dispose d'une plate-forme solide pour étayer son programme / base technique solide / (...) est impressionnée et félicite l'Andra pour la qualité du programme scientifique".
    Et que dire de la Commission nationale d'évaluation (CNE), commission mise en place par le loi dite Bataille et composée de scientifiques, et sur laquelle se basera bientôt le Parlement pour décider du devenir des déchets nucléaires ? Cette CNE qui écrivait sans sourciller dans son rapport annuel n° 10 (juin 2004): 
     "Le site de Bure est marqué par la présence de caractères favorables et l'absence, en l'état actuel des connaissances, de caractères défavorables rédhibitoires (...) Il n'existera pas d'obstacle qui empêcherait le Législateur de prendre une décision de principe quant au stockage des déchets à haute activité et à vie longue dans ce secteur. La qualification de la roche est en bonne voie d'être acquise".

     Comme une odeur de roussi
     On comprend donc mieux ainsi l'actuelle opération de communication-séduction menée par l'Andra et les pouvoirs publics sous forme de visite de la niche d'expérimentation à Bure. On en est d'autant plus surpris que l'Andra a refusé cette visite pendant des mois, jusqu'aux membres du Clis, sous prétexte... que ça retarderait les travaux! Et on est encore plus surpris de savoir que les expérimentations vont se faire non pas dans la couche retenue pour un stockage de déchets radioactifs, mais dans une couche située plus haut et dont les caractéristiques géologiques ne sont pas comparables! [1]
    C'est dans ce contexte pas vraiment sain que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques organise trois journées destinées à faire le point sur la loi Bataille, avec quantité d'invités et d'intervenants... sauf les principaux intéressés, mais nous aurons l'occasion d'en reparler.

Site IEER:  http://www.ieer.org
Rapport IEER: secrétariat du Clis au 03 29 77 55 40
[1] Fiche technique à disposition au 03 25 04 91 41
Contact presse: 03 25 04 91 41- 06 66 95 97 77-06 86 74 85 11

suite:
Controverse entre le CEA et une association de scientifiques sur les niveaux de tritium relevés autour du site de Valduc.
Radioactivité flottante autour d'un centre atomique
Par Nicolas CHEVASSUS-AU-LOUIS
LIBÉRATION -  03/12/04 

     Le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) peut s'en mordre les doigts. Des recherches indépendantes, qu'il a initiées et encouragées, montrent pour la première fois que le nucléaire militaire français est loin d'être aussi propre qu'il ne l'affirme. Un article qui vient de paraître dans une revue scientifique respectée, le Journal of Atmospheric Chemistry, le suggère en tout cas fortement : il montre que les lichens prélevés autour du centre de Valduc (Côte-d'Or), où le CEA assemble et démantèle les bombes H de l'armée française, présentent des concentrations en tritium (isotope radioactif de l'hydrogène) mille fois supérieures à la normale... et difficilement compatibles avec les chiffres d'émissions atmosphériques de tritium publiés par le CEA de Valduc depuis 1986.

     10 tonnes. 
     L'affaire commence en 1996, quand le CEA militaire tente de se convertir à la transparence. A Valduc, site ultra protégé qui n'a longtemps même pas figuré sur les cartes, une Structure d'échange d'information sur Valduc (Seiva) est fondée, associant élus locaux et scientifiques de l'université de Dijon, pour organiser la communication en direction de la population. La Seiva dispose d'un petit budget pour mener des analyses de radioactivité. En 2000, elle passe un contrat avec une association, l'Observatoire mycologique, pour une campagne de prélèvement des lichens autour de Valduc. A la tête de l'Observatoire, Olivier Daillant, interprète professionnel de son état mais surtout passionné de mycologie. L'homme n'est pas un novice. En 1986, il avait le premier montré la contamination des champignons français par le césium du nuage de Tchernobyl. Avec l'aide de laboratoires universitaires allemands et autrichiens, Daillant mesure donc la quantité de tritium fixée dans la matière organique des lichens des alentours de Valduc. Pourquoi le tritium? Parce que cet isotope de l'hydrogène est la principale source de radioactivité émise par le centre du sous forme gazeuse. Le tritium est un radioélément qui se dégrade assez vite. Sa période (durée durant laquelle il perd la moitié de sa radioactivité) est de 12,3 ans et son rayonnement est arrêté par 5 mm d'air.
    En revanche, le tritium est dangereux lorsqu'il pénètre dans l'organisme par inhalation ou ingestion, tout particulièrement s'il est incorporé par les cellules.
     En mars 2001, les résultats tombent: les lichens prélevés à:
     - 1 kilomètre du centre contiennent mille fois plus de tritium que la normale;
     - 4 kilomètres sous le vent dominant encore cent fois plus; et
     - 40 kilomètres dix fois plus!
     Les experts du CEA, qui ont mené en parallèle des analyses, confirment les chiffres. La Seiva se veut alors rassurante : oui, ces chiffres sont «très élevés», mais il n'y a aucun danger pour l'homme car il faudrait manger 10 tonnes de lichen par an pour atteindre la dose toxique.
     Incontestable, sauf qu'il faudrait tout de même expliquer comment le tritium a pu s'accumuler à ce point. Et, sur cette question, le CEA se contente d'allumer un contre-feu: si les lichens contiennent tant de tritium, c'est qu'ils doivent le fixer davantage que les autres organismes. Sans pour autant chercher à valider cette hypothèse.

     «Incohérence». 
     Indigné, l'Observatoire mycologique rompt avec la Seiva et poursuit les recherches sur ses propres fonds. Les mycologues montrent qu'à l'usine Cogema de La Hague – autre site habilité à émettre du tritium –, les concentrations en tritium des lichens sont légèrement au-dessus de la normale, mais plusieurs centaines de fois inférieures à ce que l'on observe à Valduc. On voit mal comment les lichens pourraient fixer préférentiellement le tritium à Valduc et pas à La Hague. Les lichens accumuleraient-ils plus durablement le tritium? En transplantant des lichens de Valduc vers une zone éloignée de toute contamination, les mycologues montrent que la moitié du tritium fixé disparaît en un peu plus d'un an. 
    Pour Jean-François Sornein, directeur du centre CEA de Valduc, cette dernière expérience est la seule partie critiquable d'un travail dont il reconnaît la qualité scientifique. Si les lichens perdent la moitié de leur radioactivité chaque année, explique-t-il, cela signifie que les quantités de tritium présentes il y a vingt ans étaient un million de fois (2 à la puissance 20) supérieures à celles d'aujourd'hui. Or, «nous n'avons jamais manipulé assez de tritium à Valduc pour émettre des quantités pareilles», explique Sornein, qui reconnaît «ne pas savoir comment expliquer cette incohérence». 
     Pour Daillant, aucun doute: «Soit les chiffres d'émission en tritium publiés depuis 1986 sont faux; soit il s'est produit auparavant des émissions absolument énormes et tenues secrètes

p.26
(suite p.29 ci-dessous)

Déchets nucléaires: bataille d'experts
Des experts internationaux estiment qu'un stockage en profondeur à Bure est
«très prématuré»

     BAR-LE-DUC. - Le Comité local d'information et de suivi (Clis) du laboratoire de recherche souterrain de Bure était réuni, hier à Saint-Dizier, pour prendre connaissance du rapport de l'Institute for Energy and Environmental Research. Cet organisme américain, constitué d'experts internationaux indépendants, est chargé d'évaluer le programme de recherche de l'Andra, l'agence nationale qui effectue des études en sous-sol pour vérifier la faisabilité d'un stockage de déchets hautement radioactifs dans les entrailles de la terre, à la lisière de la Meuse et la Haute-Marne.

     Si Arjun Makhijani, directeur de l'IEER, a pu qualifier parfois «d'excellentes» les études menées par l'Andra, il a aussi mentionné que «de nombreux éléments déterminants du programme de recherche sont incomplets (résistance de la roche au creusement des galeries) ou n'ont même pas été entrepris (conductivité thermique des déchets)».

     «Manque de transparence»
     Pour l'IEER, il ne fait aucun doute «qu'un jugement sur la construction d'un centre de stockage géologique à Bure est très prématuré... car les galeries d'expérimentation ne sont pas encore creusées.


L'Andra en est au stade de la recherche préliminaire, et des expériences vont prendre encore plusieurs années».

     Le directeur a également déploré «le manque de transparence» et «l'absence d'échanges libres» avec les scientifiques de l'Andra, l'Agence nationale pour sa part dénonçant un rapport aux objectifs imprécis, et estimant que peu de recommandations de l'IEER pouvaient « éventuellement faire l'objet d'un examen par l'Andra dans l'évolution de son programme ».

     Cette réunion du Clis a donné lieu à une bataille d'experts tandis que les recherches sont confinées actuellement dans une niche excavée à 450 mètres de profondeur. Mais c'est cinquante mètres plus bas, une fois les 300 mètres de galeries creusées dans une couche d'argilite (pas avant début 2006) que pourront véritablement être réalisées les expérimentations in situ pour savoir si un stockage réversible en profondeur est possible.

p.29

Retour vers la G@zette N°219/220