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G@zette 229/230

EXPERTISE PLURALISTE
Monique Sené


     Un bilan 
     Les diverses expériences d'expertises (visites décennales: 5 sur 3 sites - Fessenheim, Blayais, Golfech -, enquêtes publiques: 5 sur 3 sites - Blayais, Golfech, Saclay -, mesures environnementales: 8 sur 6 sites, suivi de sites miniers:
     1 ) ont permis de clarifier (un peu) les règles du jeu:
     - nécessité d'une convention pour l'accès à la documentation;
     - nécessité d'une prise en charge financière;
     - nécessité de définitions de délais: pour l'obtention des documents, pour les discussions, pour les échanges.
     Elles ont également permis aux CLI de mieux suivre le fonctionnement des réacteurs ou d'autres installations et d'avoir un suivi environnementale plus facile. Les mesures réalisées par des laboratoires autres que ceux de l'exploitant ont montré l'apport de ce complément de surveillance tant pour la communication de bilans pluriels que pour les réponses aux questions des citoyens. Il reste encore les bilans santé car bien peu de registres existent.
     Il est aussi apparu les limites de l'exercice car les dossiers sont énormes et nécessitent des connaissances que les experts bénévoles ont du mal à atteindre. De plus, un suivi technique tous les 10 ans est insuffisant et rend la tache encore plus difficile, car l'expertise repose sur un jeu complexe de questions-réponses que l'on construit pendant le temps de la dite-expertise. 
     Il faut, donc, que les CLI puissent disposer d'un secrétariat scientifique et d'un budget suffisant pour ne pas être liées aux seuls communiqués de l'exploitant. En particulier, le suivi des incidents et leur analyse par les CLI est un minimum indispensable pour appréhender l'état de sûreté d'un site.

     Un apport
     La création de l'ANCLI et de son Comité scientifique, leur renforcement et élargissement depuis 2004 doivent fournir un appui solide aux CLI et les aider dans leurs questionnements des exploitants concernés. En effet, la mutualisation des compétences permet aux CLI de gagner en efficacité. De plus ce mode de fonctionnement, en rassemblant toutes les données des sites, aide à faire des recoupements et à être plus efficace dans l'analyse des dossiers. 
     Du point de vue sûreté et suivi environnemental et sanitaire, cette démarche apporte un complément aux analyses des services centraux. Ne jamais oubliez la vertu d'un oeil externe aux systèmes de surveillance et de contrôle sur les dossiers.
     Par exemple, l'analyse des dossiers d'enquêtes publiques en temps réel a permis de faire comprendre la difficulté pour les citoyens de s'approprier de tels monuments. Ce type de dossiers est difficilement lisible. Des références sont toujours indiquées mais inaccessibles au public : impossible d'obtenir les documents en 1 mois.

     Les conditions
     Il reste des points difficiles:
     - La notion de secret
     Différents niveaux des dossiers sont définis par l'exploitant comme relevant dans le meilleur des cas (si on peut dire) du secret industriel ou du secret économique, ou cas extrême du secret défense.
     L'expertise plurielle devient, alors, quasiment infaisable car l'accès aux documents relève de fait de la bonne volonté de l'exploitant et de l'intérêt qu'il y trouve. Quant à celui des citoyens, il n'est pas vraiment pris en compte.
     - La consultation des documents: temps, recherche de documents, etc...

suite:
     ET POUR CONCLURE
     L'expertise est un outil indispensable aux CLI seules ou pour plus d'efficacité via l'ANCLI en appui pour qu'elles puissent:
     - intervenir dans les processus de décisions en disposant d'études complémentaires de celles de l'exploitant et de l'autorité de contrôle;
     - aider les populations à formuler leurs questionnements;
     - répondre par des analyses différentes de celles de l'exploitant et de la DGSNR aux légitimes questions du public.
     Mais pour pouvoir faire ces analyses, les CLI doivent pouvoir mettre en commun leurs expériences diverses. L'ANCLI (ouverte et rénovée) et son Comité Scientifique (étoffé et pluridisciplinaire) devraient y contribuer efficacement.
     Il faut cependant être conscient que l'expertise a des limites:
     - il y a peu d'experts hors des instances officielles et peu de laboratoires;
     - il n'y a pas de loi nucléaire d'où tout est à la bonne volonté des ministères;
     - les associatifs ont du mal à se structurer et il leur manque le temps pour être efficaces;
     L'expertise exige aussi:
     - l'analyse de la notion de secret, sa délimitation et surtout la réponse claire sur le champ visé et ne pas se servir du secret comme un paravent facile pour refuser l'analyse d'un dossier;
     - le respect de toutes les opinions;
     - le temps pour organiser les discussions et l'accès à toute la documentation pour pouvoir les réaliser et qu'elles soient fructueuses d'où la difficulté introduite par une notion du secret floue et trop vaste;
     - la prise en compte de toutes les interrogations pour éventuellement modifier un projet;
     - l'obligation de réponses positives ou négatives mais argumentées dans tous les cas (prise en compte ou rejet) et ce aussi sur ce qui est considéré comme secret;
     - l'acceptation des incertitudes et leur mise en évidence pour pouvoir mieux appréhender les limites d'une décision politique.

     L'apport du Débat Public
     Dans le temps du débat (préparation puis débat public) il a été possible d'obtenir une ouverture qui a débouché sur une convention permettant un accès au Rapport Préliminaire de Sûreté (RPS) de l'EPR.
     Cet accès fut limité dans le temps: 4 jours sur site EDF
     Il fut limité dans le questionnement: apport du corium à la sûreté, apport de certains principes, justification de la sûreté plus élevée, du prix du kWh plus faible et de la plus faible quantité de déchets.
     Il fut limité dans le temps des discussions: une journée avec EDF, une journée avec DGSNR et l'IRSN.
     La restitution des discussions a fait l'objet d'un document GSIEN avec des commentaires EDF (18 janvier 2006). Ce document devrait (doit) être prolongé par d'autres analyses.
     D'ailleurs, il était apparu qu'un des apports du débat devait être:
     1- La poursuite de l'analyse du RPS de l'EPR dans le cadre d'une convention avec l'ANCLI et son Comité Scientifique.
     2- La délimitation dans une commission pluraliste de la notion de secret et de l'accès à des documents sensibles, indispensables à une expertise.
     La remise en cause de ces conclusions serait un revers sévère aussi bien pour la CPDP et le débat public. En effet, il n'est pas sérieux de fermer l'accès à l'expertise en affirmant que seules les CLI sont légitimes. Légitimes, elles le sont mais pourquoi ne pas tenir compte de leur volonté de rassembler leurs capacités d'expertise et de concertation.

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