Un compte-rendu de ce colloque,
destiné à la presse, a été publié par
la revue Passages sur son site (www.passages-forum.fr).
Mais il ne rend pas compte de certains aspects. C'est pourquoi je récapitule ci-après quelques observations quant à la présence et au rôle d'AREVA dans ce colloque, qui me paraissent intéressantes à relever, et à garder en mémoire à toutes fins utiles. Le colloque était d'un très bon niveau, tant du point de vue des intervenants, que du point de vue des thèmes abordés. Toute la 1e session («La Méditerranée, patrimoine de civilisations, histoire des peuples, territoires et évolution des frontières»), en particulier, a été riche en réflexions très diverses (approche pluridisciplinaire), qui, toutes, ont mis l'accent sur le fait qu'il fallait sortir d'un rapport «Nord imposant ses vues au Sud», et prendre en compte ce que le Sud avait à dire. Il est à noter que les OGM ont été spontanément dénoncées (tant par un intervenant (Michel Hugon, Pr des Universités), que par le biais d'une question posée par l'une des personnes du public) comme constituant un sujet de préoccupation particulier dans cette perspective. La 2e session («La Méditerranée, ressources et développement durable, l'énergie, l'eau, la santé, l'éducation, les technologies») a en revanche offert un spectacle assez surprenant. Sur le plan pratique, tout d'abord, le nombre de places réservées on ne sait si on doit dire par ou à AREVA était tel (au moins les 3 premiers rangs, + d'autres invités dispersés dans la salle), que le public qui avait assisté aux débats du matin n'a pu trouver des places qu'à grand peine, et que l'on a dû ajouter des sièges pliants dans les travées et près de l'entrée de la salle. A la tribune, les pro-nucléaires étaient représentés par Alain Vallée (Directeur-adj. CEA), François Scheer (à la fois Ambassadeur de France et Conseiller à la Présidence d'AREVA). Mais les interventions de Michel Deverdet (Dir. de la Communication & des Relations Ext. de RTE) et d'Antoine-Tristan Mocilnikar (Ing. des Mines, actuellement Responsable Environnement & Développement durable pour la Mission Union pour la Méditerranée, mission qui travaille sous la supervision et avec l'un des conseillers les plus proches du Pdt Sarkozy) postulaient également que le nucléaire était la solution de l'avenir pour la zone Méditerranée, les énergies alternatives n'étant évoquées tout au plus que comme un appoint. Il y avait donc (étaient prévus à l'origine Maurice Tubiana, Pr de Médecine au Centre Antoine Béclère et Mustapha Saïd, de l'Observatoire Méditerranéen de l'Energie, finalement absents/excusés), hormis le modérateur (Charles Zorgbibe Pr des Universités), 4 intervenants tenant, avec quelques nuances, le même discours pro-nucléaire. Au total, par rapport à l'intitulé de cette 2e session, on a assisté à une sorte d'OPA du nucléaire, qui a occulté pratiquement tous les autres aspects (l'éducation en particulier). J'ai relevé quelques «perles», que j'ai notées sur le moment et au mot près, qui me semblent significatives d'un certain état d'esprit. Ainsi, Alain Vallée déclare-t-il au cours de son intervention: «le nucléaire est un étendard de modernisation de nature à favoriser son acceptation.» Ainsi F. Scheer, en évoquant le nucléaire français: «La chance inespérée pour le nucléaire est le réchauffement climatique». (suite)
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suite:
Ou expliquant que: - la France essaie actuellement de racheter «pour la bonne cause» 1.600 tonnes d'uranium qui se trouvent encore en Libye suite à un accord franco-libyen. - la perspective dans laquelle s'inscrivait la collaboration entre la France et la Libye était celle «officiellement», de la «désalinisation de l'eau de mer», et ajoutant sur le ton du «bon mot» que c'était sous ce «vocable» que la France avait exporté vers Israël, à l'époque, le matériel nécessaire pour faire la bombe. - le plus sérieusement du monde que certes, l'Algérie disposait de suffisamment de ressources énergétiques pour pouvoir se dispenser du nucléaire pour le moment, mais que, compte tenu du très long processus préparatoire (mise en place du cadre juridique, étude des conditions de sûreté, choix des sites etc...) requis lorsqu'un pays souhaite se doter du nucléaire, il ne saurait trop recommander à l'Algérie de se pencher dès maintenant sur la question, pour être prête le jour où ses ressources viendraient à lui faire défaut! Enfin, comme bon complément de ce qui précède, on aura aussi appris lors de ces interventions que le conseiller (je ne sais de qui il s'agit) qui avait été à l'initiative de l'Union pour la Méditerranée, tout à fait au début du processus, avait donné le ton en déclarant que «L'économie rassemble, la culture divise», ce qui a soulevé de nombreuses protestations dans la salle. Dans la plage (très réduite) réservée aux questions, le Pdt du Plan Bleu a fait un tableau ironique de toutes les formes de concertation de la société civile qui n'avaient pas été mises en œuvre au cours des dernières années en matière de nucléaire, et a demandé quelles solutions les intervenants proposaient pour y remédier. La réponse de F. Scheer a été de dire qu'en effet, l'information avait manqué, et qu'il y avait là un problème de communication auquel il fallait sérieusement s'attacher, pour mieux faire saisir à tous (mettre à leur portée) tous les avantages du nucléaire. Lorsqu'une autre personne dans le public a protesté en relevant que la question ne portait pas sur la communication adéquate, mais sur l'aspect démocratique, il a été interrompu par le modérateur qui a (opportunément) invoqué un manque de temps pour passer à une dernière question dans la salle avant de clore la session. Ajoutons pour l'anecdote (?) que les sessions 1 et 2 ont été filmées (sans doute à destination interne, pour Passages), mais que la caméra a ensuite disparu pour la 3e session («La Méditerranée au futur, le rôle de l'homme dans l'espace, gouvernance, sociétés civiles, les femmes dans la Méditerranée»), qui a pourtant soulevé quelques points intéressants et complémentaires de la session 1. Ajoutons encore qu'avec le départ de la délégation massive d'AREVA, le public a pu disposer à nouveau d'un nombre de places suffisant... En fin de journée, au cours de son intervention de synthèse, de grande qualité, Mme Gendreau-Massaloux a rappelé qu'entre le moment où le processus de Barcelone 95 avait été enclenché et l'année 2008, pas moins de 9 milliards € ont été investis, dont les pays de la rive Sud de la Méditerranée n'ont pas perçu les effets. A la question de savoir où ces milliards étaient passés, elle a répondu: «C'est la question que beaucoup de gens se posent.» Des Etats-Généraux de la Méditerranée se tiendront début novembre prochain à Marseille à l'initiative du MEDEF, et de très nombreuses entreprises se sont semble-t-il déjà inscrites pour y participer: il serait intéressant de voir ce qui s'y dira. |