Le démantèlement est la phase «ultime» de la vie d'une installation. La doctrine de cette opération technique a changé au fil des années en fonction d'un certain retour d'expérience, ainsi que de l'espoir de réutilisation de bâtiments et des terrains. Tout commence par la phase «Cessation Définitive d'Exploitation». Actuellement, cette phase se termine, après un temps plus ou moins long lié à l'assainissement des lieux, par une autorisation réglementaire et administrative. Il s'agit du décret d'autorisation de Mise à l'Arrêt Définitif et de Démantèlement (MAD/DEM). Ce décret s'appuie sur un dossier comprenant un rapport de sûreté et bien sûr un état des lieux détaillé. Il faut noter qu'au démantèlement des INB, souvent d'assez grosses installations, s'ajoutent celui d'unités plus petites et aussi plus anciennes. Cette précision a son importance, parce que les règles ont évolué dans le temps et les contenus radioactifs aussi. De même les bases de décontamination ont changé avec la mise en place d'une radioprotection plus rigoureuse. On avait cru assurer une meilleure protection des travailleurs et de l'environnement en laissant la radioactivité décroître. Il s'est avéré que la perte de mémoire, donc des dangers radioactifs résiduels, ainsi que des dangers résultant d'une dégradation de l'installation avait été largement sous-estimée. Du démantèlement différé, en passant par le confinement sûr, c'est maintenant le démantèlement immédiat qui est à l'honneur. Sans être particulièrement critique, force est de constater que, pour le moment on en est tout juste à la phase de définition du principe. En effet, les démantèlements menés à ce jour ont certes permis de peaufiner la stratégie sélectionnée, mais il est difficile de conclure sur l'intérêt du démantèlement immédiat. Notre expérience du domaine nous ferait plutôt opter pour le confinement sûr et d'ailleurs, c'est ce concept qui a été utilisé pour le moment, sauf pour quelques toutes petites installations type cellules chaudes, accélérateurs ou réacteur de recherche. Un point supplémentaire, le démantèlement (ou au moins la mise à l'état sûr) a longtemps été relégué aux oubliettes, ce serait pour plus tard... L'exploitant (nucléaire, chimie, sidérurgie,...) préférait partir sur la pointe des pieds, sous couvert d'une vague autorisation préfectorale demandant une remise en état des lieux, mais quelle remise en état? Revenir à l'état initial, réaménager plus ou moins, décontaminer et/ou dépolluer? Le flou d'il y a 30 ans nous a laissé un héritage difficile à gérer. Que demandent les citoyens?
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L'expertise pluraliste Comment une CLI peut-elle gérer un tel dossier? Prenons quelques exemples: - La CLI placée près de l'établissement AREVA-La Hague doit intervenir sur le dossier de démantèlement (2008) d'une installation datant de 1977: l'atelier Haute Activité Oxyde dit HAO. Après des demandes réitérées à l'exploitant, le dossier en support de la demande de démantèlement va être confié à un groupe de travail. Cependant, il n'a pas été possible de suivre le travail d'assainissement, ni les premières opérations de mise en état sûr. Or, pour donner un avis sur un tel dossier, il faut suivre toutes les étapes, sinon il est impossible de jouer le rôle imparti aux CLI: une vigilance et un questionnement pour aider à une sûreté de haut niveau et pour pouvoir informer la population aux différents stades de l'opération. - La CLI de Saclay a examiné le dossier d'enquête (2008) portant sur le déclassement en Installation Classée pour la Protection de l'Environnement (ICPE) de 2 cellules de l'INB49. Cette INB comporte 3 bâtiments dont une partie va être démantelée et une autre déclassée. La MAD/DEM a été transmise à l'ASN en avril 2006 et est toujours en instruction. L'analyse du dossier était donc difficile car centrée sur le déclassement avec assainissement de 2 cellules, au sein d'un ensemble voué au démantèlement donc à l'arrêt et en assainissement (?). Le dossier a été fourni à la CLI quatre mois avant le démarrage de l'enquête publique. Il n'a malheureusement pas été possible de former un groupe au sein de la CLI. Ce sont donc 2 associations (membres de la CLI) Essonne Nature Environnement et GSIEN qui ont donc remis 2 rapports transmis au Commissaire Enquêteur par la CLI. De ces expériences, il ressort qu'il faut: - laisser du temps aux CLI sinon elles ne seront pas opérationnelles, - disposer d'informations plus détaillées pour que les CLI puissent mieux étayer leurs avis. L'IRSN examine les dossiers fournis par l'exploitant (mise à l'arrêt, méthodologie, radioprotection et sûreté) et établit des rapports. Il serait très intéressant pour la CLI de disposer de ces rapports. Il serait aussi nécessaire de disposer de l'avis de l'ASN et des divers services qui ont aidé à construire le dossier. La CLI devrait également pouvoir s'appuyer sur les structures de l'ANCLI (Comité Scientifique, Groupes permanents, Groupes de réflexion ANCLI-IRSN) qui mutualisent les données émanant de toutes les CLI. Pour pouvoir intervenir et faire une information crédible des riverains la CLI doit pouvoir intervenir avant, pendant et après les enquêtes: - Avant: la CLI se renseigne, demande l'accès aux dossiers, rencontre l'exploitant, des experts (IRSN), l'ASN; - Pendant: elle peut organiser des réunions pour éclairer les riverains, elle peut fournir son analyse aux personnes qui le demandent, elle rencontre le Commissaire Enquêteur...; - Après: elle fait un suivi de l'installation, elle exploite les rapports d'activité annuels de l'exploitant pour transmettre à la population des informations (fiches explicatives, plaquette, réunions?). Pour le moment c'est un vœu pieux: aucun dossier n'a été traité de cette façon. L'ASN a lancé une consultation sur son site. Le 6ème paragraphe, intitulé «l'information du public», rappelle le décret du 2 novembre 2007. p.12
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La demande MAD/DEM doit comporter: «- la stratégie de démantèlement retenue, et la justification de ce choix; - les étapes du démantèlement, le calendrier et la durée de l'ensemble des opérations; - l'état final visé et l'usage futur envisagé de l'installation et/ou de son site d'implantation. Et, la procédure d'autorisation prévoit également la consultation de la commission locale d'information (CLI). Afin de faciliter la mission des CLI, et notamment afin de leur permettre de rendre leur avis sur le dossier dans de bonnes conditions, l'ASN recommande aux exploitants de les associer de façon active à la procédure de demande d'autorisation de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement. Ainsi, il paraît essentiel de leur permettre, dans la mesure du possible, un accès aux dossiers le plus en amont possible de l'enquête publique.» Ensuite pendant les opérations de démantèlement, l'exploitant doit fournir: «... le rapport annuel établi par l'exploitant au titre de l'article 21 de la loi TSN est de première importance, et doit permettre au public de prendre connaissance: - de l'avancée globale du projet de démantèlement au vu des calendriers prévisionnels (les éventuels retards du projet doivent y être mentionnés et expliqués); - des activités de démantèlement réalisées pendant l'année et des éventuels faits marquants (fin ou début d'une phase du démantèlement par exemple); - des éventuelles évolutions du projet de démantèlement, tant sur le plan technique qu'organisationnel.» Et, dans la phase finale:
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ET POUR CONCLURE: Cette politique de la fin de vie des installations (petites et grandes) est à l'essai depuis plusieurs décennies (2 à 3 environ). Tous les efforts n'ont pas vraiment permis de conclure. En effet, chaque démantèlement est unique et présente des caractéristiques particulières. Tout d'abord toutes les installations conçues jusqu'à très récemment l'étaient sans se soucier de leur démontage ultérieur, d'où de grosses difficultés. Ce point fort important va être pris en charge, pour les installations en cours d'élaboration. Ensuite vouloir généraliser ou même imposer des techniques de déconstruction est totalement utopique, tant les installations sont variées aussi bien par leur taille que par les travaux qui s'y sont déroulés (recherches ou industrie, nature et activités des substances radioactives et chimiques manipulées) ainsi que la durée d'exploitation. Le choix de la stratégie du démantèlement devra respecter le principe fondamental de ne pas transférer aux autres les nuisances entraînées par cette opération. Pour ce faire, il faudra justement examiner avec tous les protagonistes (autorité, exploitant, CLI, populations), les conséquences environnementales, humaines et sociales de chaque option. En effet, l'activité de démantèlement génère des rejets et des dangers différents de ceux de l'installation initiale: les riverains sont soucieux de l'impact de cette nouvelle entité industrielle sur leur santé et leur environnement. Quant aux travailleurs, il convient de les former à un nouveau métier : déconstruire est très différent du fonctionnement ordinaire. Les CLI par leur composition plurielle sont des interlocuteurs importants. Puisqu'elles sont appelées à être consultées et à donner un avis sur les dossiers, il faut leur donner les moyens de remplir cette mission. Elles pourront alors dialoguer avec la population, prendre en compte les questionnements et apporter des réponses. Le démantèlement, dernière phase d'une activité doit être menée avec la plus grande rigueur et pour le réaliser correctement il faut se donner un temps de réflexion suffisant. Car répétons-le chaque démantèlement sera une nouveauté et cette conviction doit servir de fil conducteur pour toutes les opérations nécessaires. p.13a
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