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G@zette N°255
"   Parce que l'obligation de subir nous donne le droit de savoir "

L'ENERGIE NUCLEAIRE ET LA GOUVERNANCE MONDIALE A L'HORIZON 2030
cigionline.org
Centre pour l'Innovation dans la Gouvernance Internationale (CIGI)
Centre Canadien pour le respect des traités (CCTC)



     Introduction
     2010 sera une année charnière au chapitre des enjeux nucléaires. En avril, le président Barack Obama sera l'hôte d'un Sommet sur la sécurité nucléaire. En mai, les Parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) se réuniront à New York à l'occasion d'une conférence d'examen. Puis le Canada accueillera en juin le Sommet du G8, qui sera en partie consacré à la prolifération nucléaire. Or, alors même que des pays comme l'Iran et la Corée du Nord mettent à rude épreuve le régime de non-prolifération nucléaire et qu'on s'inquiète de plus en plus de voir des groupes terroristes acquérir des matières nucléaires, il est partout question d'accroître sensiblement l'exploitation de l'énergie nucléaire à des fins civiles.
     Cette «renaissance nucléaire» annoncée de toutes parts est à l'origine du projet Perspectives de l'énergie nucléaire, créé en mai 2006 et visant un objectif en trois volets:
     * déterminer l'ampleur, la forme et la nature probables d'un éventuel regain du nucléaire à l'horizon 2030, sans juger des mérites de l'énergie nucléaire mais pour prédire son utilisation future;
     * examiner ses répercussions sur la gouvernance mondiale dans les domaines de la sûreté, de la sécurité et de la non-prolifération nucléaires;
     * formuler des recommandations à l'intention des décideurs du Canada et de l'étranger sur les mesures à prendre pour renforcer la gouvernance mondiale dans ces trois domaines.
     Ce document présente les principales conclusions du projet et s'accompagne d'un Plan d'action en cinq points.

     PRINCIPALES CONCLUSIONS
     Aucun regain majeur du nucléaire d'ici à 2030
     Tout bien considéré, il est peu probable que l'énergie nucléaire prenne une expansion notable d'ici à 2030. Sans être insurmontables, les fortes contraintes auxquelles se heurterait une telle expansion l'emporteront sans doute sur ses facteurs d'impulsion. Certes, l'industrie électronucléaire montre des signes de vitalité qu'on n'avait pas observés depuis les années 1980, une activité dictée par les craintes liées à la sûreté énergétique et aux changements climatiques ainsi que la demande grandissante d'électricité à l'échelle mondiale. Des dizaines d'Etats, y compris parmi les pays développés, ont manifesté leur intérêt pour l'énergie nucléaire et certains ont annoncé qu'ils élaboraient des plans d'exploitation. Plusieurs Etats producteurs d'énergie nucléaire, notamment en Asie, construisent déjà de nouveaux réacteurs. L'uranium reste abondant et bon marché. Et selon certaines projections officielles, le nombre de réacteurs nucléaires aura doublé en 2030. On promet de nouvelles technologies, l'industrie renforce ses capacités et raffine ses arguments de vente, les pays avancés évaluent leur potentiel d'exportation.
     Oui, le regain d'intérêt est indéniable.
     Mais si la quantité d'électricité d'origine nucléaire est susceptible d'augmenter au niveau mondial, la proportion totale d'électricité qu'elle produit devrait vraisemblablement baisser. Les réacteurs nucléaires seront sans doute plus nombreux qu'aujourd'hui, mais leur incidence sera probablement contrebalancée par la mise hors service des vieilles centrales, même si certaines sont maintenues en vie. Pour la grande majorité des Etats, l'énergie nucléaire restera donc tout aussi inaccessible.
     Les principaux obstacles au regain du nucléaire sont donc les suivants:
     * L'économie. Elle est nettement défavorable au nucléaire, plus encore depuis la crise économique et financière; les coûts initiaux du nucléaire sont énormes et ne cessent d'augmenter; les prêts nécessités par son exploitation sont consentis à des taux d'intérêt élevés par rapport au charbon et au gaz naturel; les dépassements de coûts et les retards de construction y sont monnaie courante; les investisseurs privés sont méfiants; et la déréglementation des marchés lui impose d'être vraiment compétitif.
     * Les subventions seront moins accessibles. Les gouvernements hésiteront cette fois à subventionner le nucléaire, échaudés par leur expérience passée, réfrénés par la déréglementation des marchés, pressés d'appliquer des règles du jeu équitables face à d'autres technologies énergétiques et manquant de liquidités par suite de la récession économique.
     * Lente réactivité aux changements climatiques. Le nucléaire est trop peu malléable pour répondre à court terme à la menace des changements climatiques: avant qu'une centrale ne produise de l'électricité, une dizaine d'années peuvent être nécessaires à la planification, aux processus de réglementation, à la construction et aux essais. Vraisemblablement, on privilégiera donc des solutions d'application plus rapide et moins coûteuse, notamment l'efficacité énergétique.

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     Une taxe carbone ou un système de plafonnement et d'échange favoriseraient le nucléaire par rapport au charbon ou au gaz, mais il faudra vraisemblablement des années pour en assurer la mise en oeuvre.
     * Un réseau en restructuration. La demande d'efficacité énergétique suscite un réexamen approfondi des modes de production et de distribution de l'électricité qui jouera en défaveur de l'énergie nucléaire
     * Goulets d'étranglement industriels et pénurie de main-d'oeuvre. L'industrie nucléaire a beau accélérer le renforcement de ses capacités, le déclin à long terme du secteur lui rendra la tâche particulièrement difficile.
     * Le problème des déchets nucléaires reste entier.
Depuis 60 ans qu'on produit de l'énergie nucléaire, aucun pays n'a trouvé de solution durable au problème des déchets nucléaires, qui reste très présent dans la conscience publique et continue d'alimenter l'opposition à toute électricité d'origine nucléaire.
     * Craintes soulevées par la sûreté, la sécurité et les armes nucléaires. De nombreux facteurs freinent le regain du nucléaire, notamment le souvenir de Tchernobyl et de Three Mile Island, la peur du terrorisme nucléaire depuis le 11-Septembre, les révélations d'A.Q. Khan sur la vente de plans d'armes nucléaires ainsi que les tentatives de l'Iran, de l'Irak, de la Libye et de la Corée du Nord pour se doter de la bombe.
     * Autres contraintes au sein des pays en développement aspirant à l'énergie nucléaire. Au nombre de ces contraintes: faible gouvernance, insuffisance des infrastructures (réseaux électriques fragiles et peu nombreux), systèmes de réglementations déficients, culture de sûreté et de sécurité incertaine, incapacité d'attirer du financement et des technologies de contrôle des exportations.
     Bref, malgré de solides facteurs d'impulsion et d'indéniables avantages, le nucléaire se heurte à trop d'obstacles par rapport à d'autres modes de production de l'électricité pour que son regain actuel lui permette d'accroître ses parts de marché d'ici à 2030.

     La gouvernance mondiale est déjà déficiente
     On pourrait penser qu'un regain de moindre ampleur que celui qu'on anticipe ne soulèverait aucun problème particulier touchant la gouvernance mondiale de l'énergie nucléaire. Rien n'est plus faux. Malgré les améliorations qui leur ont été apportées ces dernières années, les régimes de sûreté, de sécurité et de non-prolifération nucléaires restent insuffisants pour répondre aux défis actuels, sans même parler des nouveaux:
     * Au fil des décennies, tous ces régimes ont été conçus spontanément et sans coordination, en réaction aux crises et aux menaces plutôt qu'en prévision de celles-ci.  Ils sont rarement envisagés dans leur ensemble, malgré d'occasionnelles et potentielles synergies.
     * Tous sont insuffisamment financés et intégrés, et la plupart manquent de transparence et d'ouverture.
     * L'industrie du nucléaire civil tend à se méfier de ces régimes, tandis que les gouvernements et les organismes internationaux négligent souvent de consulter et d'impliquer les parties prenantes du secteur et autres intéressés, notamment la société civile.
     * Chacun des régimes est enfin confronté à ses propres défis et menaces, lesquels nécessitent une attention particulière.

     Sûreté nucléaire
     * Depuis l'accident de Tchernobyl de 1986, les indicateurs clés de la sûreté nucléaire en ont confirmé l'amélioration dans le monde entier. Mais il y a lieu de s'inquiéter des incidents qui continuent de se produire, même dans les pays bien réglementés. On n'observe en outre aucun signe d'universalisation de la culture de sûreté, le relâchement de la vigilance continue d'être préoccupant et le partage international des leçons à tirer des incidents et de l'expérience opérationnelle reste insuffisant.
     * Le régime mondial semble désormais posséder tous les éléments nécessaires à la sûreté nucléaire, à l'exception d'accords juridiquement contraignants pour les installations de cycle du combustible (et les réacteurs de recherche). Les contrôles par les pairs semblent de plus en plus efficaces, le soutien de l'AIEA est très complet et l'engagement de l'industrie en faveur des meilleures pratiques est de plus en plus marqué.
     * Le régime n'a pas besoin de réforme globale ni d'améliorations majeures, mais plutôt d'une adhésion universelle aux traités existants. On doit aussi renforcer et rationaliser les mécanismes en vigueur, définir un cadre de responsabilité civile adéquat et accroître ses ressources humaines et financières, notamment aux fins de réglementation.

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     Sécurité nucléaire
     * Comme c'est le cas de la sûreté nucléaire, de nombreux Etats électronucléaires (mais pas tous) sécurisent efficacement leurs matières et installations nucléaires,  ce dont témoigne la rareté des incidents.
     * Surtout depuis le 11-Septembre, les craintes suscitées par le terrorisme nucléaire ont donné lieu à une campagne de sécurisation des matières et installations des deux secteurs du nucléaire civil et militaire. Mais l'éventuel regain du nucléaire accroîtrait le nombre de ces matières et installations, sans parler de leur transport, qu'il faudrait aussi sécuriser efficacement.
     * Le régime de sécurité international du nucléaire civil est plus récent et beaucoup moins développé que les régimes de sûreté et de non-prolifération. Et s'il s'est sensiblement amélioré depuis le 11-Septembre, il ne serait pas en mesure de faire face à toute forme de regain du nucléaire.
     * Les instruments juridiques clés ne sont pas adoptés ou en mis en oeuvre à grande échelle, le contrôle par les pairs n'est appliqué que partiellement et l'usage excessif du secret limite tout autant la transparence que l'échange des leçons apprises et des meilleures pratiques.

     Non-prolifération nucléaire
     * Même fondamentalement solide et bien conçu, le régime reste confronté à d'immenses défis, notamment le non-respect de ses règles par l'Iran et la Corée du Nord, le spectre d'une expansion du trafic nucléaire et l'affaiblissement de ses mesures incitatives découlant des concessions faites à une Inde dotée d'armes nucléaires.
     * Toutes les parties prenantes au TNP n'ont pas mis en oeuvre des garanties malgré leur obligation juridique de le faire, et bon nombre d'entre elles résistent toujours à l'application du Protocole additionnel.
     * L'AIEA est insuffisamment financée et doit composer avec un manque de personnel, des infrastructures désuètes et des technologies en voie d'obsolescence.
     * Le mécontentement des Etats non dotés d'armes nucléaires face aux présumées injustices du régime risque de perturber une autre Conférence d'examen du TNP, soit celle de mai 2010.
     * La communauté internationale n'a toujours pas résolu la contradiction centrale du TNP, à savoir le droit que certains pays se sont accordés le droit de conserver leurs armes nucléaires pour une durée apparemment infinie alors qu'interdiction est faite à tous les autres de ne jamais en acquérir.
     Même un léger regain pourrait avoir une incidence négative
     Même à modeste échelle, c'est-à-dire limité aux Etats électronucléaires actuels et à quelques nouveaux pays inexpérimentés, tout regain de l'industrie nucléaire présenterait des risques dans les trois domaines de la gouvernance nucléaire. Pour éviter les erreurs commises au début de l'âge du nucléaire et dont certaines ont provoqué des catastrophes, des mesures visant à renforcer l'ensemble de la gouvernance mondiale doivent être prises sans délai.
     Car on ne saurait tolérer un seul autre accident nucléaire majeur, un seul autre Etat se dotant d'armes nucléaires sous couvert de production d'électricité ni un seul autre 11-Septembre, cette fois nucléaire.

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     De ce point de vue, les menaces les plus graves sont les suivantes:
     * La vente de réacteurs nucléaires à des Etats manquant d'expérience et de capacités, notamment en matière d'infrastructures matérielles et administratives de base, de cadre juridique et réglementaire, de contrôles douaniers et frontaliers, d'une culture de sûreté et de sécurité fondée sur des capacités d'application de la loi notamment en cas d'accidents et menaces à la sécurité. Or toute gouvernance déficiente en général, de même que le crime et la corruption en particulier, empêcheront les intéressés de remplir rapidement ces exigences.
     * Le risque que les Etats électronucléaires actuels, pressés de renforcer leurs capacités, négligent de remplir les exigences clés de sûreté et de sécurité, d'enrichir leur culture en la matière et de doter leurs organismes réglementaires de moyens plus importants.
     * La possibilité qu'une poignée d'Etats prétextent la production d'énergie nucléaire à des fins civiles pour acquérir les capacités nécessaires à la fabrication d'armes nucléaires (le problème de «couverture nucléaire»). A cet égard, le Moyen-Orient serait une source d'inquiétude particulière étant donné la volonté présumée de l'Iran de se doter de telles armes.
     * L'acquisition par un nombre grandissant d'Etats de technologies nucléaires sensibles, surtout l'enrichissement de l'uranium et le retraitement du combustible épuisé pour produire du plutonium, risquerait de leur procurer des ingrédients clés pour fabriquer des armes nucléaires.

     PLAN D'ACTION EN CINQ POINTS
     (1) Sûreté nucléaire: faire en sorte que tous les Etats prennent l'engagement et disposent des moyens de respecter les normes de sûreté nucléaire les plus rigoureuses
     * Tous les Etats aspirant à l'énergie nucléaire doivent adhérer sans délai aux accords de sûreté nucléaire internationaux et entreprendre aussitôt leur mise en oeuvre.
     * Amorcer sans tarder la négociation d'un traité pour étendre à toutes les installations du cycle du combustible doivent appliquer les normes de sûreté internationales.
     * Renforcer les processus de contrôle par les pairs et les rendre eobligatoires, en particulier pour les nouveaux arrivants.
     * Créer un organisme de réglementation international.
     * Intégrer et réformer les ententes de responsabilité civile nucléaire.
     * Mettre sur pied un Réseau mondial de sûreté nucléaire intégrant toutes les parties prenantes, y compris l'industrie nucléaire, pour améliorer le partage des leçons apprises et la rétroaction opérationnelle.

     (2) Sécurité nucléaire: s'assurer de protéger toutes les matières et installations nucléaires contre les accès non autorisés et les prises de contrôle ou attentats terroristes
     * L'Amendement de la Convention sur la protection physique des matières nucléaires doit être mis en vigueur dans les meilleurs délais afin d'assurer que chaque Etat applique les normes de protection internationales.
     * Clarifier et renforcer le rôle du Conseil de sécurité des Nations unies touchant la sécurité du nucléaire civil, cela par l'entremise de son Comité 1540.

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     * Le Sommet sur la sécurité nucléaire d'avril 2010 doit se pencher sur la sécurité de l'industrie du nucléaire civil et non seulement sur les enjeux relatifs aux armes et au nucléaires et aux stocks de matériel désuet.
     * Etablir une véritable communauté mondiale vouée à la sécurité nucléaire à laquelle participeront toutes les parties prenantes.

     (3) Non-prolifération nucléaire: s'assurer que le regain du nucléaire ne favorise d'aucune façon la prolifération des armes nucléaires
     * Renforcement des garanties nucléaires: tous les Etats doivent posséder des accords de garanties exhaustifs et adhérer au Protocole additionnel qui doit devenir la norme pour tous; on doit également élaborer un Protocole additionnel amélioré.
     * Le directeur général de l'AIEA doit être enjoint d'exiger des inspections spéciales dans les cas flagrants de non-conformité ou de non-coopération.
     * L'AIEA doit réaffirmer son droit de détecter toute activité de transformation en armes nucléaires.
     * Poursuite des efforts visant à créer une Banque de combustible nucléaire les Etats électronucléaires doivent s'engager dès maintenant en faveur de la multilatéralisation du cycle du combustible pour au moins tenter de dissuader d'autres Etats d'acquérir des technologies sensibles.
     * Les prochaines étapes les plus évidentes du désarmement nucléaire doivent être menées d'urgence: conclusion d'un traité global d'interdiction des essais nucléaires et d'un traité sur l'interdiction de la production de matière fissile; réduction accrue des forces nucléaires russes et américaine; et engagement immédiat des autres Etats à réduire leur arsenal d'armes nucléaires.

     (4) AIEA: renforcer son rôle central en augmentant son financement, en modernisant sa structure et en réformant son fonctionnement
     L'AIEA joue un rôle central dans l'ensemble du régime de gouvernance mondiale. Considérée depuis sa création comme essentielle à l'application des garanties nucléaires, elle s'est révélée de plus en plus indispensable à la sûreté nucléaire dans la foulée de Tchernobyl et à la sécurité nucléaire par suite du 11-Septembre. Les Etats ayant jusqu'ici réagi tièdement à l'action de l'AIEA dans ces domaines doivent reconnaître que, tout en étant perfectible, elle possède plus de légitimité mais aussi plus d'expérience et de capacités que tout autre organe international du domaine nucléaire. Etant donné l'importance de l'enjeu, qui n'est autre que la paix et la sécurité mondiales, l'AIEA représente un atout fondamental. Elle mérite par conséquent d'être mieux soutenue grâce aux mesures suivantes:
     * Son budget doit être doublé d'ici à 2020 et graduellement majoré jusqu'en 2030.
     * Création d'un programme intensif visant à mettre à niveau son infrastructure et ses technologies de vérification en y injectant d'un coup 50 millions de dollars.
     * Ses programmes de sûreté et de sécurité nucléaires doivent être financés à même son budget régulier plutôt qu'au moyen de contributions volontaires.
     * On doit lui confier le mandat de coordonner l'assistance et la consultation internationales destinées aux nouveaux Etats électronucléaires.
     * On doit l'autoriser à développer et à renouveler ses ressources humaines, en l'exemptant au besoin des règles contraignantes des Nations unies en la matière.

     (5) Engagement des parties prenantes:  s'assurer que tous les partenaires, notamment l'industrie, participent à la gestion judicieuse du regain du nucléaire
     Les gouvernements sont légitimement en droit d'autoriser ou d'interdire l'exportation de réacteurs nucléaires, de matières nucléaires ou autres technologies par des entreprises qui relèvent de leurs compétences.
     Mais l'industrie nucléaire ne peut se soustraire à ses responsabilités en prétextant du fait que la sûreté, la sécurité et la non-prolifération nucléaires sont des enjeux «hautement politisés» qui relèvent entièrement des gouvernements. Il en va du propre intérêt de l'industrie de collaborer plus étroitement avec les gouvernements, l'AIEA et les organes internationaux concernés pour empêcher que tout regain du nucléaire ne se retourne contre elle en provoquant de graves accidents, des actes terroristes ou la multiplication des armes nucléaires.

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     D'où les recommandations suivantes:
     * Convoquer un forum international ou adapter une tribune existante (comme l'ancien Partenariat mondial pour l'énergie nucléaire) qui rassemblera tous les Etats et entreprises concernés par la vente mondiale de réacteurs nucléaires de puissance afin d'harmoniser les critères applicables à cette activité.
      * Ce forum pourrait élaborer un code de conduite applicable à l'industrie, qui limiterait la vente des réacteurs nucléaires aux seuls Etats qui remplissent ces conditions:
     * conformité complète aux garanties et au Protocole additionnel de l'AIEA;
     * adhésion aux principales conventions de sûreté et de sécurité;
     * reconnaissance et mise en oeuvre des normes de sûreté et de sécurité les plus rigoureuses, y compris en participant aux contrôles par les pairs;
     * mise en place d'un système de réglementation national approprié;
     * conformité aux exigences d'établissement de rapports de la Résolution 1540 du Conseil de sécurité des Nations Unies.
     * De plus, les fournisseurs de réacteurs devraient aussi tenir compte de la stabilité des gouvernements, de la qualité de la gouvernance, de la sécurité régionale et de la renonciation volontaire des Etats à faire usage de technologies nucléaires sensibles.

     Conclusion
     La gouvernance mondiale de la sphère du nucléaire est déjà confrontée à des défis considérables, même sans la perspective d'un regain de l'énergie nucléaire. La communauté internationale, les gouvernements, l'industrie nucléaire et les autres parties prenantes se trouvent donc dans l'obligation de tout mettre en oeuvre pour éviter que l'utilisation accrue d'électricité d'origine nucléaire ne compromette les efforts actuels visant à renforcer la sûreté, la sécurité et la non-prolifération nucléaires. En fait, il faut mettre à profit le désir de plusieurs Etats de profiter des avantages supposés de l'énergie nucléaire pour renforcer la gouvernance mondiale.
     Les Etats qui aspirent à ces avantages devront ainsi accepter le marché suivant: pour avoir droit d'exploiter l'énergie nucléaire à des fins civiles, ils devront appliquer les normes internationales les plus rigoureuses afin d'éviter les accidents, le terrorisme nucléaire et le détournement des matières servant à fabriquer des armes nucléaires.
     Les Etats nucléaires avancés devront pour leur part accepter ce marché: pour faire en sorte que les nouveaux venus adhèrent à un régime mondial renforcé qui n'existait pas lorsque eux-mêmes ont acquis de l'énergie nucléaire, ils devront multilatéraliser le cycle du combustible et se défaire de leurs propres armes nucléaires.

     COMMENTAIRE
     Voici un texte intéressant à plus d'un titre.
     J'ignore si la prédiction d'un renouveau du nucléaire pour 2030 sera réalisée ou non. Je constate tout de même (et c'est une bonne chose) que l'optimisme est modéré.
     Ce texte est à l'intention particulière du Canada, confronté à des réticences quant à l'ouverture de mines d'uranium. 
     Les auteurs en fait sont très dubitatifs sur les possibilités d'accéder au nucléaire pour un grand nombre de pays.
     Le texte est axé également sur la gouvernance.
     Néanmoins leurs conclusions et plan d'action ne sont pas si éloignés de ce que nous pensons: la prolifération ne sera contenue que si TOUS les pays s'engagent sur la voie du désarmement nucléaire.
     Facile, le Canada est sous le parapluie américain, mais ne fabrique pas d'armes. Bon il a été à l'origine (candu) de la bombe indienne, mais pas directement...
     Enfin, il faut tout lire, pour se rendre compte de l'exagération enthousiaste de nos tenants d'une énergie infinie et gratuite.
     Heureusement que certains ont leurs 2 pieds par terre...

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