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G@zette N°257
Nucléaire et agressions externes: quels risques?
TCHERNOBYL: Film ARTE (25 mai 2010)

Commentaires de Michel Fernex


     Ce film d'Arte répond à la question: "Que serait la planète sans les hommes?". C'est le titre d'un article d'Emilie Martin, dans le National Géographic de janvier 2009, p24 à 38. 
     Ce titre, le Dr Philippe de Salle le reprend dans le journal de la section française d'IPPNW, l'A.M.P.G.N. (Agression Nucléaire et Médecine, Bull. N°105, p14-15, 1er trimestre 2009). Pour éliminer l'humanité, il suffirait d'un conflit atomique qui ne mettrait en jeu qu'une partie des ogives dont dispose un nombre croissant d'états. Il faudrait bien moins de bombes A ou H pour nous éliminer, si les armées ou les terroristes prenaient pour cibles les centrales nucléaires, même avec des armes conventionnelles. La contamination serait de plusieurs centaines de fois celle de Tchernobyl. 
     La vie sur terre après l'éradication des humains reprendra plus vite qu'on l'imagine par les espèces les plus résistantes aux rayonnements ionisants. Ces espèces hériteraient de nos déchets chimiques et nucléaires et des zones que notre agriculture a désertifiées, en particulier le périmètre méditerranéen, et les grands espaces d'urbanisation, comme les mégalopoles confluantes que la nature prendrait peut-être un siècle à reconquérir. 
     L'héritage le plus menaçant pour la survie sur la planète serait la radioactivité artificielle, les ogives atomiques encore disponibles, les centrales atomiques et les déchets radioactifs immergés dans les mers, enterrés ou entassés en surface, qui produiront des accidents au cours des siècles.
     Après une guerre atomique, les pertes dans le monde végétal et animal seraient immenses, bien que la majorité des espèces soient moins sensibles aux rayonnements ionisants que les humains. Les espèces sauvages résisteront aussi mieux au froid qui suivra les explosions. Elles auront à surmonter la famine qui aura contribué à l'extermination des humains. L'hiver nucléaire persistant aura été provoqué par les nuages complexes de gaz et de poussières soulevées par les explosions: ils cacheront le soleil trop d'années.
     Philippe de Salle écrit dans le bulletin des médecins pour la Prévention de la guerre Atomique (section française de IPPNW): 
     "... la nature contient en réserve des forces insoupçonnées et qui se manifestent de manière étonnante dans des situations considérées comme désespérées avec nos moyens scientifiques. Même les sites les plus contaminés verront plus vite que prévu, la faune et la flore reconquérir des territoires que la civilisation avait crû dominer. Vingt ans à peine se sont écoulés depuis la catastrophe de Tchernobyl et, bien que le site soit classé zone sinistrée et interdite aux humains, il est devenu un écosystème luxurieux et un repaire pour loups se nourrissant d'un gibier redevenu abondant."
     L'A.M.P.G.N. engagée en priorité pour le désarmement atomique est consciente de l'identité des technologies qui permettent à l'uranium enrichi de produire soit de la chaleur pour l'électricité, soit des explosions pour les bombes. Les publications citées plus haut, précèdent le film de Arte, décrivant les villes conquises par la végétation et les animaux, malgré la radioactivité qui y règne. Ainsi les remarques d'un défenseur du lobby de l'atome (Jacques FOOS) qui prétend que nous ne voulons pas regarder le témoignage de la chaîne Arte se trompe.
     Grâce au travail de notre Secrétaire adjoint, Michel Hugot, qui a téléchargé ce film et l'a placé sur notre nouveau site, nous pouvons voir cette leçon d'humilité. En effet, des associations, des centres de recherche universitaire, voire des Ministères tentent de "protéger" la nature. Cette activité est devenue une activité professionnelle nécessaire. Quand on crée des réserves naturelles trop petites pour parvenir à un îlot précieux en moins d'un siècle, il faut les «gérer». Mêmes les parc nationaux plus vastes doivent être "défendus". En effet, ils sont le plus souvent trop petits et surtout, on y élève des herbivores, comme des moutons par milliers dans le Mercantour. On y promeut un tourisme envahissant, avec chemins et routes, ce qui impose le tir des grands prédateurs, de gros herbivores, même parfois des vols d'oies sauvages qui par milliers broutent en hiver l'herbe destinée aux bovins domestiques. On protège l'agriculture avoisinante et prévient les craintes des touristes rencontrant l'ours. 
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     La surface relativement modeste de 30 km de rayon autour de la ruine de Tchernobyl, ouverte sur l'extérieur reste encore à l'abri des commerçants en tourisme qui déjà convoitent l'exploitation de cet espace, pour en tirer de gros  bénéfices. Le mausolée que l'on construira à grands frais fera partie des attractions touristiques. On n'a pas encore démontré l'utilité de ce sarcophage pharaonique, ne sachant pas scientifiquement si 70 à 80% de la radioactivité est partie en fumée, ce que penseraient les Allemands qui ont vu le film du Dr. Pflugbeil à la TV allemande. Les promoteurs du nucléaire, eux, veulent minimiser le rôle de Tchernobyl dans la catastrophe sanitaire qui a suivi l'incendie du réacteur, en assurant que seulement 20 ou 30% des radionucléides se seraient envolés, le reste nécessitant la construction d'un sarcophage monumental. Minimiser le rôle des radionucléides reste la démarche des négationnistes.
     Après l'incendie, les espèces végétales et animales qui se multiplient dès les premières années sont les plus résistantes aux rayonnements ionisants. On a vu dans le film que les bouleaux ont un noyau cellulaire peu vulnérable aux rayonnements. C'est une espèce pionnière qui envahit les espaces stérilisés, jusque dans la ville abandonnée de Pripiat. Elle se substitue aux pins plus vulnérables en présence de rayonnements. Une forêt de feuillus remplacera la forêt de résineux, mais si on attend deux siècles, on retrouvera la forêt mixte originelle. 
     Grâce à la colonisation à partir d'espaces moins touchés par les retombées, les animaux occupent cet espace. Avec deux portées de six petits par an, les rongeurs retrouveront de bons effectifs d'animaux sélectionnés au cours des dix années qui ont suivi l'explosion, malgré ou grâce à l'élimination des plus vulnérables dès les premiers hivers. Les lignées seront résistantes déjà au bout de 15 à 20 générations, comme l'ont montré Goncharova et collaborateurs depuis dix ans. Les plus grands mammifères comme les chevreuils ou les renards se reproduisent déjà à l'âge de un ou deux ans, ce qui est un grand avantage par rapport aux humains qui attendent l'âge moyen de 20 ans. Les animaux n'atteignent pas les âges qui permettraient aux cancers de se développer. Le temps de latence des cancers se compte majoritairement par décennies chez les humains, ces tumeurs malignes causent des décès majoritairement entre 50 et 80 ans, de rares cancers surviennent précocement en particulier chez les sujets qui ont été irradiés in utero.
     L'âge moyen des renards en France est d'un an et demi. Un des renards montrés dans le film a un pelage anormal, avec une teinte gris clair de la moitié postérieure et le pelage des pattes antérieures à la tête, ardoisé homogène. Pourquoi nous avoir montré un renard "anormal"? Je pense que parmi les animaux, les carnivores au sommet de la chaîne alimentaire (comme les humains) sont les plus menacés par les retombées radioactives.
     Les espèces animales et végétales les plus résistantes ne tardent guère à  recoloniser les espaces désertés ou appauvris. Cela vaut aussi pour des espèces venues de loin: élans, ours et loups, absents avant Tchernobyl. La recolonisation par des animaux venus d'ailleurs, même des rongeurs, comme l'ont montré les généticiens qui travaillent aujourd'hui, a précédé les études évoquées par le film de Arte, dont on voudrait connaître les publications ou au moins les références bibliographiques. Il est dommage que les chercheurs actuels ne mentionnent pas les travaux réalisés sur place dès 1986 par des Russes comme Pelevina, ou des Biélorusses comme Goncharova qui, depuis dix ans, n'ont plus la possibilité ou le droit d'étudier les conséquences génétiques de Tchernobyl.
     A Tchernobyl, les hirondelles et probablement tous les oiseaux migrateurs ne sont pas parvenus à surmonter les dommages génétiques provoqués par les retombées radioactives. C'est leur mobilité qui semble nuire à une possibilité de sélection des plus résistants.
     Le périmètre de 30 km autour de Tchernobyl n'est pas l'Arche de Noé. C'est un espace ouvert sur l'extérieur, avec constamment, entrée et sortie de toutes les espèces d'animaux. Il en va de même pour les champignons avec leurs spores et les plantes dont les pollens circulent dans le vent, avec les graines que portent les animaux dans leur fourrure ou dans leurs excréments. Chaque geai transporte 20.000 glands hors de la forêt pour les cacher (planter) au loin. J'ai vu cela dans des immenses monocultures de pins en Allemagne de l'Est, où le sol est couvert de petits chênes autour des pins alignés.
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     Le vide laissé par les animaux éradiqués suite aux retombées radioactives attire de nouvelles populations qui recolonisent les espaces stérilisés. (La nature a horreur du vide.) Il s'ensuit un brassage génétique à partir des bagages génétiques provenant de groupes d'origine géographique différente. Cela donne beaucoup de chance de résistance à ces rongeurs. La résistance aux rayonnements ionisants, est en partie une résistance aux radicaux libres, qui eux sont à l'origine de altérations épigénétiques.
     Les Russes sélectionnaient dans les hôpitaux les futurs ouvriers ou chercheurs des centrales atomiques. Le Prof. Nesterenko indiquait que cette sélection reposant sur la réponse de cultures de lymphocytes du sang à diverses irradiations. Cela permettait de garder 3 ou 5% des candidats. La réponse des lymphocytes du sujet à différentes doses de rayonnements peut comporter des divisions cellulaires presque toutes normales ; chez d'autres sujets, les mitoses après irradiation présentent des anomalies visibles de l'anaphase à la télophase (voir des dessins dans le livre du Tribunal des Peuples). Ces anomalies, les microscopes peuvent les compter automatiquement et exprimer si on est apte ou inapte pour le travail dans ces industries. 
     Chez l'humain, Peletier qui a écrit dans ce livre avait trouvé une hypersensibilité aux rayonnements ionisants chez la grande majorité des sujets irradiés par Tchernobyl en 1986 et une réactions "adaptative" dans les cellules de 5 enfants seulement. Ils pourraient assurer la survie de populations massivement irradiées.
     Ce qui se passe chez les hirondelles de cheminée a été souvent décrit. Je pense que la première équipe a été suédoise, avec Ellenita et Al. Dans NATURE (Vol. 389, p393-306, 1997), ils ont décrit ces mutations génétiques, avec albinisme partiel. Ces hirondelles partent en automne pour l'Afrique, et contrairement aux hirondelles sans trace d'altérations qui reviennent au point de départ (Tchernobyl) au bout d'une année dans 30% des cas, les hirondelles avec des mutations apparemment bénignes reviennent dans zéro % des cas.
     Ellegren et al. étudiaient deux populations «contrôles» d'hirondelles, une dans le sud de l'Ukraine non touchée par les retombées radioactives, et une sur le trajet de migration des hirondelles en Italie, également épargnée. Ces groupes contrôles renforcent énormément les résultats de cette équipe. 
     Les chercheurs actuellement en place dans ce site, des Américains sauf erreur, il n'a pas été question de population contrôle d'hirondelles, bien qu'ils aient bagué 15.000 hirondelles. Ils étudient les organes de reproduction des hirondelles. C'est un autre phénomène: l'altération ou la mort des spermatozoïdes. La stérilité des hommes après Tchernobyl en Ukraine a été un phénomène grave mal compris, également avec arrêt ou anomalies dans la production de spermatozoïdes. 
     Dans les régions contaminées, la dénatalité persiste dans la population humaine, bien plus que dans les régions moins polluées radiologiquement (en particulier du Belarus, où on compare les régions rurales de Gomel et celle de Vitebsk, épargnée).  
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La biodiversité, c'est-à-dire la diversité des espèces sauvages dans un milieu
     Le congrès de 2008 organisé par le WWF à Chambéry sur la biodiversité et la naturalité a montré que la richesse et la diversité des espèces dans nos forêts étaient proportionnelles au nombre de mètres cubes de bois mort en forêt. La forêt de Tchernobyl détient sans doute un record de bois mort par unité de surface. 
     Les chercheurs suivent le nombre des espèces d'oiseaux nicheurs sur la base d'enregistrement des chants. Entre 1991 et 2008, les populations d'oiseaux sont restées stables. Cela ne surprend pas du fait que les arbres morts offrent des cavités pour nicher. Cela vaut pour les mammifères (chauve-souris, loirs, martres), les oiseaux (mésanges, sittelles grimpereaux, pics, colombins, gobe-mouches) y nichent et s'y abritent. Les arthropodes, bourdons et abeilles installent leurs essaims. Le bois mort abrite une myriade d'arthropodes et de vers, source de nourriture pour d'autres.
     Les oiseaux qui passent trouvent dans la zone de Tchernobyl lors des déplacements ou de leurs migrations des conditions optimales pour s'abriter et se nourrir. C'est moins sûr en ce qui concerne la reproduction. Pour savoir si la survie des poussins est aussi favorable qu'ailleurs, il faudrait les avoir bagué et faire un contrôle les années suivantes des oiseaux nés à Tchernobyl. 
     En baguant les hirondelles, les chercheurs se sont aperçus que leur nombre demeurait élevé, malgré l'excessive mortalité des jeunes oiseaux, avant tout pendant l'hivernage. Les hirondelles qu'on voit en foule à Tchernobyl sont donc en majorité des hirondelles de remplacement. Cela vaut sans doute pour les autres oiseaux qu'il faudra encore étudier. 
     Pour redevenir nombreux, les mammifères ont dû compenser la perte précoce des malformés et des malades par la prolifération dont les rongeurs sont capables. Les mammifères, les batraciens, les reptiles, les poissons de même que les arthropodes sont très efficaces dans leur reproduction. Ils peuvent aussi entrer et sortir du cercle de 30 km de diamètre et, le cas échéant, remplacer les populations manquantes. 
     Du point de vue génétique les poissons et les batraciens ont une capacité de reproduction supérieure à celle des animaux à sang chaud. Le crapaud calamite pond 2.000 oeufs, ce qui dépasse les performances des campagnols.
     Rose Goncharova a dirigé la thèse de Slukvin, un vétérinaire spécialiste des élevages industriels de carpes du Belarus. Slukvin a étudié les carpes dans des étangs recevant une eau pure impeccable, mais dont le fond était contaminé par du Cs-137 (un curie par km carré). Les carpes adultes survivaient plusieurs années, alors que 75% des oeufs fécondés dégénéraient, avec force mutations dans les cellules de l'embryon qui mourait avant le 10e jour. Les 25% restant produisaient énormément de carpillons malformés: nageoires anormales, manque d'opercule, bouche déformée voire fermée, couleurs anormales. La publication de 1996 du Tribunal des Peuples illustre ces travaux. Malgré ces pertes colossales, les populations de carpes ne s'effondrent pas: il reste assez de survivants pour coloniser les eaux du fait qu'une carpe pond 100.000 oeufs  et parfois le double.
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     Le film nous a montré des rongeurs, d'une part des mulots, en insistant sur l'abondance des campagnols roussâtres. C'est aussi l'espèce qu'a étudiée et suivie le Prof. Rose Goncharova, à 30 km de Tchernobyl, à 100 km et à environ 250 km de la centrale détruite. Le résultat montre que d'une génération à l'autre, on voit davantage d'anomalies génétiques que chez les parents, quand on est près de Tchernobyl et moins lorsqu'on est loin, où la contamination radioactive est moindre. C'était ainsi en 1986. (On verra que cela va s'équilibrer.)
     Pourtant, au cours des années, le pourcentage d'anomalies chromosomiques survenant chez les descendants augmente. C'est lié à une altération épigénétique, qui ne se déroule pas dans le noyau mais dans le protoplasme. Il s'agit d'une instabilité génomique transmissible au cours de divisions cellulaires, puis de génération en génération. 
     Dans la zone hautement contaminée, l'augmentation de la fréquence des anomalies se poursuit jusqu'à la 12e génération pour se stabiliser vers la 15e. Dans les zones moins radio-contaminées, les mutations continuent à devenir plus fréquentes de génération en génération jusqu'à la 20e génération, moment où les campagnols des trois zones de capture avaient presque atteint le taux d'anomalies des jeunes campagnols, venant de la zone hautement contaminée.
     Il semble que dans le périmètre de Tchernobyl les chercheurs américains se trouvent depuis le début de leurs études dans la situation décrite par Rose Goncharova vingt ans après l'explosion du réacteur. Le film montrerait que la sélection s'est opérée au cours des années précédant l'arrivée des chercheurs; ils ont trouvé des campagnols abondants à Tchernobyl.
     Avec le temps, Rose Goncharova constate que pendant la gestation, la mortalité intra-utérine a augmenté. Il y a des embryons qui dégénèrent, des foetus qui meurent avant la naissance. Cependant, le campagnol peut se reproduire trois fois par an et compenser les pertes. Cette recherche serait intéressante à Tchernobyl aujourd'hui.
     Je ne crois pas que les chercheurs étrangers qui s'exprimaient dans le film d'ARTE aient découvert des choses bien différentes de celles de Goncharova. La différence est que les études ont commencé bien plus tard. Mais Rose Goncharova n'a plus le droit d'étudier les conséquences de Tchernobyl. Elle se spécialise dans la recherche de substances qui bloqueraient les mutations et parvient à protéger les oeufs irradiés des carpes. 
     Rose Goncharova et Dubrova ont montré l'augmentation des mutations chez les sujets irradiés par les retombées de Tchernobyl (Ce qui ne surprend personne), mais aussi une augmentation de ces mutations dans la 2e génération d'humains après irradiation de 1986 à Tchernobyl. Ce n'est pas le cas après l'irradiation par les bombes de Hiroshima et de Nagasaki (6 et 9 août 1945). 
     La sélection des campagnols relativement résistants aux radicaux libres prendra aussi la place des campagnols plus sensibles, dans un environnement où les rayonnements ionisants menacent la santé ou la survie de façon durable. 
     Ce qui manque dans le film, ce sont des données de génétique scientifiques qu'on trouvera dans les publications de ces chercheurs. J'aimerais savoir si certains travaux contredisent ceux de Rose Goncharova. Je n'ai pas encore décelé cela. 
     Dans les lymphocytes en culture des sujets irradiés, les anomalies constatées au microscope au cours de la mitose ne reposent pas sur une atteinte primaire du génome, mais sur des altérations épigénétiques, des altérations moléculaires qui se produisent en dehors même du noyau.
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Cela a pour conséquence une instabilité génétique qui peut se transmettre en cours de division, d'une cellule, voire d'une génération à l'autre (même d'un individu à l'autre, comme chez des poissons placés dans le même aquarium propre, l'un des poissons étant irradié, l'autre pas.). 
     A la page 116 du livre du Tribunal des Peuples, Irina Pelevina décrit les phénomènes et l'hypersensibilité aux rayonnements ionisants externes chez les cellules des rongeurs (et des humains) vivant près du réacteur détruit. C'est le sujet des études actuelles de Rose Goncharova. Il en a été question dans le film, mais je n'ai pas saisi les résultats obtenus.
     Ce film montre, aussi, une expérience unique: la réintroduction du cheval de Przewalski dans un milieu comptant les prédateurs naturels d'Europe. Dans cette plaine qui connaît de longs hivers enneigés et très froids, tous les animaux peuvent entrer et sortir du périmètre protégé. 
     On aimerait connaître en détail l'évolution de ce groupe de chevaux de Przewalski dans cette réserve intégrale. 
Il est aussi intéressant d'apprendre que le cheval sauvage accumule trois fois moins de radiocésium (Cs-137) que les chevaux domestiques dans ces milieux. Le film émet une hypothèse qui reste à confirmer pour expliquer ces différences. 
     Il semble, aussi, que les oies domestiques accumulent très peu de Cs.137, bien moins que d'autres animaux domestiques. Elles pourraient fournir une bonne viande aux habitants des villages. 
     En hiver les ours dorment, mais les loups et les lynx sont actifs. Pourtant le film montre très peu de lynx (l'un d'eux pourrait avoir été filmé dans un zoo?). Les images fugaces de loups évoquent leur rareté. Les photos à l'infrarouge la nuit sont très floues. Il semble évident que leur nombre n'est pas excessif, et on aimerait comprendre le mécanisme de régulation de cette espèce qui dispose de proies très abondantes et dont le seul ennemi, l'homme est exclu. 
     Tchernobyl nous enseigne le rôle du superprédateur: il élimine rapidement les malades, supprime les faibles, les malades et les malformés. Il opère la meilleure sélection possible des résistants aux rayonnements ionisants. Ceci le chasseur moyen ne le fait pas. S'il prélève souvent les plus beaux trophées, il élimine par là les plus puissants reproducteurs. Parmi les élans, les cerfs, les chevreuils, seules des bêtes saines, génétiquement épargnées survivront autour de Tchernobyl. Mons sensibles aux conséquences des rayonnements ionisants (les radicaux libres), ils surmonteront les hivers très rudes et pourront être montrés dans les films. 
     On parlait de créer un parc national à Tchernobyl. Ce serait un  parc réservé au troisième âge. Les enfants et les humains en âge de procréer devraient l'éviter. La femme enceinte serait la plus menacée.
     Sur quoi repose la régulation des populations de loups? Pourquoi sont-ils peu abondants en présence d'un excès de proies? Pour la régulation, les loups n'ont pas besoin des chasseurs. On a vu des renards dans le film, l'un ne nous n'a pas trouvé son pelage parfait. J'aimerais en savoir plus sur les prédateurs des campagnols que sont les mustélidés, comme la martre, la belette et d'autres qui se nourrissent de rongeurs sauvages. On n'a rien entendu sur les loutres qui prélèvent des poissons contaminés; rien sur les faucons crécerelles, ni sur les buses, autres prédateurs de campagnols.
     Les problèmes de santé des prédateurs nous intéresseraient, car ils sont au sommet de la chaîne alimentaire. On devrait trouver chez eux les plus hautes concentrations de produits toxiques et de radionucléides. 
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