RESUME DU RAPPORT (suite)De nombreuses études de prospective énergétique réalisées à la fin des années 1990 envisagent une pénurie de la ressource en uranium au cours du XXIème siècle. Dans ce contexte, le Département de l’énergie américain (DOE – «Department Of Energy») a créé, en 2000, le «Generation IV International Forum» (GIF), dont l’objectif est de coordonner les activités de recherche et développement devant aboutir au déploiement de systèmes nucléaires (réacteurs et installations du cycle du combustible associées), dits de 4ème génération, à l’horizon de la seconde moitié du XXIème siècle. La première action du GIF a consisté à sélectionner, parmi plus d’une centaine de systèmes proposés par les pays participants, dont la France, six systèmes jugés comme les plus prometteurs au regard de différents critères, établis sur la base des objectifs suivants: * la poursuite des progrès en compétitivité et en sûreté réalisés pour les réacteurs à eau de troisième génération; * une meilleure utilisation des ressources en uranium; * une réduction des déchets radioactifs, notamment ceux de haute activité à vie longue; * une protection renforcée contre les actions de malveillance et les possibilités de détournement ou de vol de matières nucléaires. Les six systèmes retenus par le GIF sont les suivants: * les réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium («Sodium cooled Fast Reactors» – SFR); * les réacteurs à très haute température, à spectre thermique («Very High Temperature Reactors» – VHTR); * les réacteurs à neutrons rapides refroidis au gaz («Gas cooled Fast Reactors» – GFR); * les réacteurs à neutrons rapides refroidis au plomb («Lead cooled Fast Reactors» – LFR) ou à l’eutectique plomb-bismuth (LBE pour «Lead Bismuth Eutectic»); * les réacteurs à sels fondus à spectre rapide ou thermique («Molten Salt Reactors» – MSR); * les réacteurs refroidis à l’eau supercritique à spectre rapide ou thermique («SuperCritical Water Reactors» – SCWR). Plusieurs systèmes à spectre rapide ont été sélectionnés par le GIF car ils favorisent la transmutation de matériaux fertiles en matériaux fissiles et, dans certaines configurations, sont capables de surgénération. C’est le cas des réacteurs de type SFR, LFR, GFR et MSR. Ces caractéristiques pourraient contribuer à une meilleure utilisation des ressources énergétiques. |
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L’utilisation de caloporteurs à haute température permet par
ailleurs d’améliorer le rendement énergétique, tant pour les
installations nucléaires électrogènes que pour les installations
nucléaires qui pourraient produire de la chaleur pour des applications
industrielles, comme le VHTR. p.25En France, le choix des acteurs industriels s’est porté sur le concept SFR pour le développement d’un prototype de réacteur de quatrième génération (projet ASTRID – «Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration»), à l’horizon 2020. Pour sa part, l’ASN a souligné «l’importance qu’elle accorde à la justification du point de vue de la sûreté et de la radioprotection du choix d’une filière par rapport aux autres retenues par le GIF». Elle considère à cet égard que «la filière qui serait retenue pour le développement d’une quatrième génération de réacteurs en France [...] doit présenter un niveau de protection des intérêts mentionnés à l’article L593-1 du code de l’environnement significativement supérieur à celui des réacteurs de génération III». Dans ce cadre, elle a souhaité recueillir l’avis du Groupe permanent d’experts pour les réacteurs nucléaires (GPR) sur les caractéristiques en termes de sûreté et de radioprotection des six systèmes étudiés par le GIF. Tout d’abord, l’IRSN souligne la difficulté de dresser un bilan «équilibré» des systèmes nucléaires retenus par le GIF en termes de sûreté et de radioprotection, certains concepts étant déjà en partie éprouvés alors que d’autres ne sont qu’à un stade de développement préliminaire. Ainsi, certaines technologies bénéficient d’un retour d’expérience conséquent et d’études approfondies, d’autres étant au stade de projet. De plus, la sûreté des installations repose à la fois sur leurs caractéristiques intrinsèques et sur les dispositions de conception et d’exploitation mises en œuvre. La sûreté des différents systèmes ne peut donc être appréciée que de façon très partielle à ce stade, les conceptions actuellement à l’étude ne correspondant pas nécessairement à celles qui pourraient in fine être retenues pour des réacteurs de quatrième génération et le cycle de combustible associé. C’est pourquoi l’évaluation réalisée par l’IRSN vise à apprécier le «potentiel de sûreté» des différents systèmes tel qu’il peut être appréhendé actuellement, compte tenu des connaissances disponibles. Ainsi, l’IRSN s’est attaché à examiner les caractéristiques intrinsèques de chaque système et les contraintes associées en termes de conception et d’exploitation, intégrant les aspects propres aux installations du cycle; il estime en particulier intéressant de privilégier, pour une prochaine génération d’installations nucléaires, des concepts «pardonnants», peu sensibles aux événements susceptibles de se produire dans l’installation ou à l’extérieur de celle-ci. |
Réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium (SFR) (suite)Le bilan effectué conduit l’IRSN à considérer que, à ce jour, parmi les différents systèmes nucléaires envisagés, seul le système SFR présente une maturité suffisante pour que la réalisation d’un prototype de réacteur de quatrième génération soit envisageable dans la première moitié du XXIème siècle. De plus, le scénario de déploiement de SFR se substituant à un parc de PWR, à l’horizon de la fin du siècle, semble accessible, compte tenu du plutonium disponible en début de déploiement et de la mise en œuvre d’un cycle du combustible «fermé», basé sur un combustible oxyde, déjà éprouvé; la mise en œuvre de ce scénario nécessite toutefois l’aboutissement d’études et de développements technologiques pour la plupart déjà identifiés. L’utilisation d’un combustible métallique est également envisageable mais à plus long terme, car elle conduirait à une modification majeure des technologies de traitement actuellement mises en œuvre et nécessiterait des actions de R&D importantes. De tels efforts n’apparaissent justifiés que si un gain substantiel en termes de sûreté du réacteur est obtenu par l’utilisation du combustible métallique. Le principal atout des SFR en termes de sûreté réside dans l’utilisation d’un caloporteur liquide, sous faible pression et dont la température en fonctionnement normal présente une marge importante (300°C) par rapport à sa température d’ébullition, ce qui génère des délais de grâce importants, de l’ordre de plusieurs heures, en cas de perte des moyens de refroidissement. Toutefois, l’avantage associé à la température élevée d’ébullition du sodium doit être modulé par le fait que l’intégrité des structures ne pourra pas être maintenue au voisinage de cette température. Par ailleurs, l’utilisation du sodium présente un certain nombre d’inconvénients liés à sa forte réactivité avec l’eau et l’air, mais également avec le combustible MOX. Des dispositions de conception doivent être prises pour limiter les risques associés. Ainsi, s’il apparaît possible qu’un réacteur SFR puisse présenter un niveau de sûreté au moins équivalent à celui visé pour les réacteurs à eau sous pression de type EPR (on le connaît?!), l’IRSN ne peut pas se prononcer sur la possibilité d’atteindre un niveau de sûreté significativement supérieur, compte tenu en particulier des différences de conception et de l’état des études et recherches. Le système nucléaire associé au SFR fait l’objet de travaux importants de recherche et de développement, en France et à l’étranger, dont le projet de réacteur ASTRID, développé par le CEA en collaboration avec AREVA et EDF. L’examen du dossier d’options de sûreté de ce réacteur devrait permettre d’évaluer plus précisément la faisabilité et la sûreté de différentes solutions technologiques à l’étude. Réacteurs à très haute température (VHTR) Le VHTR bénéficie du retour d’expérience d’exploitation des réacteurs de type HTR («High Temperature Reactor»). Alors qu’il vise des performances techniques plus élevées que le HTR, il n’apporte pas d’avancée en termes de sûreté par rapport à ce type de réacteur. Cependant, le niveau de sûreté des derniers HTR développés dans les années 80 est d’ores et déjà supérieur à celui des autres systèmes sélectionnés par le GIF, avec, en particulier, un comportement naturellement sûr à l’égard de la perte des moyens de refroidissement qui rend possible la conception d’un réacteur qui ne nécessiterait pas de moyens actifs d’évacuation de la puissance résiduelle. Le système VHTR pourrait donc apporter des améliorations de sûreté notables par rapport aux réacteurs de troisième génération, notamment en termes de prévention de la fusion du cœur. Toutefois, la faisabilité d’un VHTR n’est pas acquise, elle dépendra notamment du développement de combustibles et de matériaux résistant aux hautes températures, les températures de fonctionnement actuellement envisagées, de l’ordre de 1.000°C, étant proches des températures de transformation des matériaux couramment utilisés dans l’industrie nucléaire. De plus, la réalisation d’un tel réacteur nécessiterait de déterminer précisément les risques associés à la présence de poussières de graphite. De surcroît, ce système tel qu’il est défini à ce jour ne permettrait pas une gestion optimale dans la durée des ressources naturelles et des déchets, l’entreposage en l’état des déchets de structure et des combustibles usés ne pouvant pas être une solution pérenne. |
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Des voies de gestion alternatives sont toutefois étudiées pour
limiter les volumes de graphite à stocker. Bien qu’ayant été envisagée
par le passé, la mise en œuvre d’un cycle «fermé» pour la filière VHTR
n’est actuellement pas réalisable. C’est pourquoi la démonstration de
la maîtrise de la gestion des déchets issus du VHTR et leur
comportement à long terme en situation de stockage (associé à un
conditionnement approprié restant à définir) seront des éléments de
décision importants. Toutefois, la mise en œuvre, à plus long terme,
d’un cycle du combustible au thorium (233U-Th) pourrait rendre plus
crédible l’option d’un cycle fermé, mais nécessiterait de mener des
travaux de R&D conséquents pour en démontrer la faisabilité. p.26Le déploiement d’un tel cycle resterait en tout état de cause long et complexe. Quoi qu’il en soit, les performances du VHTR en termes de sûreté sont obtenues au prix d’une limitation importante de la puissance unitaire. Il est donc très improbable que des VHTR puissent remplacer à terme les réacteurs électrogènes du parc français. Dans ce contexte, le VHTR s’apparente donc plus, du point de vue de l’IRSN, à un concept dédié à la consommation du plutonium en appui par exemple au parc de PWR, permettant ainsi de réduire l’inventaire en Pu dans le cycle du combustible, voire de le réduire sensiblement dans le cadre d’un scénario de sortie du nucléaire. Les quatre autres systèmes étudiés ne bénéficient pas d’un retour d’expérience directement utilisable; leur réalisation poserait des difficultés technologiques qui ne permettent pas d’envisager un passage à l’échelle industrielle aux échéances visées. On peut toutefois distinguer, d’une part le LFR et le GFR, pour lesquels la construction de réacteurs de petite taille pourrait intervenir dans la première moitié du XXIème siècle, d’autre part le MSR et le SCWR, pour lesquels de premières réalisations apparaissent difficilement envisageables avant la fin du siècle. Réacteurs à neutrons rapides refroidis au plomb (LFR) Le plomb présente des propriétés neutroniques intéressantes et, contrairement au sodium, ne réagit, de façon violente, ni avec l’eau ni avec l’air. Les délais de grâce en cas de perte des moyens de refroidissement sont importants compte tenu de l’inertie thermique associée au grand volume du plomb et à sa masse volumique très élevée. La température d’ébullition élevée à la pression atmosphérique garantit par ailleurs des marges importantes en fonctionnement normal et écarte le risque d’ébullition du caloporteur; le risque d’insertion de réactivité par effet de vide, qui pourrait résulter d’une ébullition du caloporteur lors de transitoires de perte du débit traversant le cœur, sans chute des barres absorbantes, est ainsi limité. Toutefois, comme pour le SFR, la ruine des structures interviendrait pour des températures bien inférieures. Le principal inconvénient des réacteurs à neutrons rapides refroidis au plomb (ou au LBE) est lié à la nature corrosive et érosive du caloporteur vis-à-vis des structures en acier inoxydable. La maîtrise du procédé envisagé actuellement, qui consiste à créer une couche d’oxyde de fer à la surface des structures, semble très délicate; elle engendre des contraintes fortes d’exploitation, en termes de températures de fonctionnement et de purification du fluide primaire. La gamme de températures envisageables pour le fonctionnement du réacteur est également limitée par le risque de gel du plomb. La sûreté du LFR reposerait donc en grande partie sur les procédures d’exploitation, ce qui n’apparaît pas souhaitable pour un réacteur de génération IV. Le caractère hautement toxique du plomb et de ses produits dérivés, en particulier l’isotope 210 du polonium (210Po) produit en cas d’utilisation de plomb-bismuth, pose également un problème d’acceptabilité vis-à-vis de l’impact potentiel de l’installation dans l’environnement. En l’état actuel des connaissances et des études, l’IRSN ne peut pas se prononcer sur la possibilité pour le LFR d’atteindre un niveau de sûreté significativement supérieur à celui des réacteurs de troisième génération. Il constate de plus qu’un certain nombre de difficultés technologiques doivent être réglées avant d’envisager la réalisation d’un réacteur de ce type. |
Réacteurs à neutrons rapides refroidis au gaz (GFR) (suite)Au stade actuel du développement du GFR, le prototype d’un réacteur industriel ne serait pas techniquement réalisable. En effet, le cahier des charges très ambitieux du GFR, s’agissant notamment des températures de fonctionnement visées, pose des problèmes technologiques encore loin d’être résolus. Par contre, la construction d’un réacteur expérimental de faible puissance est envisageable et constituerait une étape indispensable pour un éventuel développement de la filière. En termes de sûreté, le GFR n’affiche pas de qualité intrinsèque susceptible d’engendrer des progrès significatifs par rapport aux réacteurs de génération III. L’inconvénient majeur du GFR est la densité de puissance relativement élevée du cœur au regard de la faible inertie thermique du fluide primaire. A l’heure actuelle, cette difficulté est traitée en recherchant à développer un combustible réfractaire, conservant son intégrité jusqu’à plus de 1.600°C. Néanmoins, au vu des éléments disponibles dans la littérature, la faisabilité d’un tel combustible n’est pas acquise. Ainsi, le refroidissement du cœur à court terme nécessite des moyens actifs et présenterait des délais de grâce plus courts que pour les réacteurs de troisième génération. Le GFR apparaît également moins performant en termes de limitation des conséquences d’un accident grave que les autres systèmes sélectionnés par le GIF, le caloporteur utilisé ne présentant pas de propriété de rétention des produits radioactifs. La démonstration de sûreté reposerait presque exclusivement sur la fiabilité et les performances des systèmes de protection et de sauvegarde. Ainsi, au vu des éléments qui précèdent, l’IRSN estime que la conception du GFR telle qu’envisagée actuellement doit encore profondément évoluer pour correspondre aux objectifs de sûreté visés pour les réacteurs de quatrième génération. Comme pour le SFR, plusieurs types de combustible pourraient être utilisés pour les filières GFR et LFR, les combustibles sous forme de carbure et sous forme de nitrure étant respectivement associés à ces deux filières dans le cadre des projets actuels du GIF. La faisabilité de la fabrication et du traitement de ces combustibles n’est pas démontrée à l’échelle industrielle, le développement de certaines voies dont la pyrochimie étant encore au stade du laboratoire. Le choix de ces filières impliquerait par ailleurs de reconsidérer les principes de conception et de sûreté des usines de fabrication et de traitement de ces combustibles, à caractère pyrophorique. La réalisation de réacteurs de type MSR ou SCWR, même expérimentaux ou prototypes, n’est pas envisageable dans la première moitié du XXIème siècle. Leur faisabilité n’est en effet pas acquise et ne saurait l’être, en particulier pour le MSR, à court terme. Réacteurs à sels fondus (MSR) Le MSR est fortement différent des autres systèmes proposés par le GIF notamment par le fait que, pour certains modèles, le caloporteur et le combustible sont confondus et que le combustible est sous forme liquide. C’est en particulier le cas du «Molten Salt Fast Reactor» (MSFR) développé par le CNRS qui constitue le modèle de référence retenu par le GIF. Ses caractéristiques lui confèrent des propriétés intrinsèques neutroniques potentiellement intéressantes, permettant un fonctionnement a priori très stable du réacteur. La très faible inertie thermique du sel et les températures très élevées de fonctionnement imposent toutefois la mise en œuvre de dispositifs de vidange du sel combustible. La sûreté de ce système repose essentiellement sur la fiabilité et les performances de ces dispositifs. Le sel présente en revanche certains inconvénients: il est corrosif et sa température de cristallisation est relativement élevée. Quelques enseignements ont pu être tirés à cet égard de l’exploitation du réacteur MSRE construit aux Etats-Unis dans les années 1950. Il est par ailleurs nécessaire de coupler le réacteur à une unité de traitement du sel et l’analyse de sûreté du système devra prendre en compte les risques associés au couplage des deux installations. Il faut enfin souligner le caractère hautement toxique de certains sels ainsi que des substances générées par les procédés mis en œuvre dans l’unité de traitement du sel combustible qui pourrait poser un problème d’acceptabilité de ce système en termes d’impact environnemental. Le MSR présente toutefois un certain nombre d’avantages tels que ses capacités d’incinération, de surgénération, d’économie des ressources naturelles et de recyclage des actinides, même si la faisabilité des opérations de traitement du sel combustible n’est actuellement pas acquise. De plus, les scénarios de déploiement de MSFR sont, à l’heure actuelle, en cours d’étude: les seuls scénarios disponibles ne sont que prospectifs et n’ont eu pour but que de tester les capacités de déploiement de cette filière dans des conditions tendues en termes de ressources en matières fissiles et donc non représentatives de la situation énergétique en France. |
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Réacteurs à eau supercritique p.27Enfin, le SCWR, fonctionnant en spectre thermique, est présenté comme une évolution des réacteurs à eau actuels et bénéficie ainsi en partie de leur retour d’expérience, en particulier de celui des réacteurs à eau bouillante (BWR). Son principal intérêt est économique: les températures de fonctionnement envisagées permettent en effet de viser un rendement de l’ordre de 45%. Bien que, lors du fonctionnement en puissance, l’utilisation d’eau supercritique permette d’éviter les problèmes liés au changement de phase liquide-vapeur, tels que la crise d’ébullition nucléée ou l’assèchement, qui constituent des facteurs limitatifs pour les PWR et les BWR, il ne présente pas de caractéristique intrinsèque particulièrement favorable en termes de sûreté; il possède par exemple une très faible inertie thermique lorsque le réacteur est à l’arrêt. L’utilisation de l’eau supercritique dans un réacteur nucléaire soulève par ailleurs de nombreuses questions, notamment son comportement sous flux neutronique (phénomène de radiolyse). Le comportement très particulier de l’eau dans la région pseudo-critique, avec des variations significatives des propriétés thermodynamiques en fonction du flux thermique dans le combustible et du débit massique, nécessite également de nombreuses études. À cet égard, les accidents de dépressurisation, qui entraîneront une séparation des phases eau et vapeur et de fortes variations des échanges thermiques en fonction du titre du mélange, doivent faire l’objet d’une attention particulière et nécessitent d’importants efforts de compréhension des phénomènes à modéliser. Seul système du GIF à utiliser de l’eau comme caloporteur, l’état actuel de son développement ne permet pas de se positionner sur sa capacité à atteindre un niveau de sûreté significativement supérieur à celui des réacteurs de troisième génération. Du point de vue de la fabrication du combustible, l’IRSN n’a pas identifié, à ce stade, de difficulté particulière. Toutefois, les contraintes liées à son traitement devraient être prises en compte au stade de la conception de l’élément combustible. En complément, il peut également être noté que l’établissement d’une démonstration de sûreté robuste des réacteurs de type SCWR et MSR apparaît plus délicat que pour les autres systèmes, du fait du fort couplage entre les phénomènes neutroniques, thermohydrauliques, voire thermochimiques dans le cas des MSR. Conclusion L’IRSN rappelle que l’examen des systèmes de quatrième génération sélectionnés par le GIF a essentiellement porté sur leurs caractéristiques intrinsèques afin d’en apprécier le «potentiel de sûreté». La sûreté des installations reposera au final également sur les dispositions de conception et d’exploitation qui seront mises en œuvre. En tout état de cause, les appréciations portées sur les différents systèmes nécessiteront d’être revues une fois la définition des systèmes plus aboutie et de nouvelles connaissances acquises, notamment si le déploiement d’un parc nucléaire de quatrième génération devait être différé et reporté à la fin de ce siècle. De même, l’émergence de nouveaux scénarios électronucléaires plus réalistes, tenant compte des contraintes industrielles et intégrant la fin d’exploitation des réacteurs actuels et celles de futurs parcs, pourrait influencer l’appréciation portée aujourd’hui sur ces différents systèmes. En effet, du fait d’objectifs temporels de déploiement parfois très différents, d’écarts de maturité importants et d’un état des connaissances très inégal entre les différents systèmes nucléaires examinés, un bilan en termes de sûreté et de radioprotection «équilibré» de ces systèmes n’est pour l’instant pas réalisable. Aussi, l’éclairage fourni dans le rapport de l’IRSN doit être considéré avec précaution. Au stade actuel des développements, l’IRSN ne dispose pas d’éléments permettant de conclure à la possibilité d’atteindre, pour les systèmes examinés, un niveau de sûreté significativement supérieur à celui des réacteurs de génération III, si ce n’est pour le VHTR, dont la puissance est faible. De ce fait, ce système n’apparaît pas adapté à l’objectif de renouvellement du parc électrogène actuel, si celui-ci est confirmé, et n’est par ailleurs pas réalisable à court terme, compte tenu des températures mises en jeu. De nombreux travaux restent toutefois nécessaires pour confirmer cette position générale. Peu d’études sont par exemple disponibles sur le comportement en accident grave des différents systèmes. |
L’IRSN rappelle par ailleurs que les systèmes de
génération IV sélectionnés par le GIF visent à s’inscrire dans
différents contextes nationaux. Les systèmes retenus peuvent être
associés à différents modes de gestion du combustible (cycle «ouvert»
ou «fermé», surgénération ou incinération du plutonium...) et ne sont donc pas tous adaptés au contexte énergétique français.
À cet égard, certains critères tels qu’une gestion durable et optimisée
des ressources naturelles et des déchets, associés notamment aux
réacteurs à neutrons rapides, ne sont pas forcément compatibles avec
une amélioration notable de la sûreté de ces réacteurs, en particulier
du fait des températures élevées de fonctionnement et du caractère
toxique et corrosif de la plupart des caloporteurs envisagés. (suite)A cet égard, pour ce qui concerne les SFR et potentiellement les GFR et les LFR, l’IRSN rappelle sa position relative aux études menées sur la transmutation des actinides mineurs, à savoir que cette option ne présente qu’un intérêt très limité, en termes de réduction d’inventaire et d’emprise du stockage géologique, au vu des contraintes induites sur les installations du cycle du combustible, les réacteurs et les transports, sur le plan de la sûreté et de la radioprotection. L’ASN a d’ailleurs récemment pris position pour indiquer que la possibilité de transmutation des actinides mineurs ne constituerait pas un critère de choix d’une future filière. =>? Enfin, il faut rappeler que le choix d’un éventuel déploiement industriel d’une filière de réacteurs de quatrième génération en France sera nécessairement lié aux avantages apportés par la nouvelle filière, non seulement en termes d’exploitation et de sûreté du parc de réacteurs, mais également en termes de cohérence et de performance du cycle du combustible associé, incluant les aspects de sûreté, de radioprotection, de gestion des matières et de minimisation de la production de déchets radioactifs, sans préjuger de la compétitivité économique globale du système nucléaire. Ce choix ne pourra donc être fait, le moment venu, que dans le cadre d’une approche globale, sur la base d’études multicritères intégrant les différents aspects précités. (...) 1.1.2 Contexte français Parallèlement, la France a marqué son engagement dans le développement des réacteurs de quatrième génération, notamment au travers de l’objectif fixé par le Président de la République Française au mois de janvier 2006 visant, dans la continuité de la loi 2005-781 définissant les orientations de la politique énergétique française, la mise en service d’un prototype de réacteur de quatrième génération en 2020. Cet objectif est étroitement lié aux objectifs relatifs à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs par l’intermédiaire de la loi 2006-739 du 28 juin 2006 qui prévoyait une évaluation, en 2012, des perspectives industrielles des nouvelles générations de réacteurs, ainsi que des réacteurs pilotés par accélérateur, en regard de leur capacité en termes de séparation et de transmutation des éléments radioactifs à vie longue. Cette demande législative a été déclinée dans le décret du 16 avril 2008 fixant les prescriptions relatives au Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR) qui confie au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) la coordination des recherches conduites sur la séparation et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue. Lors des séances du 20 décembre 2006 puis du 20 mai 2008, le Comité de l’énergie atomique a orienté les acteurs industriels français vers les réacteurs à neutrons rapides, refroidis au sodium ou au gaz, notamment en regard des objectifs d’économie des ressources en uranium et de réduction des déchets (capacité à brûler le plutonium ou au contraire à en produire à partir de l’isotope 238 de l’uranium (238U), <= capacité à transmuter les actinides mineurs tels que l’américium et le curium). En 2009, les travaux se sont recentrés sur les SFR. Ce choix semble avoir été opéré principalement sur des considérations de maturité de la filière, de savoir-faire disponible et de cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale de fermeture du cycle et de gestion des déchets à vie longue. (.../...) |
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(.../...) Dans cette
perspective, les concepteurs et les exploitants français (CEA, AREVA,
EDF) se sont associés en constituant le «Projet RNR-Na», chargé de
définir et de mener la R&D nécessaire au développement d’une future
filière de SFR. p.28Le prototype de SFR ASTRID mentionné plus haut est actuellement à l’étude, sous la conduite du CEA, en associant AREVA et EDF2. Sa mise en service est actuellement envisagée à l’horizon 2025. 1.2 OBJECTIFS DE LA REUNION DU GPR ET ORGANISATION DE L’INSTRUCTION 1.2.1 Demande de l'ASN Dans le cadre du développement des systèmes de quatrième génération en France, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) souhaite disposer d’un avis du Groupe permanent d’experts pour les réacteurs nucléaires (GPR) sur les caractéristiques en termes de sûreté et de radioprotection des six concepts étudiés par le GIF (référence 4). La saisine de l’ASN figure en annexe I du présent rapport. Dans cette saisine, «l’ASN souligne l’importance qu’elle accorde à la justification du point de vue de la sûreté et de la radioprotection du choix d’une filière par rapport aux autres retenues par le GIF. L’ASN considère en particulier que la filière qui serait retenue pour le développement d’une quatrième génération de réacteurs en France, dont le déploiement industriel se ferait au plus tôt au milieu du siècle, doit présenter un niveau de protection des intérêts mentionnés à l’article L593-1 du code de l’environnement significativement supérieur à celui des réacteurs de génération III». L’ASN précise que «l’analyse se focalisera sur les réacteurs mais abordera également les considérations relatives aux cycles du combustible. A titre d’information, des éléments sur les possibilités de transmutation des éléments radioactifs à vie longue dans les différents systèmes seront également présentés». Ainsi, le Directeur général de l’ASN indique que, «pour ce qui concerne les concepts de réacteur, je souhaite recueillir l’avis du GPR sur chacun des concepts de réacteurs, tels qu’ils pourraient être construits vers 2050, notamment sur les points suivants: * les caractéristiques générales en matière de sûreté et de radioprotection des différents concepts; * la maturité des concepts et les besoins de R&D vis-à-vis de la sûreté nucléaire et de la radioprotection; * les risques spécifiques associés; * les principales séquences accidentelles; * les éléments de retour d’expérience éventuellement disponibles; * les points durs et les éventuels verrous technologiques qui seraient à lever avant d’envisager la construction d’un prototype ou d’un réacteur industriel.» Le Document d’Orientations de Sûreté du projet ASTRID a été examiné par le Groupe permanent d’experts chargé des réacteurs nucléaires le 27 juin 2013. mentionnés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement par rapport aux réacteurs de troisième génération de type EPR.» 1.2.2 Organisation de l'instruction et dossier support Le projet RNR-Na a été désigné par le Comité Programme de Préparation du Futur (CPPF) comme l’interlocuteur de l’IRSN dans le cadre de cette instruction. L’examen des six systèmes nucléaires mené par l’IRSN s’est basé sur le dossier remis par le Projet RNR-Na, incluant les références 6 à 12. Les éléments de comparaison entre les six systèmes nucléaires étudiés étant très peu détaillés et datant de quelques années, l’IRSN s’est appuyé sur d’autres documents pour dresser un bilan des avantages et inconvénients des filières à l’étude par le GIF, notamment les références 13 et 14, différents rapports de l’AIEA et quelques articles publiés dans des revues scientifiques. |
Enfin, l’IRSN a fait appel à des organismes
spécialisés dans trois des six filières de réacteurs examinés afin de
disposer d’éléments techniques plus précis: (suite)* le Laboratoire de Physique Subatomique et de Cosmologie (LPSC) de l’Institut National de Physique Nucléaire et de Physique des Particules (IN2P3) du CNRS, qui développe, en France, le projet «Molten Salt Fast Reactor» (MSFR); * l’organisme allemand KIT (Karlsruhe Institute of Technology) qui a été impliqué dans les projets européens de développement de SCWR; * l’organisme allemand TÜV Rheinland, qui a été le support de l’Autorité de sûreté allemande pour l’évaluation de la sûreté des HTR construits en Allemagne. Des échanges techniques avec le projet RNR-Na, tenus respectivement les 27 novembre 2013, 14 et 15 janvier 2014, ont enfin permis de conforter, voire de compléter les éléments listés ci-dessus. 1.3 CONTENU DU RAPPORT Le présent rapport vise à apporter des éléments d’appréciation sur les systèmes nucléaires de 4ème génération actuellement à l’étude par le GIF, compte tenu des informations disponibles à ce jour. Il présente tout d’abord, dans les chapitres 2 à 7, les principales caractéristiques des six concepts de réacteurs associés aux systèmes retenus par le GIF: sont successivement abordés, pour chaque réacteur, l’historique et les perspectives de développement, le principe de fonctionnement et les éléments de conception générale, les barrières de confinement, les moyens de maîtrise des fonctions de sûreté, les risques particuliers inhérents au concept ainsi que les principales séquences accidentelles étudiées. L’impact dans l’environnement, les avantages et les inconvénients en termes de radioprotection et, pour quelques systèmes, de démantèlement sont ensuite abordés. Enfin, le retour d’expérience disponible est décrit et les principaux besoins en recherche et développement sont précisés. Pour mener son analyse, l’IRSN s’est appuyé sur des projets de développement en cours ; ces éléments sont repris dans le rapport afin d’illustrer les conceptions envisagées actuellement et d’apprécier la maturité des différents concepts. En conclusion, les principaux avantages et inconvénients en termes de sûreté et de radioprotection des différents réacteurs sont résumés. Le chapitre 8 reprend ces éléments et les met en perspective selon une approche thématique. Le chapitre 9 apporte un éclairage complémentaire sur la sûreté des cycles de combustible envisageables pour les différents types de réacteurs ainsi que sur la faisabilité de certaines options de gestion des combustibles. Un état très succinct de la R&D menée sur les procédés du cycle a été en particulier établi pour apprécier le niveau atteint de faisabilité industrielle et identifier d’éventuels points durs ou d’éventuelles difficultés techniques pouvant accompagner, voire mettre en cause, le déploiement des différentes filières. Le chapitre 10 présente les conclusions de l’avis IRSN, cité en référence 5, portant sur les études relatives aux perspectives industrielles de séparation et de transmutation des actinides mineurs pour les SFR et sur l’intérêt de cette option pour la gestion des déchets de haute activité à vie longue (intérêt pour le stockage, impact sur la sûreté des installations du cycle). Il traite également, de façon très succincte, de la capacité des autres systèmes à transmuter les actinides. Enfin, une conclusion générale est présentée au chapitre 11. Nota: L’IRSN souligne la difficulté de dresser un bilan «équilibré» des systèmes nucléaires retenus par le GIF en termes de sûreté et de radioprotection, compte tenu de la disparité constatée en termes de retour d’expérience, d’état des connaissances et d’études disponibles pour les différents systèmes. Cette disparité est propice à des erreurs de perspectives. Par ailleurs, la sûreté des installations repose à la fois sur leurs caractéristiques intrinsèques et sur les dispositions de conception et d’exploitation mises en œuvre. La sûreté des différents systèmes ne peut donc être appréciée que de façon très partielle à ce stade, les conceptions actuellement à l’étude ne correspondant pas nécessairement à celles qui pourraient in fine être retenues pour des réacteurs de quatrième génération et le cycle du combustible associé. C’est pourquoi l’évaluation réalisée par l’IRSN vise à apprécier le «potentiel de sûreté» des différents systèmes tel qu’il peut être appréhendé actuellement, compte tenu des connaissances disponibles. |
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Ainsi, l’IRSN s’est attaché à examiner les caractéristiques
intrinsèques de chaque système et les contraintes associées en termes
de conception et d’exploitation, intégrant les aspects propres aux
installations du cycle; il estime en particulier a priori intéressant
de privilégier, pour une prochaine génération d’installations
nucléaires, des concepts «pardonnants», peu sensibles aux événements
susceptibles de se produire dans l’installation ou à l’extérieur de
celle-ci. p.29(...) 5.7 CONCLUSION Le concept LFR a été retenu par le GIF car jugé bien placé pour remplir les objectifs visés (meilleure utilisation des ressources en uranium, progrès en termes de sûreté, limitation du risque de prolifération nucléaire, etc.), grâce principalement aux bonnes propriétés chimiques, thermohydrauliques et neutroniques du plomb. En premier lieu, le plomb ne réagit chimiquement de façon violente ni avec l’air ni avec l’eau; ceci a conduit certains concepteurs à prévoir l’installation des GV directement dans la cuve primaire. L’IRSN estime toutefois que ce choix de conception ne serait vraisemblablement pas accepté en France pour plusieurs raisons (risque d’entrée d’eau dans la cuve, impossibilité d’inspection en service, impossibilité de réparation...); la présence d’un circuit intermédiaire pour les concepts intégrés apparaît incontournable. Les propriétés neutroniques du plomb (faibles coefficients de modération et d’absorption neutronique, fort pouvoir de réflexion) permettent de concevoir des réacteurs de faible puissance volumique (~100 MW/m3), contrainte imposée par la nécessité de limiter la vitesse du réfrigérant primaire du fait des risques d’érosion. La température d’ébullition élevée à la pression atmosphérique (1.745°C pour le plomb et 1.670°C pour le LBE) garantit des marges importantes en fonctionnement normal, écarte le risque d’ébullition du caloporteur et limite ainsi le risque d’insertion de réactivité par effet de vide qui pourrait en résulter. Toutefois, il convient de souligner que la ruine des structures interviendrait pour des températures bien inférieures. Enfin, les délais de grâce en cas de perte de refroidissement sont particulièrement importants, du fait du grand volume de plomb et de sa forte masse volumique qui confèrent aux LFR une inertie thermique élevée. De plus, la faible perte de charge du cœur, toujours liée à la contrainte sur la faible vitesse du réfrigérant primaire, combinée avec la masse volumique et le coefficient de dilatation élevés du plomb sont des éléments favorables pour l’établissement d’un régime de convection naturelle dans le cœur. Les études réalisées dans le cadre du projet LEADER pour le réacteur de taille industrielle ELFR n’ont pas identifié de scénarios conduisant à la fusion généralisée du cœur; l’IRSN reste toutefois très sceptique sur ces conclusions, l’exhaustivité des études réalisées n’étant d’une part pas acquise, la connaissance des phénomènes physiques en jeu et de l’état de qualification des codes utilisés pour les études étant d’autre part limitée. Le Projet RNR-Na partage ce point de vue. À cet égard, aucune étude concernant la phénoménologie d’un accident de fusion du cœur n’est aujourd’hui disponible; les hypothèses avancées par les concepteurs concernant la flottabilité et la dispersion du combustible fondu garantissant ainsi l’absence de retour en criticité et de rupture de la cuve ne sont actuellement étayés par aucune étude. Quoi qu’il en soit, l’IRSN considère que, au titre de la défense en profondeur, il convient de retenir des scénarios d’accident grave, induits par la fusion du combustible ou la ruine des structures du cœur. La difficulté majeure pour un réacteur à neutrons rapides refroidi au plomb (ou au LBE) est liée à la nature corrosive et érosive du caloporteur vis-à-vis des structures en acier inoxydable. Le seul procédé disponible actuellement pour limiter le risque de corrosion consiste à créer une couche d’oxyde de fer à la surface des structures; la maîtrise de ce procédé semble très délicate et engendre des contraintes fortes d’exploitation, en termes de température de fonctionnement et de purification du fluide primaire. Son efficacité reste de plus à confirmer, en particulier pour un réacteur de grande taille et pour toutes les conditions de fonctionnement. La solution envisagée à plus long terme, qui consiste à créer un revêtement sur la surface des aciers, permettrait de simplifier la gestion de la chimie du plomb et d’atteindre des températures plus élevées. La maîtrise du risque de gel du plomb impose par ailleurs une température minimale de fonctionnement relativement élevée, y compris pendant les états d’arrêt. |
À la difficulté de maîtrise de la composition du fluide primaire s’ajoute la difficulté
d’inspecter les structures et les équipements immergés dans le plomb et
la deuxième barrière de confinement, de façon encore plus marquée que
pour le SFR. Le concept LFR ne peut être jugé acceptable du point de vue de la sûreté tant que cette problématique ne sera pas résolue. (suite)Par ailleurs, le LFR présente deux autres inconvénients majeurs en termes de sûreté et de protection des personnes, inhérents au concept: la grande sensibilité au séisme et la forte toxicité du plomb et des produits dérivés, notamment du Po, surtout en cas d’utilisation de LBE. La sensibilité au séisme et la difficulté de maîtrise de la concentration en oxygène militent pour limiter la déclinaison de ce concept à des réacteurs de petite taille. Au final, l’IRSN considère qu’il est prématuré de se prononcer sur la possibilité d’atteindre un niveau de sûreté significativement supérieur à celui visé pour les réacteurs de génération III. DEFINITION Dans le cadre du présent rapport, les définitions suivantes sont retenues:Accident grave: Un accident grave dans un réacteur nucléaire est un accident au cours duquel la fonction de confinement des éléments radioactifs issus du combustible nucléaire est significativement dégradée, que le combustible soit dans le réacteur, en cours de manutention ou dans une zone d’entreposage. Autonomie: Délai pendant lequel les fonctions de sûreté sont assurées par les ressources propres au site, dans une situation accidentelle donnée, avant qu’il ne soit nécessaire de faire intervenir des moyens extérieurs (appoint en fioul, sources d’énergie mobiles, etc.). Délai de grâce: Période au cours de laquelle une fonction de sûreté est assurée, en cas d’événement, sans que l’intervention de personnel ne soit nécessaire. Réacteurs de génération III: Appellation donnée aux réacteurs bénéficiant d’une sûreté améliorée par rapport aux réacteurs mis en service jusque dans les années 1990, essentiellement basés sur des technologies à eau légère ou lourde. Les réacteurs de génération III se caractérisent en particulier par une prise en compte des accidents graves à la conception et une amélioration de la protection contre les agressions. Réacteurs de génération IV: Appellation donnée aux réacteurs futurs dont la construction est envisagée au plus tôt dans la seconde moitié du XXIème siècle, répondant à des objectifs d’économie des ressources en uranium, de compétitivité, d’amélioration de la sûreté par rapport aux réacteurs de la génération précédente, de réduction des déchets et de protection contre les actes de malveillance et les possibilités de détournement ou de vol de matières nucléaires. Séquence accidentelle: Succession d’événements survenant au cours de l’exploitation de l’installation et susceptible de conduire à une dégradation d’une ou plusieurs barrières de confinement. Situation redoutée: Etat dégradé de l’installation ou conséquences d’une séquence accidentelle que l’on cherche à éviter (fusion du cœur pour les réacteurs de type PWR, libération d’un potentiel de danger, etc.). Systèmes passifs: Systèmes ne nécessitant aucune source de courant alternatif pour fonctionner. GLOSSAIRE ADC Accident de Dimensionnement du Confinement (Superphénix) ADS Accelerator Driven System AEN Agence pour l’Energie Nucléaire AIDA AIde au Démantèlement des Armes AIEA Agence Internationale de l’Energie Atomique ALFRED Advanced Lead Fast Reactor European Demonstrator AM Actinides Mineurs ARE Aircraft Reactor Experiment |
suite:
ASN Autorité de Sûreté Nucléaire p.30ASTRID Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration BISO BIstructural iSOtropic BTI Bouchage Total Instantanné CANDU CANadian Deuterium Uranium CCAM Couvertures Chargées en Actinides Mineurs CPPF Comité de Programme Préparation du Futur CEA Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives Cp Capacité thermique massique dpa Déplacement Par Atome DHR Decay Heat Removal (circuit de refroidissement de secours) DOE Department Of Energy EI Echangeurs Intermédiaires ENEA Organisme italien pour les nouvelles technologies, l’énergie et le développement durable ESNII European Sustainable Nuclear Industrial Initiative FBTR Fast Breeder Test Reactor GFR Gas cooled Fast Reactor GIF Generation IV International Forum GPR Groupe Permanent d’experts pour les Réacteurs nucléaires GV Générateur de Vapeur HAVL Haute Activité à Vie Longue HPLWR High Performance Light Water Reactor ICB Interaction Corium-Béton INL Idaho National Laboratory INPRO International Project on Innovative Nuclear Reactors and Fuel Cycles IRSN Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire ISIR In Service Inspection and Repair JAEA Japan Atomic Energy Agency LBE Lead Bismuth Eutectic LEADER Lead-cooled European Advanced DEmonstration Reactor LFR Lead cooled Fast Reactors LOCA LOss of Coolant Accident LOFC LOss of Forced Coolant Flow LWR Light Water Reactor MC Mixed uranium plutonium Carbide MN Mixed uranium plutonium Nitride MOSART MOlten Salt Actinide Recycler and Transmuter MSBR Molten Salt Breeder Reactor MSFR Molten Salt Fast Reactor MSR Molten Salt Reactor MSRE Molten Salt Reactor Experiment MYRRHA Multipurpose hYbrid Research Reactor for High-tech Application NCII Nuclear Cogeneration Industrial Initiative NGNP Next Generation Nuclear Plant NRA Nuclear Regulation Authority (Autorité de sûreté japonaise) ODS Oxide Dispersed Strengthened ORNL Oak Ridge National Laboratory PBMR Pebble Bed Modular Reactor PCRD Programmes Communs de Recherche et de Développement PF Produits de Fission PFBR Prototype Fast Breeder Reactor (SFR indien) PFR Prototype Fast Reactor (SFR britannique) PNGMDR Plan National de Gestion des Matières et des Déchets Radioactifs RHWG Reactor Harmonization Working Group (WENRA) RNR Réacteurs à Neutrons Rapides RSE Réaction entre le Sodium et l’Eau RTGV Rupture de Tube de Générateur de Vapeur SCWR SuperCritical Water Reactors SFR Sodium cooled Fast Reactors SNETP Sustainable Nuclear Energy Technology Platform TRISO TRistructural ISOtropic (combustible des VHTR) VHTR Very High Temperature Reactors WENRA Western European Nuclear Regulators Association |
COMMENTAIRE Intéressant de noter les critères de choix de la filière, sachant que l’IRSN se contente de dire que aucun choix n’est possible au stade où s’en trouve le dossier. «Extraits du rapport:» La première action du GIF a consisté à sélectionner, parmi plus d’une centaine de systèmes proposés par les pays participants, dont la France, six systèmes jugés comme les plus prometteurs au regard de différents critères, établis sur la base des objectifs suivants: * la poursuite des progrès en compétitivité et en sûreté réalisés pour les réacteurs à eau de troisième génération; * une meilleure utilisation des ressources en uranium; * une réduction des déchets radioactifs, notamment ceux de haute activité à vie longue; * une protection renforcée contre les actions de malveillance et les possibilités de détournement ou de vol de matières nucléaires. Les six systèmes retenus par le GIF sont les suivants: * les réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium («Sodium cooled Fast Reactors » – SFR); * les réacteurs à très haute température, à spectre thermique («Very High Temperature Reactors» – VHTR); * les réacteurs à neutrons rapides refroidis au gaz («Gas cooled Fast Reactors» – GFR); * les réacteurs à neutrons rapides refroidis au plomb («Lead cooled Fast Reactors» – LFR) ou à l’eutectique plomb-bismuth (LBE pour «Lead Bismuth Eutectic»); * les réacteurs à sels fondus à spectre rapide ou thermique («Molten Salt Reactors» – MSR); * les réacteurs refroidis à l’eau supercritique à spectre rapide ou thermique («SuperCritical Water Reactors» – SCWR).» Et ce fameux GIF a retenu les réacteurs refroidis au plomb: «Le concept LFR a été retenu par le GIF car jugé bien placé pour remplir les objectifs visés (meilleure utilisation des ressources en uranium, progrès en termes de sûreté, limitation du risque de prolifération nucléaire, etc.), grâce principalement aux bonnes propriétés chimiques, thermohydrauliques et neutroniques du plomb. En premier lieu, le plomb ne réagit chimiquement de façon violente ni avec l’air ni avec l’eau; ceci a conduit certains concepteurs à prévoir l’installation des GV directement dans la cuve primaire. L’IRSN estime toutefois que ce choix de conception ne serait vraisemblablement pas accepté en France pour plusieurs raisons (risque d’entrée d’eau dans la cuve, impossibilité d’inspection en service, impossibilité de réparation...); la présence d’un circuit intermédiaire pour les concepts intégrés apparaît incontournable. Les propriétés neutroniques du plomb (faibles coefficients de modération et d’absorption neutronique, fort pouvoir de réflexion) permettent de concevoir des réacteurs de faible puissance volumique (~100 MW/m3), contrainte imposée par la nécessité de limiter la vitesse du réfrigérant primaire du fait des risques d’érosion. La température d’ébullition élevée à la pression atmosphérique (1.745°C pour le plomb et 1.670°C pour le LBE) garantit des marges importantes en fonctionnement normal, écarte le risque d’ébullition du caloporteur et limite ainsi le risque d’insertion de réactivité par effet de vide qui pourrait en résulter. Toutefois, il convient de souligner que la ruine des structures interviendrait pour des températures bien inférieures. Enfin, les délais de grâce en cas de perte de refroidissement sont particulièrement importants, du fait du grand volume de plomb et de sa forte masse volumique qui confèrent aux LFR une inertie thermique élevée. De plus, la faible perte de charge du cœur, toujours liée à la contrainte sur la faible vitesse du réfrigérant primaire, combinée avec la masse volumique et le coefficient de dilatation élevés du plomb sont des éléments favorables pour l’établissement d’un régime de convection naturelle dans le cœur (?)» Bon c’est soi-disant une pure merveille: notons tout de même que cette merveille est seulement sur des plans (et ce n’est même pas sûr qu’on en soit à ce stade.) |
suite:
Aucune étude de sûreté n’a été menée, il n’y a que des présupposés d’où l’avis de l’IRSN: p.31«Quoi qu’il en soit, l’IRSN considère que, au titre de la défense en profondeur, il convient de retenir des scénarios d’accident grave, induits par la fusion du combustible ou la ruine des structures du cœur. La difficulté majeure pour un réacteur à neutrons rapides refroidi au plomb (ou au LBE) est liée à la nature corrosive et érosive du caloporteur vis-à-vis des structures en acier inoxydable. Le seul procédé disponible actuellement pour limiter le risque de corrosion consiste à créer une couche d’oxyde de fer à la surface des structures ; la maîtrise de ce procédé semble très délicate et engendre des contraintes fortes d’exploitation, en termes de température de fonctionnement et de purification du fluide primaire. Son efficacité reste de plus à confirmer, en particulier pour un réacteur de grande taille et pour toutes les conditions de fonctionnement. La solution envisagée à plus long terme, qui consiste à créer un revêtement sur la surface des aciers, permettrait de simplifier la gestion de la chimie du plomb et d’atteindre des températures plus élevées. La maîtrise du risque de gel du plomb impose par ailleurs une température minimale de fonctionnement relativement élevée, y compris pendant les états d’arrêt. À la difficulté de maîtrise de la composition du fluide primaire s’ajoute la difficulté d’inspecter les structures et les équipements immergés dans le plomb et la deuxième barrière de confinement, de façon encore plus marquée que pour le SFR. Le concept LFR ne peut être jugé acceptable du point de vue de la sûreté tant que cette problématique ne sera pas résolue. Par ailleurs, le LFR présente deux autres inconvénients majeurs en termes de sûreté et de protection des personnes, inhérents au concept: la grande sensibilité au séisme et la forte toxicité du plomb et des produits dérivés, notamment du Po, surtout en cas d’utilisation de LBE. La sensibilité au séisme et la difficulté de maîtrise de la concentration en oxygène militent pour limiter la déclinaison de ce concept à des réacteurs de petite taille.» Donc il est prématuré de se lancer dans une aventure pour le moins osée. Et pour la France: «Lors des séances du 20 décembre 2006 puis du 20 mai 2008, le Comité de l’énergie atomique a orienté les acteurs industriels français vers les réacteurs à neutrons rapides, refroidis au sodium ou au gaz, notamment en regard des objectifs d’économie des ressources en uranium et de réduction des déchets (capacité à brûler le plutonium ou au contraire à en produire à partir de l’isotope 238 de l’uranium (238U), capacité à transmuter les actinides mineurs tels que l’américium et le curium). En 2009, les travaux se sont recentrés sur les SFR. Ce choix semble avoir été opéré principalement sur des considérations de maturité de la filière, de savoir-faire disponible et de cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale de fermeture du cycle et de gestion des déchets à vie longue. Dans cette perspective, les concepteurs et les exploitants français (CEA, AREVA, EDF) se sont associés en constituant le «Projet RNR-Na», chargé de définir et de mener la R&D nécessaire au développement d’une future filière de SFR. Le prototype de SFR ASTRID mentionné plus haut est actuellement à l’étude, sous la conduite du CEA, en associant AREVA et EDF2. Sa mise en service est actuellement envisagée à l’horizon 2025.» Quel optimisme !! Le dossier va être examiné mais il y a encore loin entre cette phase et un début de construction: compte tenu des déboires sur divers chantiers (EPR's, réacteur Jules Horowitz…) et la livraison de pièces défectueuses. Au final, l’IRSN considère qu’il est prématuré de se prononcer sur la possibilité d’atteindre un niveau de sûreté significativement supérieur à celui visé pour les réacteurs de génération III. La Gazette en conclut: prenons vite la voie alternative (soleil, gaz, géothermie, éolien ) sinon ce sera vraiment le fiasco... |