LaG@zette Nucléaire sur le Net!
N°281, septembre 2016

SE SOUVENIR DES DÉBUTS DU NUCLÉAIRE:
HIROSHIMA ET NAGASAKI


Décret relatif au contrôle des installations nucléaires de base: l’ASN note une avancée importante
 
http://www.asn.fr/Informer/Actualites/Decret-relatif-au-controle-des-installations-nucleaires-de-base
AFP


 
    Le 29 juin 2016, un décret relatif à la modification, à l'arrêt définitif et au démantèlement des installations nucléaires de base (INB) ainsi qu'à la sous-traitance a été publié au Journal officiel.
    Ce décret décline plusieurs dispositions de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (TECV):
    - L'encadrement du recours à la sous-traitance dans l'exploitation des INB,
    - La réforme du cadre applicable au démantèlement des INB,
    - La mise en place d'un contrôle plus proportionné aux enjeux des modifications notables des INB.
    En modifiant le décret «Procédures INB» du 2 novembre 2007, le décret du 28 juin 2016 apporte les précisions réglementaires nécessaires à la mise en place de ces avancées importantes.
    Concernant le contrôle de modifications notables des INB, le décret prévoit, en fonction de l'importance des installations concernées et des dispositions de contrôle interne mises en place par l'exploitant, deux procédures différentes: soit une autorisation de l'ASN, soit une simple déclaration auprès de celle-ci.
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    Cette possibilité conduira à mieux proportionner l'action de l'ASN aux enjeux en termes de sûreté nucléaire ou de radioprotection.
    Ces dispositions, pour être pleinement opérationnelles, doivent être complétées par des décisions de l'ASN. Celles-ci seront prises au plus tard au cours de l'année 2017.
    Dix ans après la loi TSN du 13 juin 2006, la loi TECV et l'ordonnance du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire ont marqué une nouvelle étape de la législation en matière nucléaire. Les adaptations réglementaires de la loi TECV améliorent substantiellement les exigences en matière de sûreté et de transparence et renforcent l'efficacité du contrôle exercé par l'ASN.
    Le décret du 28 juin 2016 est la première étape du travail de déclinaison réglementaire des dispositions de la loi TECV du 13 juin 2006. Ce travail se poursuivra dans les mois à venir, en particulier pour ce qui concerne la déclinaison des dispositions de l'ordonnance du 10 février 2016.
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État des lieux de l’appropriation foncière de l’ANDRA
Note de synthèse(1)

Mars  2016
Plus d’infos sur http://vmc.camp/
 
Une  politique d’appropriation foncière «à l’amiable» engagée depuis plusieurs années

    Depuis décembre 2007 l’Andra a engagé des acquisitions foncières auprès des  propriétaires en  Meuse, Haute-Marne et au-delà. Quels sont ses objectifs  Selon l’agence, il s’agit de:
    - «maîtriser le foncier des futures installations du projet Cigéo par achats directs ou  échanges afin d’éviter des expropriations et maintenir les exploitations agricoles,
    - compenser par du reboisement les surfaces qui seront défrichées, si la construction de Cigéo est autorisée,
    - mettre en œuvre des mesures compensatoires environnementales,
    - être propriétaire de forêts afin de répondre, autant que de  besoin, à  des  engagements de long  terme.(2)
    L’ANDRA constitue des réserves foncières par deux biais principaux:
    - d’une part en achetant elle-même des terres agricoles, forestières, ou autres (anciennes voies ferrées, carrières...),
    - d’autre part par le biais des SAFER (Société d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural) Lorraine et Champagne-Ardenne dans le cadre de conventions conclues avec elles pour constituer une  réserve  foncière et réaliser des échanges de parcelles (juillet 2008 pour la  SAFER-L et mai  2009 pour la SAFER-CA).

    «Négociation à l’amiable» ou harcèlement des agriculteurs et  propriétaires?
    Les  négociations foncières de l’Andra sont menées depuis les dernières années par un certain Emmanuel Hance, «responsable des activités humaines et de la biodiversité» de l’agence. Les  propriétaires et les agriculteurs ayant eu affaire à lui préfèrent le terme de «harcèlement» plutôt que «négociation l’amiable»: appels téléphoniques et visites inlassables, menaces à peine voilées d’expropriation ou de contrôles sur les exploitations en cas de refus... Beaucoup parlent de Hance d’une manière non équivoque, avec un mélange de crainte et de haine: «Vous le  connaissez celui-là? C’est le bon dieu sur terre, il décide de tout ici... »; «C'est pas des méthodes. C'est une honte. C'est la pire chose que j'ai vue dans ma vie !», etc...
    Une  personne concernée par les échanges explique l’arrivée d’un cancer entre autres par les multiples pressions qu’elle a subies pour  échanger une partie de  ses  terres. Un  jeune agriculteur du village de Saudron aurait fait un AVC suite à un mauvais échange avec l’ANDRA. Impossible de prouver un lien causalité directe, mais il est sûr que l’ambiance de harcèlement et de pression ne contribue pas à une vie apaisée des habitant(e)s(3).
    Toutefois, l’Andra veut aussi apparaître comme arrangeante. Les agriculteurs sont démarchés individuellement et bien souvent des propositions alléchantes, alliées à la menace des contrôles  et de l’expropriation, finissent par avoir raison des volontés de résistance. Certains d’entre eux se sont par exemple vus proposer des échanges avec des terres de qualité agronomique supérieure (déplacement d’exploitations vers Bar-le-Duc, voire vers la Marne...). D’autres encore ont bénéficié de surfaces de compensation plus grande que celles rachetées; ou ont pu restructurer leur exploitation et éviter le morcellement de leurs terres. Enfin, les terres vendues ou échangées par les agriculteurs leur sont généralement redistribuées par  la  suite sous forme de baux précaires par les SAFER. Ceux-ci peuvent ainsi continuer durant  quelques années de cultiver tout ou partie de leurs terres échangées ou vendues, tout en bénéficiant des nouvelles terres échangées.
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    Quels sont les besoins fonciers de l’ANDRA et combien d’hectares possède-t-elle?
    Les estimations les plus récentes de l’agence de l’emprise réelle du futur projet se chiffrent autour de 550/650 ha. Ces  besoins se décomposent comme suit:
    * L’installation de surface de la zone de descenderie (ZD) ou «zone de réception, contrôle et préparation des colis»: 280-300 ha de besoins estimés.
    * L’installation de surface de la zone puits ou «zone de soutien aux activités souterraines»: 200 à 300 ha de besoins estimés.
    * Réalisation des voies ferrées et du terminal ferroviaire: 10 à 25 ha de besoins estimés.
    * Infrastructure de voirie (routes et  accès):10 à 15 ha estimés.
    * Création d’un raccordement électrique 400.000 / 90.000 V: 5 à 10 ha estimés.
    Pourtant, en 2013, l’agence affirmait lors du Débat Public que l’emprise au sol serait limitée à 30 ha: les estimations besoins de  l’ANDRA ont donc doublé en 2 ans. Jusqu’où l’agence s’arrêtera-t-elle? Ses besoins fonciers vont-ils continuer  d’augmenter? Et ceux des projets satellites?

    Derrière CIGEO, pointe émergée de l’iceberg, de nombreux projets préparent la nucléarisation du Grand Est.
    C’est ainsi que les aménageurs présentent d’ores et déjà la région comme un «pôle de compétence territorial en nucléaire» où les investisseurs sont invités à s’implanter(4). De multiples projets en amont et en aval du cycle nucléaire reconfigurent peu à peu l’économie régionale autour de cette filière: archives d’Areva à Houdelaincourt, archives d’EDF à Bure, plateforme logistique de transit de camions de déchets à Void-Vacon (Meuse), plateforme logistique de pièces de rechange pour les centrales nucléaires à Velaines (Meuse), un centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (Cires) de déchets TFA (très faible activité) à Morvilliers (Aube), un centre de stockage pour déchets faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC) à Soulaines-Dhuys (Aube), etc.
    Et, à 2 km de la poubelle nucléaire, le projet SYNDIESE piloté depuis 2010 par le CEA (Commissariat à l’Energie  Atomique et aux Energies Alternatives). Ce «démonstrateur pilote préindustriel» est un prototype de 270 millions €, qui transformerait une partie des forêts de Lorraine en biodiesel de seconde génération pour faire rouler 3.000 voitures (20% de la ressource bois supplémentaire chaque année, soit 90.000 tonnes de biomasse forestière). Pour l’heure cette installation dangereuse de type ICPE/SEVESO n’a pas été soumise à l’enquête publique, mais les travaux ont déjà commencé et deux unités de broyage sont sorties de terre(5).
    Les 3115 hectares de patrimoine de l’ANDRA sont  disproportionnés  par rapport  à ses besoins réels.
    Au cours des six dernières années, l’ANDRA a augmenté son stock foncier en Meuse et Haute-Marne de 543,13 ha en  2010, à 3.115 hectares en date de novembre 2015: 2.270 hectares en propriété directe et 845 ha mis en réserve par les  SAFER. L’ANDRA possède, donc, en propriété directe 2.269 ha, achetés 12.303.805 €.
    Du  côté des SAFER, la réserve foncière est d’environ 845 ha dont 540 ha de la SAFER Lorraine, et 306 ha de la SAFER Champagne-Ardenne. La valeur des terres se montant à 4.712.451 € et  celle  du  bâti  à  656.450 €.  
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    Le  patrimoine de 3.115 ha  est donc 5 à 6 fois plus élevé que les besoins estimés. Pourquoi?
    Pour les terres agricoles, l’agence affirme qu’elle a besoin d’un  «stock varié» pour disposer d’une marge de  manœuvre vis-à-vis des multiples demandes d’échanges et leurs critères spécifiques.
    En outre l’un des autres objectifs des achats fonciers prévoit une fonction de compensation par reboisement de surfaces défrichées. Les 300 ha de forêts voués à la construction d’une zone puits seront-ils «compensés» dans les années à venir par 300 ha de terres agricoles replantées?
    Pour ce qui est des forêts, la disproportion entre les 2.018 ha  de  patrimoine et  les besoins (environ 300 ha de zone boisée à défricher) est encore plus mystérieuse. Le directeur technique de l’agence, Jean-Paul Baillet, a précisé au Canard Enchaîné en décembre 2015 vouloir «conserver des forêts pour les gérer en bon père de famille, afin de sécuriser nos actifs» (6). Mais de quels actifs, à quelle hauteur, selon quels mécanismes financiers et au nom de quelles dispositions juridiques? On sait aussi que l’agence a signalé que si Cigéo était autorisé, «l’équivalent des superficies boisées qui seront défrichées devra être compensé. Les parcelles forestières déjà  acquises permettront d’assurer ces compensations». Comment des forêts déjà boisées pourraient-elles «compenser» des forêts défrichées? Au nom de quel  mécanisme juridique? Sur quel périmètre? Là encore, aucune  réponse.
    Si  l’agence affirme que le bois de ces forêts «n’a  pas vocation à  alimenter» le projet SYNDIESE, on peut se demander si cette toile d’araignée de 3.115 ha ne pourrait pas permettre, au cas où l’option du projet de stockage profond CIGEO serait abandonnée, de basculer sur un plan B avec un stockage en surface ou sub-surface sur un périmètre beaucoup plus important que 600 ha !
    L’ANDRA contribue à la hausse du prix des terres et à la pression foncière Entre 2007 et 2014, le prix moyen d’achat à l’hectare des prés et terres libres en Meuse a augmenté de 43,8%, passant de 3.400 € à 4.890 €. Pendant la même période, en Lorraine, le prix moyen augmentait de 39,7% passant de 3.770 euros à 5.130 euros(6). Beaucoup d’agriculteurs accusent l’Andra de contribuer à cette augmentation. L’ANDRA botte en touche en expliquant que l’augmentation n’est pas «directement» liée au projet CIGEO, car elle est globale sur l’ensemble de la Lorraine.
     Pourtant, le prix d’achat moyen agrégé des terres agricoles de l’ANDRA en Meuse et Haute-Marne (soit toutes les acquisitions entre 2007 et 2015, achat des SAFER inclus) est de 5.642 €. Sur la même période, le prix moyen d’achat de terres agricoles en Meuse est d’environ 4.130 €, et environ 3.000 € pour la  Haute-Marne. L’Andra a donc acheté des terres agricoles quasiment 1.500 € de plus que la moyenne en Meuse; et 2.600 euros de plus que la moyenne en Haute-Marne! L’écart est encore plus flagrant si on compare avec le prix moyen des terres agricoles  achetées dans la  zone d’intérêt direct de CIGEO: la moyenne s’élève à 6.552 € !
    L’ANDRA dispose également d’un patrimoine bâti d’une valeur de 946.019 €, généralement acquis au sein de  lots de parcelles. Ce patrimoine bâti est une arme de plus dans les mains de l’ANDRA pour séduire les collectivités locales. Par exemple, une maison achetée pour 70.000 € en 2013 a été revendue pour 40.000 € en 2014 à la  commune de Bonnet. Soit une  moins-value de 30.000 €, justifiée par «l’accompagne{ment} de  projet» auprès des  collectivités.
    Le  reste  de la réserve foncière peut servir au «développement territorial» des communes. Par exemple en octobre 2015 la  commune de Gondrecourt-le-Château a pu bénéficier d’une rétrocession d’une parcelle agricole de 1,07 ha pour... la construction d’une future caserne de gendarmerie, juste à côté d’un site de l’Andra!
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    Les dernières  manoeuvres de l’ANDRA sur le front Foncier
    Le retrait de 300 ha de terres agricoles pour les travaux préparatoires.
    Depuis  fin août 2015, l’ANDRA a retiré 300 ha de terres agricoles auparavant utilisées en baux précaires par des agriculteurs les ayant vendues ou échangées dans les dernières années. L’objectif ? Commencer les travaux préparatoires de la poubelle nucléaire sur les zones de  descenderie et de la voie ferrée: fouilles archéologiques préventives, relevés environnementaux et géotechniques, sondages. Les centaines d’hectares ne peuvent donc pas être  cultivés au moins jusqu’en septembre 2016, et se couvrent  de centaines de tranchées(7).

    L’échange contesté du bois communal de Mandres-en-Barrois, zone cruciale des installations de CIGEO
     Depuis  2013, l’agence convoite les 220 ha du bois communal du village de Mandres-en-Barrois pour y construire la zone des puits à l’aplomb des galeries souterraines. En janvier 2013, une première proposition d’échange mirobolante(8) avait été rejetée  lors d’une  consultation des habitant(e)s organisée par le conseil municipal. En juin 2015, l’ANDRA est revenue à la charge avec une nouvelle proposition divulguée lors d’une négociation à huis clos, dans une mairie barricadée par des vigiles. Cette fois-ci, pas de consultation des habitant(e)s, on s’essuie les pieds sur la volonté populaire: début  juillet 2015 le conseil municipal a  voté pour l’échange du bois, lors d’une session tenue... à 6h du matin!
    Depuis la fin de l’été, des habitant(e)s furieux et des associations se rassemblent pour contester l’échange litigieux marqué par des irrégularités dans la délibération. Un recours gracieux demandant son annulation a d’abord été déposé fin août auprès du maire et du préfet, puis devant leur sourde oreille un recours au tribunal administratif a été déposé en décembre 2015(9). A l’appel des habitant(e)s une réunion publique sur le projet CIGEO s’est tenue début octobre pour la première fois dans le village en 20 ans de projet(10). D’autres suivront, et les habitant(e)s en colère sont bien décidés à ne pas se laisser déposséder de ce bois.
 
Notes
(1) Version complète du document disponible ici: http://vmc.camp/
(2) Sauf mention contraire, les données foncières sont  principalement extraites de ce document: ANDRA, 23 nov 2015, Gestion foncière pour le projet CIGEO, CLIS: http://www.andra.fr/
(3) Voir aussi l’article «Lui, un fils de paysan» août 2015:
http://www.villesurterre.eu/
(4) Voir la carte distribuée au premier salon mondialde l’énergie nucléaire en octobre 2014
http://paris-luttes.info/
(5) Canard Enchaîné, 22 décembre 2015, A bure les déchets nucléaires se tirent la bourre, visible sur le site du Canard
(6) Données Safer Lorraine (consulté le 21 septembre 2015):
http://www.safer-lorraine.com/
(7) Voir plus d’infos sur le début des travaux après l’été 2015:
http://www.reporterre.net/
(8) Document disponible ici:
http://vmc.camp/
(9) Communiqué de presse des opposants «Nos forêts ne sont  à vendre!»
http://mirabel-lne.asso.fr
(10) Communique Bure Stop, 9 octobre 2015, Les opposants tiennent leur réunion sur le pavé:  http://burestop.free.fr/
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Cadarache: Contaminé par inhalation (p24)

Lettre de démission de Gérard MAGNIN administrateur d'EDF le 28 juillet 2016
blog Médiapart

 
    Gérard MAGNIN dénonce dans sa lettre de démission adressé à Jean-Bernard LEVY, Pdg d'EDF, le déplacement amplifié du centre de gravité de l'entreprise vers le nucléaire. Cette démission intervient le jour de la convocation du CA qui doit valider le projet d'Hinkley Point. Projet, que l'ensemble des représentants du personnel rejette, en l'état.

    Gérard Magnin Administrateur EDF à Jean-Bernard Lévy, Président du Conseil d’Administration d’EDF
    Paris le 28 juillet 2016
    Objet: démission du Conseil d’Administration d’EDF

    Monsieur le Président
    J’ai l’honneur de vous présenter ma démission du Conseil d’Administration d’EDF. Mon regard décalé par rapport à la culture plutôt monolithique de Conseil ne vous a, sans doute, pas échappé et même parfois probablement irrité. J’avais accepté avec enthousiasme la proposition que l’Etat m’avait faite - à ma grande surprise - de devenir administrateur. J’avais, en effet, imaginé que la période de mutations profondes des systèmes énergétiques partout dans le monde serait propice à une réorientation historique de la stratégie d’EDF vers une transition énergétique que la loi devait accélérer dans notre pays. En effet, les compétences qui sont réunies dans l’entreprise ainsi que sa puissance de feu me semblaient être un atout considérable pour faire de la France un leader dans les énergies renouvelables, les services énergétiques et les réseaux, tout en assumant ses choix historiques pendant le temps nécessaire. Force est de constater que, en dépit de quelques frémissements, dont les succès d’EDF-EN à l’international, les trajectoires de changement espérées et même attendues ne sont pas là. Au  contraire, alors que la diversification est partout à l’ordre du jour et que les entreprises énergétiques opèrent des changements parfois radicaux, le centre de gravité d’EDF se déplace encore davantage vers le nucléaire. Depuis les décisions imminentes relatives au projet très risqué d’Hinkley Point, à la reprise d’AREVA NP  qui fera d’EDF un fabricant de réacteurs, de la poursuite sans questionnement de la coûteuse stratégie de retraitement des déchets à l’affirmation que tous les réacteurs du paliers 900MW verraient leur durée de vie prolongée à 50 ans ou plus, tout semble aller dans le même sens. Sans parler, par exemple, de la décision d’achever au début du 22e siècle seulement, le démantèlement de réacteurs arrêtés depuis déjà 30 années, sujet qui questionne notre éthique. Dans un monde incertain, la flexibilité est indispensable. Celle-ci suppose de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Sous une apparence de robustesse, la quasi mono-solution nucléaire soumet notre pays à une grande vulnérabilité. A vouloir jouer une carte à l’opposé de celle de la plupart des compagnies  énergétiques européennes et se rapprochant des modèles intégrés verticalement russes et chinois – pays dont l’organisation sociale est plutôt éloignée de la notre – EDF court le risque d’une perte d’agilité. Ce choix handicape l’émergence d’une industrie française des énergies renouvelables et de tous les nouveaux systèmes inhérents à une production dispersée combinée aux économies d’énergie, dont l’électricité, ainsi qu’aux synergies entre réseaux, le tout dans un partenariat renouvelé avec les collectivités territoriales et les citoyens.
(suite)
suite:
    Le simple fait de classer les activités d’énergies renouvelables et de services énergétiques dans la catégorie «autres activités» du Document de référence suffit en soi à révéler le statut qui leur est réservé au sein de  l’entreprise. Ce que ne fera pas EDF, d’autres le feront, grâce à une agilité plus grande, une sensibilité peut-être plus fine aux évolutions du monde énergétique, ainsi qu’à l’enthousiasme de collaborateurs placés devant de nouveaux défis à relever. Il n’est pas sûr en effet que devenir un fabricant de réacteurs ou un grossiste d’électricité nucléaire suffise à enclencher une dynamique pourtant attendue par une partie du personnel. «En conclusion, le Groupe EDF s’affirmera comme un des leaders du nouveau nucléaire dans le monde, et entraînera toute la filière nucléaire française dans le renouveau». Cet acte de foi figure dans le rapport Hinkley Point remis aux administrateurs. Il est révélateur de l’esprit de certitude qui règne et empêche en fait toute prise de recul et toute analyse sereine. Cette prophétie se réalisera-t-elle? Il n’est en tout cas pas évident que «l’alignement des planètes» (technologie, industrielle, économique, financière, sociale, humaine, contextuelle, médiatique et politique), indispensable au succès d’un tel projet, alignement qui n’existe déjà pas aujourd’hui tant l’univers nucléaire français est chaotique, se produise tout au long des décennies à venir. En revanche, on pourrait craindre que la mobilisation des moyens pour ce projet, à grand renfort de cessions d’actifs, ait des conséquences sur la sûreté des réacteurs, en particulier ceux dont la vie sera prolongée, ceci en dépit de l’attention scrupuleuse que l’entreprise accorde à ce sujet. Par assèchement des marges de manœuvre, une telle décision porterait préjudice à un engagement d’EDF aussi, alors qu’il serait nécessaire dans les alternatives énergétiques avec le risque d’avoir manqué des opportunités industrielles d’avenir. Espérons que Hinkley Point n’entraîne pas EDF dans un abîme  de type AREVA comme certains le craignent. EDF aurait alors perdu sur tous les tableaux? Je n’ignore pas que cette stratégie, par-delà quelques escarmouches, a les faveurs de l’Etat, au risque de brouiller les messages portés par une loi qu’il avait pourtant initiée et qui avait suscité beaucoup d’espoirs. Etant administrateur proposé par l’Etat actionnaire, je ne souhaite pas cautionner plus longtemps une stratégie que je ne partage pas.
    C’est cet ensemble de considérations qui explique ma décision. Je préfère alerter en prenant le risque de me tromper que de vivre en contradiction avec ma conscience. C’est une question de loyauté et d’honnêteté. J’ai trouvé un grand intérêt à assumer mon rôle d’administrateur durant près de deux années. Je m’y suis totalement engagé et espère avoir, à ma façon, apporté une contribution utile. C’est une tâche pleine d’enseignements à de nombreux égards.
    Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion d’exprimer mes points de vue, la plupart du temps jusqu’au terme de mes interventions. Je ne participerai évidemment pas à la réunion du CA de ce jeudi.
    Avec mes sentiments respectueux.
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Pressu, quand tu nous tiens !
Raymond Sené
(le grognon de service)

 
    Un petit complément au problème des pressuriseurs
    Évoquons un court instant ce petit gadget (une vingtaine de mètres de haut), non classé comme important pour la sûreté, qui a pour mission de réguler le ratio optimum de pression-température de l'eau du circuit primaire.
    Mine de rien, cette donnée du ratio pression-température est très importante pour le réacteur.
    Pour tout le monde, il est "évident" que si pour une température donnée, la pression est trop basse, l'eau va bouillir, ce qui est recherché dans un BWR (réacteur à eau bouillante), mais proscrit dans un PWR (REP pour nous). Ce qui est moins évident c'est que la densité de l'eau varie en fonction de sa température... ce qui modifie ses caractéristiques d'absorption des neutrons et surtout leur ralentissement, donc la section efficace de fission,... donc la réactivité du coeur. Bricole!
    Donc ce gadget est bien évidemment non important pour la sûreté... et pourtant, il a déjà fait parler de lui.

    Remember comme disent les Américains, Three Mile Island, en 1979
    La soupape Fischer de décharge dudit pressuriseur se coince en position ouverte au passage du mélange eau-vapeur suite à des effets de cavitation qui détériorent le siège de ladit soupape. L'indicateur en salle de commande se contentait d'indiquer que l'ordre de fermeture - non exécuté - avait bien été envoyé.
    Résultat des courses pour le coeur du réacteur: fusion dudit coeur et tous les em... qui s'en suivirent.
suite:
    De ce coté là, chez nous tout va bien. 10 ans après TMI, nous avons échangé les soupapes Fischer qui équipaient notre parc 900 Mwe, contre des Sebim.
    Mais les pressuriseurs continuent à faire parler d'eux. Par exemple à Fessenheim 2, lors de la 3e visite décennale, des traces blanches suspectes furent vues sur la calotte basse de l'engin. Bigre, trace blanche signifie fuite d'eau borée... et comme c'est chaud, l'eau s'évapore et il reste l'acide borique qui donne cette trace.
    Mais alors d'où vient cette fuite: c'est une perte d'étanchéité de plusieurs chaufferettes (2 sur 74) destinées à permettre de jouer sur la température de l'eau du primaire (320°C), donc sur sa pression (155 bars). Ces braves chaufferettes, pour pouvoir être en contact avec l'eau du pressuriseur, passent au travers de la calotte de fond. C'est compliqué d'accès, dosant (comme on dit). Un changement (en intervention en réalisation fortuite!) a permis de remédier - provisoirement - à ce léger désagrément. (Cela me rappelle l'utilisation de riz pour colmater une fuite sur un Soyouz soviétique). La réparation complète de toutes les chaufferettes est programmée pour 2018.
    Plus récemment, à l'occasion de la ré-analyse (ou plutôt de l'analyse, tant il apparaît que l'analyse initiale n'a jamais été faite... correctement) des dossiers de fabrication des forges du Creusot, on a détecté des défauts sur les calottes primaires de GV, dûs à un forgeage mal contrôlé.
    Et pourquoi les calottes des pressuriseurs seraient-elles indemnes. A-t-on vérifié cet équipement?
    Mais pas de panique... puisqu'on vous dit que cet équipement n'est pas important pour la sûreté.

    Quand on vous dit, que dans notre nucléaire, tout baigne !
p.31

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