Du 4 au 8 novembre 2005, j’ai rendu visite[1]
à Minsk au Professeur Youri Bandazhevsky et au Docteur Galina Bandazhevskaya.
Cette première visite scientifique a été très
fructueuse sur le plan professionnel.
La CRIIRAD, le Professeur Youri Bandazhevsky et le Docteur Galina Bandazhevskaya établissent aujourd’hui les bases d’un laboratoire de recherche bio-médicale au Bélarus dans le but de permettre la continuation des travaux sur les effets des incorporations chroniques de radioéléments. Cette visite du mois de novembre avait pour objectif de définir plus précisément les thématiques scientifiques du travail de recherche, ainsi que les stratégies scientifiques que le laboratoire suivra. Il était dans un premier temps nécessaire que la situation du Professeur Bandazhevsky soit régularisée vis-à-vis de la législation de son pays. Le 2 septembre dernier, la CRIIRAD a donc procédé, sur ses fonds propres, au paiement de l’amende du Professeur Bandazhevsky (voir le rapport du 20 Septembre 2005 par Romain Chazel)[2]. Cette première étape franchie, l’embauche du Professeur Bandazhevsky par la CRIIRAD était désormais possible. Au cours de cette visite, le Professeur Youri Bandazhevsky a signé son contrat de travail avec la CRIIRAD et le Docteur Galina Bandazhevskaya un avenant à son contrat (voir photos). Le Docteur Bandazheskaya, et désormais le Professeur Bandazhevsky, sont désormais des salariés de la CRIIRAD, en accord avec la législation de la République du Belarus. Après avoir signé son contrat de travail, le Professeur Bandazhevsky m’a déclaré que ce jour était un grand jour pour lui, car enfin, après six années de tourments, la signature de ce contrat symbolise pour lui le retour à la maîtrise de sa propre destinée et au respect de sa vie privée. L’Institut médical de Gomel[3], fondé au début des années 90 par le Professeur Youri Bandazhevsky, avait comme programme de travail : établir des corrélations entre les pathologies observées parmi la population et les contaminations internes en radioéléments, définir des stratégies permettant d’améliorer l’état de santé des populations et former des médecins spécialisés dans ces problèmes pour combler le déficit de spécialistes face au désastre écologique de Tchernobyl. Des corrélations entre l’accumulation du Césium-137 dans certains organes, comme le cœur et la glande thyroïde, et certaines pathologies ont pu être établies. Il est important aussi de noter que les niveaux d’accumulation du Césium-137 observés au cours des autopsies[1] effectuées à l’institut de Gomel sont compatibles avec des données du passé concernant l’accumulation du Césium-131 par ces mêmes organes [2,3] (cet isotope - le Cs131 - étant utilisé au cours des années 70 pour l’imagerie médicale de la thyroïde et du cœur). Bien qu’un grand nombre d’observations effectuées sur les victimes d’Hiroshima et de Nagasaki puissent se retrouver parmi les populations survivant sous les retombées de la catastrophe de Tchernobyl [4], il n’est pas surprenant, compte tenu des différences majeures entre les deux événements, que des nuances essentielles soient aussi observées en ce qui concerne l’impact sanitaire sur les populations. Une de ces différences, connue et reconnue, est la précocité de l’épidémie des cancers de la thyroïde, observée dès 1990, publiée en 1992 (Nature 1992; 359, p.21). |
Afin d’assister les populations, l’institut médical
de Gomel a aussi procédé à des anthropogammamétries
et a étudié la faisabilité de la décorporation
du Césium-137[5], en particulier par des composés à
base de pectine [6] : la base scientifique sur laquelle l’Institut de radioprotection
Belrad du professeur Nesterenko a établi ses méthodologies
destinées à la protection des populations.
Il est bien entendu impossible à notre structure et au Laboratoire CRIIRAD & Bandazhevsky de reprendre in extenso le programme de travail qui était suivi par l’institut de Gomel. Le travail du laboratoire se focalisera sur la recherche fondamentale. Les objectifs principaux seront d’établir plus précisément les corrélations existant entre la contamination interne par les radioéléments et les pathologies observées. Une attention particulière sera donnée aux problèmes liées à l’embryotoxicologie et à la tératologie, ainsi qu’aux mécanismes biophysiques et biochimiques sous-jacents induisant malformations et pathologies dans les populations survivant sous les retombées de Tchernobyl. La recherche fondamentale étant une activité coûteuse et peu productive de bénéfices immédiatement réutilisables, la question du financement sur le long terme des études qui seront menées dans le Laboratoire CRIIRAD & Bandazhevsky est donc une question de première importance. Le budget prévisionnel du projet (de 150.000 € dont 96.400 € sont déjà acquis au 18 novembre 2005 - soit 64% de la somme totale)[4] est destiné au financement de : (a) l’ensemble des démarches administratives pour la mise en place du Laboratoire, en accord avec les législations internationales et celles de la république du Bélarus ; (b) l’acquisition et la mise aux normes d’un local pour le Laboratoire ; (c) l’équipement scientifique et technique du Laboratoire ; (d) les frais de mise en place de la structure (salaires, déplacements, frais de gestion...) et, si possible, (e) la réalisation des premières études du Laboratoire. Pour les études ultérieures du laboratoire, les principes de financement s’appuieront sur les procédures classiques du financement de la recherche scientifique, à savoir, la construction de projets de recherche qui seront soumis aux différentes structures finançant la recherche internationale de haut niveau (projets européens, projets ANR, etc.) ; cette option n’est, bien entendu, pas la seule à envisager. La construction de projets pertinents nécessite la collaboration avec un certain nombre de partenaires scientifiques internationaux ; dans cette perspective et depuis plus d’un an des contacts très positifs ont déjà été pris dans ce sens. Nous avons pu constater aussi le très haut niveau des chercheurs et médecins biélorusses, ainsi que la très grande qualité de leur travail ; certaines de ces organisations scientifiques du Belarus (privées ou publiques) sont aussi d’excellent partenaires potentiels pour ces futurs projets internationaux de recherche. Dans l’état actuel, l’ensemble des documents administratifs pour l’ouverture du laboratoire, requis par la législation de la République du Belarus et par les conventions internationales (convention de La Haye), a été déposé auprès des autorités compétentes du Bélarus, les seules autorités aptes à décider de la recevabilité administrative de notre dossier. |
NOTES:
1 Martial Mazars, rédacteur de ce compte
rendu, est docteur en physique théorique et professeur agrégé
en physique. Ses domaines de spécialisations se situent dans le
cadre de la physique statistique, plus spécifiquement en physique
des liquides et dans les applications aux processus biophysiques. Il est
aussi, depuis juin 2005, membre du Conseil d’Administration de la CRIIRAD
et secrétaire de la branche française du Laboratoire CRIIRAD
Bandazhevsky.
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2 Ce rapport du 20 Septembre 2005 a été
publié dans une version augmentée dans le Trait d’Union n°32/33
(CRIIRAD -Novembre 2005). La CRIIRAD ne pouvant supporter à elle
seule le paiement de cette amende, elle a lancé, mi-septembre, après
avoir acquis la certitude que l’argent avait bien été encaissé
par les autorités, un appel à tous ceux voulant contribuer
à la libération du Professeur Bandazhevsky. (voir http://www.criirad.org).
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3 Dont le quinzième anniversaire a été
fêté le 1er Novembre 2005.
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4 Il nous semble très important de souligner
ici le rôle essentiel joué par l’ensemble des cofondateurs
du Laboratoire CRIIRAD & Bandazhevsky (779 particuliers et 31 organisations,
au 18 Novembre 2005). C’est uniquement grâce à leur mobilisation
rapide et massive que le projet peut dès aujourd’hui être
considéré comme viable financièrement. Grâce
à eux, les deux tiers du financement de base sont déjà
acquis. Les futurs cofondateurs auront une contribution toute aussi essentielle
en permettant de finaliser le financement de base.
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BIBLIOGRAPHIE
[1] Y.I. Bandazhevsky "Pathology of incorporated radioactive emission."
(Minsk - 2000) ;Y.I. Bandazhevsky, "Chronic Cs-137 incorporation in children’s
organs", Swiss Medical Weekly 2003 ; 133 : 488 - 90.
[2] D.A. Koutras et al., "Thyroid scanning with Gallium-67 and
Cesium-131", Journal of Nuclear Medicine 1976 ; 17 : 268 -71.
[3] W. Burguet et al., "Cs-131 myocardial scintigraphy. Application
to anterior myocardial infarction.", British Heart Journal 1975
; 37 : 1037 - 44.
[4] M.P. Little, "Risks of non-cancer disease incidence and mortality
in the Japanese atomic bomb survivors", Journal of Radiobiological Protection
2004 ; 24 : 327 - 8 (ainsi que les références citées
dans cet article) ; M. Yamada et al, "Noncancer disease incidence in atomic
bomb survivors, 1958-1998 (RERF Report No.17-03)", Radiation Research
2004 ; 161 : 622 - 32.
[5] Y.I. Bandazhevsky et al., "Clinical and experimental aspects
of the effect of incorporated radionuclides upon the organism." (Ministry
of Health of the Republic of Belarus - Gomel, 1995).
[6] Y.I. Bandazhevsky et al., “Structural and functional
effects of radioisotopes incorporated by the organism.” (Ministry of
Health of the Republic of Belarus - Gomel, 1997).
Contacts:
· Français & Espagnol : Romain Chazel (romain.chazel@free.fr)
· Français & Anglais : Martial Mazars (Martial.Mazars@th.u-psud.fr
)