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Le fardeau de cancer en Europe lié à Tchernobyl
Source Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC), avril 2006


    Il y a vingt ans survenait en Ukraine, à la centrale de Tchernobyl, le pire des accidents qu’ait connus l’industrie nucléaire. L’ampleur des conséquences sanitaires de l’accident est aujourd’hui encore difficile à évaluer directement[1].
     En juin 2005, le Dr Peter Boyle, Directeur du Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC), a mis sur pied un Groupe de travail international afin d’étudier les conséquences de l’accident de Tchernobyl. Le mandat donné au Groupe était d’évaluer le fardeau de cancer lié aux retombées radioactives de l’accident dans toute l’Europe. Le Groupe de travail publie ses conclusions cette semaine dans l’International Journal of Cancer dans un article intitulé : «Estimates of the Cancer Burden in Europe from Radioactive Fallout from the Chernobyl Accident»[2].
     Selon le Dr Boyle, «Le fardeau de cancer lié à Tchernobyl ne pouvant pas actuellement être mesuré directement, le Groupe de travail a dû utiliser des modèles de prédiction de risque élaborés à partir de l’étude d’autres populations exposées aux rayonnements dans d’autres circonstances, notamment les survivants aux bombardements atomiques au Japon».
     Le Dr Boyle ajoute: «A partir de ces modèles, nous estimons qu’un nombre important de cas de cancer pourraient être causés en Europe au cours de la vie entière des populations exposées, par l’exposition aux rayonnements provenant de l’accident». Le Dr Elisabeth Cardis, Chef du Groupe Rayonnements au CIRC, apporte quelques précisions: «D’ici à 2065 (c’est-à-dire au cours des quatre-vingts années suivant l’accident), les prédictions tirées de ces modèles indiquent qu’environ 16.000 cas[3] de cancer de la thyroïde et 25.000 cas d’autres cancers pourraient être dus aux rayonnements liés à l’accident, et qu’environ 16.000 décès pourraient survenir à la suite de ces cancers».
     La majorité de ces cancers concerne les populations les plus exposées: «Près des deux tiers des cas de cancer de la thyroïde et au moins la moitié des autres cancers devraient survenir au Bélarus, en Ukraine et dans les territoires les plus contaminés de la Fédération de Russie», a-t-elle ajouté. Il s’agit des trois pays les plus proches du lieu de l’accident.
     Mais elle précise: «Si ces chiffres reflètent la souffrance et le décès d’êtres humains, il ne faut pas oublier toutefois qu’ils représentent une proportion très faible du nombre total de cancers constatés depuis l’accident et attendus à l’avenir en Europe. Ceci est confirmé par nos analyses des tendances temporelles et géographiques de l’incidence et de la mortalité par cancer en Europe depuis l’accident qui ne montrent aucune augmentation qui puisse être clairement imputée à l’accident de Tchernobyl.
L’exception en est le cancer de la thyroïde dans les régions les plus contaminées autour du lieu de l’accident dont on a montré, il y a plus de dix ans déjà, qu’il était en augmentation».
     Le Dr Boyle conclut que «Cette étude est unique en ce qu’elle applique des modèles très récents de projection de risque lié aux rayonnements à une distribution à jour des doses dues à Tchernobyl en Europe. Ce travail est complété par une analyse détaillée des tendances de l’incidence et de la mortalité par cancer. L’étude fournit les meilleures estimations actuelles de l’impact de l’accident de Tchernobyl sur le cancer en Europe. Pour mettre ces résultats en perspective, le nombre de cancers liés au tabac dans la même population sera plusieurs milliers de fois plus élevé».


1. Cardis E, Howe G, Ron E, Bebeshko VG, Bogdanova T, Bouville A, et al. Cancer Consequences Of The Chernobyl Accident: 20 Years After. J Radiol Prot. (in press) Vol 26: 2, pp 125-137. Online first from 24 April 2006: doi:10.1088/0952-4746/26/2/001.
http://www.iop.org/EJ/journal/JRP
2. Cardis E, Krewski D, Boniol M, Drozdovitch V, Darby SC, Gilbert ES, Akiba S, Benichou J, Ferlay J, Gandini S, Hill C, Howe G, Kesminiene A, Moser M, Sanchez M, Storm H, Voisin L & Boyle P. Estimates of the Cancer Burden in Europe from Radioactive Fallout from the Chernobyl Accident. Int J cancer. Early view 20/04/2006.
http://www3.interscience.wiley.com/cgi-bin/jissue/76502439
3. Les chiffres présentés ici ne donnent qu’un ordre de grandeur du nombre possible de cancers liés aux rayonnements. L'incertitude associée à ces prévisions est élevée. Pour les cancers de la thyroïde, la fourchette d'incertitude à 95% va de 3.400 à 72.000 cas; pour les autres cancers, elle va de 11.000 à 59.000 cas. Pour les décès par cancer, ce même intervalle d’incertitude va de 6.700 à 38.000 (voir le détail dans la Note d’information).
[1] Le becquerel est l'unité légale de mesure internationale utilisée en radioactivité. Un échantillon radioactif se caractérise par son activité, qui est le nombre de désintégrations de noyaux radioactifs par seconde qui se produisent en son sein. Le becquerel se définit comme le nombre de désintégrations radioactives par seconde au sein d'une certaine quantité de matière.