CONTROVERSES NUCLEAIRES !
ACTUALITE INTERNATIONALE
2005

L'idée d'un site international de stockage des déchets nucléaires progresse
 LE MONDE | 30.09.05
     Enfouir en Australie les déchets nucléaires du monde entier: telle est la proposition provocante lancée par l'ancien premier ministre australien Bob Hawke lors d'une réunion à Sydney, mardi soir 27 septembre. Sur la télévision australienne ABC, M. Hawke, qui a dirigé le gouvernement de centre-gauche entre 1983 et 1991, a précisé que l'Australie pourrait accueillir les déchets nucléaires "de tous ces pays qui pensent qu'ils n'ont pas la capacité de les stocker de manière sûre".
     Selon lui, "l'Australie dispose des formations géologiques les plus sûres. Vous pouvez y creuser de grandes mines en profondeur, vitrifier le matériel et l'enfouir. Il sera en plus grande sécurité qu'en tout autre endroit du monde." Pour M. Hawke, les Australiens ont "une responsabilité morale à faire cela" , tandis que les revenus tirés des importations permettraient de "révolutionner l'économie".
     L'idée a suscité une vive controverse sur le "sixième continent". Et la proposition de M. Hawke a peu de chances d'être adoptée rapidement par l'Australie, qui ne parvient déjà pas à trouver un site pour stocker ses propres déchets faiblement radioactifs. En 1998, le gouvernement de Melbourne avait refusé le projet d'un consortium privé, Pangea Resources, de créer un site international dans le pays.
     Mais il ne s'agit pas seulement d'un débat australien. L'idée d'un stockage international des déchets nucléaires commence à être avalisée. Lundi 26 septembre, devant l'assemblée générale de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), le secrétaire des Etats-Unis à l'énergie, Samuel Bodman, a déclaré que son pays était prêt à fournir du combustible aux pays et à le reprendre lorsqu'il aurait été utilisé.
     La proposition a été approuvée le lendemain par Alexander Rumyantsev, chef de l'Agence russe de l'énergie atomique. Elle suppose une gestion internationale du combustible irradié, à laquelle la Russie est très favorable : elle a adopté une loi, en 2002, permettant l'importation de combustible usé pour le stocker sur son territoire, en Sibérie.
     Cette approche multilatérale a été lancée fin 2003 par le secrétaire général de l'AIEA, Mohamed ElBaradei, lorsqu'il a déclaré : "Nous devrions considérer des approches internationales pour la gestion et le stockage du combustible usé et des déchets radioactifs" . L'AIEA a publié, en octobre 2004, un rapport examinant les possibilités de développer des "sites multinationaux de déchets radioactifs" .
     De son côté, la Commission européenne encourage une gestion commune des déchets des petits pays, tels que la Belgique, la Slovénie, la République tchèque, les Pays-Bas, la Lituanie, etc. Ceux-ci ne disposent pas de site d'enfouissement sur leur territoire. Ils en cherchent un en commun, au sein d'un nouveau programme dit Sapierr (Support Action: Pilot Initiative for European Regional Repositories), lancé en décembre 2003 et inclus dans le 6e programme de recherche de la Commission.
     La recherche d'un site international de stockage, ou d'un réseau de sites répartis sur les différents continents, découle de deux logiques.
     D'une part, dans presque tous les pays, les propositions d'enfouir les déchets nucléaires dans un endroit précis rencontrent l'opposition des populations locales. Plutôt que chaque pays se heurte à ces difficultés, l'implantation dans un seul pays au monde ou par continent serait plus facile à opérer.
     D'autre part, la crainte du terrorisme nucléaire pousse à un contrôle international du combustible usé. "L'approche multilatérale est beaucoup mieux acceptée depuis septembre 2001" , note Charles McCombie, directeur d'Arius, une association suisse impliquée dans Sapierr. La dissémination de matériaux radioactifs dans de nombreux pays du monde pourrait en effet donner lieu à des détournements.
     Enfin, la frontière entre nucléaire civil et militaire est toujours plus mince : "Une grande partie des techniques impliquées est à usage dual", a écrit M. ElBaradei dans un article de The Economist paru en octobre 2003 : par exemple, il est difficile de justifier les restrictions à l'exportation d'une technologie qui pourrait être utilisée pour la séparation du plutonium quand le même équipement est vital pour produire des radio-isotopes utilisés en médecine."
     La lutte contre la prolifération suppose ainsi de prévenir le retraitement de combustible usé dans les pays équipés de réacteurs nucléaires. D'où la formule développée par l'Agence de fourniture de combustible prêté et repris après usage, que les Etats-Unis et la Russie viennent d'avaliser.
Hervé Kempf

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