CONTROVERSES ENER...ETHIQUES
et NUCLEAIRES

ACTUALITE INTERNATIONALE
2006
EDF souhaite construire et exploiter des centrales nucléaires en Chine

 LE MONDE | 23 mai


Présent en Chine depuis le début des années 1980, EDF ne peut ignorer un tel marché:
aux neuf réacteurs existants (moins de 2 % de l'énergie), les planificateurs chinois ont en effet prévu d'en ajouter trente d'ici à 2020.
Ici, la centrale de Qinshan, première centrale nucléaire commerciale conçue entièrement par le pays. | AP/EUGENE HOSHIKO

     Après avoir opéré un recentrage sur l'Europe en quittant l'Amérique du Sud, assaini ses finances et réussi son introduction en Bourse à l'automne 2005, EDF s'ouvre un nouvel horizon : le marché énergétique de la Chine.
     En voyage dans l'ex-empire du Milieu, le PDG du groupe français a annoncé, lundi 22 mai, qu'il était prêt à se lancer dans la construction de centrales nucléaires avec un partenaire chinois. Pierre Gadonneix souhaite voir EDF "jouer un rôle dans le développement du nucléaire dans le monde" - un des deux axes majeurs de sa politique avec le renforcement de ses positions européennes, qui passe par une entrée en Espagne et en Belgique.
     Après deux décennies de franche opposition à cette source d'énergie, le paysage s'éclaire. "Maintenant qu'il va y avoir une accélération dans le domaine de l'énergie nucléaire, nous allons passer à la vitesse supérieure, a déclaré M. Gadonneix à Pékin. Nous pouvons proposer un partenariat en apportant notre expertise et en partageant un investissement."

"RELAIS DE CROISSANCE"
     Présent en Chine depuis le début des années 1980, EDF ne peut ignorer un tel marché : aux neuf réacteurs existants (moins de 2 % de l'énergie), les planificateurs chinois ont en effet prévu d'en ajouter trente d'ici à 2020, pour porter la part du nucléaire à plus de 4%.
     Le groupe exploite déjà des centrales thermiques dans les provinces du Guangxi et du Shandong. Dans le nucléaire, en revanche, son rôle se limite jusqu'à présent à la conception, à la maîtrise d'ouvrage et à la maintenance des centrales de Ling Ao et de Daya Bay. 

Un rôle qui se réduit comme peau de chagrin à mesure que les Chinois s'approprient la technologie vendue par EDF et Areva. Alors que 120 ingénieurs et techniciens d'EDF travaillaient sur le premier réacteur de Daya Bay, il y en a moins de quinze sur Ling Ao 2, constatent ses dirigeants.
     M. Gadonneix souhaite qu'EDF franchisse une nouvelle étape et devienne un "vrai partenaire" des producteurs chinois, "en partageant l'investissement, le risque et les bénéfices" de l'exploitation d'une centrale nucléaire. Il a rencontré le patron de la CGNPC, associé traditionnel d'EDF, et s'est dit "prêt à mener des projets d'investissement" avec le producteur électronucléaire de la province du Guangdong (sud-ouest). "Mais aucune discussion avec un partenaire n'a encore commencé" et d'autres groupes peuvent être intéressés par un partenariat avec le français, a-t-il précisé. L'enjeu principal reste d'obtenir un feu vert politique.
     "La Chine et plus généralement l'Asie sont un relais de croissance pour le groupe", analysent ses dirigeants, qui ont une enveloppe de 8 milliards d'euros sur trois ans pour investir à l'étranger.
     Les besoins du pays en électricité sont énormes et ses capacités de production doivent croître d'ici à 2020: 65 GW pour les centrales nucléaires (l'équivalent du parc français); 400 GW pour les centrales thermiques au charbon (40 fois la puissance installée dans l'Hexagone); 150 GW de centrales hydrauliques (6 fois la capacité des barrages français). Sur cette période, le Plan chinois a évalué les besoins d'investissement dans le secteur électrique entre 62 et 74 milliards de dollars par an (49 et 57,6 milliards €).
Jean-Michel Bezat