Un cadeau d'anniversaire rêvé pour la CRIIRAD qui fête
ce mois-ci ses 20 ans et qui demande depuis 1986 la sanction des fautes
commises par l'État français dans la gestion des retombées
de Tchernobyl.
Liste des principales accusations
portées par la CRIIRAD
(voir le détail dans le communiqué
complet présenté in fine)
Rappel: Pierre
Pellerin a joué un rôle déterminant dans la gestion
de la crise de Tchernobyl en 1986. En tant que directeur du Service Central
de Protection contre les Rayonnements Ionisants, il avait en effet la charge
de la surveillance radiologique du territoire et il devait alerter le ministre
de la Santé en cas de problème nécessitant des mesures
de protection.
La CRIIRAD accuse
M. Pierre Pellerin, directeur du SCPRI,
1. d'avoir diffusé
des affirmations absurdes et surtout irresponsables sur l'ampleur réelle
de l'accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl
et d'avoir mis ainsi en danger la santé des habitants de l'ex-URSS
et de pays très touchés comme la Pologne, en se prononçant
contre la distribution d'iode stable, ainsi que la santé des Français
qu'il a alors encouragés à se rendre dans les pays contaminés.
2. d'avoir été
incapable de rendre compte de la réalité de la contamination
et de son évolution et d'avoir publié délibérément
des chiffres totalement faux sur l'intensité des dépôts
radioactifs: la sous-évaluation a atteint un facteur 1.000!!!
3. d'avoir triché
de façon éhontée sur l'appréciation de la contamination
afin de faire croire à un événement complètement
insignifiant ne nécessitant aucune mesure de protection, y compris
dans les régions les plus contaminées, y compris pour les
femmes enceintes et les enfants.
4. d'avoir tout
fait pour empêcher la mise en œuvre de mesures de protection contre
la contamination des produits alimentaires (ceux produits en France et
en Europe, comme ceux provenant des pays de l'Est), n'hésitant pas
à violer, ce faisant, des textes d'application pourtant obligatoire.
5. d'avoir menti
sur les normes de radioprotection, de les avoir utilisées de façon
incorrecte et d'avoir été incapable d'assurer la protection
des groupes à risque ainsi qu'il en avait l'obligation.
6. d'avoir en
particulier privé les enfants de la protection qui leur était
due, non seulement en 1986 mais aussi jusqu'à son départ
en 1994, grâce à la falsification du décret fondamental
de radioprotection.
Toutes ces accusations
ont été détaillées et transmises, preuves à
l'appui, à la Justice.
L'action de la Justice
La CRIIRAD fait totalement
confiance à Mme Bertella-Geffroy, magistrate en charge de l'instruction
de la plainte contre X déposée le 1er mars 2001, conjointement
avec l'AFMT (association française des malades de la thyroïde).
Elle a pu mesurer sa détermination malgré l'importance des
pressions qui se sont exercées au plus haut niveau.
La CRIIRAD est bien
sûr consciente que la Justice ne pourra sanctionner qu'une petite
partie des fautes commises du fait des contraintes de l'action juridique
(liées notamment aux délais de prescription, aux chefs d'inculpation,
à la charge de la preuve en matière de dommages sanitaires,
etc).
Toutefois la Justice
est la seule institution qui ait eu le courage, à ce jour, de se
saisir du dossier Tchernobyl. C'est pourquoi, le simple fait que le Professeur
Pellerin ait été convoqué, qu'on lui demande de rendre
compte de ses actes et que sa mise en examen soit envisagée, constitue
une étape d'une extrême importance, un acte fort attendu depuis
très longtemps par la population française, et tout particulièrement
par les personnes dont la pathologie est susceptible d'avoir été
induite par l'incurie des responsables de 1986.
Le silence des politiques
Du côté
des pouvoirs publics, des responsables de la radioprotection (DGSNR, ASN)
comme de l'élite scientifique, les 20 dernières années
sont marquées par, au mieux, la lâcheté, au pire, la
complicité active.
La CRIIRAD n'a pas pour
autant l'intention d'abandonner le terrain.
Elle demande aujourd'hui
au Gouvernement de démettre M. André-Claude LACOSTE, directeur
de la direction générale de la sûreté nucléaire
et de la radioprotection (DGSNR dite aussi Autorité de Sûreté
Nucléaire) de tout pouvoir de décision en matière
de radioprotection.
Étant donné
que ce haut responsable considère, et a déclaré publiquement,
que la crise de mai 1986 a été gérée avec sérieux
et qu'aucune mesure de protection n'était justifiée, il est
choquant et dangereux qu'il puisse décider des mesures à
prendre (ou à ne pas prendre !) si la population française
était à nouveau exposée à une contamination.
PS: un communiqué
commun AFMT & CRIIRAD sera publié dès que sera connue
la décision de Mme Bertella-Geffroy sur la mise en examen éventuelle
de M. Pierre Pellerin.
Communiqué CRIIRAD
complet
Rappels sur le rôle et l'importance du
professeur Pierre PELLERIN, directeur du SCPRI
En 1986, Pierre Pellerin
était directeur du Service Central de Protection contre les Rayonnements
Ionisants (SCPRI). L'une des principales missions de ce service était
de pratiquer toutes les mesures permettant de déterminer le taux
de radioactivité dans tous les milieux où sa présence
pouvait présenter un risque pour la santé des populations
et d'alerter le cas échéant le ministre de la Santé
afin que soient prises les mesures de protection nécessaires..
C'est vers lui que se
sont tournés tous les responsables, autorités sanitaires,
Préfets, directeurs de DDASS, médecins afin de savoir si
la situation nécessitait, ou non, de mettre en oeuvre des mesures
de protection. On peut apprécier l'importance que les décideurs
lui accordaient à l'époque à travers le courrier que
le Préfet de Haute-Corse adressait en 1986 au président de
l'Assemblée territoriale : "Seul le SCPRI est en mesure d'analyser
les prélèvements réalisés et surtout d'en interpréter
correctement les résultats (...) La complexité du sujet ainsi
que la multitude des données à recueillir ne permettraient
à quiconque d'autre que le SCPRI de donner des indications valables
sur l'intensité du phénomène et les mesures à
prendre (ou à ne pas prendre)."
Liste des principales accusations portées
par la CRIIRAD à l'encontre du directeur du SCPRI, Pierre PELLERIN
1. Nous accusons
M. Pellerin, directeur du SCPRI d'avoir diffusé des affirmations
absurdes et irresponsables sur l'ampleur réelle de l'accident survenu
à la centrale nucléaire de Tchernobyl et d'avoir mis ainsi
en danger la santé des citoyens de l'ex URSS, des pays de l'Est
et de la France.
Nous accusons en particulier
le professeur Pellerin
· d'avoir
affirmé dès le 29 avril et alors qu'il ne disposait d'aucune
information : "En ce qui concerne les populations, il y a certes un
problème d'hygiène publique, mais pas de réel danger,
et certainement pas plus loin que 10 à 20 km au nord de la centrale",
· d'avoir
conseillé, dès le 2 mai, le maintien des voyages touristiques
en URSS, en indiquant que: "les inquiétudes concernant le tourisme
ou les missions en URSS et dans les pays de l'Est sont sans fondement sanitaire.
Les autorités soviétiques ont, dès l'origine, bien
entendu, consigné toutes les zones où de telles situations
auraient pu ou pourraient encore se présenter". Or, à
cette date, personne ne savait comment la situation allait évoluer,
les rejets radioactifs massifs se sont poursuivis 10 jours durant, du 26
avril au 5 mai, les masses d'air contaminé se dispersant de façon
imprévisible, au grès des conditions météorologiques.
|
suite:
Les soviétiques ne considèreront
la situation maîtrisée qu'à la fin du mois de mai.
Rappelons par ailleurs que les premières cartes de contamination
ne seront disponibles qu'en 1989 et que des zones très contaminées,
situées à plusieurs centaines de kilomètres de Tchernobyl
seront alors évacuées.
· d'avoir
déconseillé l'utilisation d'iode stable (permettant d'éviter
la fixation de l'iode radioactif sur la thyroïde) dans les pays de
l'ex URSS et des pays comme la Pologne en affirmant que cette mesure n'était
pas justifiée hormis à quelques dizaines de kilomètres
de la centrale. Aujourd'hui plus de 4.000 personnes qui étaient
enfants en 1986 sont atteintes de cancers de la thyroïde provoqués
par Tchernobyl et le bilan attendu à terme est d'au moins 50.000
cas (et ce pour la seule cohorte des enfants !).
2. Nous accusons
M. Pellerin d'avoir été incapable de rendre compte de la
réalité de la contamination et de son évolution et
d'avoir publié délibérément des chiffres totalement
faux sur l'intensité des dépôts radioactifs: sous-évaluation
d'un facteur 1000 !
Nous l'accusons en
particulier:
· de
n'avoir pas su mettre en place une méthodologie adaptée à
la crise, un dispositif de surveillance ciblé sur les secteurs et
les produits à risque, d'avoir publié des résultats
incohérents, incomplets et tardifs. Il est difficile de savoir ce
qui relève de l'incompétence du laxisme ou de la volonté
délibérée de minorer les chiffres.
· d'avoir
privilégié le contrôle des secteurs faiblement contaminés
alors que les régions les plus touchées par la contamination
sont restées sans surveillance ou avec une surveillance tout à
fait insuffisante (aucun prélèvement de végétaux
même pas des légumes critiques types salades et épinards
sur la région Corse pendant tout le mois de mai 1986!; aucun prélèvement
de lait ni en Corse, ni en région Provence Côte d'Azur les
plus précocement touchées (dès le 29 avril) pendant
toute la première semaine de mai!; le suivi de la contamination
des thyroïdes de bovins, un indicateur clef de la contamination a
concerné presque exclusivement la moitié ouest de la France
: rien en Corse, rien dans les départements situés à
l'est du Rhône, rien dans le Jura, rien en Alsace!).
· d'avoir,
en particulier, publié tout au long du mois de mai 1986 des bilans
de contamination des sols tellement minorés qu'ils en devenaient
ineptes. Les bilans établis aux 7, 15 et 23 mai donnent des niveaux
de contamination de 100 fois (régions de l'ouest) à 1.000
fois (régions de l'est) inférieurs à la réalité.
Des écarts d'un facteur 2 à 3 sont compréhensibles
en période de crise mais pas des facteurs 100 ou 1.000 qui font
toute la différence entre une contamination anodine et une contamination
préoccupante.
· d'avoir
sciemment ignoré les retombées radioactives associées
à la pluviosité alors que ses propres études, conduites
dans les années 70-80, lui avaient enseignaient que la pluie joue
un rôle déterminant dans la contamination, pouvant multiplier
par 10 ou plus l'intensité des dépôts.
· de
ne s'être pas donné les moyens de contrôler dans les
délais les plus brefs et de la façon la plus précise
et exhaustive la contamination de l'air : mesures généralement
trop tardives, trop globales (pas d'identification des radionucléides),
n'incluant qu'un faible pourcentage de la contamination en halogènes
faute de dispositifs de piégeage des isotopes gazeux de l'iode qui
constituaient pourtant plus de 80% du total.
· D'avoir
publié, sous sa propre en-tête, une carte météorologique
complètement fausse montrant la France presque entièrement
protégée par un anticyclone le 1er mai 86 alors qu'elle était
au contraire totalement recouverte par le panache radioactif avec des activités
aussi élevées à Bordeaux que dans l'Est de la France.
3. Nous accusons
le professeur Pellerin d'avoir triché de façon éhontée
sur l'appréciation de la contamination afin de faire croire à
un événement complètement insignifiant ne nécessitant
aucune mesure de protection.
Nous l'accusons notamment:
· d'avoir
menti sur l'impact de la contamination provoquée par le passage
du nuage de Tchernobyl en affirmant, dans un communiqué spécial
explicatif intensément diffusé à partir du 2 mai aux
autorités sanitaires, aux Préfets, aux DDASS, aux médecins,
aux pharmaciens, aux journalistes et au public :
"L'élévation
relative de la radioactivité relevée sur le territoire français
à fa suite de cet incident est très largement inférieure
aux limites recommandées par la CIPR et aux limites réglementaires
françaises, elles-mêmes fixées avec des marges de sécurité
considérables. Il faudrait imaginer des élévations
dix mille ou cent mille fois plus importantes pour que commencent à
se poser des problèmes significatifs d'hygiène publique."
Ce communique a joué
un rôle décisif dans l'absence de toute mesure de protection
et même de la plus élémentaire précaution (inutile,
par exemple, de faire consommer aux enfants pendant les quinze premiers
jours de mai du lait en poudre à la place du lait frais contaminé),
4. Nous accusons,
M. Pellerin, directeur du SCPRI, d'avoir tout fait pour empêcher
la mise en œuvre de mesure de protection contre la contamination des produits
alimentaires.
Nous l'accusons notamment:
· d'avoir
délibérément ignoré les règlements et
recommandations édictés par la Commission européenne
dans le but de limiter la consommation d'aliments contaminés afin
de "sauvegarder la santé des consommateurs" en les qualifiant
de limites purement douanières et en invitant chacun à consommer
les aliments dont la contamination dépassait pourtant les normes.
· d'avoir
ainsi favorisé la consommation de produits d'importation contaminés,
en déclarant que "toutes les denrées alimentaires ou produits
ci-dessus mentionnés sont sans exception consommables sans restriction"
alors que certains des lots contrôlés dépassaient largement
les limites imposées par le règlement CEE n°1707/86 du
Conseil du 30/5/86.
· d'avoir
ainsi favorisé la consommation de produits français et européens
dont le taux de radioactivité était supérieur aux
seuils de tolérance recommandés dès le 6 mai par la
Commission européenne (et repris officiellement par le gouvernement
français le 7 mai), alors que ces limites portaient sur des aliments
sensibles : le lait et les produits laitiers, les légumes et les
fruits.
5. Nous accusons
M. Pellerin d'avoir menti sur les normes de radioprotection, de les avoir
utilisées de façon incorrecte et d'avoir été
incapable d'assurer la protection des groupes à risque ainsi qu'il
en avait l'obligation.
6. Nous l'accusons
en particulier d'avoir privé les enfants de la protection qui leur
était due, non seulement en 1986 mais aussi jusqu'à son départ
en 1994, grâce à la falsification du décret fondamental
de radioprotection.
Nous l'accusons notamment:
· de
n'avoir pas assuré la protection des groupes à risque, c'est-à-dire
de toutes les personnes qui du fait de leur situation géographique,
de leur âge, de leur régime alimentaire ou de leur profession,
... risquaient de recevoir des doses de rayonnement très supérieures
à celles de la moyenne des français, des doses de rayonnement
supérieures aux limites réglementaires, qui nécessitaient
des mesures de protection, alors que la radioprotection imposait d'assurer
la protection individuelle de chaque Français ;
· d'avoir
appliqué délibérément aux enfants les limites
annuelles d'incorporation réservées aux adultes alors que
pour garantir aux enfants une protection équivalent, il faut fixer
des limites jusqu'à 10 fois plus basses pour les enfants). Il porte
ainsi une lourde responsabilité dans l'exposition des populations
corses et tout spécialement dans les doses de rayonnement encaissées
par la thyroïde des enfants et des fœtus.
· d'avoir
falsifié le contenu du décret n°88-521 qui transposait
en droit français les prescriptions des directives Euratom de 1980
et 1984. En effet, le paragraphe stipulant que les limites d'incorporation
devaient être adaptées aux particularités anatomiques
et physiologiques des enfants a été supprimé lors
de la transposition ! Cet acte délictueux n'a jamais été
sanctionné alors qu'il a permis d'exposer les enfants à des
niveaux de risque très supérieurs (jusqu'à 10 fois)
aux maxima tolérés pour les adultes. Cette altération
du texte de base de la radioprotection des populations démontre
que l'absence de prise en compte des enfants en 1986 était bel et
bien délibérée. |