Il ne s'agit là
que des prémices d'un déclin inexorable de l'industrie
nucléaire mondiale, parfois présentée a tort comme
faisant son "grand retour" alors qu'elle est en réalité menacée
de disparition.
Ainsi, le 10 novembre 2006,
Claude Mandil, directeur exécutif de l'Agence internationale de
l'énergie (AIE) a déclaré : "la tâche principale
de l'industrie nucléaire dans les années à venir sera
de remplacer les centrales existantes qui auront atteint leur fin de vie.
Cela signifie qu'on aura besoin de nombreuses centrales sans pour autant
augmenter la part du nucléaire dans la production d'électricité."
Or, la seule chose qui soit certaine est la fermeture, d'ici 2025, d'environ
250 réacteurs nucléaires sur les 435 en fonctionnement actuellement
sur la planète. Et la fermeture des autres arrivera dans les deux
décennies suivantes. Par contre, la plupart des nouveaux réacteurs
annoncés restent pour le moment très virtuels.
Illustration à travers
quelques exemples:
- Grande-Bretagne
22 des 23 réacteurs
actuels seront fermés en 2023. Certes, M. Blair annonce des projets
de nouvelles centrales, mais il est un des seuls à soutenir cette
idée, face à une opinion publique qui y est très défavorable.
Qui plus est, M. Blair a annoncé que les éventuelles nouvelles
centrales devraient être construites par des entreprises privées...
sans subventions de l'Etat. Or, le nucléaire ne s'est développé
que lorsque des Etats lui ont consacré d'immenses sommes d'argent
public (sans jamais demander leurs avis aux citoyens, mais cela est encore
un autre débat). Il est vraisemblable que, vers
2020, le nucléaire représentera moins de 1% de l'énergie
consommée en Grande-Bretagne.
- Russie
Vladimir Poutine annonce de
nombreux nouveaux réacteurs nucléaires, mais il est bien
moins loquace concernant la fermeture prochaine des 31 réacteurs
actuels : "Tous nos réacteurs (opérationnels) s'éteindront
dans dix ans. Pour éviter le "gel" du secteur nucléaire civil,
il nous aurait fallu construire 1,5 réacteur par an depuis longtemps"
a expliqué un membre d'une délégation du Kremlin en
visite aux USA (cf dépêche de l'agence RIA Novosti
du 7 décembre 2006).
- Europe centrale
Les quelques vingt réacteurs
nucléaires de ces pays, pour la plupart anciens et de technologie
soviétique, sont promis à une fermeture prochaine. Les pays
Baltes et la Pologne se sont associés pour essayer de construire
un réacteur nucléaire. Loin d'être un élément
du supposé "grand retour" du nucléaire, ce projet vise seulement
à essayer de compenser la fermeture avant 2009 du second réacteur
d'Ignalina (Lituanie), le premier étant... déjà fermé.
- USA
Aucune commande de réacteur
n'a eu lieu depuis l'accident nucléaire de Three Mile Island (1979).
Depuis, la durée de vie des 103 réacteurs en activité
est régulièrement prolongée (jusqu'à 60 ans
pour certains), augmentant considérablement le risque d'accident.
Le Président Bush a certes signé en juin 2005 des dispositions
pour attribuer de fortes sommes publiques aux compagnies privées
qui construiraient des réacteurs nucléaires, mais aucun projet
ne semble se concrétiser et le processus pourrait être remis
en cause du fait de l'alternance du pouvoir avec les Démocrates.
Et, même si certains projets se réalisaient , ils seraient
très loin de compenser la véritable bérézina
qui frappera l'industrie nucléaire des USA lorsque les vieux réacteurs
fermeront enfin. (Il faut espérer que ce ne soit pas après
une catastrophe nucléaire).
- Asie
C'est dans cette région
du monde que les projets semblent (hélas) les plus sérieux.
Ainsi, la Chine est parfois annoncée comme "le nouvel eldorado"
du nucléaire parce qu'elle entend construire 30, et peut-être
40 nouveaux réacteurs. Rien ne permet de penser qu'ils seront tous
construits (tant les investissements financiers nécessaires sont
immenses) mais, même si c'est le cas, la Chine produira
alors "royalement" 4% de son électricité avec le nucléaire,
soit 0,7% de sa consommation d'énergie. De même, les projets
annoncés en Inde, une vingtaine de réacteurs, permettraient
à peine à ce pays de couvrir environ 5% de son électricité
(1% de sa consommation d'énergie).
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suite:
Le parc nucléaire japonais,
le troisième au monde après les USA et la France, connait
de graves problèmes de sûreté, 17 réacteurs
ayant même été fermés d'un coup (pour plusieurs
mois) en 2003 du fait de la falsification par les exploitants de rapports
de sûreté alarmants. L'opinion publique a été
très marquée par ce scandale mais aussi par l'accident de
Tokaï-Mura
en 1999, qui a causé la mort de trois travailleurs et irradié
des centaines d'habitants.
- Amérique du Sud
Le Brésil, où
ne fonctionnent que deux réacteurs, en annonce 5 nouveaux, mais
il est d'abord confronté au problème d'Angra3, réacteur
resté en pièces détachées depuis... 20 ans.
Idem pour l'Argentine (où fonctionnent aussi deux réacteurs)
qui a annoncé en août 2006 un plan nucléaire dont le
premier objectif est de terminer la construction du réacteur Atucha
2, commencée... en 1981.
- Dictatures
Ici ou là, des dictateurs
pensent se donner du prestige en annonçant la construction d'un
réacteur nucléaire. C'est le cas de Kadhafi (Libye),
Loukachenko (Biélorussie, pays toujours contaminé
par la catastrophe de Tchernobyl) ou de l'Egypte où le fils
de Moubarak a le soutien des USA pour la construction d'un réacteur.
La Corée du Nord et l'Iran ont chacun un programme
nucléaire pour lequel la production d'électricité
reste virtuelle, l'objectif étant l'accès à l'arme
atomique. En résumé, beaucoup d'annonces pour... fort peu
d'électricité.
- Allemagne / Suède
On peut lire ici où
là que le plan de sortie du nucléaire en Allemagne serait
remis en cause. Ce n'est pour le moment pas le cas mais, de toute façon,
le pire qui soit envisagé est de ne pas fermer les réacteurs
de façon anticipée. En aucun cas la construction de nouveaux
réacteurs n'est envisagée: le nucléaire est de toute
façon promis à la disparition en Allemagne. La situation
est identique en Suède où la fermeture des 10 réacteurs
actuels a été décidée en 1980. Ce plan traîne
certes en longueur mais, là aussi, aucun nouveau réacteur
n'est prévu et le nucléaire va de toute façon disparaitre.
Notons aussi qu'un accident, potentiellement très grave, a été
frôlé le 25 juiller dernier à la centrale de Forsmark.
- Finlande / France
Ces deux pays portent les
espoirs de l'industrie nucléaire en Europe: ils souhaitent construire
chacun... un réacteur, l'EPR du français Areva. Une fois
de plus, rien à voir avec un "grand retour" du nucléaire.
D'autant que le chantier finlandais, le seul à être lancé,
est un véritable calvaire: 18 mois de retard officiellement, au
moins trois ans en réalité. Le constructeur Areva perdrait
dans l'affaire près d'un milliard €. Qui plus est, l'EPR a
été refusé le 16 décembre dernier par les chinois
à l'occasion ce qui était présenté comme le
"contrat du siècle", la construction de quatre réacteurs.
De fait, on ne saurait trop conseiller à la France de renoncer à
construire l'EPR prévu à Flamanville (Manche), et d'en reverser
le financement vers les économies d'énergie et les énergies
renouvelables.
Conclusion:
Le
rapport "Facteur 4", remis au gouvernement français en octobre dernier,
explique que "l'énergie nucléaire représente 2% de
l'énergie finale dans le monde" et pointe "l'apport finalement marginal
du nucléaire" dans la lutte contre l'effet de serre.
On ne saurait mieux illustrer le fait que le nucléaire, même
s'il impose un danger maximal, a en réalité une place très
faible dans l'énergie mondiale. Et, nous venons de le décrire,
cette faible part est en déclin inexorable.
La fermeture
de sept réacteurs, ce 1er janvier 2007, est donc le début
d'un mouvement irréversible vers la disparition de l'énergie
nucléaire. Il convient néanmoins de hâter cette disparition
avant que ne survienne un nouveau Tchernobyl, mais aussi parce que chaque
réacteur en fonctionnement produit des déchets radioactifs
qui vont durer des millions d'années, et parce que la prolifération
nucléaire vers l'arme atomique est un des pires dangers qui menacent
la planète. |