LE MONDE | 13.07.07
La déconstruction
en cours de la centrale nucléaire des monts d'Arrée, à
Brennilis (Finistère), ne semble pas avoir toujours été
conduite avec la rigueur nécessaire. En témoigne une "lettre
de suite" adressée à EDF, le 20 juin, par l'Autorité
de sûreté nucléaire (ASN), après une inspection
du réacteur à eau lourde, qui a cessé de produire
de l'électricité en 1985.
"L'organisation
définie et mise en oeuvre sur le site pour la gestion des déchets
est perfectible", note l'ASN. Au cours de leur "quadrillage" du
site, ses inspecteurs ont ainsi "mis en évidence une incohérence
complète (en termes de nombre de colis, de tonnage et d'activité
des déchets nucléaires, des données de production,
d'évacuation et des bilans d'entreposage) en début et fin
d'année 2006." Ils ont aussi constaté "la forte sous-évaluation,
d'un facteur 30 à 200, de l'activité radiologique de certains
déchets triés". Ils ont déploré que ces
"non-conformités" identifiées par les éliminateurs
de déchets - l'Andra et Centraco - n'aient pas fait l'objet de déclarations
auprès de l'ASN.
La visite a aussi révélé
des signes de corrosion externes sur 20% des fûts de déchets
radioactifs - pour certains liquides - entreposés dans un des locaux
du réacteur. Elle a montré que certains entreposages de déchets
chimiques étaient trop proches des fûts radioactifs. Par ailleurs,
un brumisateur était défaillant et l'autre trop éloigné
de la zone où "le risque d'ignition spontanée ne peut
pas être écarté". Un local contenant des déchets
radioactifs amiantés n'était pas suffisamment sécurisé. |
Cette accumulation pourrait
faire frémir. "La situation mérite d'être corrigée,
mais elle ne remet pas en cause la sûreté et la radioprotection
de l'installation, ni ne traduit une démotivation des équipes
en place", tempère Jean-Luc Lachaume, directeur général
adjoint de l'ASN. EDF indique, de son côté, que "les points
mentionnés dans la lettre de l'ASN font actuellement l'objet d'un
examen attentif; certains ont été corrigés immédiatement."
"GRAVES DÉCONVENUES"
Pour le réseau
Sortir du nucléaire, qui a exhumé le courrier du site Internet
de l'ASN, cela "confirme que ce chantier se déroulait de façon
tout à fait anormale". Cette affaire "n'est de toute évidence
que le prélude à de très graves déconvenues
lors du démantèlement du parc nucléaire d'EDF",
redoute l'association. Elle vient en outre d'obtenir du Conseil d'Etat
l'annulation d'un décret de février 2006 qui autorisait le
démantèlement complet de l'installation, pour "défaut
d'information du public". Les opérations ont donc été
stoppées sine die.
Sur place, les équipes
de démantèlement, qui comptaient une centaine de personnes,
dont une vingtaine de salariés d'EDF, ont été réduites,
indique l'électricien. Après dix ans de travaux, ne subsistent
dans le bâtiment réacteur que le réacteur lui-même
et les échangeurs. EDF a évacué à ce jour 7.500
tonnes de déchets radioactifs, 80% des rebuts étant non radioactifs.
Le chantier, qui devrait s'achever à l'horizon 2025-2030, selon
l'ASN, sera retardé de deux ans environ. Le temps qu'un nouveau
dossier de démantèlement soit instruit.
Hervé Morin
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