L'avenir d'Areva, d'Alstom et d'Eramet est discuté au plus haut niveau de l'Etat. Plusieurs schémas sont à l'étude, avec en toile de fond la volonté de constituer un grand groupe à taille mondiale, impliquant un certain nombre d'industriels français et étrangers. Les noms de Bouygues, de Mitsubishi, de Siemens, d'EDF et de Total sont cités.
Le dossier
du rapprochement Suez-Gaz de France n'est pas encore bouclé que
le gouvernement prépare déjà son prochain grand Meccano
industriel. Evoquée depuis des mois, la recomposition de la filière
nucléaire française est «en chantier», indiquent
plusieurs sources. La France «a acquis une maîtrise de l'énergie
nucléaire qui est un atout considérable, a souligné
hier Nicolas Sarkozy. Elle a une compétence reconnue, des entreprises
magnifiques. Il faut leur donner les moyens de se développer».
Comment? Plusieurs schémas sont à l'étude, avec, en toile de fond, la construction d'un grand groupe à taille mondiale et l'appétit d'industriels désireux d'obtenir une part du gâteau. Dans tous les cas, c'est la maîtrise par l'Etat de ces activités sensibles qui est en jeu. Les réflexions menées au plus haut niveau de l'Etat concernent principalement trois entreprises: Areva, Alstom et Eramet, ainsi que leurs actionnaires. Le scénario le plus ancien consiste à rapprocher Areva d'Eramet. La famille Duval, actionnaire du groupe minier à hauteur de 37%, est disposée à céder sa participation à Areva, qui détient lui-même 26% du capital. Cette nouvelle donne pourrait accélérer le calendrier d'ouverture du capital du groupe nucléaire. Car des acheteurs étrangers, eux aussi, auraient déjà manifesté leur intérêt. Pour les prendre de vitesse et préserver le caractère français d'Eramet, acteur essentiel en Nouvelle-Calédonie et au Gabon, l'entreprise publique est prête à acquérir les 37% de la famille Duval estimés à 1,9 milliard €. Mais, compte tenu de ses moyens financiers, une telle transaction, qui nécessiterait sans doute une OPA sur Eramet, ne peut guère se concevoir sans une mise en Bourse d'Areva. Mais d'autres schémas existent. Notamment pour prendre en compte le désir d'Alstom et de son actionnaire de référence, le géant du BTP Bouygues, de se rapprocher d'Areva. Une note du CEA
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Dans cette optique,
le Commissariat à l'énergie atomique résume ainsi
les trois schémas «acceptables»: «La poursuite
du «stand alone», avec ouverture du capital limitée
et des filiales détenues à 100%; la création d'un
grand groupe nucléaire international, avec une base capitalistique
franco-japonaise, mais avec le maintien d'un contrôle public majoritaire;
ou la création d'un grand groupe privé français équipementier
du domaine de l'énergie, avec le maintien d'un contrôle public
majoritaire [sur les seules] activités stratégiques».
Dans tous les cas, la part du public au capital d'Areva serait sensiblement
augmentée.
Concrètement, le premier scénario verrait le CEA se défaire de 29% du capital d'Areva, estimés à 7 milliards €. Les 34% détenus par l'allemand Siemens dans la filiale Areva NP (activités réacteurs) seraient convertis en une participation d'environ 8% au niveau du holding de tête. Ce scénario permettrait à Areva de détenir ses filiales à 100%, remarque Alain Bugat, «mais il ne permet pas de faire rentrer d'autres partenaires industriels tels que Bouygues, sauf à réduire la part proposée au public». Une façon d'anticiper les désirs des pouvoirs publics. Dans le deuxième scénario, les structures d'Areva seraient bien plus bouleversées puisqu'il s'agirait de faire entrer Bouygues au sein d'Areva NP à hauteur de 34%. Total et EDF deviendraient des actionnaires clefs d'Areva NC (cycle du combustible) et des acteurs tels que Siemens et le japonais Mitsubishi «remonteraient» au niveau du holding. Pourquoi l'industriel nippon? Parce qu'un «pied fort en Asie apparaît incontournable», lit-on dans le document du CEA, et pour que le groupe n'apparaisse pas «comme trop exclusivement français». Encore une autre option
JULIE CHAUVEAU ET PASCAL POGAM
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