KINSHASA ENVOYÉ SPÉCIAL
Le Centre régional d'études nucléaires de Kinshasa (CREN-K) a été construit en 1958. Deux barres d'uranium y ont déjà été volées dans les années 1970. | AFP/LIONEL HEALING Depuis longtemps déjà,
la végétation luxuriante monte à l'assaut de la clôture
rouillée. Les herbes folles, les manguiers sauvages, le portail
fermé par un simple cadenas évoquent une propriété
au décor bucolique. En contrebas, la lourde bâtisse en béton
bleu vif et blanc abrite pourtant 91 barres d'uranium. Un vague gardien,
une porte vitrée, et l'on pénètre au coeur du Centre
régional d'études nucléaires de Kinshasa (CREN-K).
Le réacteur à usage scientifique est là, à
la portée du premier visiteur venu, protégé par une
pancarte définitive: "Entrée interdite".
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Dans un rapport qui
cite un document de l'AIEA datant de 2004, le sénateur belge Alain
Destexhe a estimé que "10% des mesures de protection et des normes
internationalement reconnues étaient en place". Il en a conclu
la nécessité de "démanteler le réacteur" de
Kinshasa.
Déjà dans le collimateur pour sa sécurité incertaine, le centre de recherche a de nouveau défrayé la chronique, le 6 mars, avec l'arrestation de son directeur, Fortunat Lumu, commissaire général à l'énergie atomique. Il a été accusé, dans un premier temps, du vol d'une "importante quantité d'uranium" par le ministre de la recherche scientifique récemment nommé. Ce dernier, Sylvanus Bonane Mushi, a abandonné depuis lors ses accusations de "vol", et le professeur Lumu est sorti de prison au bout de cinq jours. Mais M. Mushi a maintenu une mise en cause qui soulève une question ultrasensible pour le Congo et sans doute pour la planète: celle des exportations incontrôlées d'uranium. M. Lumu et l'ancien ministre de la recherche scientifique, Gérard Kamanda wa Kamanda, sont accusés d'avoir abusivement signé, en novembre 2006, avec Brinkley Africa, filiale du groupe minier britannique Brinkley Mining, un contrat octroyant un droit à prospection et exploitation de gisements d'uranium au Katanga, en échange d'un financement par cette firme du CREN-K et de l'organisation d'un système de contrôle... des exportations de minerai. Affirmant que son statut lui permettait de signer le contrat contesté, le professeur Lumu estime qu'"on a porté atteinte à (sa) réputation, mais aussi à celle du pays. Le scientifique se dit "préoccupé par le risque de dissémination de l'uranium à partir de la RDC". Il assure précisément que le "partenariat" avec Brinkley allait permettre de financer un contrôle de la radioactivité des minerais composites qui quittent le pays. Contrôle que l'Etat congolais n'a, selon lui, pas les moyens de mettre en place. "En me faisant arrêter le jour même de l'inspection du centre par l'AIEA, le ministre a voulu faire un coup d'éclat, assure-t-il. Mais, en désignant comme trafiquant le responsable d'une institution censée protéger, il n'a fait que donner des arguments à ceux qui veulent démanteler notre centre nucléaire." M. Lumu reconnaît cependant qu'il avait accepté un poste dans une filiale chargée de contrôler la radioactivité des minerais exportés. Face à lui, le ministre Mushi se targue d'avoir mis un coup d'arrêt au "projet séditieux" de son prédécesseur visant à "exploiter et exporter illégalement de l'uranium". Il l'accuse d'avoir cherché une source de financement pour sa candidature à l'élection présidentielle. Ce que M. Kamanda wa Kamanda dément avec la dernière énergie, qualifiant au passage son successeur de "novice" et de "magouilleur". "Ce n'est plus que du papier", réplique l'intéressé, avec une moue de mépris à propos du contrat avec Brinkley. L'actuel ministre prétend vouloir, par son geste, "redonner au Congo son honorabilité internationale" et annonce qu'il prépare une nouvelle réglementation. Loin de ces leçons de morale, certains observateurs voient dans la querelle une bataille politique entre deux hommes d'abord soucieux de "caser" leurs proches. Tandis que l'ancien ministre de la recherche scientifique a servi sous Mobutu et se range aujourd'hui dans l'opposition au président Kabila, l'actuel est un ancien responsable maï-maï, un groupe combattant de la guerre civile congolaise rallié au régime. "A l'époque de Mobutu, tout le monde volait à gauche et à droite, constate un scientifique congolais, sans illusions. Le pillage a continué sous la transition (2003-2006). Pourquoi voulez-vous que cela cesse? La communauté internationale prône la lutte contre l'impunité, mais les exploitants miniers n'y ont aucun intérêt." Philippe Bernard
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