Le nucléaire
s'inscrit dans le domaine industriel comme production énergétique
au même titre qu'autrefois le charbon ou aujourd'hui le pétrole,
avec la dimension militaire en plus.
Si la filière charbon a été abandonnée c'est, nous a-t-on affirmé, parce que le coût d'extraction de la tonne était devenue trop élevé, donc n'était plus rentable. Si en France l'importation du pétrole est sujette à des aléa extérieurs - crise des années 70 par exemple - c'est la faute à notre dépendance à l'égard des producteurs. Alors, nous a-t-on seriné, il existe une source nouvelle indépendante, propre, sûre, économique: l'atome. Et c'est ainsi que l'Etat français nous a doté en quelques années de 56 réacteurs fournissant 76% de l'électricité d'origine nucléaire et 15% de l'énergie consommée. Avec sur l'autre côté du médaillon, en prime, quelques sous-marins nucléaires, une quantité évidemment inconnue de bombes, obus, ou autres gadgets prétendument “dissuasifs”, telles les ogives à uranium appauvri, fleuron moderne de notre armement. Notons en passant que le caractère inoffensif de cette source fut affirmé par le… silence assourdissant autour des déchets s'accumulant avec le temps. L'arnaque
Poids du capital
Une certaine ambition franchouillarde est apparue
petit à petit. Opter au début pour le réacteur BWR,
c'était pour l'Etat aider la grosse chaudronnerie italienne. Alors
on a décidé de passer au PWR des groupes Empain-Schneider
et Framatome. Aujourd'hui, avec l'usure du parc initial que les nucléocrates
veulent renouveler, Framatome, en association avec Siemens est pressenti
pour le nouveau réacteur EPR, soit-disant plus performant et encore
plus sûr, assurément davantage producteur de déchets.
D'une puissance de 1550 mégawatts, il revient à près
de trois milliards d'euros. On comprend mieux qu'il faille le rentabiliser(2).
Le poids gaullien
(suite)
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suite:
La politique gaullienne de défense lancée, très vite, sous la pression d'un lobby fort puissant, on est passé à l'énergie électrique revendue à EDF. Belle occasion pour ce secteur public qui, tout aussi rapidement, mettra en œuvre sa propre production d'électricité d'origine nucléaire. Les raisons historico-politique(3) du développement du nucléaire français n'ont en rien changé au cours du temps les objectifs initiaux : puissance militaire de dissuasion autonome(4), aspiration à être de moins en moins tributaire des pays producteurs de pétrole. S'y sont ajoutés à partir des années 70 l'ambition de créer un modèle de production d'énergie exportable (centrales, électricité…) et, depuis l'envol du libéralisme mondial, celle de s'inscrire dans la guerre économique planétaire comme numéro un sur le terrain productiviste et marchand d'une énergie abondante et politiquement contrôlable. Les objectifs étant bien établis, la course au pouvoir et au profit bien lancée, le lobby nucléo-industriel prêt à s'imposer, les grandes sociétés contrôlant l'activité nucléaire vont vite se diversifier. Elles sont dotées de moyens financiers énormes, assurées du soutien étatique et ont souvent une dimension transnationale. Il s'agit, outre le CEA déjà cité affecté à la recherche, de la COGEMA(5) (Compagnie Générale des Matières Nucléaires filiale de CEA-Industrie, chargée de l'extraction de l'uranium d'abord en France, maintenant à l'étranger: Niger, Australie, Canada, Russie…) de Framatome, groupe public constructeur de réacteurs, d'AREVA holding créé en septembre 2001(6) par les précédentes et dans laquelle EDF et la Caisse des Dépôts et Consignations sont actionnaires. Pilotant ces firmes en manipulant l'opinion, les ingénieurs des grandes écoles ayant fait le choix de l'atome: Mines Ponts et chaussées, ENA…, qui ont leurs entrées dans les instances du pouvoir politique, ce qui en fait, au même titre que ces instances des décideurs de poids, voire les véritables. La viabilité a un prix
J.F. 20-6-03
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Sources:
- Le Monde libertaire n° 1316 (17-23 avril 03)
- Echanges, bulletin du réseau “Echanges et Mouvement”
n° 101 (été 02) p. 36-37.
- Ecologie sociale, la Revue (Oct-Nov 02) p. 22-23
- Energie et sécurité n° 21, 02, publication
de l'IEER (Institute for Energy and Environmental Reasearch).
- Stop Golfech, n° 42 (automne 02) et n° 44 (p.3)
- Sortir du nucléaire n° 26, avril 2003.
Sigles:
PWR : Pressured Water Reactor (REP : Réacteur à Eau pressurisée)
EPR : European Water Reactor (Réacteur Européen à
Eau Pressurisée, qualifié de “réacteur du futur”.
Notes:
(1) Ainsi les Français ont tellement besoin d'électricité
qu'EDF les pousse à se chauffer électriquement (bonne aubaine
pour les fabricants de convecteurs) et que notre éclaireur-chauffagiste
est amené à vendre le surplus à l'étranger…
à perte.
(2) Je renvoie là dessus, et sur d'autres points, à mon
article “Sortir du Nucléaire : une nécessité” paru
dans “Débattre” revue d'Alternative Libertaire, n° 14, printemps
2002.
(3) On lira utilement sur cet aspect politicien le livre de Michèle
Rivasi et Hélène Crié : “Ce nucléaire qu'on
nous cache” paru chez Albin Michel en 1999.
(4) Que l'URSS n'existe plus ne change en rien la politique militaire
française qui se prépare à lancer un deuxième
porte-avions à propulsion atomique qui va nous coûter la peau
des fesses, joujou dérisoire face à la force démesurée
états-unienne, et qui devrait être opérationnel vers
2015.
(5) La COGEMA a une filiale américaine, COGEMA Inc. Chargée
de transformer le surplus de plutonium militaire américain en combustible
destiné aux réacteurs civils.
(6) Ce holding fut impulsé par le sieur Strauss-Kahn incarnant
le flanc libéral dans la politique économique du gouvernement
Jospin, avant son départ consécutif à ses déboires
avec la justice.
(7) Automne 2001 : Chirac et Jospin signaient “d'une même voix”
au sommet de Barcelone, le protocole de la future, proche, privatisation
d'EDF.
(8) Cette décision, en fait, est déjà prise officieusement
par le gouvernement et EDF a même choisi le futur site d'implantation
à Penly (Seine-Maritime)? Ce nouveau réacteur “pilote” devrait
selon EDF entrer en fonction entre 2015 et 2020 pour soixante ans, ce qui
conduit notre électricien public - pour si peu de temps encore -
à vouloir porter la durée d'amortissement du parc actuel
de 30 à 40 ans et ce, sans même se soucier de l'avis de l'autorité
de Sûreté. C'est bien connu, EDF nous doit plus que la lumière
! Et on ne manquera pas d'attribuer une mention particulière à
la CGT, fédération de l'Energie, pour son soutien à
la construction de cet EPR, au prétexte de maintenir et développer
notre savoir-faire industriel.