Russie:
Russia challenged by nuclear woes
By Leonid Ragozin
The new boss of Russia's nuclear industry,
Sergei Kiriyenko, has announced ambitious expansion plans which alarm environmentalists
worried about continuing radioactive contamination.
This week prosecutors charged the
director of Russia's main nuclear waste processing plant - Mayak
in the Urals - with violating safety rules.
Vitaly Sadovnikov is accused of allowing
many tons of liquid radioactive waste to be discharged into the River Techa
in 2001-2004.
Every time they failed to produce weapons-grade plutonium, they
simply discharged it into the river
Gosman Kabirov, Russian environmentalist
In a separate investigation, the former head of Russia's
Federal Agency for Nuclear Energy (Rosatom), Yevgeny Adamov, was arrested
in Switzerland last year on corruption charges and extradited to Russia.
The Mayak plant was also the scene of a major
nuclear accident in 1957, when a waste storage facility blew up, releasing
20 million curies of radiation into the atmosphere. The scale of the disaster
was kept secret by the Soviet authorities at the time.
Despite that experience, and the 1986 disaster at
the Chernobyl plant in Ukraine, the new Rosatom boss believes nuclear power
is vital for Russia's future.
Contamination
Mr Kiriyenko argues that the world's hydrocarbon
resources are in decline and only nuclear power can prevent an acute energy
crisis.
Mayak
remains the flagship of Russia's nuclear industry and is still discharging
tons of liquid radioactive waste into poorly isolated reservoirs.
The Russian parliament's environmental committee
has recommended that Rosatom move towards halting nuclear waste processing
at Mayak.
The committee's chairman, Vladimir Grachev, has
warned that the dams standing between the radioactive water and the Ob
river basin may collapse.
Environmentalists say dangerous waste water has
been seeping into the soil for years.
Gosman Kabirov, an environmental activist who has
spent years near the Mayak plant, says "the situation is indeed
very dangerous, because the reservoirs have accumulated 1.2bn curies -
that is 22 Chernobyls".
In January, President Vladimir Putin announced plans
to create a network of international centres for uranium enrichment.
Environmentalists fear that Mayak could play a significant
role in that - and want the plant closed.
But Rosatom's spokesman Vladimir Novikov told bbcrussian.com
that Mayak "theoretically... could be included in these plans".
Mr Kiriyenko has approved a project to prevent the
waste reservoirs at Mayak overflowing and announced a tender for
a comprehensive solution to the plant's environmental problems.
Rafail Arutyunyan, deputy director of Russia's Institute
for Nuclear Safety, insists the plant's current activities "do not increase
the environmental risks".
He warns that "once a facility is decommissioned,
the level of attention and scale of work always decrease".
1957 disaster
When Mayak was built in 1949 under the supervision
of Stalin's secret police chief Lavrenty Beria, nobody worried about the
environment.
"Every time they failed to produce weapons-grade
plutonium, they simply discharged it into the river", Mr Kabirov says.
Then came the 1957 explosion at
- and nobody knew how to deal with such an emergency.
Local villagers, soldiers and workers from the plant
were mobilised to clear up the mess without any protection. Children from
nearby villages had to dig up potatoes with their bare hands in fields
still wet from radioactive rain.
"My wife's father was one of the first people
to die from leukaemia. He was a policeman and had to shoo people away from
the River Techa," Mr Kabirov says.
Some of the villages were evacuated, but others
remained as they were, their residents becoming an invaluable resource
for Soviet research centres studying the effects of a nuclear war.
In one such centre, specially created in Chelyabinsk,
sick people were kept in the same building as cows and pigs from the contaminated
area.
'Guinea pigs'
No similar accidents occurred over the next 50 years,
but contamination continued.
Natalia Mironova, leader of the Movement for Nuclear
Safety in Chelyabinsk, says that even today plutonium isotopes can be found
as far as 400km (250 miles) from the plant.
Local villagers call themselves "guinea pigs".
"One in four children has genetic mutations,"
Mr Kabirov says.
According to Ms Mironova, the occurrence of deformities
in new-born babies is twice the national average.
And tragic incidents still occur.
"In the village of Tatarskaya Karabolka a girl
who visited her grandmother on holiday went to wash a carpet in the river.
Very soon she developed symptoms of acute leucosis and died", Ms Mironova
said. |
Le complexe Mayak
L'accident nucléaire
de Kyshtym est le plus grave de tous ceux qui sont survenus dans l'ex-Union
soviétique; ses conséquences sont, à ce jour, les
plus importantes au monde. En réalité, il faut
le replacer dans l'ensemble des accidents et des dispersions de radioactivité
qui se sont produits dans cette région industrialisée de
l'Oural - le complexe Mayak - située entre Ekaterinbourg (ex-Sverdlovsk)
et Tcheliabinsk. Celui qui s'est produit près de Kyshtym, le 27
septembre 1957, a été le plus dramatique.
Lorsque Staline décida,
au soir d'Hiroshima, de rattraper les Américains dans la course
aux armements nucléaires, fort des renseignements que lui avait
apportés l'espionnage des travaux menés outre-Atlantique,
il put très vite engager un programme permettant de produire avec
rapidité et discrétion de nombreuses armes de qualité
acceptable. Il ne pouvait mieux choisir, pour superviser l'opération,
que le chef du N.K.V.D., Beria, orfèvre en matière de secret,
spécialiste de méthodes quelque peu expéditives pour
le recrutement. Il sut sélectionner les scientifiques et autres
spécialistes indispensables, les installer confortablement dans
des cités interdites coupées du monde extérieur, sortes
de «goulags de luxe», où ils auraient pour mission de
concevoir, définir et réaliser tel ou tel élément
des armes. Chaque ville portait le nom d'une ville voisine, accompagné
d'un chiffre.
C'est ainsi que Tcheliabinsk 40 et Tcheliabinsk
65, peuplées chacune d'environ cent mille habitants, avaient pour
objectif principal la production du plutonium utilisé comme explosif
dans les armes. Pour cela, il fallait des réacteurs plutonigènes
dans lesquels l'uranium se transforme en plutonium. Six ont fonctionné
sur le site de Tcheliabinsk 40, à une quinzaine de kilomètres
à l'est de Kyshtym. Le plutonium produit était extrait dans
une usine chimique implantée à Tcheliabinsk 65, à
une dizaine de kilomètres au nord-est de Kyshtym. Dans ce type d'usine,
le mélange uranium-plutonium est d'abord extrait des éléments
combustibles irradiés à l'aide d'acides très concentrés,
puis on sépare le plutonium avec des solvants sélectifs.
Il s'agit de procédés à hauts risques: l'agressivité
chimique et les risques d'explosion sont inhérents à la nature
des produits utilisés et l'intense radioactivité exige des
précautions extrêmes pour toute intervention humaine.
Durant les huit premières années,
les abondants déchets résultant de ces cycles de traitement
ont été déversés directement dans la rivière
Tetcha, au mépris total de l'environnement. Les estimations récentes
des rejets de cette période, établies en liaison avec les
responsables russes, font état d'une activité de 50 millions
de curies. À partir de 1952, de nombreux lacs de cette région
ont été aménagés soit en bassins de sédimentation
pour concentrer les déchets les plus actifs, soit en réservoirs
de stockage où ont été déposés des récipients
en acier, enfouis dans des cellules en béton recouvertes d'une dalle
de 2,5 m d'épaisseur et dotées d'un système de refroidissement
indispensable pour évacuer la chaleur dégagée par
les déchets radioactifs.
Le système de refroidissement des cuves
de stockage présentait des défaillances dès 1956.
Celles-ci provoquèrent la surchauffe du contenu des réservoirs
et l'évaporation de l'eau des déchets. Allégés,
les réservoirs se mirent à flotter, ce qui entraîna
des déformations et des fuites des canalisations qui contaminèrent
l'eau qui circulait autour des réservoirs pour les refroidir. Il
fallut traiter cette eau dans une installation déjà saturée.
On eut alors recours à une procédure de réfrigération
intermittente, jusqu'à ce que l'échangeur d'une cuve tombe
complètement en panne à l'automne de 1956 et soit laissé
à l'abandon; la dernière température mesurée
avant l'explosion du 27 septembre 1957 était proche de 350°C.
Une étincelle aurait déclenché l'explosion, dont l'énergie
a été estimée entre 5 et 70 tonnes d'équivalent
T.N.T. Le couvercle en béton de 2,5 m d'épaisseur fut projeté
à plus de 25 mètres. La radioactivité alors dispersée
a été estimée à 5 millions de curies de 90Sr
(cet isotope 90 du strontium, de période 28 ans, qui se comporte
dans l'organisme comme le calcium, peut être fixé dans les
os par la voie de la chaîne alimentaire), ce qui représente
50% de la radioactivité totale. Chacune des soixante cuves de ce
centre de stockage était censée contenir une activité
totale de 20 millions de curies (Ci). Plusieurs cuves ont été
affectées par l'explosion et leur fuite a contribué à
la contamination en 90Sr.
Cet accident est resté secret pendant
plus de trente ans. Une surface de 120 kilomètres carrés
était le siège d'une activité 90Sr supérieure
à 100 Ci/km2 (3,7 millions de Bq/m2) avec
à l'intérieur une zone de 5 kilomètres carrés
où l'activité dépassait 2.000 Ci/km2, (74
millions de Bq/m2). Les Soviétiques ont décidé
d'évacuer une zone de 1.000 kilomètres carrés où
vivaient dix mille habitants et où régnait une activité
égale ou supérieure à 2 Ci/km2 de 90Sr
au sol (74.000 Bq/m2). La région a été
interdite et désertifiée: habitants évacués
sans le moindre bagage, villages rasés, bétail abattu et
enterré sur place. Au total, pour les deux zones de Tcheliabinsk
et Ekaterinbourg, la culture a été interdite sur plus de
100.000 hectares et n'a repris actuellement (au moins officiellement) que
pour environ la moitié des terres cultivables réhabilitées.
Dans la population, on estime à deux cent
cinquante mille le nombre des personnes qui ont été exposées
à une dose anormalement élevée, non seulement à
cause de l'accident de 1957 mais du simple fait du fonctionnement «normal»
du complexe Mayak à proximité duquel elles vivaient. Elles
étaient atteintes soit par irradiation externe, soit par ingestion
de radioéléments présents dans l'eau ou dans les aliments
contaminés. Vingt-huit mille personnes ont été particulièrement
exposées et auraient reçu en une dizaine d'années
une dose d'environ 200 millisieverts (20 rems). La dose efficace reçue
par les habitants d'un des derniers villages évacués, Metlino,
sur la rivière Tetcha, a été évaluée
à 1,7 Sv, dose à laquelle apparaissent des troubles de santé
très sérieux.
Pour les employés, un suivi rétrospectif
méticuleux, accompli dans les années 1980, a pu permettre
d'avoir une idée des dommages de santé subis par 85% d'entre
eux. On constate que les travailleurs du retraitement ont été
plus touchés que ceux des réacteurs. Les «maladies
chroniques du rayonnement» (euphémisme qui recouvre un certain
nombre de troubles associés à un équivalent de dose
compris entre 1,5 et 2,5 Sv) affectent une proportion de 5,8% du personnel
des réacteurs (avec des doses internes cumulées sur une vie
entière de 2,6 Sv) et une proportion de 22,6% du personnel affecté
au retraitement (avec des doses externes cumulées de 3,4 Sv). En
données très simplifiées, qui ne portent que sur 85%
du personnel, on trouve que, statistiquement, la fréquence de mortalité
par cancer passe de 4,8% pour une dose moyenne cumulée inférieure
à 1 sievert à 8,4% pour une dose moyenne cumulée supérieure
à 1 sievert.
La menace pour l'environnement a été
estimée par les experts à plus de dix fois celle des rejets
de Tchernobyl; elle subsistera encore longtemps, puisque les installations
risquent logiquement de se dégrader. Toutes les régions polaires
sont aussi menacées puisque la Tetcha, qui appartient au bassin
de l'Ob, alimente la mer de Kara. L'équilibre écologique
de cette mer est déjà mis en péril par d'autres déchets,
provenant soit des explosions nucléaires à buts pacifiques
effectuées en Sibérie, soit des essais d'armes en Nouvelle-Zemble,
soit encore des épaves de navires nucléaires qui jonchent
la mer de Barents.
C'est le biologiste Z. Medvedev, responsable
des études d'effets des radiations ionisantes, qui a dévoilé
l'accident de 1957, après avoir fui l'Union soviétique pour
les États-Unis. Ces révélations, d'abord accueillies
avec scepticisme par les experts américains, furent ensuite confirmées
par la C.I.A., notamment lors de survols par des avions de reconnaissance
à haute altitude qui allaient provoquer l'ire de Nikita Khrouchtchev
et sa riposte par la destruction d'un de ces «U2». Ainsi a
été observée la disparition des villages et l'interdiction
de certains itinéraires routiers, authentifiant les affirmations
de Medvedev et la gravité du désastre. |