Comment mesurer le véritable risque
nucléaire? Une tribune de Benjamin Dessus, ingénieur
et économiste, président de Global
Chance, et Bernard Laponche, physicien nucléaire, expert en
politiques de l’énergie.
Le risque d’accident majeur dans une centrale
nucléaire a été généralement considéré
comme la combinaison de la gravité extrême d’un tel accident
et de la très faible probabilité de son occurrence. Certes,
la multiplication de zéro par l’infini pose quelques problèmes
mais les promoteurs du nucléaire, mettant en avant cette très
faible probabilité, affirmait qu’il n’y avait aucun danger. Si la
gravité des conséquences d’un tel accident a bien été
confirmée par Tchernobyl et Fukushima, que peut-on dire aujourd’hui
de la probabilité de son occurrence?
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Mais, sur ce parc, cinq réacteurs ont connu un accident grave (un à Three Mile Island, un à Tchernobyl et trois à Fukushima), dont quatre sont des accidents majeurs (Tchernobyl et Fukushima): l’occurrence réelle est environ 300 fois supérieure à l’occurrence théorique calculée. Cet écart est considérable et conduit à un constat accablant quand on prend conscience de la pleine signification de ces chiffres. La France compte actuellement 58 réacteurs en fonctionnement et l’Union européenne un parc de 143 réacteurs. Sur la base du constat des accidents majeurs survenus ces trente dernières années, la probabilité d’occurrence d’un accident majeur sur ces parcs serait donc de 50% pour la France et de plus de 100% pour l’Union européenne. Autrement dit, on serait statistiquement sûr de connaître un accident majeur dans l’Union européenne au cours de la vie du parc actuel et il y aurait une chance sur deux de la voir se produire en France. On est très loin de l’accident très improbable... Et cela sans prendre en compte les piscines de stockage des combustibles irradiés, les usines de production et d’utilisation du plutonium, les transports et stockages des déchets radioactifs. Plutôt que de continuer à calculer des probabilités surréalistes d’occurrence d’événements qu’on ne sait pas même imaginer (cela a d’ailleurs été le cas pour Three Mile Island, Tchernobyl et Fukushima), n’est-il pas temps de prendre en compte la réalité et d’en tirer les conséquences? La réalité c’est que le risque d’accident majeur en Europe n’est pas très improbable, mais au contraire statistiquement sûr. Croyez-vous que si on le disait comme cela aux Français, il s’en trouverait encore beaucoup pour faire l’impasse sur le risque au prétexte du «on ne peut pas faire autrement»? |