CONTROVERSES NUCLEAIRES !
Documents importants
Les enjeux du démantèlement des centrales nucléaires
 CCASinfos 284, novembre 2007

     Quarante ans après la mise en service du prmier réacteur civil à Chinon (37), la France est controntée aux enjeux du démantèlement de ses anciennes centrales. Huit réacteurs, plus celui de Superphénix à Creys-Malville (38), sont en phase de mise à l'arrêt. Cette mission incombe à EDF.
     Dans les locaux lyonnais du Ciden (Centre d'ingénierie déconstruction et environnement), une unité mise en place par EDF, les ingénieurs préparent l’avenir. Initié en 2000, le programme de déconstruction des centrales nucléaires mises en service dans les années 60-70 s'achèvera autour de 2025 avec la réhabilitation des sites de Brennilis, Creys-Malville (arrêté sur décision gouvernementale en 1998) et des premiers réacteurs de Saint-Laurent, Chinon, Chooz et Bugey.
     Commencée à la fin des années 50 à Chinon avec la construction de trois réacteurs UNGG (uranium naturel graphite gaz), la filière nucléaire française réunit en son sein toutes les techniques de production électronucléaire existantes au monde: UNGG, à eau lourde pressurisée et à neutrons rapides. Mais contrairement à l'actuelle construction de l'EPR à Flamanville, les techniques liées à la déconstruction de ces centrales n'ont jamais été pensées. "Je constate chaque jour à quel point la déconstruction s'apparente à un nouveau métier", témoigne Régis Dalmas, directeur adjoint du Ciden.
     Véritable défi technologique et environnemental, le démantèlement de chacun de ces réacteurs constitue en soi un cas d'école. A titre d'exemple, la déconstruction de la salle dès machines de Superphénix a nécessité pas moins de dix-huit mois de chantier pour libérer ses 10.000 m2, soit environ 15.000 tonnes de déchets dont 95% ont été recyclés.  Classés en déchets conventionnels   ou radioactifs, les résidus produits par la démolition des neuf centrales EDF représenteront 964.000 tonnes recyclées et éliminées de façon classique ou orientées vers les centres de stockage de l'Andra[1]. "Les déchets de déconstruction contiennent moins de 0,1% de la radioactivité générée par un réacteur nucléaire", indiquent les études du Ciden.
     Cuivre, acier, aluminium, tout ce qui est récupérable est recyclé, grâce à
des opérations de découpage (selon des procédés mécaniques, thermiques
et électrothermiques), de décontamination par des techniques d'arasage et bouchardage (traitement des surfaces), qui peuvent avoir recours à la
téléopération (utilisation de robots). Toutes ces solutions mises en oeuvre
rassemblent "blouses grises" et "blouses bleues". Il arrive même que des appareils en parfait état de marche soient offerts au monde universitaire, comme à Creys-Malville, ou les sismographes ont été remis à l'institut de physique du globe de Strasbourg. Cas particulier: pour pouvoir vidanger les 5.500 tonnes de sodium qui se trouvent dans les circuits de Creys-Malville, une machine de perçage de 18 mètres de haut a été construite. Débutées en 2008, les opérations de pompage s'achèveront en 2013. Selon un procédé industriel développé par le CEA[2], le sodium sera stabilisé en soude avant d'être utilisé comme eau de gâchage pour la fabrication de blocs de béton de très faible activité qui seront confiés à plus long terme à l’Andra.
     Pour Pascal Lebrun, secrétaire du CMP (comité mixte à la production) du Ciden, "il est nécessaire de mettre en place un véritable débat citoyen sur la question du démantèlement des centrales nucléaires en France". Il en va du fragile maintien du consensus national sur la filière électronucléaire.
[1] Agence nationaLe pour la gestion des déchets radioactifs.
[2] Commissariat à l'énergie atomique.
Le point de vue de MicheI Lallier, agent EDF et membre du Conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaires (CSSIN).

Quels sont les enjeux politiques et financiers de la déconstruction des centrales nucléaires en France?
     Maîtriser l'ensemble de la filière électronucléaire signifie d'intégrer le démantèlement des installations nucléaires comme une étape primordiale de cette filière. Les enjeux sont d'ordre technologique mais aussi écologique. Le principe du "pollueur-payeur" est une obligation qui s'impose aux exploitants nucléaires comme aux autres types d'industries. La loi du 9 juin 2006 impose aux exploitants nucléaires de créer et de maintenir des fonds ou des garanties financières pour cette activité.
Aujourd’hui, ces missions incombent à EDF et à ses agents. Et demain? Y a-t-il un risque d'externalisation de ces missions?
     EDF est actuellement le maître d'oeuvre, mais les travaux de démantèlement sont externalisés en totalité. Le risque réside en fait sur la tentation de réduire les coûts, compte tenu que cette activité n'est pas productrice de valeur, ce qui se traduirait par une réduction des garanties sociales des travailleurs et des conditions de sécurité et de radioprotection.
     Par ailleurs, la maîtrise publique de la filière nécessiterait que ces entreprises fassent partie intégrante d'un pôle public de l'énergie associant en cohérence les intérêts énergétiques, écologiques, industriels et sociaux. Dans le domaine du nucléaire, la concurrence n'est pas propice à une nécessaire maîtrise publique.
Quels rôles peuvent jouer les citoyens, les syndicats et les associotions dans le suivi et le contrôle de cette nouvelle étape de la filière nucléaire civile?
     Le nucléaire repose sur un compromis sociétal et non sur un compromis d'experts. C'est-à-dire que ce sont les citoyens qui doivent le construire et l'Etat l'arbitrer. Or pour que ce compromis puisse vivre, il faut que les citoyens, directement ou au travers de leurs associations et syndicats, disposent de tous les éléments, ainsi que d'espaces de débats et de confrontation afin d'établir un réel contrôle social de cette activité industrielle à risque. La loi sur la transparence du nucléaire avance des éléments positifs dans ce domaine, notamment sur les prérogatives des commissions locales d'information (CLI) et la création du Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN). Mais cela reste encore insuffisant, notamment en ce qui concerne les droits des travailleurs du nucléaire eux-mêmes.

Propos recueillis par S. G.
Parc nucléaire
La France compte 147 installations nucléaires de base (INB), dont 58 réacteurs EDF répartis sur 19 sites.

Coût de la déconstrudion

     La déconstruction des réacteurs nucléaires français est intégrée dans le cycle de vie des centrales. Son coût représenterait entre 10 et 15% du coût de production du kWh. Depuis son entrée en Bourse, EDF rechigne à communiquer sur ce sujet afin de ne pas alarmer ses actionnaires. Cependant d'ici à 2010, EDF portera à plus de 15 milliards € le montant des actifs dédiés à l'aval du cycle nucléaire.
     En 2005, la Cour des comptes s'interrogeait déjà sur la pérennité de ces financements: "dans le cadre d'une ouverture de capital d'Areva et EDF dans des marchés devenus concurrentiels", redoutant qu'ils soient pris en charge in fine par l'Etat.