Dans les locaux lyonnais du Ciden
(Centre d'ingénierie déconstruction et environnement), une
unité mise en place par EDF, les ingénieurs préparent
l’avenir. Initié en 2000, le programme de déconstruction
des centrales nucléaires mises en service dans les années
60-70 s'achèvera autour de 2025 avec la réhabilitation des
sites de Brennilis, Creys-Malville (arrêté sur décision
gouvernementale en 1998) et des premiers réacteurs de Saint-Laurent,
Chinon, Chooz et Bugey.
Commencée à la fin des années 50 à Chinon avec la construction de trois réacteurs UNGG (uranium naturel graphite gaz), la filière nucléaire française réunit en son sein toutes les techniques de production électronucléaire existantes au monde: UNGG, à eau lourde pressurisée et à neutrons rapides. Mais contrairement à l'actuelle construction de l'EPR à Flamanville, les techniques liées à la déconstruction de ces centrales n'ont jamais été pensées. "Je constate chaque jour à quel point la déconstruction s'apparente à un nouveau métier", témoigne Régis Dalmas, directeur adjoint du Ciden. Véritable défi technologique et environnemental, le démantèlement de chacun de ces réacteurs constitue en soi un cas d'école. A titre d'exemple, la déconstruction de la salle dès machines de Superphénix a nécessité pas moins de dix-huit mois de chantier pour libérer ses 10.000 m2, soit environ 15.000 tonnes de déchets dont 95% ont été recyclés. Classés en déchets conventionnels ou radioactifs, les résidus produits par la démolition des neuf centrales EDF représenteront 964.000 tonnes recyclées et éliminées de façon classique ou orientées vers les centres de stockage de l'Andra[1]. "Les déchets de déconstruction contiennent moins de 0,1% de la radioactivité générée par un réacteur nucléaire", indiquent les études du Ciden. Cuivre, acier, aluminium, tout ce qui est récupérable est recyclé, grâce à des opérations de découpage (selon des procédés mécaniques, thermiques et électrothermiques), de décontamination par des techniques d'arasage et bouchardage (traitement des surfaces), qui peuvent avoir recours à la téléopération (utilisation de robots). Toutes ces solutions mises en oeuvre rassemblent "blouses grises" et "blouses bleues". Il arrive même que des appareils en parfait état de marche soient offerts au monde universitaire, comme à Creys-Malville, ou les sismographes ont été remis à l'institut de physique du globe de Strasbourg. Cas particulier: pour pouvoir vidanger les 5.500 tonnes de sodium qui se trouvent dans les circuits de Creys-Malville, une machine de perçage de 18 mètres de haut a été construite. Débutées en 2008, les opérations de pompage s'achèveront en 2013. Selon un procédé industriel développé par le CEA[2], le sodium sera stabilisé en soude avant d'être utilisé comme eau de gâchage pour la fabrication de blocs de béton de très faible activité qui seront confiés à plus long terme à l’Andra. Pour Pascal Lebrun, secrétaire du CMP (comité mixte à la production) du Ciden, "il est nécessaire de mettre en place un véritable débat citoyen sur la question du démantèlement des centrales nucléaires en France". Il en va du fragile maintien du consensus national sur la filière électronucléaire. [1] Agence nationaLe pour la gestion des déchets radioactifs. [2] Commissariat à l'énergie atomique. |
Quels sont les enjeux politiques et financiers de la déconstruction
des centrales nucléaires en France?
Propos recueillis par S. G.
Coût de la déconstrudion En 2005, la Cour des comptes s'interrogeait déjà sur la pérennité de ces financements: "dans le cadre d'une ouverture de capital d'Areva et EDF dans des marchés devenus concurrentiels", redoutant qu'ils soient pris en charge in fine par l'Etat. |