CONTROVERSES NUCLEAIRES !
ESSAIS NUCLEAIRES ET SANTE

50 ans de retombées radioactives en métropole dues aux essais nucléaires atmosphériques
ADIT, mars 2009
Complément français de Fallout from Nuclear Weapons Tests and Cancer Risks (2005)

GESTION DES RISQUES - Actu-Environnement.com - 11/03/2009

     Longtemps restées dans le tabou, les retombées radioactives des essais atomiques atmosphériques deviennent visibles. La radioactivité artificielle qui en résulte laisse des traces dans l'environnement aujourd'hui publiées par l'IRSN.

     Sur son nouveau portail Internet dédié à la radioactivité de l'environnement, l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) publie une chronique de 50 ans de mesure des retombées radioactives sur l'Hexagone dues aux essais aériens d'armes nucléaires. Ce travail résulte d'une commande en 2003 du ministère en charge de l'environnement (l'un de ses 4 ou 5 ministères de tutelle), d'évaluer les conséquences environnementales et dosimétriques de ces retombées sur le territoire. Jusqu'alors, les données officielles exploitées par les autorités françaises reposaient uniquement sur des estimations du Comité scientifique des Nations Unies sur l'effet des Rayonnements (UNSCEAR).
     Or depuis 1959, la France disposait d'un réseau de surveillance de la radioactivité artificielle dans l'air baptisé Opera (Observatoire permanent de la radioactivité), basé sur neuf stations atmosphériques équipées de préleveurs d'eau de pluie et de filtres à air. Ce réseau avait été initié en 1955, en pleine Guerre Froide, par le professeur Yves Rocard, membre du Comité de l'Energie Atomique, dans le but stratégique de détecter les essais d'armes nucléaires. Lors de sa création en 2002, à partir de la fusion de l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (du CEA) et de l'Office de Protection des Rayonnements Ionisants (ex Service Central de Protection contre les Rayonnements Iionisants qu'a dirigé le fameux professeur Pellerin), l'IRSN récupère les résultats de cette surveillance de l'environnement.
     En France, selon l'IRSN, la radioactivité naturelle ambiante est de 50 à 70 nSiev/h aux points les plus bas, de 150 à 170 nSiev/h dans les régions granitiques, et de 300 nSiev/h à 3.800 mètres d'altitude. Avec l'explosion des bombes sur Hiroshima et Nagasaki et les essais atomiques qui suivirent, l'air s'entache de radioactivité artificielle. De 1945 à 1980, plus de 2.400 essais nucléaires, dont 543 atmosphériques, ont été réalisés par les Etats-Unis, la Russie, la Grande-Bretagne, la France et la Chine, la plupart du temps dans l'hémisphère nord. Selon l'IRSN, 75% des retombées de ces essais ont eu lieu dans l'hémisphère nord.
     La période de 1959 à 1980 montre des activités élevées et fluctuantes de radionucléides artificiels dans l'air, en rapport avec les essais atmosphériques dans l'hémisphère nord. L'IRSN décrit la présence du Césium 137. De 1959 à 1965, les retombées radioactives sur l'Hexagone ont ainsi été de 1.000 à 10.000 microBecquerel par mètre cube (mBq/m3) d'air, liés notamment aux essais américains et russes, avec un niveau dix fois plus faible en 1961, année du moratoire. Par la suite, l'effet de ces essais s'estompe, et subsiste l'influence des essais atmosphériques chinois jusqu'en 1980: la teneur en Césium 137 varie de 1.000 à 100 mBq/m3 dans l'air des français.

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Avec l'arrêt des essais atmosphériques, la radioactivité décroît. Elle atteint presque 1 mBq/m3 de Césium 137 dans l'air lorsqu'en 1986 survient la catastrophe de Tchernobyl. Le Césium 137 remonte en flèche à 10 millions de ?Bq/m3 dans l'air, puis décroît de 1000 à quelques dizaines jusqu'à l'accident d'Algésiras en Espagne. En 1998, un rejet accidentel lors de l'incinération d'une source radioactive provoque un pic de remontée à 10.000 mBq/m3 de Césium 137 dans l'air. Depuis lors, la radioactivité dans l'air de l'Hexagone oscille de 1 à 10 mBq/m3 de Césium 137.
     Les effets sur l'environnement et la santé de la population ont été de courte durée pour les radionucléides artificiels à vie courte, tels que l'iode 131 (8 jours). Les radionucléides artificiels à vie longue, tels que le Césium 137 (30 ans) ou le Strontium 90 (30 ans), ont eu le temps de s'infiltrer dans tous les compartiments de la chaîne alimentaire et entretiennent une contamination qui ne diminue que lentement depuis le début des années 60. Aujourd'hui, ces particules solides sont toujours présentes dans le sol et les sédiments, avec le risque de migrations dans les écosystèmes, tient à préciser Didier Champion, directeur de l'environnement et de l'intervention de l'IRSN. Ce qu'on observe aujourd'hui, c'est la remise en suspension par le vent du stock qui s'est déposé au sol.
     Trois ans d'étude ont été nécessaires à l'IRSN pour arriver à établir des conclusions de l'analyse de ces données historiques. Le lait, la viande et les légumes produits dans les régions les plus arrosées ont pu être cinq fois plus contaminés que les denrées provenant des régions où les précipitations étaient en moyenne plus faibles. Cet écart s'est retrouvé au niveau de l'alimentation des consommateurs : jusqu'au début des années 80, alors que la consommation alimentaire empruntait encore un circuit court, les enfants d'Auvergne ou des Vosges ingéraient en moyenne 2,5 fois plus de Césium 137 que ceux de la Région parisienne. La génération la plus exposée aux retombées radioactives de ces essais est celle des enfants nés en 1961: à 18 ans, la dose cumulée depuis leur naissance du fait de ces essais est estimée à 15 millisievert (mSv) en moyenne et jusqu'à 5 mSv dans les régions les plus arrosées. La dose annuelle reçue par la population française a été maximale en 1963: 0,3 mSv par an.
     Ces résultats paraissent au moment où circule dans les salles de cinéma françaises un documentaire éloquent de Djamel Ouahab sur les essais nucléaires français dans le sud du Sahara: «Gerboise Bleue», du nom du premier essai atomique atmosphérique français effectué 50 ans en arrière. Ce film amorce une ébauche de réconciliation franco-algérienne sur cette période. Avec un point d'interrogation: Quelles sont les retombées radioactives des essais atmosphériques français dans le Sahara algérien, sur la population et les militaires alors mobilisés?