CONTROVERSES NUCLEAIRES !
ESSAIS NUCLEAIRES ET SANTE

Hao et Taravao, les irradiés... oubliés
Source ADIT, http://www.ladepeche.pf/
mai 2009

    A la veille de la présentation du projet de loi d'indemnisation des victimes des essais, le ministre confirme certaines retombées.
     On l'appelle la Grande Muette. Elle porte très souvent bien son nom, optant systématiquement pour l'opacité plutôt que pour la transparence. Secret défense oblige. Ainsi, trop longtemps l'armée française a maintenu le secret autour des essais nucléaires. Le discours sur la prétendue innocuité des essais, tenu pendant plus de 30 ans par la France, a généré un climat de méfiance qui perturbe depuis les relations franco-polynésiennes. Pourtant hier - la veille de présenter en Conseil des ministres le projet de loi d'indemnisation des victimes des essais nucléaires conduits par la France de 1960 à 1996 -, le ministère de la Défense a annoncé qu'il considérait que l'atoll de Hao, (à un millier de kilomètre à l'est de Tahiti) avait pu être contaminé.
 
     Avant la présentation le projet de loi d'indemnisation des victimes des essais nucléaires conduits par la France de 1960 à 1996, le ministère de la Défense a annoncé hier que l'atoll de Hao avait pu être contaminé.
     Il a par ailleurs reconnu qu'il y aurait eu des retombées radioactives sur la presqu'île de Taravao, à la suite de l'essai Centaure conduit en 1974.Un «oubli» paraît-il...
     Malgré le refus du ministre de créer un fonds d'indemnisation spécifique pour les victimes, les associations sont déterminées à poursuivre leur combat.
     Il a par ailleurs reconnu que, de la même manière, seront prises en compte des retombées radioactives sur la presqu'île de Taravao, à la suite de l'essai Centaure conduit en 1974 (voir ci-contre). Jusqu'à présent, admettant quelques problèmes lors de ces essais, le ministre de la Défense Hervé Morin assurait toutefois que l'Etat les avait conduits "en appliquant les plus strictes consignes de sécurité". Pour les associations, qui ont toujours voulu démontrer, documents et témoignages à l'appui, qu'il n'y a jamais eu d'"essais propres", ces décisions du ministère de la Défense sont inacceptables (voir réactions). "Pourquoi y aurait-il eu des essais là et pas ailleurs?", rétorque agacé John Doom membre de Moruroa e tatou. On sait par ailleurs que les îles habitées ont été touchées lors des essais aériens. Le ministère de la Défense l'a reconnu lui-même dans "La dimension radiologique des essais nucléaires français en Polynésie", un livre paru en 2006 où, pour chaque essai aérien, il est indiqué la date et le lieu des retombées sur les îles ou atolls habités. Ainsi 203 retombées auraient atteint des îles habitées entre 1966 et 1974. En 2008, levant ce tabou très français, contrairement aux autres pays qui l'avaient fait plus tôt, le ministre de la Défense a annoncé qu'il allait déposer un projet de loi permettant d'indemniser les 100.000 militaires du contingent, les personnels civils de l'armée, et les populations d'Algérie et de Polynésie qui en feraient la demande et qui penseraient avoir été irradiés à l'époque des essais nucléaires. Très concrètement, les victimes de maladie liées à l'irradiation n'auraient plus à passer par les tribunaux pour obtenir réparation. Malheureusement, la cour d'appel de Paris a, vendredi 22 mai, débouté les douze anciens militaires français qui demandaient réparation pour des maladies mortelles liées aux essais nucléaires français. La cour a déclaré irrecevables la majorité des demandes et s'est déclarée incompétente pour les autres. Un pas en avant, trois pas en arrière. Des victimes qui attendent depuis trente ans et un gouvernement qui ne se résoud pas à réparer des négligences coupables...
 
La bombe atomique en héritage
 
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     Le texte du projet de loi qu'Hervé Morin a proposé le 24 mars dernier est examiné aujourd'hui en Conseil des ministres. Il s'agit toujours d'un texte visant clairement à indemniser justement et complètement des malades, victimes irradiées lors des essais nucléaires et non pas des personnes recensées sur les lieux dits contaminés et ne présentant pas de problèmes de santé. Le principe reste le même: la réparation intégrale. Il suffit pour la victime (ou ses ayantsdroits dans les cinq ans qui suivent le décès de la victime) d'indiquer qu'elle a séjourné dans les zones d'essais ou de retombées identifiées.
suite:
     Les périodes considérées sont désormais du 13 février 1961 au 31 décembre 1967 pour l'Algérie et du 2 juillet 1966 au 31 décembre 1998 pour la Polynésie française. On constate qu'aux atolls originellement retenus (Moruroa, Fangataufa, Reao, Tureia, Pukarua et les Gambier) le ministère ajoute désormais Hao et la presqu'île de Tahiti (après le tir Centaure, .pdf). Un "oubli", paraît-il...
     Toutefois aux demandes des associations et de l'Assemblée de Polynésie française, le ministre de la Défense a confirmé qu'il ne s'opposerait pas à la création par amendement parlementaire d'un "Comité de suivi" dans lequel siègeraient les associations. En revanche, il refuse l'autre proposition, défendue notamment par l'Association des vétérans des essais nucléaires (Aven), à savoir la création d'un fonds d'indemnisation spécifique, sur le modèle de celui ouvert pour les victimes de l'amiante. Malgré le souhait d'Hervé Morin que le texte passe au Parlement avant août, il est probable que celui-ci ne soit examiné qu'en septembre.
     On sait que, pour sa part, la Polynésie française, par les voix de Bruno Sandras, de Richard Tuheiava et par le biais des six propositions de l'Assemblée, a demandé à ce que la CPS soit dédommagée des dépenses de santé effectuées au bénéfice de malades victimes des essais. L'argument selon lequel la loi nouvelle "ne pouvait disposer du passé" a cependant été entendu, dans la mesure où le ministère déclare que le principe du remboursement serait possible si la maladie en cause est déclarée indemnisable. Philip Schyle, la veille, avait rassuré sur ce point et indiqué que l'évaluation se ferait naturellement au cas par cas. Dans un autre domaine, on sait que 63 millions € ont été affectés pour mener pendant sept ans des travaux de reconditionnement de Hao.
     A l'heure où on parle sans cesse de développement durable et d'écologie, n'oublions pas que le lagon ou le désert sont des lieux vivants qui doivent être respectés tout autant que les autres lieux de la planète. "En rejetant des centaines de tonnes de déchets radioactifs dans l'océan, on a considéré la Polynésie comme un dépotoir. C'est la solution la moins coûteuse qui a été choisie. Aujourd'hui, de telles pratiques seraient condamnées par les lois internationales", estime aujourd'hui Bruno Barillot, écrivain chercheur, spécialiste des essais nucléaires. Il est urgent que l'Etat français assume ses responsabilités et consacre des budgets conséquents aux victimes du nucléaire civil comme militaire, "irradiés de la République". En attendant, les associations de victimes, pugnaces, que l'Etat le sache, ne baisseront pas les bras.
Dominique Jezegou
 
Centaure en 1974… et les autres

     La Direction des expérimentations nucléaires (Dircen) avait reconnu, il y a quelques années, que cinq essais aériens avaient eu des retombées supérieures à la normale. Centaure, celui du 17 juillet 1974, avec des surdoses enregistrées à Tahiti, et que le ministère de la Défense intègre désormais dans son plan d'indemnisation. Mais aussi Phoebe, le tir du 8 août 1971 (retombées aux Gambier), Encelade du 12 juin 1971 (retombées sur Tureia), Japet du 4 juillet 1971 (retombées sur Tureia), et Aldebarran, le premier essai réalisé en Polynésie le 2 juillet 1966 (retombées aux Gambier). Mais selon le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée de la Polynésie publié en 2006, "il n'a pas fallu attendre la dernière campagne d'essais atmosphériques" pour enregistrer des retombées. Selon le rapport, sept essais entre 1966 et 1967 ont également provoqué des retombées sur la Polynésie. Et même beaucoup plus loin, dans l'ensemble du Pacifique. On se demande donc pourquoi évoquer uniquement le problème à Taravao...

     Et à propos de cette époque, un radio télégraphiste, Jacques Peirsegaele, qui était dans la Marine nationale en 1974 à bord de l'aviso-escorteur commandant Rivière, chargé de faire des relevés météo après les tirs, a raconté ceci: "Cela devait être le dernier ou l'avant-dernier tir atmosphérique, on a filé sur Tahiti à 30 noeuds (une vitesse maximum que seul le commandant peut prendre en cas d'urgence). J'ai été très étonné à cause de la vitesse, et pendant mon quart, j'ai entendu les bruits de coursives des officiers disant ceci: 'On fonce à Papeete pour prévenir nos familles de ne pas consommer de légumes et fruits locaux pendant un mois, car les alizés sont revenus et poussent le nuage atomique vers Tahiti et les Îles du Vent.'"
(YF)