Il a par ailleurs
reconnu que, de la même manière, seront prises en compte des
retombées radioactives sur la presqu'île de Taravao, à
la suite de l'essai Centaure conduit en 1974 (voir ci-contre). Jusqu'à
présent, admettant quelques problèmes lors de ces essais,
le ministre de la Défense Hervé Morin assurait toutefois
que l'Etat les avait conduits "en appliquant les plus strictes consignes
de sécurité". Pour les associations, qui ont toujours
voulu démontrer, documents et témoignages à l'appui,
qu'il n'y a jamais eu d'"essais propres", ces décisions
du ministère de la Défense sont inacceptables (voir réactions).
"Pourquoi y aurait-il eu des essais là et pas ailleurs?",
rétorque agacé John Doom membre de Moruroa
e tatou. On sait par ailleurs que les îles habitées
ont été touchées lors des essais aériens. Le
ministère de la Défense l'a reconnu lui-même dans "La
dimension radiologique des essais nucléaires français en
Polynésie", un livre paru en 2006 où, pour chaque
essai aérien, il est indiqué la date et le lieu des retombées
sur les îles ou atolls habités. Ainsi 203 retombées
auraient atteint des îles habitées entre 1966 et 1974. En
2008, levant ce tabou très français, contrairement aux autres
pays qui l'avaient fait plus tôt, le ministre de la Défense
a annoncé qu'il allait déposer un projet de loi permettant
d'indemniser les 100.000 militaires du contingent, les personnels civils
de l'armée, et les populations d'Algérie et de Polynésie
qui en feraient la demande et qui penseraient avoir été irradiés
à l'époque des essais nucléaires. Très concrètement,
les victimes de maladie liées à l'irradiation n'auraient
plus à passer par les tribunaux pour obtenir réparation.
Malheureusement, la cour d'appel de Paris a, vendredi 22 mai, débouté
les douze anciens militaires français qui demandaient réparation
pour des maladies mortelles liées aux essais nucléaires français.
La cour a déclaré irrecevables la majorité des demandes
et s'est déclarée incompétente pour les autres. Un
pas en avant, trois pas en arrière. Des victimes qui attendent depuis
trente ans et un gouvernement qui ne se résoud pas à réparer
des négligences coupables...
La bombe atomique en héritage
Le texte du projet
de loi qu'Hervé Morin a proposé le 24 mars dernier est examiné
aujourd'hui en Conseil des ministres. Il s'agit toujours d'un texte visant
clairement à indemniser justement et complètement des malades,
victimes irradiées lors des essais nucléaires et non pas
des personnes recensées sur les lieux dits contaminés et
ne présentant pas de problèmes de santé. Le principe
reste le même: la réparation intégrale. Il suffit pour
la victime (ou ses ayantsdroits dans les cinq ans qui suivent le décès
de la victime) d'indiquer qu'elle a séjourné dans les zones
d'essais ou de retombées identifiées.
(suite)
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Les périodes considérées sont désormais du 13 février 1961 au 31 décembre 1967 pour l'Algérie et du 2 juillet 1966 au 31 décembre 1998 pour la Polynésie française. On constate qu'aux atolls originellement retenus (Moruroa, Fangataufa, Reao, Tureia, Pukarua et les Gambier) le ministère ajoute désormais Hao et la presqu'île de Tahiti (après le tir Centaure, .pdf). Un "oubli", paraît-il... Toutefois aux
demandes des associations et de l'Assemblée de Polynésie
française, le ministre de la Défense a confirmé qu'il
ne s'opposerait pas à la création par amendement parlementaire
d'un "Comité de suivi" dans lequel siègeraient les associations.
En revanche, il refuse l'autre proposition, défendue notamment par
l'Association des vétérans
des essais nucléaires (Aven), à savoir la création
d'un fonds d'indemnisation spécifique, sur le modèle de celui
ouvert pour les victimes de l'amiante. Malgré le souhait d'Hervé
Morin que le texte passe au Parlement avant août, il est probable
que celui-ci ne soit examiné qu'en septembre.
On sait que,
pour sa part, la Polynésie française, par les voix de Bruno
Sandras, de Richard Tuheiava et par le biais des six propositions de l'Assemblée,
a demandé à ce que la CPS soit dédommagée des
dépenses de santé effectuées au bénéfice
de malades victimes des essais. L'argument selon lequel la loi nouvelle
"ne pouvait disposer du passé" a cependant été entendu,
dans la mesure où le ministère déclare que le principe
du remboursement serait possible si la maladie en cause est déclarée
indemnisable. Philip Schyle, la veille, avait rassuré sur ce point
et indiqué que l'évaluation se ferait naturellement au cas
par cas. Dans un autre domaine, on sait que 63 millions € ont été
affectés pour mener pendant sept ans des travaux de reconditionnement
de Hao.
A l'heure où
on parle sans cesse de développement durable et d'écologie,
n'oublions pas que le lagon ou le désert sont des lieux vivants
qui doivent être respectés tout autant que les autres lieux
de la planète. "En rejetant des centaines de tonnes de déchets
radioactifs dans l'océan, on a considéré la Polynésie
comme un dépotoir. C'est la solution la moins coûteuse qui
a été choisie. Aujourd'hui, de telles pratiques seraient
condamnées par les lois internationales", estime aujourd'hui
Bruno Barillot, écrivain chercheur, spécialiste des essais
nucléaires. Il est urgent que l'Etat français assume ses
responsabilités et consacre des budgets conséquents aux victimes
du nucléaire civil comme militaire, "irradiés de la République".
En attendant, les associations de victimes, pugnaces, que l'Etat le sache,
ne baisseront pas les bras.
Dominique Jezegou
(YF)
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