A l'occasion de la conférence
de presse de présentation du rapport, on apprend donc que les 41
essais atmosphériques "ont conduit à des retombées
sur l'ensemble de la Polynésie française à des niveaux
le plus souvent très limités". Le rapport précise
que "parmi les dix essais ayant entraîné des retombées
en zones habitées, six sont à prendre en compte pour évaluer
les conséquences radiologiques potentielles". Les effets sur
la santé seraient mineurs dans la mesure où "la quasi-totalité
des Polynésiens n'ont pas reçu de doses efficaces supérieures
à 5 mSv".
Un suivi médical préconisé
Au regard des règlementations internationales
actuelles, aucune retombée radioactive "n'aurait atteint un niveau
justifiant une mise à l'abri, une évacuation ou une prise
d'iode stable pour les populations." Cependant, le rapport demande
la mise en place d'un suivi médical pour les populations vivant
aujourd'hui à Mangareva, Tureia, Reao et Pukarua, et les personnes
qui y vivaient à l'époque des essais. Il s'agit là
des zones les plus touchées.
Enfin, le rapport conseille d'étendre
ce suivi aux anciens travailleurs civils et militaires des sites et demande
à l'Etat français de donner au ministère polynésien
de la Santé les moyens de le conduire.
Les Polynésiens
et les essais nucléaires
http://polynesie.rfo.fr/article71.html
Un rapport du Comité de liaison
pour la coordination du suivi sanitaire des essais nucléaires français
en Polynésie entre 1966 et 1974, présenté le 05 juillet
2007, évoque de faibles retombées radioactives. Retour sur
l’histoire de ces expériences et leurs conséquences.
L’histoire des essais nucléaires
RFO (juillet 2003)
Les essais nucléaires français
qui eurent lieu dans le Pacifique à partir de 1966 ont durement
affecté la santé et l’environnement des Polynésiens.
C’est le constat alarmant dressé par les élus de l’archipel
dans un rapport publié en janvier 2006. Plus modérés,
les études de l’Etat français évoquent des conséquences
minimes.
Premier essai, premières retombées
Le 2 juillet 1966, un champignon gigantesque
avec, en son centre une boule de feu, se déployait dans le ciel
polynésien. Ce tir atomique fut le premier d’une série de
193 essais nucléaires dans le même archipel, dont 46 atmosphériques
et 147 sous terrains, tour à tour exécutés à
Moruroa
et Fangataufa.
Quarante ans plus tard, une « Commission d’enquête sur les
conséquences des essais nucléaires » effectués
par la France en territoire polynésien entre 1966 et 1996, dénonce
les graves conséquences de ces tirs. Composée d’élus
polynésiens, cette Commission d’enquête a auditionné
32 personnes et dépoussiéré des documents militaires
classés «secret défense». Elle a aussi procédé
à de nombreuses analyses scientifiques qui révèlent
des retombées radioactives sans précédents: «le
taux de radioactivité enregistré à l’époque
était de six à sept fois supérieure à la normale
dans la presqu’île de Tahiti», précise notamment le
rapport.
Le choix du nucléaire
A la fin des années cinquante, les
grandes puissances doivent faire face à la perte progressive de
leurs colonies. Un nouvel ordre mondial se met en place sur fond de guerre
froide opposant les Etats-Unis et l’Union soviétique qui multiplient
les programmes nucléaires. En signe d’apaisement face à cette
escalade, les deux pays, ainsi que le Royaume-Uni, signent le Traité
de Moscou le 06 août 1963 interdisant les essais dans l’atmosphère.
Désireux d’ériger la France
au rang de grande puissance, le général de Gaulle, alors
président de la République, l’avait dotée d’un arsenal
nucléaire, initiant une première expérience atomique
dans le Sud du Sahara le 13 février 1960. Mais la région
devient algérienne en 1962. Dès lors, les essais se poursuivent
l’année suivante en Polynésie, via la création d’un
Centre d’Expérimentation du Pacifique. Aldébaran, nom de
ce premier tir français dans l’archipel, se déroule sans
problème technique. Mais la controverse qui agite la classe politique
locale sur l’utilité de ces essais prend de l’ampleur.
Des voix contre les essais
En 1961, John Teakiry, Francis
Sanford, Daniel Millaud ou le sénateur Pouvanaa a Oopa, tous
élus locaux, s’opposent au Centre d’Expérimentation du Pacifique.
Ils mettent en garde contre les risques du nucléaire sur la santé
et plaident pour l’autonomie de la Polynésie française. Au
même moment, dans l’Hexagone, le généticien Jean
Rostand, avec de célèbres intellectuels, s’insurge aussi
contre ces essais: «En face du péril atomique (...)
il ne devrait plus y avoir ni pays, ni continent, ni monde libre ou pas
libre, mais rien que des Hommes, citoyens de la planète, tous mêlés,
confondus, fraternisés par une égale menace».
A l’inverse, certains élus considèrent ce projet comme un
atout économique qui pourrait favoriser le développement
de l’archipel. L’Assemblée territoriale
de la Polynésie française acquiesce, vote et cède
gratuitement les atolls de Moruora et Fangataufa à la France le
6 février 1964.
Militants anti-nucléaire
Les essais se multiplient. La contestation
se précise. En 1972, d’importants mouvements anti-nucléaires
prennent corps en Australie et en Nouvelle-Zélande. En Polynésie,
John Teariki, alors Président de l’Assemblée territoriale,
fait voter une résolution demandant l’arrêt des essais. Sur
mer, le Greenpeace III
éperonne les bâtiments de la marine nationale. Hommes politiques,
ecclésiastiques et civils font l’unité dans le «Bataillon
de la paix» et militent pour le retrait du nucléaire. Le 23
juin 1973 à Papette, 5.000 personnes manifestent contre les essais
tandis qu’une flottille internationale de bateaux de la paix tente d’entraver
la campagne de tirs au large des atolls. Le même jour, Washington
et Moscou signent un important accord sur la prévention de conflit
nucléaire qui symbolise le nouveau climat international de coexistence
pacifique.
Nuages radioactifs
On sait aujourd’hui que les tirs atmosphériques
génèrent une boule de feu qui aspire d’importantes quantités
d’eau, de végétaux, de coraux et de poissons, créant
ainsi de véritables nuages de matière radioactive. En retombant,
ces résidus contaminent l’environnement. Or, selon le rapport, d’importants
nuages radioactifs sont passés au-dessus de la Polynésie
mais aussi dans tout le Pacifique.
Cette analyse est corroborée par les témoignages des
Polynésiens de l’archipel des Gambier auditionnés par la
Commission d’enquête de 2006. Parmi eux, un homme affirme qu’à
la suite des premiers essais, les gens tombaient systématiquement
malades en mangeant du poisson. Une directrice d’école poursuit
en affirmant avoir constatée de très fréquentes diarrhées
et vomissements chez les enfants.
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suite:
Vétérans du nucléaire
Avant la naissance de cette Commission d’enquête,
l’association Moruroa e tatou avait déjà pris l’initiative
de regrouper les anciens travailleurs de Moruroa afin de faire reconnaitre
leurs droits. Car aujourd’hui, parmi les 40.000 vétérans
du nucléaire, militaires comme civils, beaucoup souffrent de cancers
de la tyroïde ou de leucémies aigües. A charge pour cette
association d’établir le lien entre les essais et les pathologies
qui apparaissent parfois plusieurs décennies plus tard.
Lors de sa visite en Polynésie au mois
de juillet 2003, Jacques Chirac avait rappelé qu’il avait commandé
une étude auprès de l’Agence Internationale de l’Energie
Atomique -AIEA- sur la situation radiologique
des atolls de Moruroa et Fangataufa huit ans plus tôt. Cette étude
concluait à l’impossibilité de pouvoir diagnostiquer médicalement
un effet sanitaire imputable aux expérimentations. Le président
Chirac avait alors proposé la poursuite de la surveillance des sites
et la création d’un Comité de liaison interministériel
de suivi sanitaire des essais nucléaires français (CSSEN)
qui a publié un rapport
d’activité en mars 2005.
De son côté, le président
de l’Association des Vétérans des Essais Nucléaires
Français et leurs familles -AVEN-,
Jean-Louis Valatx, a envoyé un questionnaire de santé à
ses 3.000 adhérents. Bilan: 87% des vétérans
souffrent de une à six pathologies et 34% luttent contre
un ou plusieurs cancers soit, le double de la moyenne française.
A cela s’ajoutent différentes maladies cardio-vasculaires ou digestives
spécifiques aux phénomènes de radiations déjà
constatées chez les populations russes à la suite de la catastrophe
de Tchernobyl
survenue en 1986. (Voir dossier spécial Tchernobyl
sur ce site)
Les populations ont donc été
confrontées à des risques de contaminations impliquant l’émergence
de cancers, un affaiblissement du système immunitaire, cardio-vasculaire,
nerveux ou digestif.
Essais propres
Ce bilan alarmant contraste avec le «
Livre blanc sur les expériences nucléaires » publié
par les autorités françaises en juin 1973. Le document affirme
que les essais étaient « propres » car exécutés
en altitude, loin du sol et de l’eau. Selon le discours officiel, sans
retombées radioactives, rien n’est à craindre pour les populations
locales. Paradoxalement, une expertise militaire restée confidentielle
jusqu’à présent reconnait tout de même 5 retombées
radioactives sur les 40 tirs effectués entre 1966 et 1974.
Malgré cela, les rapports météorologiques,
qui permettraient de connaitre le véritable parcours des nuages
radioactifs, restent pour la plupart toujours soumis aux règles
du secret militaire. Ce n’est pas le cas des mesures provenant des stations
néo-zélandaises et australiennes qui attestent l’existence
de ces nuages dont les glaciologues ont même décelé
les retombées jusque dans les glaciers de l’Antarctique.
Prélèvements
Forte de ces constats, la Commission d’enquête
a commandé des prélèvements à la Commission
de Recherche et d’Information Indépendante sur la Radioactivité
-CRIIRAD- en octobre 2005 pour évaluer
la situation radiologique. Sur Mangareva,
Tureira et Hao, l’organisme n’a pas relevé d’anomalies mais de nombreux
déchets radioactifs enterrés jonchent toujours les sols.
Faute d’autorisation, les investigations de ces spécialistes n’ont
pas pu s’étendre aux atolls de Moruroa
et de Fangataufa, les
lieux des essais.
Une compensation juste
Volontariste, la Commission préconise
l’assainissement des sites et l’inventaire des déchets radioactifs
rejetés. Elle plaide également pour la création d’un
laboratoire d’analyses radiologiques, un Centre d’archives des essais nucléaires
et une cellule de suivi médico-social.
Enfin, elle souhaite initier des discussions
avec l’Etat sur le développement durable en Polynésie afin
d’aboutir à une compensation juste. C’est le sens de la proposition
de loi déposée par les députés Christiane
Taubira et de Paul Giacobbi
qui, soutenus par les élus polynésiens, désirent que
l’Etat reconnaisse et indemnise les personnes victimes des essais nucléaires.
Officiellement, les essais nucléaires ont eu des effets limités
Un rapport du Comité de liaison pour la coordination du suivi
sanitaire des essais nucléaires français à Mururoa
et à Fangataufa entre 1966 et 1974 a été présenté
le 05 juillet 2007 lors d’une conférence de presse tenue par Marcel
Jurien de la Gravière, délégué à la
sûreté nucléaire du ministère de la Défense.
Selon ce document de 75 pages, les essais
"ont conduit à des retombées sur l’ensemble de la Polynésie
française à des niveaux le plus souvent très limités
(...) La quasi-totalité des Polynésiens n’ont pas reçu
de doses efficaces supérieures à 5 mSv".
Le document explique par ailleurs qu’au regard
des réglementations internationales actuelles, aucune retombée
radioactive "n’aurait atteint un niveau justifiant une mise à
l’abri, une évacuation ou une prise d’iode stable pour les populations."
Marcel Jurien de la Gravière a cependant
préconisé la mise en place d’un suivi médical pour
les populations vivant aujourd’hui à Mangareva, Tureia, Reao et
Pukarua ainsi que d’étendre ce suivi aux anciens travailleurs civils
et militaires des sites.
Pour en savoir plus:
* Le rapport de la Commission d’enquête :
"Les
Polynésiens et les essais nucléaires"
* Moruroa
e tatou
* Association
des Vétérans des Essais Nucléaires Français
et leurs familles (AVEN)
* Observatoire
des armes nucléaires/CDRPC
* Centre de documentation
et de recherche sur la paix et les conflits
* Commission de
Recherche et d’Information Indépendante sur la Radioactivité
-CRIIRAD-
* Agence Internationale
de l’Energie Atomique -AIEA-
* Institut de Radioprotection
et de sûreté nucléaire -IRSN-
* Commissariat à
l’Energie Atomique -CEA-
* Etude de la Direction des applications militaires:
"Les
essais nucléaires à Moruroa et Fangataufa"
Timothy Mirthil, le 6 juillet 2007
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