CONTROVERSES NUCLEAIRES !
ESSAIS NUCLEAIRES ET SANTE

Polynésie: les essais n'auraient eu qu'un impact limité sur la santé
(ADIT, http://www.enviro2b.com/, juillet 2007)

    Un rapport de la Sûreté nucléaire sur les essais nucléaires atmosphériques effectués à Moruroa et Fangataufa, en Polynésie française dans les années 60 et 70, conclut que les conséquences sur la santé des habitants ont été très limitées.
     A l'occasion de la conférence de presse de présentation du rapport, on apprend donc que les 41 essais atmosphériques "ont conduit à des retombées sur l'ensemble de la Polynésie française à des niveaux le plus souvent très limités". Le rapport précise que "parmi les dix essais ayant entraîné des retombées en zones habitées, six sont à prendre en compte pour évaluer les conséquences radiologiques potentielles". Les effets sur la santé seraient mineurs dans la mesure où "la quasi-totalité des Polynésiens n'ont pas reçu de doses efficaces supérieures à 5 mSv".

Un suivi médical préconisé 
     Au regard des règlementations internationales actuelles, aucune retombée radioactive "n'aurait atteint un niveau justifiant une mise à l'abri, une évacuation ou une prise d'iode stable pour les populations." Cependant, le rapport demande la mise en place d'un suivi médical pour les populations vivant aujourd'hui à Mangareva, Tureia, Reao et Pukarua, et les personnes qui y vivaient à l'époque des essais. Il s'agit là des zones les plus touchées.
     Enfin, le rapport conseille d'étendre ce suivi aux anciens travailleurs civils et militaires des sites et demande à l'Etat français de donner au ministère polynésien de la Santé les moyens de le conduire.


Les Polynésiens et les essais nucléaires
http://polynesie.rfo.fr/article71.html
     Un rapport du Comité de liaison pour la coordination du suivi sanitaire des essais nucléaires français en Polynésie entre 1966 et 1974, présenté le 05 juillet 2007, évoque de faibles retombées radioactives. Retour sur l’histoire de ces expériences et leurs conséquences.

L’histoire des essais nucléaires
RFO (juillet 2003)
     Les essais nucléaires français qui eurent lieu dans le Pacifique à partir de 1966 ont durement affecté la santé et l’environnement des Polynésiens. C’est le constat alarmant dressé par les élus de l’archipel dans un rapport publié en janvier 2006. Plus modérés, les études de l’Etat français évoquent des conséquences minimes.

Premier essai, premières retombées
     Le 2 juillet 1966, un champignon gigantesque avec, en son centre une boule de feu, se déployait dans le ciel polynésien. Ce tir atomique fut le premier d’une série de 193 essais nucléaires dans le même archipel, dont 46 atmosphériques et 147 sous terrains, tour à tour exécutés à Moruroa et Fangataufa. Quarante ans plus tard, une « Commission d’enquête sur les conséquences des essais nucléaires » effectués par la France en territoire polynésien entre 1966 et 1996, dénonce les graves conséquences de ces tirs. Composée d’élus polynésiens, cette Commission d’enquête a auditionné 32 personnes et dépoussiéré des documents militaires classés «secret défense». Elle a aussi procédé à de nombreuses analyses scientifiques qui révèlent des retombées radioactives sans précédents: «le taux de radioactivité enregistré à l’époque était de six à sept fois supérieure à la normale dans la presqu’île de Tahiti», précise notamment le rapport.

Le choix du nucléaire
     A la fin des années cinquante, les grandes puissances doivent faire face à la perte progressive de leurs colonies. Un nouvel ordre mondial se met en place sur fond de guerre froide opposant les Etats-Unis et l’Union soviétique qui multiplient les programmes nucléaires. En signe d’apaisement face à cette escalade, les deux pays, ainsi que le Royaume-Uni, signent le Traité de Moscou le 06 août 1963 interdisant les essais dans l’atmosphère.
     Désireux d’ériger la France au rang de grande puissance, le général de Gaulle, alors président de la République, l’avait dotée d’un arsenal nucléaire, initiant une première expérience atomique dans le Sud du Sahara le 13 février 1960. Mais la région devient algérienne en 1962. Dès lors, les essais se poursuivent l’année suivante en Polynésie, via la création d’un Centre d’Expérimentation du Pacifique. Aldébaran, nom de ce premier tir français dans l’archipel, se déroule sans problème technique. Mais la controverse qui agite la classe politique locale sur l’utilité de ces essais prend de l’ampleur.

Des voix contre les essais
     En 1961, John Teakiry, Francis Sanford, Daniel Millaud ou le sénateur Pouvanaa a Oopa, tous élus locaux, s’opposent au Centre d’Expérimentation du Pacifique. Ils mettent en garde contre les risques du nucléaire sur la santé et plaident pour l’autonomie de la Polynésie française. Au même moment, dans l’Hexagone, le généticien Jean Rostand, avec de célèbres intellectuels, s’insurge aussi contre ces essais: «En face du péril atomique (...) il ne devrait plus y avoir ni pays, ni continent, ni monde libre ou pas libre, mais rien que des Hommes, citoyens de la planète, tous mêlés, confondus, fraternisés par une égale menace». A l’inverse, certains élus considèrent ce projet comme un atout économique qui pourrait favoriser le développement de l’archipel. L’Assemblée territoriale de la Polynésie française acquiesce, vote et cède gratuitement les atolls de Moruora et Fangataufa à la France le 6 février 1964.

Militants anti-nucléaire
     Les essais se multiplient. La contestation se précise. En 1972, d’importants mouvements anti-nucléaires prennent corps en Australie et en Nouvelle-Zélande. En Polynésie, John Teariki, alors Président de l’Assemblée territoriale, fait voter une résolution demandant l’arrêt des essais. Sur mer, le Greenpeace III éperonne les bâtiments de la marine nationale. Hommes politiques, ecclésiastiques et civils font l’unité dans le «Bataillon de la paix» et militent pour le retrait du nucléaire. Le 23 juin 1973 à Papette, 5.000 personnes manifestent contre les essais tandis qu’une flottille internationale de bateaux de la paix tente d’entraver la campagne de tirs au large des atolls. Le même jour, Washington et Moscou signent un important accord sur la prévention de conflit nucléaire qui symbolise le nouveau climat international de coexistence pacifique.

Nuages radioactifs
     On sait aujourd’hui que les tirs atmosphériques génèrent une boule de feu qui aspire d’importantes quantités d’eau, de végétaux, de coraux et de poissons, créant ainsi de véritables nuages de matière radioactive. En retombant, ces résidus contaminent l’environnement. Or, selon le rapport, d’importants nuages radioactifs sont passés au-dessus de la Polynésie mais aussi dans tout le Pacifique.
Cette analyse est corroborée par les témoignages des Polynésiens de l’archipel des Gambier auditionnés par la Commission d’enquête de 2006. Parmi eux, un homme affirme qu’à la suite des premiers essais, les gens tombaient systématiquement malades en mangeant du poisson. Une directrice d’école poursuit en affirmant avoir constatée de très fréquentes diarrhées et vomissements chez les enfants.

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Vétérans du nucléaire
     Avant la naissance de cette Commission d’enquête, l’association Moruroa e tatou avait déjà pris l’initiative de regrouper les anciens travailleurs de Moruroa afin de faire reconnaitre leurs droits. Car aujourd’hui, parmi les 40.000 vétérans du nucléaire, militaires comme civils, beaucoup souffrent de cancers de la tyroïde ou de leucémies aigües. A charge pour cette association d’établir le lien entre les essais et les pathologies qui apparaissent parfois plusieurs décennies plus tard.
     Lors de sa visite en Polynésie au mois de juillet 2003, Jacques Chirac avait rappelé qu’il avait commandé une étude auprès de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique -AIEA- sur la situation radiologique des atolls de Moruroa et Fangataufa huit ans plus tôt. Cette étude concluait à l’impossibilité de pouvoir diagnostiquer médicalement un effet sanitaire imputable aux expérimentations. Le président Chirac avait alors proposé la poursuite de la surveillance des sites et la création d’un Comité de liaison interministériel de suivi sanitaire des essais nucléaires français (CSSEN) qui a publié un rapport d’activité en mars 2005.
     De son côté, le président de l’Association des Vétérans des Essais Nucléaires Français et leurs familles -AVEN-, Jean-Louis Valatx, a envoyé un questionnaire de santé à ses 3.000 adhérents. Bilan: 87% des vétérans souffrent de une à six pathologies et 34% luttent contre un ou plusieurs cancers soit, le double de la moyenne française. A cela s’ajoutent différentes maladies cardio-vasculaires ou digestives spécifiques aux phénomènes de radiations déjà constatées chez les populations russes à la suite de la catastrophe de Tchernobyl survenue en 1986. (Voir dossier spécial Tchernobyl sur ce site)
     Les populations ont donc été confrontées à des risques de contaminations impliquant l’émergence de cancers, un affaiblissement du système immunitaire, cardio-vasculaire, nerveux ou digestif.

Essais propres
     Ce bilan alarmant contraste avec le « Livre blanc sur les expériences nucléaires » publié par les autorités françaises en juin 1973. Le document affirme que les essais étaient « propres » car exécutés en altitude, loin du sol et de l’eau. Selon le discours officiel, sans retombées radioactives, rien n’est à craindre pour les populations locales. Paradoxalement, une expertise militaire restée confidentielle jusqu’à présent reconnait tout de même 5 retombées radioactives sur les 40 tirs effectués entre 1966 et 1974.
     Malgré cela, les rapports météorologiques, qui permettraient de connaitre le véritable parcours des nuages radioactifs, restent pour la plupart toujours soumis aux règles du secret militaire. Ce n’est pas le cas des mesures provenant des stations néo-zélandaises et australiennes qui attestent l’existence de ces nuages dont les glaciologues ont même décelé les retombées jusque dans les glaciers de l’Antarctique.

Prélèvements
     Forte de ces constats, la Commission d’enquête a commandé des prélèvements à la Commission de Recherche et d’Information Indépendante sur la Radioactivité -CRIIRAD- en octobre 2005 pour évaluer la situation radiologique. Sur Mangareva, Tureira et Hao, l’organisme n’a pas relevé d’anomalies mais de nombreux déchets radioactifs enterrés jonchent toujours les sols. Faute d’autorisation, les investigations de ces spécialistes n’ont pas pu s’étendre aux atolls de Moruroa et de Fangataufa, les lieux des essais.

Une compensation juste
     Volontariste, la Commission préconise l’assainissement des sites et l’inventaire des déchets radioactifs rejetés. Elle plaide également pour la création d’un laboratoire d’analyses radiologiques, un Centre d’archives des essais nucléaires et une cellule de suivi médico-social.
     Enfin, elle souhaite initier des discussions avec l’Etat sur le développement durable en Polynésie afin d’aboutir à une compensation juste. C’est le sens de la proposition de loi déposée par les députés Christiane Taubira et de Paul Giacobbi qui, soutenus par les élus polynésiens, désirent que l’Etat reconnaisse et indemnise les personnes victimes des essais nucléaires.

Officiellement, les essais nucléaires ont eu des effets limités
Un rapport du Comité de liaison pour la coordination du suivi sanitaire des essais nucléaires français à Mururoa et à Fangataufa entre 1966 et 1974 a été présenté le 05 juillet 2007 lors d’une conférence de presse tenue par Marcel Jurien de la Gravière, délégué à la sûreté nucléaire du ministère de la Défense.
     Selon ce document de 75 pages, les essais "ont conduit à des retombées sur l’ensemble de la Polynésie française à des niveaux le plus souvent très limités (...) La quasi-totalité des Polynésiens n’ont pas reçu de doses efficaces supérieures à 5 mSv".
     Le document explique par ailleurs qu’au regard des réglementations internationales actuelles, aucune retombée radioactive "n’aurait atteint un niveau justifiant une mise à l’abri, une évacuation ou une prise d’iode stable pour les populations."
     Marcel Jurien de la Gravière a cependant préconisé la mise en place d’un suivi médical pour les populations vivant aujourd’hui à Mangareva, Tureia, Reao et Pukarua ainsi que d’étendre ce suivi aux anciens travailleurs civils et militaires des sites.
 

Pour en savoir plus:
    * Le rapport de la Commission d’enquête : "Les Polynésiens et les essais nucléaires"
    * Moruroa e tatou
    * Association des Vétérans des Essais Nucléaires Français et leurs familles (AVEN)
    * Observatoire des armes nucléaires/CDRPC
    * Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits
    * Commission de Recherche et d’Information Indépendante sur la Radioactivité -CRIIRAD-
    * Agence Internationale de l’Energie Atomique -AIEA-
    * Institut de Radioprotection et de sûreté nucléaire -IRSN-
    * Commissariat à l’Energie Atomique -CEA-
    * Etude de la Direction des applications militaires: "Les essais nucléaires à Moruroa et Fangataufa"

Timothy Mirthil, le 6 juillet 2007