CONTROVERSES NUCLEAIRES !
ESSAIS NUCLEAIRES ET SANTE

4) Conséquences des essais nucléaires aériens en Polynésie française (février 2006)
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    Le rapport de la commission d'enquête sur les conséquences des essais nucléaires aériens en Polynésie française a été adopté à l'unanimité, jeudi, par les représentants présents dans l'hémicycle. Le Tahoeraa Huiraatira (au premier plan Bruno Sandras, derrière lui, Gaston Flosse) a, en revanche, préféré quitter l'Assemblée après avoir mis en doute la crédibilité du document.

Conséquences des essais nucléaires aériens en Polynésie française: l'Assemblée adopte le rapport de la commission d'enquête
Tahitipresse:

Le rapport de la commission d'enquête sur les conséquences des essais nucléaires aériens en Polynésie française a été adopté à l'unanimité, jeudi, par les représentants présents dans l'hémicycle. Le Tahoeraa Huiraatira (parti autonomiste d'opposition) a, en revanche, préféré quitter l'Assemblée après avoir mis en doute la crédibilité du document.
    Après six mois de travail, la commission d'enquête que présidait la représentante UPLD, Unutea Hirshon, a finalement rendu public son rapport face aux représentants de l'Assemblée de Polynésie française.
    Le document de 478 pages est réparti en plusieurs volets. Le premier d'entre eux est "consacré à l'ensemble des travaux, enquêtes, analyses et conclusion de la commission". Le second s'attache à émettre des recommandations à l'intention du gouvernement de Polynésie française et des autorités de la République alors que le troisième reprend les "résultats d'analyses" effectués par la Criirad (la Commission de Recherche et d'Information Indépendante sur les Radiations à qui Unutea Hirshon avait fait appel).
    Le document accuse l'Etat d'avoir dissimulé pendant 40 ans (tout en continuant à la faire) "des preuves accablantes (...) dans la recherche de la vérité ainsi que la réparation des préjudices".

Aldébaran un "véritable accident de tir"

    Selon les analyses de la commission d'enquête, les essais "propres" dont se targuait l'armée française ont bel et bien eu des conséquences sur l'environnement et la santé des populations locales.
    Ainsi, le premier d'entre eux dans le Pacifique, "Aldébaran", le 2 juillet 1966, s'apparente selon les membres de la commission à un "véritable accident de tir".
    La Criirad estime, en effet, que, suite à cet essai, "l'exposition externe aux Gambier -ndlr: archipel proche des sites d'expérimentation- a été en réalité deux fois supérieure à la valeur publiée officiellement par la DIRCEN – ndlr: la Direction des centres d'expérimentations nucléaires-". 
Ce chiffre, selon ces scientifiques, est "1700 fois supérieur au maximum enregistré par les capteurs de la centrale nucléaire du Bugey en métropole après le passage du nuage Tchernobyl, en mai 1986".
    D'autres tirs ont également causé des retombées et le chiffre de cinq (5) essais, avancé jusqu'alors par les autorités françaises, est vraisemblablement erroné.
    Dans son exposé, Unutea Hirshon est également revenue sur le contexte historique de ces expérimentations nucléaires et notamment sur le fait que les élus locaux de l'époque, tout comme la population, étaient "désinformés et manipulés".

Recommandations à destination du gouvernement

    Face à ce constat, la commission a émis des recommandations au gouvernement de Polynésie française qui les transmettra au conseil d'orientation mis en place, pour l'occasion, afin d'assurer le suivi de celles-ci.
    La commission d'enquête préconise donc de réhabiliter et d'assainir les sites et de décontaminer les déchets et matériaux restants. Elle demande également la création d'un centre d'archives et de mémoire des essais nucléaires ainsi qu'un suivi médical pour les anciens travailleurs et les populations concernées.
    Sur le plan économique, la commission recommande d'entamer des discussions avec l'Etat sur "la création et le financement d'infrastructures qui permettraient de donner à la Polynésie les moyens d'un développement durable". Elle souhaite également que ces échanges permettront de "régler les éventuels préjudices économiques subis par des anciens travailleurs".
    Enfin, elle préconise la mise en place "d'une instance paritaire de dialogue et de concertation sur les essais nucléaires" au niveau national et la divulgation de "tous les rapports sur les retombées des essais aériens de la période 1966-1974".

Discussion générale houleuse

    La discussion générale entre les différents courants au sein de l'hémicycle a été passablement houleuse.
    Le Tahoeraa Huiraatira a vivement mis en doute la crédibilité et l'objectivité du rapport, estimant qu'il cherchait à "imputer" au parti orange "la responsabilité du déroulement des expérimentations" en Polynésie.
    Le président du Parti, Gaston Flosse, a fait valoir que la commission avait été de mauvaise fois avant de citer un passage d'un communiqué de la Criirad, datant d'octobre 2005, faisant état d'une "situation radiologique très satisfaisante" pour les îles de Mangareva, Tureia et Hao, proches des sites d'expérimentation. 
Cette donnée a, selon lui, été "noyée" dans le rapport car elle était "contraire" aux "objectifs politiques d'affolement des populations" de la majorité qui, selon lui, cherchait par ce biais à "satisfaire sa haine contre" la France.
    Après son allocution et concluant que son parti ne voterait pas en faveur du texte, le sénateur de Polynésie, contestant le temps de parole dévolu aux non-inscrits, a quitté l'hémicycle accompagné du reste de sa formation.

Moment "historique" pour le gouvernement

    Les membres du gouvernement se sont quant à eux félicités de ce moment "historique" à l'image du ministre des Petites et moyennes entreprises, Hiro Tefaarere, "ému".
    "Pour le Maohi qui a souffert dans sa chair c'est un grand bond (...) Notre dignité et notre liberté ne doivent plus être bradées", a-t-il déclaré avant d'ajouter: "Est-ce que nous serons capable, nous Maohi victimes des essais, de pardonner. J'en suis convaincu".
    Le ministre de la Culture, Tauhiti Nena a, quant à lui, été plus bref mais aussi plus cinglant: "J'ai toujours été convaincu des méfaits du nucléaire. Il est logique que l'Etat paye".
    Les non-inscrits, de leur côté, se sont placés dans une optique plus consensuelle.
    "Peut-on condamner l'Etat et le général de Gaulle? Je dis non", a ainsi expliqué Jean-Christophe Bouissou. "Ce n'est pas la première fois que la Polynésie française aura contribué à la liberté et à la sécurité de notre patrie", a-t-il, en outre, souligné avant d'estimer qu'il était "normal que ceux qui ont contribué" aux essais "soient reconnus, honorés et indemnisés".
    Au final, les membres de l'UPLD et les non-inscrits, à l'unanimité, se sont prononcés favorablement sur le rapport.