Une étude réalisée
par des épidémiologistes du cancer sur le cancer de la thyroïde
en Polynésie française montre que les anomalies chromosomiques
sont trois fois plus importantes chez les patients Polynésiens que
dans un groupe de contrôle de patients Européens.
Les chercheurs, rattachés à
trois laboratoires français spécialisés dont l'INSERM
et l'institut Gustave Roussy de Villejuif, ont publié leur étude
dans l'European Journal of Nuclear Medicine and Molecular lmaging de février
2005 (1). Après avoir examiné les dysfonctionnements de l'ADN
de patients polynésiens atteints de cancer de la thyroïde,
les scientifiques laissent entendre que les retombées des 41 essais
nucléaires atmosphériques qui ont été effectués
au dessus des atolls de Moruroa et de Fangataufa entre 1966 et 1974 auraient
affecté la population polynésienne.
L'importance du cancer de la thyroïde en Polynésie française était déjà bien connue, mais le ministère de la défense français avait toujours affirmé que les causes étaient à trouver dans une prédisposition génétique des populations insulaires du Pacifique. Le discours officiel était et reste encore que les essais nucléaires français étant "particulièrement propres ", ils ne peuvent avoir de conséquences sur la santé. L'étude des épidémiologistes vient de faire tomber cet argument des autorités françaises. En effet, après avoir irradié par différentes doses de Cobalt 60 des échantillons de sang, l'augmentation de la fréquence des anomalies chromosomiques était similaire dans le groupe polynésien et dans le groupe européen comme dans celui des donneurs sains. Cette dernière expérience permet aussi de calculer la dose reçue préalablement par les malades Polynésiens. Elle serait de 0.2 Gy, correspondant à 200 mSv; à comparer avec la dose annuelle maximale admissible qui est, en 2005, de 1 mSv!… |
Cette étude vient confirmer les enquêtes
préliminaires de santé menées par l'association des
Vétérans des essais nucléaires, l'association polynésienne
Moruroa e tatou et l'Observatoire des armes nucléaires qui montrent
que les personnels directement exposés sur les sites d'essais ont
développé des cancers en nombre deux fois plus important
que la population française et que certains cancers du système
sanguin sont jusqu'à 100 fois plus fréquents.
Au moment où la Polynésie clôt, avec l'élection d'Oscar Temaru à la Présidence, une période troublée, Stop Essais se réjouit du changement démocratique qui vient d'être confirmé à Papeete et adresse tous ses voeux de succès à la nouvelle équipe au pouvoir. L'importance des dossiers à traiter par le gouvernement Temaru pour engager un développement durable de la Polynésie française laissée trop longtemps aux mains de politiciens corrompus doit inciter notre soutien attentif. Les conséquences sanitaires des essais nucléaires sur les anciens travailleurs polynésiens et la population de la Polynésie font partie de ces dossiers dont nous auront à entretenir régulièrement les lecteurs de Stop Essais. Bruno Barrillot
(1) D. Violet, R. M'kacher, E. Adjadj. J. Dossou, F. de Vathaire
, C. Parmentier, Preuve d'augmentation des anomalies chromosomiques
chez les patients polynésiens atteints de cancer de la thyroïde,
European Journal of Nuclear Medicine and Molecular Imaging Vol. 32, No2,
February 2005 |