CONTROVERSES NUCLEAIRES !
SEISMES ET ENERGIE NUCLEAIRE

JAPON Fukushima Dai-Ichi (11 mars 2011)
SUIVI 2011
3 août
Au Japon, le financement des partis par les compagnies d'électricité
fait scandale
Le Monde

Article paru dans l'édition du 02.08.11
Cette connivence entrave le débat sur le nucléaire nippon, après la catastrophe de Fukushima

     Alors que la crise à la centrale nucléaire de Fukushima est loin d'être résolue et que plus de 70% des Japonais sont désormais favorables à la sortie du nucléaire, l'avenir de cette énergie peine à s'imposer dans le débat politique. Le premier ministre, Naoto Kan, s'est prononcé, le 14 juillet, en faveur de la «réalisation d'une société fonctionnant sans le nucléaire» en raison de l'impossibilité d'«assurer pleinement la sécurité». Il a proposé une loi pour le développement des énergies renouvelables.
     Mais ses propositions se heurtent à de violentes critiques, parfois même de sa propre formation, le Parti démocrate du Japon (PDJ), qui l'ont contraint à affirmer que ses déclarations sur la sortie du nucléaire n'étaient que le reflet d'une «réflexion personnelle».
     Sa popularité en berne explique en partie sa difficulté à imposer un débat sur le sujet. Mais une autre explication tient à la proximité financière très forte entre les compagnies d'électricité et le monde politique. Une connivence parfois à la limite de la légalité, dont la mise en évidence a fait réagir, le 27 juillet, le secrétaire général du Parti libéral-démocrate (PLD, opposition), Nobuteru Ishihara. Il a appelé sa formation - au pouvoir presque sans interruption de 1955 à 2009 - à «dissiper les malentendus qui font penser que nous avons fait peu de cas du public et beaucoup pour les compagnies d'électricité».
     M. Ishihara réagissait aux informations révélées, le 23 juillet, par l'agence de presse Kyodo selon lesquelles 72,5% des 64,85 millions de yens (587.000 €) de dons accordés au PLD par des particuliers émanaient, en 2009, de 141 des 153 dirigeants des neuf compagnies d'électricité propriétaires d'installations nucléaires. 

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La plus grosse part des dons (30,3%) venait de dirigeants de la plus importante, la Compagnie d'électricité de Tokyo (Tepco), opérateur de la centrale de Fukushima.

Depuis 1976
     La pratique remonterait à 1976. Elle aurait permis de compenser l'arrêt, en 1974 - déjà en raison de vives critiques sur les connivences entre monde des affaires et monde politique -, du système de dons directs des entreprises aux partis. Elle se serait vite systématisée. Les versements évoluaient entre 100.000 et 360.000 yens par donateur.
     Selon l'agence Kyodo, le PDJ n'en aurait pas bénéficié. Ce qui n'est pas le cas de certains de ses élus. Comme l'explique l'hebdomadaire Aera, des hommes politiques de tout bord profiteraient de soutiens plus ou moins discrets des compagnies d'électricité. L'une des méthodes utilisées serait le don lors des fêtes organisées, en fin d'année, par les hommes politiques pour lever des fonds. La loi imposant de se faire connaître pour un don supérieur à 200.000 yens (1.800 €), les compagnies d'électricité feraient intervenir des sous-traitants pour augmenter anonymement leur contribution.
     Des élus du PDJ auraient également reçu des enveloppes d'organisations pro-nucléaire, comme la Fédération des syndicats de travailleurs du secteur de l'électricité (Denryoku Soren), dont fait partie le syndicat maison de Tepco. La Denryoku Soren est l'une des puissantes branches de la Rengo, la grande confédération syndicale japonaise qui soutient le PDJ, dont sont issus certains élus comme le sénateur Masao Kobayashi.

Philippe Mesmer