Le Commissariat à l'énergie
atomique continue de privilégier la piste du réacteur à
neutrons rapides pour les futures générations de centrales
nucléaires, tout en assurant avoir tiré les leçons
de l'échec de Superphénix, fermé en 1997 sous la pression
de l'opinion.
Sur les six filières envisagées par les instituts de recherches nucléaires dans le monde, la France entend privilégier celles des surgénérateurs où le sodium est utilisé comme fluide caloriporteur, a indiqué jeudi devant la presse le directeur à l'énergie nucléaire du CEA Philippe Pradel. Cette option, qui était déjà celle de Superphénix, permet de produire cinquante à cent fois plus d'électricité avec la même quantité d'uranium que les réacteurs actuels. Ces réacteurs permettent aussi d'incinérer une partie de leurs propres déchets, les plus critiques, a fait valoir M. Pradel. Le choix de la filière surgénérateurs pour la quatrième génération de centrales nucléaires a été acté le 20 décembre par le Comité à l'énergie atomique, l'instance politique pilotant la politique nucléaire de la France. "Les réacteurs au sodium, c'est la solution qui semble se dégager, de façon tout à fait indépendante, à la fois au Japon et aux Etats-Unis", a relevé l'administrateur général du CEA Alain Bugat. Pourtant, Superphénix, présenté par ses promoteurs comme le prototype de la centrale électronucléaire du futur, a accumulé les déboires. Les écologistes lui reprochaient notamment l'usage du sodium - un métal qui s'enflamme au contact de l'eau et de l'air - pour évacuer la chaleur produite par le réacteur. Nombre d'incidents de fonctionnement témoignaient également de défauts dans l'ingénierie même du réacteur, faisaient-ils valoir. |
"Nous tenons compte des remarques. Si vous voulez
nous faire dire que les écologistes peuvent avoir de bonnes remarques,
c'est évident", a reconnu M. Bugat, interrogé sur la
pertinence des critiques des "Verts".
Pour M. Pradel, l'avantage de cette filière est que "sa faisabilité technique est acquise". Pour autant, le choix en faveur des surgénérateurs implique "d'énormes progrès". "Il va falloir reprendre complètement la conception de ces installations", notamment en ce qui concerne "la maîtrise des risques liés au sodium" où "des progrès importants sont à faire". Un autre "point faible de cette filière" est la difficulté à assurer la maintenance des installations une fois celles-ci en service, a-t-il reconnu. Le CEA espère pouvoir disposer d'un prototype d'un tel réacteur, d'une puissance comprise entre 250 et 600 mégawatts (contre 1.200 MW pour Superphénix) pour 2020. Ce qui implique que les options technologiques soient figées en 2012, un délai "très, très tendu", selon M. Bugat. Parce qu'elle permet de capitaliser sur les acquis de Phénix (qui doit être fermé en 2008) et de Superphénix, cette option est "la plus compatible" avec l'ambition affichée par le gouvernement de disposer d'une centrale nucléaire de quatrième génération d'ici 2040, ont fait valoir les responsables du CEA. En option de secours, le CEA continue ses études sur les surgénérateurs où un gaz est utilisé comme fluide caloriporteur. Pour valider cette filière, plus innovante, l'organisme de recherche souhaite construire un petit prototype de 50 MW, probablement à l'étranger, en partenariat avec d'autres pays européens. |