Par Laurent Sacco, Futura-Sciences
On a de bonnes raisons de penser que dans les
conditions physiques habituelles le taux de radioactivité d’un noyau
n’est pas affecté. Une équipe de chercheurs italiens affirme
pourtant avoir trouvé le moyen de multiplier par un énorme
facteur le taux de désintégration radioactive du thorium
228. Le secret : la cavitation acoustique...
C’est l’une des lois fondamentales découvertes
par les pionniers de la radioactivité. Que l’on plonge des atomes
radioactifs dans un champ magnétique, qu’on les chauffe ou qu’on
les soumette à des réactions chimiques, les taux de désintégration
radioactive de ces atomes ne sont pas modifiés.
Mais toute règle possède des
exceptions... Dans les années 1960, il est apparu que de faibles
variations du taux d’une réaction nucléaire bien particulière
étaient néanmoins possibles en fonction de la pression à
laquelle était soumis un échantillon d’atomes. Il s’agit
d’un phénomène basé sur ce que l’on appelle la capture
d'électrons K.
Initialement, la capture K avait été
prédite par Hideki Yukawa, le grand théoricien japonais à
l’origine de la théorie mésonique des forces nucléaires.
Yukawa était très au fait des questions de physique nucléaire
et en particulier de la théorie de la radioactivité bêta
proposée par Enrico Fermi.
Ordinairement, celle-ci prévoit qu’un
neutron peut se désintégrer en émettant un électron
et un antineutrino mais, d’après Yukawa, l’inverse était
possible. Du fait des lois de la mécanique quantique, et même
si l’on peut parler d’orbitale atomique pour un électron autour
d'un atome, il existe une distribution de probabilité de présence
ne s’annulant pas dans le noyau pour des électrons situés
sur la couche proche de ce dernier : la couche K dans le modèle
de l’atome de Bohr.
Un électron sur cette couche, la première
orbite de l’atome de Bohr, peut se combiner parfois avec un proton du noyau
pour donner un neutron et s’accompagner de l’émission d’un neutrino.
Cette prédiction de Yukawa, faite indépendamment pas son
collègue Sakata, a été vérifiée assez
rapidement par le futur prix Nobel de physique Luiz Walter Alvarez en 1937.
Une radioactivité multipliée par dix mille
Des années plus tard, on découvrit
que l’effet de la pression pouvait changer le taux de capture K. Ce qui
n’est pas si surprenant... En soumettant un échantillon d’atomes
à de fortes pressions, les distances entre eux diminuent et les
champs électromagnétiques qu’ils exercent les uns sur les
autres peuvent très légèrement modifier la taille
des orbitales atomiques. Il en résulte que les taux habituels de
capture K en sont eux aussi légèrement changés.
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Certains ont spéculé sur ce
phénomène de modification du taux des réactions nucléaire,
imaginant la possibilité d'une voie nouvelle menant à la
mythique fusion froide.
Le phénomène de cavitation acoustique
est connu mais la sonoluminescence associée est plutôt mal
comprise. Dans un liquide, sous l’action d’ultrasons de forte puissance,
des bulles se forment. C’est le phénomène de cavitation.
En implosant, ces bulles émettent de la lumière et il semblerait
que des températures de plusieurs milliers de degrés soient
alors atteintes. Certains pensent que du plasma serait produit par ionisation
de la matière. Une autre hypothèse, très controversée,
stipule même qu’il est possible d’obtenir ainsi la fusion froide.
Le périodique du Cern, CERN Courier,
vient d’attirer l’attention sur un article accepté récemment
dans Physics Letters A et intitulé «Piezonuclear decay of
thorium (voir les liens au bas de cet article). Le physicien italien Fabio
Cardone et ses collègues y font état d’une série d’expériences
intrigantes avec du thorium 228 en solution. Cet atome est radioactif et
selon les résultats des chercheurs italiens, sous l’effet d’un processus
de cavitation acoustique créé par des ultrasons, le taux
de désintégration du thorium 228 est multiplié par...
10.000 !
Si d’autres groupes devaient reproduire ce
phénomène et qu’il recevait une confirmation solide, ce pourrait
être une vraie petite révolution. Affaire à suivre…
http://cerncourier.com/cws/article/cern/39158
CERN Courier
Jun 8, 2009
Ultrasonic cavitation of water speeds up
thorium decay
It is a common belief that radioactive
decay rates are unchanged by external conditions, despite many examples
of small shifts (particularly involving external pressure and K-capture
decays) being well documented and understood. However, Fabio Cardone of
the Institute per lo Studio dei Materiali Nanostrutturati in Rome and colleagues
have shown a dramatic increase – by a factor of 10,000 – in the decay rate
of thorium-228 in water as a result of ultrasonic cavitation. Exactly what
the physics is and whether or not this sort of effect can be scaled up
into a technology for nuclear waste treatment remain open issues.
Further reading
F Cardone, R Mignani and A Petrucci 2009 Phys. Lett. A 373 1956.
Compiled by Steve Reucroft and John Swain, Northeastern University.
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