Les institutions officielles, outre
la constatation que le nombre de maladies cancérogènes et
malignes est en augmentation dans le sud de la Serbie, disent que, pour
l’heure, il n’y a pas lieu de paniquer. Mais le docteur Radomir Kovacevic,
chef du département pour la protection radiologique de l’Institut
de médecine du travail Dr. Dragomir Krajovic, a confirmé
que les conséquences se font déjà sentir.
« Pour prouver les conséquences directes,
il faut d’abord prouver la présence de l’uranium dans le milieu,
ce que nous avons fait, puis dans la nourriture ou l’eau, ce que nous avons
également constaté, ensuite dans l’organisme humain, où
nous ne sommes pas très avancés car les appareils coûtent
cher et nous n’avons ni suffisamment de médecins ni des programmes
appropriés », souligne le docteur Kovacevic. Le quatrième
point est de mesurer concrètement les conséquences.
«La plus dangereuse des substances cancérogènes
et toxiques»?
Il est intéressant de noter que, très
peu de temps après la fin des bombardements, la Commission Européenne
a demandé au Centre régional écologique pour l’Europe
centrale et orientale à Budapest de faire un rapport sur l’utilisation
et les effets de l’uranium appauvri, qui est décrit comme étant
supposé «être la plus dangereuse des substances cancérogènes
et toxiques».
Comme il est indiqué dans ce rapport, les
nombreuses substances libérées peuvent provoquer des avortements
et des défauts de l’embryon, alors que d’autres favorisent des maladies
mortelles des nerfs et du foie. Il y a deux ans, les Nations Unies ont
envoyé une équipe d’experts en Yougoslavie, et après
avoir fait le tour des zones contaminées, les responsables du Programme
de l’ONU pour l’environnement (UNEP) ont établi un rapport dans
lequel sont notées deux « nouveautés » quant
à la réaction de l’uranium. L’une est l’étonnante
rapidité de corrosion des pénétrateurs qui produisent
la poussière et, dans le même temps, la laissent sur la surface
de la terre. Comme l’ont constaté les experts de l’UNEP, cela crée
un danger indirect, tout d’abord par la pollution des eaux souterraines,
tandis que le deuxième danger est que, même après trois
ans, les particules d’uranium peuvent se transférer par voie aérienne
dans d’autres espaces. |
«Lors d’examens chez 29 sujets du village
de Bratoselca, on a trouvé une concentration d’uranium des centaines
de fois plus élevée dans l’organisme que la normale»,
constate le docteur Radomir Kovacevic. Chez 90% de la population examinée,
on note des changements sur le matériau génétique,
bien qu’on ne puisse avec sûreté les attribuer aux conséquences
de l’uranium.
Dès la fin de la guerre en 1999, les experts
du ministère de la Défense russe ont estimé que les
avions de l’OTAN lors des bombardements en RFY ont jeté au moins
30 tonnes d’uranium appauvri : c’est comme si un «réacteur
nucléaire avait éclaté» dans notre pays.
Dispersion des particules radioactives dans l’eau
D’après les experts militaires russes, il
serait possible que l’uranium des munitions de l’OTAN se serait dispersé
sur tous les pays balkaniques et qu’il aurait également pénétré
jusqu’aux réservoirs d’eau, ce qui porte à croire que l’on
boit toujours de l’eau polluée en Serbie. Il a été
constaté que les nuages de poussière d’uranium s’élevaient
jusqu’à une altitude de 1000 mètres, et l’on peut se demander
où s’en sont allés ces nuages...
L’uranium appauvri est un déchet des centrales
atomiques, inutile, mais radioactif en permanence. Les Américains
possèdent plusieurs dizaines de milliards de tonnes de cette matière,
avec laquel ils ne savaient que faire mais, après de nombreux tests
sur leur propre population, ils ont eu l’idée de fabriquer des bombes
avec de l’uranium appauvri. C’est ainsi que les déchets sont devenus
une grande affaire. Bientôt, ces armes ont été qualifiées
un moyen conventionnel et permis de tuer, alors qu’au début de la
dernière décennie, le Sénat américain avait
adopté une recommandation permettant que les bombes à l’uranium
appauvri puissent commencer à être utilisées dans les
« conflits de portée limitée ».
L’uranium appauvri devient sans danger après
sa décomposition qui se fait au bout de plus de quatre milliards
d’années !
«Nous n’osons pas aller jusqu’à
l’endroit où l’OTAN a bombardé un pilier de pont»,
raconte Desanka Mladenovic, âgée de 63 ans, du village de
Borovac. «J‘ai surtout peur pour les enfants et ils sont une quinzaine
à jouer aux alentours. Mais les enfants ne connaissent pas le danger.
Du reste, nous n’avons pas d’autre issue ni d’autre village». |